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Le dix août/La Patrie en danger

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Hachette (p. 20-42).

CHAPITRE II
LA PATRIE EN DANGER


Personne ne considéra le renvoi des ministres et le veto sur les décrets de défense nationale comme de simples incidents de politique intérieure.

L’Assemblée vota, à une grande majorité, que les ministres renvoyés emportaient les regrets de la nation. Le soir même, Robespierre se rendit aux Jacobins pour se réconcilier avec les Girondins, à la condition cependant qu’ils n’essaieraient pas de transformer la Législative en Constituante pour réformer la Constitution. Il trouvait déjà que la Législative était trop divisée et trop timide pour faire œuvre utile et il songeait, comme après Varennes, à un appel aux électeurs pour sauver le pays à la fois de la trahison royale et de l’impuissance parlementaire.

Fiévreusement, les Brissotins combinèrent leurs mesures pour forcer le roi à reprendre leurs amis, les ministres disgraciés. Leur presse haussait le ton de ses attaques contre une Cour perfide, siège du Comité autrichien. Gorsas, dans son Courrier, proclamait que « Louis de Varennes » avait levé le masque, que cet homme « deux fois parjure » voulait absolument la Contre-Révolution. Les Révolutions de Paris tonnèrent contre Louis le Faux et le Tartuffe couronné. Une telle campagne devait affoler tous ceux qui avaient gagné quelque chose à la Révolution et qui craignaient de le perdre si l’ennemi triomphait.

L’Assemblée, sous l’éperon des Girondins, ordonna la formation d’une Commission extraordinaire des Douze qui allait mener une dure vie aux nouveaux ministres, chaque jour sommés de paraîre à la barre pour rendre compte de leurs opérations.

Par Petion, compatriote et ami de Brissot, ils tenaient la mairie de la capitale. Par le brasseur Santerre, très populaire au faubourg Saint-Antoine, par d’obscurs agitateurs stipendiés comme Gonchon et Fourcade, ils croyaient avoir dans leur main les artisans et ouvriers des quartiers de l’Est. Le 20 juin, jour anniversaire de la journée du Jeu de Paume et de la fuite à Varennes, sous prétexte d’aller planter un arbre de la Liberté aux Tuileries, les faubourgs s’ébranlèrent en armes, envahirent le Manège, puis le Château privé de sa garde constitutionnelle, pénétrèrent avec violence dans les appartements du roi, lui réclamèrent avec menaces et injures la levée du veto et le rappel des ministres patriotes. Mais le roi, par son courage tranquille et sa grosse bonhomie, résista à tous les assauts. Il refusa de revenir sur son veto, coiffa le bonnet rouge et but à la Nation. L’événement tournait à la confusion de ses auteurs. L’intimidation avait fait long feu.

Les juges de paix, appelés à la requête de Louis XVI, s’installèrent au Château, commencèrent une enquête sur les violences commises et lancèrent des mandats d’arrêt. Le département suspendit le maire Petion et le procureur de la commune Manuel pour leur conduite suspecte dans leurs fonctions. Les administrations départementales fayettistes, encore nombreuses, protestèrent contre l’odieux attentat dont avait failli être victime « le représentant héréditaire de la Nation ». Le département de la Somme offrit de protéger le roi au moyen de ses gardes nationales qu’il alerta. Une pétition royaliste, déposée chez les notaires de Paris, se couvrit de 20 000 signatures. Lafayette lui-même ne manqua pas de saisir l’occasion pour essayer d’imposer au roi ses services et de tirer vengeance de ses adversaires jacobins. Le 28 juin, il se présenta inopinément à la barre de l’Assemblée, demanda la punition des auteurs du 20 juin et conclut à la prompte fermeture des clubs. Sa popularité était encore telle que, malgré les efforts des Girondins, il fut acclamé par la majorité. Une motion de Guadet, qui tendait à interroger le ministre de la Guerre sur le congé qu’il avait dû accorder au général pour lui permettre de quitter son armée, fut repoussée par 339 voix contre 234. Lafayette était bien résolu à ne pas quitter Paris avant d’avoir réalisé son coup d’Etat. Il avait passé une partie de la nuit, du 27 au 28, chez Lally-Tollendal. Il y réunit ses principaux partisans : La Rochefoucauld, président du Département, les députés Théodore Lameth et Jaucourt, l’ex-constituant Moreau de Saint-Merry, etc. Il leur proposa d’appeler tous les propriétaires parisiens à se réunir sur la place publique autour d’un étendard portant ces mots : « Point de Jacobins ! point de Coblentz ! » Il devait ensuite entraîner cette foule sur le club des Jacobins, saisir leurs papiers, arrêter leurs chefs et raser leur local. Mais les membres du Département et les députés repoussèrent son plan. Il en changea. Il projeta de convoquer pour le lendemain, à la pointe du jour, la première division de la garde nationale commandée par son ami Acloque, le rival de Santerre. Le roi la passerait en revue, Lafayette la haranguerait et l’entraînerait ensuite contre les Jacobins. Mais, d’après Toulongeon, qui fut dans la confidence, Marie-Antoinette, « qui ne craignait pas moins les services de Lafayette que les offenses des Jacobins et qui espérait être délivrée des uns et des autres par les armées étrangères », fit informer sous main le maire Petion qui interdit la revue. Tenace, Lafayette invita ses partisans à se réunir le soir du 29 aux Champs-Élysées. À peine 100 hommes s’y trouvèrent. « On s’ajourna au lendemain pour marcher sur le lieu des séances des Jacobins, si l’on était 300. On ne s’y trouva pas 30. Ces mesures, conclut Toulongeon, ne servirent qu’à empêcher l’arrestation de Lafayette. Il vit le roi qui le remercia froidement de sa démarche, ne profita pas de ses offres de service et le laissa partir. »

