Le confessionnal des pénitents noirs/01

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L’Édition populaire (p. 2-5).

LE CONFESSIONNAL
des Pénitents Noirs



On conduisit Vivaldi dans les souterrains.

L’ASSASSIN.


Quelques étrangers, voyageant en Italie, s’arrêtèrent, un jour, aux environs de Naples, devant une antique église appartenant au couvent de l’ordre des Pénitents Noirs. Cet ordre, un peu semblable à celui des Trappistes, avait des règles sévères ; les moines qui en faisaient partie portaient un manteau noir sur lequel était dessinée une tête de mort.

Les étrangers pénétrèrent dans l’église. Dans la pénombre produite par les piliers du porche, marchait à pas mesurés un moine à l’aspect étrange. Sa démarche et ses manières avaient quelque chose de singulier qui provoqua l’attention des visiteurs ; il était de haute taille, il avait le teint bilieux, les traits durs et le regard extraordinairement farouche.

Les voyageurs pénétrèrent plus avant dans le saint lieu et aperçurent un religieux chargé de montrer aux touristes les objets dignes d’attirer leur attention. Sous la conduite de celui-ci, ils visitèrent les chapelles. Ils revenaient sur leurs pas, lorsqu’ils virent à nouveau l’étrange moine qui se glissait dans un confessionnal caché dans l’ombre. L’un d’eux demanda au religieux qui était cet homme.

— C’est un assassin, répondit tranquillement le religieux.

— Un assassin ! s’écria l’étranger. Et il reste en liberté ?…

— Il a trouvé ici, répondit le religieux, un asile où personne n’a le droit de l’arrêter.

— Est-ce bien possible ?

— Le cas est coutumier chez nous, dit un Italien qui accompagnait les étrangers. L’assassinat est si fréquent, parmi nous, que sans l’usage des lieux d’asile, les meurtriers tombant après leurs victimes, nos cités seraient bientôt à moitié dépeuplées… Observer le confessionnal où cet homme vient d’entrer.

Les étrangers se tournèrent vers ce confessionnal qui était divisé en trois compartiments, tendus à l’intérieur d’une étoffe noire. La partie du milieu était le siège du confesseur ; à droite et à gauche, s’ouvraient deux autres logettes, séparées de celle du milieu par une grille à travers laquelle le pénitent agenouillé pouvait confier au confesseur les crimes dont sa conscience était chargée. C’était un des plus sombres réduits qu’on pût imaginer.

— Qu’avez-vous à nous dire à propos de ce confessionnal ? demanda un des étrangers.

— Je voulais, répondit l’Italien, vous le faire remarquer. C’est là qu’il y a quelques années s’est fait une confession qui se rattache à une histoire terrible. Si vous le voulez, je vous la communiquerai : je l’ai par écrit, de la main d’un jeune étudiant de Padoue qui se trouvait à Naples, peu de temps après que la confession fût rendue publique.

— Vous nous surprenez beaucoup, interrompit un des étrangers. Je croyais que la confession était reçue par les prêtres sous le sceau du secret.

— Votre observation est juste, répondit l’Italien ; ce secret n’est jamais violé que par le commandement exprès d’une autorité supérieure et dans des circonstances qui justifient cette violation. Quand vous aurez lu ce récit, votre étonnement cessera.

Comme il achevait ces paroles, l’assassin sortit du confessionnal, traversa le chœur et les étrangers, saisis à sa vue, détournèrent les yeux, puis ils quittèrent l’église.

De retour à leur hôtel, ils y reçurent le volume promis et y lurent le dramatique récit qui va suivre.