Le cow-boy renégat/00
PROLOGUE
Jean-Baptiste Verchères adressa l’enveloppe :
Il lécha la colle.
Cacheta la lettre.
Puis, comme il se levait, le cavalier du poney-express entra au poste de police.
Le poney-express légendaire !
Groupe de héros qui étaient à la fois postillons, messagers, transporteurs d’or, d’argent et de billets de la banque du Manitoba à ses succursales éparpillées sur les territoires…
Missions presque toujours dangereuses.
Périlleuses.
Souvent mortelles.
L’héroïque cavalier solitaire du poney-express était la cible des sauvages en galvaude…
Des voleurs de grands chemins.
Des cowboys-renégats.
Et des autres outlaws qui infestaient l’Ouest canadien.
J. B. regarda le cavalier du P. E.
— Tiens, tu tombes bien, Arthur, dit-il.
Arthur était vêtu d’un casque de bête puante, d’un gilet de chevreuil, de culottes de buffalo et de bottes bâtardes.
Sa jeune figure était bonne et douce.
Mais il y avait dans ses yeux des lueurs d’acier.
Lueurs dangereuses pour ses ennemis.
Il dit :
— Je tombe bien ? Que voulez-vous dire ?
— J’ai une lettre de prime importance à faire délivrer le plus vite possible au chef de la royale montée.
— À Bytown ?
— Oui.
Arthur tendit la main :
— Bien, monsieur Verchères, soyez sûr que votre missive sera à bord de la diligence Winnipeg-Toronto-Bytown lors de son prochain départ.
Il questionna :
— Comment vont les choses ici ?
— Mal.
Baptiste expliqua :
— Tu connais Israël et Dizzy Bartlett ?
— Les frères ranchers… ?
Arthur commenta :
— Je ne donnerais pas le bon Dieu sans confession à ces deux gas-là.
— Ni moi non plus.
J. B. reprit :
— Tu connais de même le voisin des Bartlett, Roger Godin ?
— Oui, Roger, c’est du vrai bon monde ça…
— C’ÉTAIT du monde…
— Vous voulez dire que…
— Roger est mort assassiné par Sam Lortie…
— Le cowboy contremaître du ranch Bartlett ?
— Oui.
— Mais qu’est-ce qui vous fait dire que Lortie est l’assassin ?
— Il s’est enfui et est disparu mystérieusement.
Arthur demanda :
— Et la fille du mort… ?
— La jolie Louisette ?
— Oui.
Elle est saine et sauve… Mais ce n’est pas tout.
— Non ? Quoi encore ?
— Après avoir assassiné Roger Godin, Sam Lortie mit le feu aux bâtiments. Tout a été détruit sauf une grange…
« C’est cette grange qu’habite actuellement Louisette… »
— Avez-vous fait enquête, chef ?
— Oui.
— Avec quel résultat ?
— Par un de ces phénomènes trop fréquents dans l’ouest, la petite rivière qui servait à désaltérer les bestiaux de Bartlett, s’assécha…
— Sans eau, bœufs, vaches et veaux mouraient dans une semaine ou deux.
— Oui.
— Alors… ?
Alors Israël Bartlett alla demander de l’eau à Godin. Mais charité bien ordonnée commence par…
Arthur interrompit :
— Roger avait lui-même à peine assez d’eau pour abreuver ses propres bêtes à cornes ; force fut donc pour lui de refuser la supplique…
— Et… ?
— Tu sais le reste ; le meurtre et l’incendie criminel.
J. B. soupira :
— Pauvre Louisette, elle a été forcée de vendre à vil prix son troupeau entier…
— Mais pourquoi ?
— Parce que les Bartlett s’étaient emparés de sa source d’eau vive.
Arthur protesta :
— Et vous n’êtes pas intervenu ?
— Non.
— Vous n’avez pas délogé les Bartlett pour tresspas ? (trépas) ?
— Non
— Pourquoi ?
— Parce que Louisette ayant refusé de signer la plainte contre les Bartlett, il m était impossible d’obtenir un mandat d’arrestation du juge de paix…
— Ainsi Louisette n’a pas voulu… ?
— Non.
— A-t-elle donné la raison de son étrange attitude.
— Non, elle a carrément refusé de desserrer les dents…
Arthur se gratta la tête, intrigué :
— Ouais…
— J’ai bien peur que du sang sorte de ce mystère…
— Mais à qui Louisette a-t-elle vendu ses bestiaux ?
— Aux 2 frères Bartlett.
— Hein ?
— Et au quart du prix du marché.
— Ça sent le meurtre à plein nez…
— Oui, « ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille… »