Le pronunciamiento avorté du général n’avait eu pour résultat que d’avertir tous ceux qui voulaient se défendre contre l’invasion mais qui refusaient de se soumettre au pouvoir militaire. Son insuccès avait montré encore que le zèle fayettiste des bourgeois parisiens était tout en paroles. Les sections révolutionnaires de Paris, dans une pluie d’adresses à l’Assemblée, reprirent à leur compte les vigoureuses attaques de Robespierre contre le nouveau Monk et demandérent le licenciement de l’état-major de la garde nationale parisienne, « cette féodalité moderne », ce « corps de réserve aristocratique ».

Carra calculait dans son journal que les administrations départementales qui avaient protesté contre le 20 juin étaient au nombre de 33 sur 83. Si on songe que les administrations départementales qui avaient pris des arrêtés, d’ailleurs illégaux, pour interner les prêtres réfractaires étaient au nombre de 47, on aura ainsi à peu de chose près la carte politique du pays légal à ce moment décisif.

Les royalistes purs, qui ne voulaient pas plus de Lafayette que des Jacobins, s’agitaient sourdement. Le marquis de La Rouërie jetait les bases dans l’Ouest d’une grande association secrète destinée à encadrer pour un soulèvement les principaux hobereaux qui n’avaient pas émigré. Dans le Dauphiné et la Provence, un noble de La Mure du nom de Monnier de la Quarrée enrôlait les anciens nobles et magistrats, les abbés, les officiers de l’armée pour un coup de main qu’il dut ajourner quand fut découvert dans l’Ardèche le complot du colonel De Saillans. Celui-ci à la tête de plusieurs milliers d’hommes, prit les armes au début du mois de juillet, s’empara du château de Banne où il finit par être cerné par les forces appelées du Gard et de l’Ardèche. Les papiers saisis après sa mort prouvèrent qu’il était un agent des princes et qu’il avait eu de nombreux complices dans la région.

Dans les Côtes-du-Nord, les paysans s’étaient attrou- pés en juin et en juillet pour s’opposer au départ de leurs prêtres internés au chef-lieu du département. Dans le Finistère, des attroupements du même genre donnaient lieu à des petites insurrections, les 8 et 9 juillet. Dans la Loire-Inférieure, on était obligé de réprimer une petite révolte à Saint-Joachim-la-Trêve le 2 juin. Les prêtres réfractaires se cachaient et il devenait impossible de recouvrer les impôts. Dans le Morbihan, l’administration départementale était si alarmée par la fermentation qu’elle sentait couver, qu’elle interdit la circulation de 13 journaux aristocrates parmi lesquels L’Indicateur d’Adrien Duport. Les Jacobins s’attendaient à un soulèvement général dès que les rois ennemis remporteraient des avantages sur les frontières.

Plus le péril pressait, plus le parti intermédiaire, le parti feuillant, s’effaçait. Capituler ou se défendre, il n’y avait pas de milieu. Barnave, qui était retourné dans son Dauphiné depuis plusieurs mois, voyait les choses d’un tout autre œil que ses anciens amis, les Lameth et Adrien Duport, restés à Paris. Il regrettait la chute du ministère girondin qui seul eût été capable, à son sens, d’éviter les solutions extrêmes. Il souhaitait la sanction du décret sur les prêtres qui tenait à la tranquillité publique et la sanction du décret sur la suppression des droits casuels afin de calmer les paysans. Il répétait qu’une fois retournés dans l’opposition, les Jacobins seraient invincibles, car ils avaient avec eux les patriotes sincères, il blâmait « l’esprit de vertige qui semblait diriger la plupart de ceux qui voulaient la Constitution ».

