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Le cow-boy amoureux/10

La bibliothèque libre.
Police Journal Enr (Aventures de cow-boys No. 2p. 30-32).

CHAPITRE X

LE TRIBUNAL DU PEUPLE


Le posse était arrivé.

Les cow-boys aussi.

Ils étaient tous dans le bunkhouse où allaient siéger le tribunal selon le droit du far-west.

Le juge était le maire de Squeletteville.

Six jurés venaient d’être choisis parmi les membres du posse.

Nap agissait comme avocat de la reine Victoria.

On avait eu de la misère à trouver un avocat de la défense.

Le maire dit :

— La séance est ouverte.

Ravelle se leva et dit :

— Baptiste Verchères sera le seul témoin entendu sous l’égide de sa majesté la reine.

— M. Verchères, vous êtes chef de police de Squeletteville ?

— Oui.

— Avez-vous examiné le cadavre d’Alcide Boyer ?

— Oui.

— Objecté, fit la défense.

Le juge approuva :

— Puisque le corpus delicti est brûlé et inidentifiable, il m’est impossible, Ravelle, de vous laisser aller plus loin sur ce sujet…

Nap dit :

— Très bien. Mais la loi de l’Ouest permet la condamnation à mort pour vol sur les ranches…

— Vous voulez faire une preuve de vol ?

— Oui et aussi de complot pour commettre un meurtre.

Ravelle demanda :

— Voulez-vous nous lire une lettre qui vient de vous tomber sous la main ?

— Volontiers.

— De qui est cette lettre ?

— Du mort.

Il lut :

M. Baptiste Verchères,

Cher ami :

Si vous lisez cette lettre, c’est que je serai mort.

Assassiné.

La crainte horrible me hante.

J’avais une foi entière, absolue, en un homme qui m’avait sauvé la vie, Battling Renaud.

À tel point que je tentais de briser la résistance de ma fille pour qu’elle le marie.

Hélas, comme je me suis trompé !

La vérité est atroce.

Affolante.

Crasseuse.

Renaud complotait avec une autre personne ma mort, puis la ruine de ma fille, le frémoppe et son meurtre aussi à elle.

La pauvre petite…

Pourquoi les troupeaux décimés ?

Pourquoi les assassinats ?

Dans le but de s’emparer de mon ranch.

Et aussi pourquoi ne fais-je point arrêter cet homme sur l’heure ?

Parce que je veux éviter à mon enfant l’horrible scandale qui éclabousserait ma petite.

Dites, cher ami, à Charmaine, combien je l’ai aimée…

La jeune fille ne put réprimer ses sanglots.

Baptiste se dirigea vers elle.

La prit par le bras.

L’entraîna au dehors.

Et lui dit :

— Ne rentrez pas avant que je vienne vous chercher.

Silencieusement elle se dirigea vers la maison.

Le chef revint devant le tribunal improvisé.

Nap lui demanda :

— Vous avez sur vous quelques lettres d’amour ?

— Oui.

— De qui ?

— De la femme du mort Boyer.

— Ils étaient séparés de corps, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Et à qui les lettres d’amour de madame Boyer étaient-elles adressées ? À son mari ?

— Non, non.

— À qui alors ?

— À Battling Renaud.

— Voulez-vous en lire une ?

— Certainement.

S’adressant aux jui’és le chef de police dit :

— Messieurs, je vais vous en lire une, une seule. Elle est un résumé, un summum des autres.

Il lut :

Mon beau Battling en or,

Laisse-moi d’abord te couvrir de baisers et de caresses.

Je t’adore, mon amour.

Pour que notre sentiment mutuel se fasse jour dans le confort qu’apporte la fortune, il faut que tu fasses la cour à Charmaine d’abord.

Puis item par item, voici ce que tu dois faire :

(A) Tuer mon mari de telle façon que l’on jugera cette mort accidentelle.

(B) Affoler Charmaine en détruisant au salpêtre des mille et des mille têtes d’agneaux.

(C) Profiter de son affolement pour la décourager et acheter le ranch à vil prix et à crédit.

(D) Si elle rouspète la faire disparaître au fond d’une mare dans les bas du ranch…

Je t’embrasse, mon chéri.

Mon amour…

Je t’use les lèvres de mes baisers.

Si tu peux en finir avec ce programme !

J’ai tant hâte d’être réunie à toi.

GISLAINE BOYER.

Le juge observa :

— Charmant, hein ?

Ravelle dit aux jurés :

— Le vol et le complot ainsi que l’empoisonnement des agneaux ont été prouvés. Je réclame un verdict de culpabilité contre Renaud et son lieutenant Vic Troyat.

La défense dit :

— Si je plaidais je conterais des menteries. Alors je me tais.

Le président du corps de jury déclara à son tour :

— Nous sommes prêts, monsieur le maire, à rendre notre verdict.

— Quel est-il ?

— Coupables !

Le juge statua :

— J’ordonne aux cow-boys du ranch AB*10,000 de se saisir des deux bandits et de les pendre haut et court à deux branches de l’un des chênes au dehors.

7 minutes plus tard, il y avait deux chenapans de moins au Manitoba.

Comme Charmaine regardait les cadavres se balançant au bout de leur corde, Ravelle lui dit :

— Ne regarde plus ce spectacle d’horreur…

— Mais pourquoi ?

— Parce qu’il faut oublier le passé trop triste. Je te donne mes yeux, donne-moi les tiens, que j’y lise notre avenir radieux.


FIN