Le grand troche, sorite/13

La bibliothèque libre.
Éditions Elaia (p. 17-18).

LA CHAINE DE MONSTRES


FRAPPEZ AUX PORTES !
S’il y avait encore des portes on les laisserait ouvertes.

Ils se suivent & se ressemblent
couverts de feuilles mortes
cimentées de purin séché
les yeux retournés
la langue serrée entre Les dents.

Ils se sauvent & se rassurent
sexes de cadenas
poitrines de gravats
dans la vallée de Josaphat
pour la gnose des latrines & des gésines.

* *

Le cœur bat encore
ses tapis aux balcons
sur l’obituaire du trottoir.
Aux frontières de la République Podagre
sordent les poteaux où l’on exécute les ordres.
Tous lieux y sont d’aisance
& toutes bottes de céleri
même pas de bottes de sept lieues !
Des insectes sectaires
y fabriquent du mâchefer & des certificats en celluloïd.

La grande chaîne s’étale sur le ventre du monde
— depuis l’Autodidacte polaire
l’as de cœur atteint d’éléphantiasis
le sergent de Cro-Magnon qui pisse du pétrole
— jusqu’aux chasses d’eaux
pompes funèbres aux accents triomphaux
qui me niagarachent dans l’égoût des couleurs.

Tirez la chaîne. — C’est l’Heure
l’heure incessante de la monte des monstres
l’heure DERRIERE
où dans sa crispation puerpérale
l’interminable pizzicato de la virole anale
pousse l’émeraude de pourpre
venin de l’avenir.

* *


Mais l’horloge coupe les douze cous de la nuit
& dans le Musée incendié chantent le Marin & son fanal
L’Enchanteur fait paraître un Nouveau Monde
de trois secondes
où sonnent les beaux meurtres & les violences exquises
Le dernier monstre marin habite un pont de drap bleu-roi
Était-ce moi ?