Au vrai, le parti constitutionnel n’avait aucun programme d’action. Devant le danger il se croisait les bras en répétant : la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution, formule menteuse dans la bouche de beaucoup de ses chefs qui ne pensaient, comme Adrien Duport et Lafayette, qu’a déchirer cette Constitution, objet de leur soi-disant idolâtrie. Un programme purement négatif dans un moment de danger extrême ne pouvait pleinement satisfaire personne. Les bourgeois, qui composaient le parti, étaient paralysés par la crainte des vengeances des émigrés. Ceux-ci ne leur cachaient pas qu’ils les traiteraient sans ménagement quand ils rentreraient. Les plus intelligents, en dépit de leurs préventions contre les Jacobins, se rendaient compte que si ceux-ci disparaissaient, la Révolution, même la Révolution libérale de 1789, perdrait ses soutiens les plus indispensables, que rien désormais ne s’opposerait plus à la Restauration et ils tremblaient à cette pensée. Parce qu’ils avaient besoin de se rassurer à l’ombre d’une épée tutélaire, ils se rassemblaient toujours sous celle de Lafayette, mais ils manquaient désormais d’ardeur et même de conviction. Et la réflexion de Robespierre que Lafayette, en exigeant la fermeture des Jacobins, exécutait le programme du défunt empereur Léopold, ne pouvait pas ne pas les faire réfléchir. Mais leurs réflexions diverses les condamnaient à l’inaction. L’ancien secrétaire de Mirabeau passé au service de Mercy-Argenteau, Pellenc, envoyait à son patron des messages pessimistes qui font honneur à sa clairvoyance. Comme Barnave, il jugeait que le renversement du ministère girondin avait été une faute et il ne cessait de signaler le défaut d’entente, le décousu, l’incohérence des efforts des Feuillants, qu’il déclarait n’être pas même un parti, mais une cohue d’éléments divers et opposés.

Lafayette était à peine retourné dans son armée qu’on apprenait la retraite de Luckner. Après un semblant d’offensive dans les Pays-Bas, au cours duquel il s’était emparé facilement de Menin et de Courtrai, au lieu de marcher sur Bruxelles qui n’était pas défendu, le vieux maréchal s’était arrêté tout à coup et, sous prétexte que les Belges ne s’empressaient pas de se soulever à la vue des trois couleurs, il avait battu en retraite sur Lille pendant que son lieutenant Jarry livrait aux flammes les faubourgs de Courtrai. La retraite inexplicable du reitre allemand parut aux Jacobins le résultat d’une entente avec Lafayette et d’un ordre secret du roi qui continuait ses trahisons. Ils réclamèrent une enquête et la punition du général Jarry.

Le cercle de l’invasion se resserrait. Le 29 juin, le nouveau ministre des Affaires étrangères Scipion Chambonas annonçait que le comte de Goltz, ministre du roi de Prusse à Paris, était parti sans prendre congé. Louis XVI attendit encore une semaine avant d’annoncer officiellement à l’Assemblée la prochaine entrée en campagne de l’armée prussienne. Des rires insultants et amers sur les bancs de la gauche accueillirent la lettre royale si tardive. Le roi de Prusse accompagné de 50  000 hommes venait d’arriver à Coblentz.

Il était plus que temps de parer au danger imminent. Puisque, d’un accord presque universel, le danger provenait essentiellement de Louis XVI, on aurait pu s’attendre que le remède fût cherché dans la réforme du pouvoir exécutif. Mais, si grande encore était dans le peuple tout entier la superstition monarchique que bien peu de Français songèrent franchement et ouvertement à la solution républicaine qui effrayait. Il semble qu’on était devenu prudent depuis le massacre du Champ de Mars. L’idée républicaine était née simultanément au club fayettiste de 1789 d’une part et au club démocratique des Cordeliers d’autre part. Des « 89 », comme le duc du Châtelet, le marquis de Condorcet, l’économiste Dupont de Nemours, le journaliste Brissot avaient demandé la République après Varennes, avec l’arrière-pensée de mettre à sa tête « le héros des Deux Mondes ». Mais celui-ci s’était dérobé. Il avait eu besoin de la protection des Lameth pour faire face aux attaques des démocrates qui l’accusaient de complicité dans la fuite du roi. Ne pouvant être Washington, il se rallia à la monarchie, et le parti républicain aristocrate qui s’était formé derrière lui disparut subitement. Les républicains démocrates, qui avaient protesté, autour de l’avocat Robert et du publiciste Nicolas de Bonneville, contre la réintégration de Louis XVI, disparurent à leur tour dans la répression dite du Massacre du Champ de Mars.

