Le cow-boy amoureux/9
CHAPITRE IX
BAPTISTE VERCHÈRES
Quand le chef de police de Squeletteville arriva à la maison le lendemain matin, il vit les deux amoureux étendus dans deux chaises longues sur la galerie.
Ils dormaient en se tenant la main.
Baptiste sourit.
Et murmura :
— Ils ont solutionné leur problème d’amour. Reste à trouver la solution du grave problème de crimes.
Il éveilla les amoureux.
— Charmaine, dit-il, si je me rappelle bien, ton père avait un coffre-fort…
— Oui.
— Où est-il ?
— Dans le bureau.
— Viens…
Le coffre-fort ancien reposait dans un coin du cabinet de travail du mort.
Baptiste dit :
— Ouvre-le, Charmaine.
— Hélas, c’est impossible.
— Pourquoi ?
— Parce que je ne connais pas la combinaison.
— Mais comment cela peut-il être ?
— Seuls mon père et Renaud étaient dans le secret.
Baptiste dit :
— Il faut que nous transportions ce coffre-fort ailleurs.
Nap demanda :
— Dans quel but ?
— Parce qu’il doit y avoir dedans des documents de prime importance que Renaud voudrait bien soustraire à notre examen.
— Mais Battling est sous arrêt.
Le chef eut un pâle sourire :
— Je connais trop bien la petite prison de Squeletteville et ses limitations. S’il y a quelque chose dont elle n’est pas à l’épreuve, ce sont les évasions. Ou je ne connais pas Battling ou il sera bientôt ici avec son side-kick Troyat.
— Je comprends, fit Nap. Mais ne pourrions-nous pas éventrer le coffre-fort ici même ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Parce qu’en entrant dans cette maison Renaud se dirigera tout de suite vers cette pièce où nous sommes, alors que nous n’aurons pas encore fini l’étude des documents.
— Alors, chef, où voulez-vous le transporter ?
— Dans le bunkhouse vide parce que les cow-boys du ranch bivouaquent. Nous pourrons y travailler tranquilles. Je croix que deux hommes comme nous peuvent le déménager sans trop de difficultés.
Dix minutes plus tard, le coffre-fort était dans le bunkhouse.
Baptiste s’essuya le front.
Et dit :
— Maintenant un ciseau-à-frette, une masse et un levier que nous fassions sauter la serrure.
Ravelle déclara :
— Je crois qu’une masse suffira.
Il alla en quérir une dans un coin.
Souigna.
Une fois.
Deux fois.
Trois fois.
Le coffre-fort était enfin vaincu.
La première chose que vit le chef fut une pile de billets de banques.
Il les compta.
Il y avait plus de 15,000 piastres.
Puis il sortit une longue enveloppe de parchemin sur laquelle étaient écrits ces mots :
Baptiste déchira l’enveloppe.
Sortit le papier.
Le déplia.
Et lut :
« Sain de corps et d’esprit, recommandant mon âme à la miséricorde divine, je soussigné lègue, par ce testament olographe, ma fortune entière à ma fille unique Charmaine Boyer que je nomme ma légataire universelle avec autorisation de disposer de tous mes biens à sa guise.
« Et ce 27e jour d’avril 1879, j’ai signé : « ALCIDE BOYER. »
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Baptiste s’écria :
— Mais le 27 avril 1879, c’était la semaine dernière.
Il se gratta la tête :
— Je vois une anguille sous cette roche. Pourquoi ne s’est-il passé que quelques jours entre ce testament et la mort violente du testataire ?
Il haussa les épaules :
— Enfin nous verrons bien…
Baptiste plongea de nouveau la main dans le coffre-fort.
Il en sortit un paquet ficelé, d’une couple de pouces d’épaisseur.
Soudain il tressaillit.
Il y avait de quoi.
En effet, sur le paquet étaient écrits ces mots :
« CHÈRE CHARMAINE :
« Si tu lis ces lignes, il faut, entends-tu ? que tu jettes immédiatement ce paquet au feu sans en lire le contenu. « TON PÈRE ».
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Baptiste joua alors la comédie :
— Oh, j’oubliais quelque chose de la plus haute importance, dit-il.
— Quoi donc ?
— Il n’y a personne pour monter la garde au dehors ; alors Renaud et Troyat vont avoir sur nous l’avantage de la surprise.
— Ils ne l’auront point, dit Nap. Je vais aller faire la sentinelle.
— C’est ça. L’homme au dehors et Charmaine dans sa maison. Vous ne serez pas trop de deux.
Comme ils allaient quitter le bunkhouse, le chef leur dit :
— À la moindre alerte, tirez en l’air et j’accourrai vous prêter main-forte.
Quand il fut seul, il ouvrit le paquet.
Une pile de lettres parut.
Des lettres parfumées.
Des lettres de femme.
Il en lut une :
— Ah, le salaud !
Il en lut une seconde :
— Ah, le couillon.
Il en lut une 3e :
— Ah, la salope.
La lecture de la 4e lettre lui arracha l’exclamation :
— Ah, les deux assassins !
Il mit les lettres dans sa poche et sortit une autre enveloppe du coffre-fort.
Étonnement. Surprise. Stupéfaction.
Sur l’enveloppe étaient écrits ces mots :
« Quiconque lira ceci devra transmettre cette enveloppe cachetée et scellée telle quelle, au chef de police Baptiste Verchères de Squeletteville, Manitoba.
« ALCIDE BOYER. »
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Fébrilement le chef déchira l’enveloppe.
Ce qu’il lut lui causa une telle stupéfaction qu’il s’écria :
— Ça bat 4 as !
Il entendit le coup de feu convenu.
Ses deux colts parurent dans ses mains comme par magie.
Il poussa du pied la porte du bunkhouse.
Et sortit.
Renaud et Troyat étaient à sauter en bas de leurs montures.
Ce ne fut pas sur les 2 chenapans que Baptiste tira.
Non.
Il fallait aller au plus pressé.
Leur couper toute retraite possible.
Alors, de deux balles, il abattit les 2 chevaux.
Puis il s’attaqua à Renaud.
D’une balle il lui fracassa le poignet droit.
Le pistolet de Battling quitta sa main inerte.
Et tomba sur le sol.
Un instant plus tard la même aventure arriva à Troyat.
De sa main valide, Renaud sortit un second pistolet.
Son dernier poignet fut cassé à son tour.
Même chose à l’ex-contremaître.
Baptiste ordonna :
— Approchez-vous de moi.
Les bandits hésitaient.
— Rendez-vous ou bien je vous tue comme des chiens.
Tout de suite il se reprit :
— Pas comme des chiens, mais comme les bêtes puantes que vous êtes !
Quelques minutes plus tard. Les 2 bandits sont emmenottés.
Ficelés.
Prêts à être livrés à la mort, aux vautours et autres oiseaux de proie.
Baptiste dit :
— Ravelle…
— Oui, boss…
— Allez au bivouac et ramenez-moi mon posse et vos cow-boys.
Il expliqua :
— Nous allons faire subir aux deux saligauds un procès juste et équitable selon la loi non écrite de l’Ouest.
— Entendu…
Quand il fut seul avec Charmaine le chef lui dit :
— Promets-moi, petite, de m’obéir quand je te demanderai de quitter la pièce au cours du procès.
— Mais pourquoi ?
— Pour t’éviter une très grosse peine, ma fille…