Le cow-boy renégat/01

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Éditions Police Journal (Aventures de cow-boys No. 5p. 4-5).

CHAPITRE I

ARTHUR


Quelques semaines s’écoulèrent.

Sans changement autre qu’une lourde tension qui n’annonçait rien de bien pour Squeletteville.

Puis un jour le cavalier Arthur du P. E. entra en piéton dans la bourgade et se laissa tomber, exténué de fatigue dans un fauteuil de Baptiste.

Celui-ci qui l’avait vu venir, demanda :

— Où est ton poney ?

— Une balle l’a abattu. Je fus jeté à bas de cheval, roulai dans la haute brousse. Je vis Sam Lortie s’approcher de ma bête, sortir de la selle la boite de fer contenant l’argent destiné à la succursale locale de la banque du Manitoba ici…

— Et… ?

— Lortie s’enfuit avec le butin. Je vidai mes deux colts sur le fuyard ; mais ma chute de cheval m’avait étourdi, et mon tir était de ce fait désastreux… Pas un seul de mes coups de feu ne porta.

— Combien y avait-il d’argent dans la boite de fer ?

— $75, 522.10

— Tu es bien certain de l’identité du voleur ?

— Aussi certain que la terre est ronde comme l’a annoncé il y a quelques siècles Galilée, prouvant que le pape n’est pas infaillible en astronomie.

J. B. réfléchit.

Puis demanda :

— Tu as bien mallé ma lettre ?

— Oui ; il y a belle lurette que le chef de la royale montée l’a reçue… Mais, M. V. Verchères, qu’allez-vous faire ?

— Attendre.

— Attendre ? Attendre quoi ?

— La réponse à ma lettre…

Arthur s’écria :

— J’en donne ma langue aux chats…

— Hein ?

— Oui, je ne comprends plus rien. D’abord Louisette refuse de faire arrêter ceux qui sont responsables de la mort de son père ; puis pire encore, elle vend à vil prix tout son troupeau à ses ennemis irrévocables. Et, vous, J. B., si actif, si crâne, si vif à prendre une décision et à agir, vous vous envoyez en arrière de votre chaise, vous croisez les mains en arrière de la tête et dites avec le calme le plus louche : « J’attends. »

Le chef de police de Squeletteville sourit.

Mystérieusement.

Et dit :

— Tu es jeune, mon Arthur, tu finiras bien par savoir que tout vient à point à qui sait attendre…