Robespierre, qui s’était défié de la République de Brissot et de Lafayette et qui professait d’ailleurs que les formes politiques sont assez indifférentes pourvu que la Constitution garantisse les libertés fondamentales et que la question sociale passe au premier plan, Robespierre n’avait cessé, depuis le début de la Législative, de répéter avec insistance que la Constitution de 1791 suffisait à résoudre tous les problèmes, même celui du veto. Il reprochait aux Girondins de n’avoir pas su utiliser toutes les ressources de cette Constitution. Il faisait allusion aux clauses qui concernent l’obligation du contreseing des ministres, leur mise en accusation devant la Haute Cour, l’abdication du roi enfin, au cas où il n’opposerait pas à l’ennemi des forces suffisantes. C’est seulement le 11 juillet, dans son discours prononcé aux Jacobins le jour même de la proclamation de la Patrie en danger, et le même jour une adresse aux Fédérés, que Robespierre conseilla nettement de prononcer la déchéance du roi et de convoquer une Convention pour réformer la Constitution devenue caduque. Dans sa brûlante adresse aux Fédérés, il leur disait de refuser de prêter serment au roi dans la cérémonie de la Fédération toute proche : « De méprisables idoles viendront-elles encore se placer entre vous et la liberté pour usurper le culte qui lui est dü… Ne prêtons serment qu’à la Patrie et à nous-mêmes entre les mains du roi immortel de la Nature qui nous fit pour la liberté et qui punit les oppresseurs. » La provocation était si flagrante que le ministre de la Justice commença immédiatement des poursuites contre Robespierre. Il avait franchi le Rubicon, sans doute parce qu’il voulait couper court aux négociations secrètes alors entamées in extremis entre les Girondins et la Cour, mais aussi parce que la proclamation du danger de la Patrie lui parut ouvrir la crise décisive qu’il se réservait d’exploiter à fond. Peut-être n’est-il pas interdit de supposer qu’il fut entraîné à aller de l’avant par deux célèbres adresses que Marseille, dont il était le mandataire à Paris depuis la Constituante, fit parvenir coup sur coup à l’Assemblée. La première, lue à la séance du 19 juin, commençait par une phrase qui fut fort applaudie à gauche : « Le jour de la colère du peuple est arrivé… » La seconde, lue à la séance du 12 juillet, abordait franchement le problème de la royauté elle-même. Elle montrait que la royauté héréditaire était violemment contraire à la Déclaration des Droits de l’homme et que par conséquent elle devait être abolie pour faire place à la République. Mais cette adresse, qui provoqua un vif tumulte, était à cette date presque unique en son genre. La plupart des Français n’osaient regarder le problème en face, et beaucoup qui se jugeaient hardis se bornaient à des solutions mitoyennes qui conservaient la royauté tout au moins en principe.

Un publiciste assez suspect, Carra, rédacteur d’un journal très lu, les Annales patriotiques, conseillait depuis Varennes de changer la dynastie et de prendre le nouveau roi dans la maison d’Angleterre. Le duc d’York, second fils de George III, lui semblait un excellent candidat, car il était le gendre de Frédéric-Guillaume de Prusse et le neveu de la princesse d’Orange. La France deviendrait ainsi l’alliée de l’Angleterre, de la Prusse et de la Hollande. Elle démembrerait avec ses alliés l’immense empire espagnol. Carra exposa son plan aux Jacobins, le 4 janvier 1792, mais fut mal accueilli.

Îl est vraisemblable que Carra n’était pas seul à songer à un prince étranger pour remplacer Louis XVI. L’abbé Danjou, très mêlé au mouvement des sociétés fraternelles, proposa aux Jacobins, le 3 mai 1792, après les premiers revers, d’appeler au trône un prince anglais. C’est ce qu’il appela « recourir à un émétique ». Sa motion heurta le patriotisme du club et, deux jours plus tard, Robespierre cloua au pilon le malheureux abbé, qu’il représenta comme un intrigant qui cherchait, par sa motion insidieuse, à discréditer les Amis de la Constitution. Danjou fut censuré, Il appartenait comme Carra au parti grondin et le bruit courut qu’ils n’avaient fait tous les deux qu’exposer tout haut la pensée secrète de leur parti. Des lignes équivoques de Condorcet, des propos imprudents de Brissot donnaient de la vraisemblance à ce bruit, et on sait que Robespierre dénoncera Brissot à la Commune révolutionnaire du 10 août comme un des chefs du complot anglo-prussien.

Le duc d’Orléans, qui avait donné tant de gages à la Révolution et qui, aux termes de la Constitution, devait être régent si Louis XVI était déposé, gardait des partisans, comme le marquis de Sillery, qui prit sa défense aux Jacobins, le 4 juin. Il avait manqué le trône après Varennes parce que les Feuillants s’étaient prononcés contre lui, le trouvant trop engagé avec les démocrates cordeliers, mais il n’avait pas renoncé à ses droits. Il se rappela justement à l’attention publique par une lettre où il dénonçait à l’Assemblée le refus du maréchal Luckner de l’admettre dans son armée à titre de volontaire et le refus du roi de l’employer dans la marine avec son grade d’amiral. Si on songe que c’était par ordre de Louis XVI que le maréchal Luckner avait écarté le duc de son armée où il avait servi un moment avec ses enfants, on peut penser que Louis XVI prenait au sérieux le prétendant orléaniste. Mais celui-ci était tellement discrédité dans les cercles populaires eux-mêmes que ses chances de prendre la régence paraissaient bien minimes. Après le 10 août, il parviendra à se faire nommer député à la Convention par la ville de Paris, le dernier de la liste, avec l’appui des Dantonistes, mais contre l’avis de Robespierre qui avait déjà mis en garde les Jacobins, le 4 juin, contre le discours apologétique de Sillery.

