Le divorce
LE DIVORCE
AOUT 1792
J’aurons l’divorce ma commère,
En dépit de nos calotins ;
Avec leux quatre mots latins
Du mariage, ils font eunn galère,
Et l’sacrement nous plonge encore
Au fond d’l’enfer après la mort.
Jeune brebis douce et gentille
Tombe à vieux vilain loup garou,
On met du dur avec du mou
Pour l’intérêt de la famille ;
La jeune fille n’en veut pas
Mais papa veut ; faut sauter l’pas.
C’te pauvre enfant qu’on tyrannise
Obéit et n’ose broncher,
Comme l’agneau va cheux l’boucher,
Telle elle va triste à l’église,
Sa bouche y dit, oui, son cœur, non,
V’là qu’est baclé ; l’mariage est bon.
N’y a pu moyen de s’en dédire,
Par l’indissolubricité,
Du bon Dieu c’est la volonté
Qu’all souffre un éternel martyre.
V’la comme vous raisonne un cagot
Qui d’son Dieu fait un ostrogot.
Faut d’la vertu, pu gros qu’un ange
Pour que l’matin n’soit pas cocu ;
Bientôt la tête emporte l’cul,
Faut bien gratter où ça démange ;
Un galant gratte, et par un sort,
V’la qu’ça démange encore plus fort.
Pour la vertu faut zêtre libre,
L’choix qu’on fait soy même est l’seul bon,
L’mariage est comme le canon
Faut qu’son boulet soit de qualibre ;
Sinon il rate ou porte à faux
Et c’est j’ter sa poudre aux moignaux.
Avec l’divorce mon chien d’homme
N’me fra pu tant son embarras ;
Il n’vendra plus jusqu’à nos draps
Pour payer ses d’misquiés d’rogôme,
Il saura que j’peu l’planter là
Et ça seul le corrigera.
Et l’mien donc, qui porte à sa gueuse
C’que j’gagne, et jusqu’à mes juppons,
J’en fray justice, j’len réponds,
Tu verras c’te belle engueuleuse,
Drès que l’divorce sera v’nu,
Les yeux pochés et l’cul tout nu.