Les patriotes étaient tous d’accord sur la nécessité de supprimer le veto. La plupart ne croyaient la chose possible qu’en suspendant le roi pendant la durée de la guerre. Ceux qui répugnaient à confier la régence au duc d’Orléans découvrirent dans la Constitution une autre solution qui leur convenait davantage. Faute de princes ayant prêté le serment civique, la régence, aux termes de la Constitution, devenait élective et était décernée

par un collège électoral spécial composé d’un électeur

par district. Cette régence élective ressemblait fort à la République, mais elle sauvegardait théoriquement la royauté. C’est pourquoi elle plut à un grand nombre de patriotes et particulièrement aux fédérés brestois.

Des patriotes plus impatients ou plus pénétrés des nécessités de la défense nationale empruntaient à l’antiquité grecque l’idée de remplacer le roi par un ou plusieurs dictateurs nommés pour la durée de la guerre. Dans un grand discours prononcé au moment même où l’Assemblée nationale discutait le danger de la patrie, le 5 juillet 1792, l’évêque constitutionnel Torné, après avoir dénoncé les trahisons du roi et montré que la Constitution ne fournissait aucune solution satisfaisante, poursuivit en ces termes : « Apprenons de l’antiquité à sauver les États dans les périls extrêmes par des mesures extrêmes qui s’écartaient temporairement de la Constitution pour la mieux sauver. Apprenons des anciens à créer des magistrats extraordinaires pour le temps seulement du danger de la chose publique : magistrats hors de la Constitution qui recevaient leur latitude de pouvoir et d’autorité aussi extraordinaire que les circonstances. La France eut ses connétables, Lacédémone ses éphores, Corinthe ses stratèges, Syracuse ses mégaclès, l’Angleterre son Protecteur, Rome ses dictateurs. » La droite furieuse interrompit l’évêque, le traita de parjure, de démagogue en délire, mais nul doute que cette colère même ne témoignât d’une crainte réelle.

Marat aurait souscrit à l’idée de la dictature s’il avait dû en profiter. Mais, pour l’instant, il est découragé, il ne croit plus l’insurrection possible, il se plaint de « la noire ingratitude du peuple, du lâche abandon des


JÉRÔME PËTION, DIT DE VILLENEUVE (1753-1794)


Né en 1753, à Chartres, mort à St-Emilion en 1794, il fut élu maire de Paris le 14 Novembre 1791. Suspendu quelque temps de ses fonctions pour n’avoir pas empêché l’insurrection du 20 Juin 1792, puis rétabli, il n’empêcha pas davantage celle du 10 Août. Englobé dans la proscription des Girondins, il se suicida alors qu’il allait être découvert dans les grottes où il s’était caché. (Bibl. Nat. Photo Hachette).

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patriotes ». Si on en croyait Barbaroux, il aurait songé à quitter Paris pour aller se réfugier à Marseille. Sa solution à lui n’est plus à ce moment la dictature, mais une solution de guerre. Il conseille, le 18 juillet, de s’emparer du roi et de sa famille et de les garder en otages, en menaçant de les égorger si l’ennemi envahissait la France.

Cependant l’idée lancée par Torné trouva de l’écho. Elle était dans l’air. Déjà Anacharsis Cloots avait pro- posé, dans les Annales patriotiques du 18 juin, d’élire « le vénérable Roland » régent du royaume. « Quant à Louis XVI, disait Cloots, on lui assignerait une pension et une maison de retraite où il serait tenu de rester six mois. » Le Journal général de l’Europe conseilla, le 24 juillet, de nommer « dictateurs pour la durée de la guerre : Roland, Servan et Petion, en les imvestissant de tous les pouvoirs que donne la Constitution au pouvoir exécutif, Ces Messieurs nommeront les ministres, lesquels réunis à eux formeront le conseil suprême et pourront admettre au ministère les membres de l’Assemblée Constituante aussi bien que les députés actuels ». La Législative s’ajournerait jusqu’à la paix et les dictateurs, en lui communiquant la paix, lui rendraient compte de leur conduite.

Cet article ne passa pas inaperçu. Il fut tiré en brochure et affiché sous le titre : Aperçu d’une grande mesure pour sauver la France. Le grand journal démocratique, Les Révolutions de Paris, le réfuta en exprimant l’espoir que Roland, Petion et Servan refuseraient la dictature. Il s’opposa à l’ajournement de l’Assemblée qui comblerait les vœux du roi. Mais le vaniteux Petion, grisé par les démonstrations de popularité que lui avait values sa suspension, avait été agréablement chatouillé par l’idée qu’il avait l’étoffe d’un dictateur. Sous la Convention, quand il polémiquera avec Robespierre, il se fera un titre d’honneur d’avoir refusé cette magistrature romaine : « Jamais homme, lui jeta-t-il, vous pouvez m’en croire, n’a été plus à portée de souiller sa vie par une ambition criminelle et insensée ! »

La diversité des solutions proposées pour mettre fin à la crise, en même temps qu’elle manifeste le désarroi de l’opinion, nous fait mieux comprendre la politique girondine. Celle-ci n’a, en aucune façon, soif de clarté. Elle ne fera rien pour dégager une solution nette qu’elle veuille avouer et recommander. Ses journaux, ses orateurs attaquent Louis XVI, le montrent sans cesse comme l’obstacle capital à la défense du pays, l’accusent ouvertement de préparer la victoire de l’ennemi, mais ils s’en tiennent là. Quand il s’agit d’examiner par qui et par quoi le roi parjure sera remplacé, ils restent silencieux ou ne font que des réponses vagues et contradictoires. C’est qu’au fond ils ne tiennent pas à détrôner Louis XVI, ils n’ont pas perdu l’espoir de le forcer à reprendre les ministres qui ont leur confiance et ils croient y parvenir en intimidant le monarque, en augmentant les difficultés sous les pas de ses nouveaux ministres et en démembrant ou en paralysant ce qui lui reste de pouvoir. Ils essaient de se servir, à cet effet, de la Commission extraordinaire des Douze qu’ils ont fait instituer le jour même du renvoi de Roland pour veiller au salut de la patrie.

Le 30 juin, un homme du juste milieu, Pastoret, fait un rapport, au nom de la Commission, sur l’état de la France. Il promet que la Haute Cour, instituée pour punir les conspirateurs et qui n’en juge aucun, va sortir enfin de son inaction. Il invite le roi à éloigner de sa Cour les ennemis de la Constitution, mais il flétrit en même temps les excès du 20 juin. Il flétrit de même les maux causés par le fanatisme et il justifie l’existence des clubs, tout en ajoutant que ceux-ci doivent se renfermer dans leurs attributions et ne pas empiéter sur les autorités constituées. Thuriot s’impatiente de ce discours si balancé qui ne conclut à aucune mesure pratique et Isnard le qualifie un peu après de « dose d’opium donnée à un agonisant ».

Mais un autre rapporteur de la Commission des Douze, le girondin Jean Debry, succéda à Pastoret et proposa, lui, une série de mesures pratiques ingénieusement calculées pour frapper les imaginations des foules et pour paralyser le pouvoir exécutif. Elles se résumaient dans la procédure de la proclamation de la Patrie en danger. Dés que l’Assemblée aurait décidé cette proclamation par un vote qui échapperait à la sanction royale, toutes les administrations, les départements, les districts, les municipalités se mettraient en état de surveillance permanente, les gardes nationales se tiendraient prêtes à marcher, le corps législatif fixerait le contingent de chaque département et, dans les trois jours, les gardes nationaux désignés pour former ce contingent se formeraient en compagnies et en bataillons, les individus trouvés en possession de signes de rébellion seront punis de mort, les ministres enfin seront responsables non plus seulement des affaires de leur département, mais collectivement de tout ce que le Conseil aura délibéré. Toutes ces mesures furent adoptées le 5 juillet.

L’état-major girondin donnait comme un seul homme contre le château. Empruntant le thème d’un de ses plus beaux discours à une pétition des Jacobins de Blois, Vergniaud se demandait, le 3 juillet, si le roi ne s’était pas mis dans le cas de l’article de la Constitution qui prononçait son abdication au cas où il ne s’opposerait pas par un acte formel aux entreprises faites en son nom contre la Nation. « C’est au nom du roi, disait-il, que les princes français ont tenté de soulever contre la Nation toutes les Cours de l’Europe ; c’est pour venger la dignité du roi que s’est conclu le traité de Pillnitz et formé l’alliance monstrueuse entre les Cours de Vienne et de Berlin ; c’est pour défendre le roi qu’on a vu accourir en Allemagne sous les drapeaux de la rébellion les anciennes compagnies des gardes du corps, c’est pour venir au secours du roi que les émigrés sollicitent et obtiennent de l’emploi dans les armées autrichiennes et s’apprêtent à déchirer le sein de leur patrie… » Le réquisitoire était si formidable qu’on crut que Vergniaud allait conclure à la déchéance immédiate. Mais le grand orateur déçut, à cet égard, l’attente de Mme Roland qui lui en garda rancune. Après avoir brandi la foudre, il tourna court et proposa simplement une adresse au roi où il exprimait l’espoir que les suppositions terribles qu’il venait de faire resteraient de simples hypothèses que le roi dissiperait.

L’émotion produite par le discours de Vergniaud était à peine calmée que Condorcet revenait à la charge, le 6 juillet, dans un discours très étudié où il établissait que la Constitution ne devait pas être interprétée dans un sens restrictif des droits des représentants du peuple, car autrement « dans les grands dangers de la patrie tout dépendrait encore d’un seul homme et la Révolution n’aurait fait que varier les formes du despotisme ». Après une menace à la reine : « le roi seul est inviolable aux yeux de la loi, il n’existe absolument aucune autre exception », Condorcet dressait un réquisitoire contre les ministres et demandait la mise en accusation de ceux de l’Intérieur et de la Guerre. Il proposait encore une série de décrets destinés à ligoter les ministres et le roi. Les premiers seraient assujettis à rendre compte de leurs actes tous les jours devant les comités de l’Assemblée. « Dans le cas où la sanction serait refusée à un décret portant expressément qu’il a été jugé nécessaire à la sûreté de l’État ou à la tranquillité publique, les ministres seront « responsables des désordres qui en pourront résulter. » Tout général qui négocierait avec l’ennemi ou qui abandonnerait son armée, — Lafayette n’était pas oublié — serait déclaré coupable d’attentat et de trahison. L’administration de la liste civile ne pourrait plus effectuer aucun paiement avant de faire parapher ses registres de dépenses par le commissaire de la Trésorerie. Un dernier projet de décret permettait à l’Assemblée de destituer les hauts fonctionnaires des Finances sans en référer au pouvoir exécutif et de supprimer le poste de ministre des Contributions publiques dont les fonctions seraient confiées aux commissaires de la Trésorerie. Si les projets de Condorcet avaient été votés, le roi n’aurait plus été qu’un personnage purement décoratif. Mais les Girondins ne demandèrent pas le vote immédiat. Il leur avait suffi de faire briller les armes qu’ils fourbissaient.

Brissot, à son tour, demande, le 9 juillet, la proclamation immédiate de la Patrie en danger. Il justifie la mesure par la nécessité « de mettre à l’épreuve le patriotisme du pouvoir exécutif. S’il veut comme vous le salut public, il n’hésitera pas. S’il refuse,… je m’arrête ! Le danger public nous inspirera, nous ouvrirons l’évangile de la Constitution ». Après avoir dénoncé le projet formé par Adrien Duport de dissoudre l’Assemblée et d’établir une seconde Chambre, après avoir fait l’éloge des mesures proposées par Condorcet, Brissot n’hésitait pas à lancer à Vergniaud ce désaveu : « Ce n’est pas avec des mouvements oratoires qu’on maintient la Constitution contre l’insurrection du pouvoir exécutif… J’admire avec tous les patriotes le tableau véritablement éloquent tracé par M. Vergniaud d’un roi contre-révolutionnaire, mais je lui dirai que ces hypothèses ne sont propres qu’à enhardir les coupables et à corrompre l’opinion… Le roi est-il coupable ? Il faut le dire franchement ! » Mais il en restait, lui aussi, à la menace. Tout son effort, à la fin de son discours, avait pour but d’obliger le roi à rappeler les ministres patriotes. Il proposait, en effet, de déclarer que les ministres en fonctions n’avaient pas la confiance de l’Assemblée et d’en mettre trois en accusation, ceux des Affaires étrangères, de la Guerre et de l’Intérieur. Il proposait enfin de remplacer la Commission extraordinaire des Douze par une nouvelle Commission dite de Sûreté, composée de sept membres seulement, élus au scrutin public mais délibérant en secret et chargés de toutes les accusations pour crime de haute trahison. Cette Commission de Sûreté réclamée par Brissot serait en quelque sorte la contrepartie du veto. Les ministres qui commettraient l’imprudence de contresigner le veto sauraient désormais qu’ils mettaient en jeu leur tête ! L’Assemblée, débordée, divisée, enfiévrée, poussée en sens divers, ne suivait les Girondins que par soubresauts et comme à regret. L’idée de commencer la procédure de la déchéance, — et la proclamation du danger de la Patrie en était le signal — lui donnait la chair de poule. Et, d’autre part, l’invasion la terrifiait. Aussi, quand l’évêque du Rhône-et-Loire Lamourette lui proposa, le 7 juillet, pour ramener l’union dans son sein, de foudroyer à la fois la République et les deux Chambres, — ces deux motifs de division — elle répondit par une acclamation universelle. Les adversaires de la veille se réconcilièrent et les tribunes elles-mêmes prirent part à la scène attendrissante. Une députation alla porter la bonne nouvelle au roi. Il vint lui-même s’attendrir avec l’Assemblée. Mais il manqua l’occasion de prouver qu’il oubliait le passé. Il ne leva pas la suspension de Petion. Il refusa de suivre le conseil de son ministre de la Justice Dejoly qui la lui avait recommandée. Dès le lendemain les partis reprenaient leurs querelles. Le Courrier de Gorsas écrivait que le baiser Lamourette n’était qu’un tour de la Cour qui espérait ainsi émousser le glaive des lois prêt à frapper Lafayette et empêcher en même temps la proclamation de la Patrie en danger. Les Révolutions de Paris se moquèrent de « la réconciliation normande » et se livrèrent à de vives attaques contre Lamourette, créature de Mirabeau et instrument de Lafayette. Le grand journal démocratique prédit que les sociétés populaires feraient les frais de cette réconciliation à laquelle ne tarderait pas de s’associer le général factieux. « Cette trêve perfide, conclut-il, est destinée à mener droit à une amnistie en faveur des grands coupables. » La trêve ne dura pas quarante-huit heures.

Le 10 juillet, le garde des sceaux Dejoly, ayant rendu compte de l’état du royaume, avertit l’Assemblée que, ne pouvant plus faire le bien, les six ministres avaient remis, le matin même, leur démission collective entre les mains du roi. Cette annonce inattendue fut accueillie dans l’Assemblée par un profond silence, mais les tribunes accompagnèrent la sortie des ministres par des huées prolongées. Le député Ducos commenta le lendemain le geste des ministres : « Est-ce par condescendance pour la Cour, ou par crainte pour l’Assemblée nationale que les ministres ont ainsi conspiré leur retraite ? » En ce qui regarde la Cour, Ducos se trompait. Dejoly nous dit lui-même que « le roi et la reine leur témoignèrent le mécontentement le plus marqué. La reine se plaignit très amèrement d’une démission qu’elle qualifiait de lâcheté. Elle la reprocha surtout à mes cinq collègues qui, ayant assisté le roi dans sa séance du 20 juin, ne devaient plus se séparer d’un prince qui avait déployé un si grand courage. Mes collègues s’excusèrent sur les circonstances et la conversation finit par l’embarras où se trouvait le roi par la difficulté de nous remplacer ». Il se peut que les trois ministres, menacés la veille de la Haute Cour par Brissot : Terrier de Montciel, Scipion Chambonas et Lajard, aient démissionné pour éviter la mise en accu- sation. Mais il y eut autre chose. Les ministres, qui étaient en presque totalité des créatures de Lafayette, ou des Lameth, avaient, les jours précédents, invité le roi à les accompagner à l’Assemblée pour lui dénoncer les factieux, c’est-à-dire les Jacobins, et, par cet acte énergique, prévenir la proclamation de la Patrie en danger. Le roi et la reine s’étaient refusés à cette démarche dont ils avaient compris l’impossibilité. En se retirant, les ministres mettaient le roi en demeure de se livrer à Lafayette. Ce qui le montre bien, c’est que le seul qui n’obéissait pas à Lafayette, le ministre de la Justice Dejoly, qui intriguait avec les Girondins, fut aussi le seul à reprendre et à garder son portefeuille, à la demande du roi.

Rœderer a comparé la disparition soudaine des ministres à celle de « divinités infernales qui rentrent subitement sous terre par les trappes de nos théâtres ». La conséquence fut la Proclamation officielle du danger de la Patrie qui fut votée le lendemain, 11 juillet, sur un rapport d’Hérault de Séchelles. Les Feuillants ne firent presque aucune opposition à la mesure qui ne leur déplaisait pas. Rœderer en a dit la raison. La mesure allait avoir pour effet « de substituer à l’autorité des ministres et du roi celle des corps administratifs de département et ils espéraient du moins le maintien d’un peu d’ordre sous une autorité qui, en général, s’était montrée indignée des attentats du 20 juin ». Deux jours plus tard, l’Assemblée levait la suspension de Petion, qui put ainsi assister, en qualité de maire de Paris, à la Fédération du lendemain.

Mais le Département de Paris ressentit le vote comme une injure. Ses membres démissionnèrent l’un après l’autre. Leur président, le duc de La Rochefoucauld, ne se borna pas à les imiter. Il jeta l’opprobre sur le parti jacobin dans un violent placard où il dénonçait : « Ceux qui, soudoyés sans doute par l’argent des puissances étrangères, sont fomentés et dirigés par quelques chefs qui espèrent trouver dans un bouleversement général à satisfaire leur ambition ou leur cupidité et dont les instruments, bien moins coupables qu’eux, sont de ces hommes sans patrie, attirés par l’appât d’une paye journalière et par celui, plus grand encore, du pillage ou des crimes lucratifs qu’on leur promet… » Injures gratuites et sanglantes dont les Jacobins se souviendront !

Comme il était facile de le prévoir, la proclamation de la Patrie en danger remua le pays jusque dans ses profondeurs. Robespierre s’écria le même soir aux Jacobins que l’Assemblée avait voulu réveiller la Nation de sa léthargie. « Elle a voulu dire : En vain nous faisons de bonnes lois, si le pouvoir exécutif ne les fait pas exécuter, s’il les entrave par des vetos perfides, si les administrateurs anonymes conspirent avec la Cour pour tuer la Constitution par la Constitution… Dans des circonstances aussi critiques, les moyens ordinaires ne suffisent pas. Français, sauvez-vous ! » Avant même que Robespierre eût lancé son appel, les Fédérés s’étaient levés. Ils étaient en marche.