Le livre des petits enfants/25

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Anonyme
Le livre des petits enfantsJohn Wiley (p. 121-126).


LE CABARET.


N’avez-vous pas rencontré souvent, dans les rues, des hommes qui marchaient tout de travers, qui allaient tantôt à droite, tantôt à gauche, ou qui étaient tombés, sans pouvoir se relever ? Ils parlaient sans savoir ce qu’ils disaient, et ressemblaient à des fous ou à des imbéciles. Eh bien ! mes chers enfants, c’étaient des hommes ivres ! et dans cet état, on ne peut distinguer ce qui est mal de ce qui est bien. Ces hommes sont très coupables devant Dieu. Vous lirez dans la Bible qu’il est défendu de s’enivrer de vin.

Il y est dit encore :

Les ivrognes n’hériteront point du royaume de dieu.

Quand les ivrognes ont une femme et des enfants, ils les rendent bien malheureux. Ils battent leur femme, et ils maltraitent leurs enfants, lorsqu’ils rentrent chez eux, le Dimanche ; car presque toujours ils vont au cabaret ce jour-là, tandis qu’ils devraient conduire leur famille à l’Église, et lire avec eux la parole de Dieu.

J’ai connu un homme qui était presque toujours ivre, et qui, lorsqu’il rentrait chez lui, brisait tout, et se mettait tellement en colère contre sa femme, qu’il a risqué plusieurs fois de la tuer. Cette femme fut si malheureuse, si malheureuse avec son mari, quelle fut obligée de se séparer de lui. Vous allez voir, mes enfants, comment Dieu punit cet homme.

Un jour qu’il avait bu encore plus qu’à l’ordinaire, il tomba du haut d’un escalier et se tua !

Un autre homme, qui s’appelait Jean PLOIFON, cordonnier, perdit sa femme. Elle lui laissa un petit garçon de deux ans, bien doux et bien intéressant, qui se nommait Julien. Ploifon avait la triste habitude de boire, et il ne put s’en corriger : car, quand on est vieux, et qu’on ne connaît pas la parole de Dieu, on ne se corrige guère.

Cet homme fut très affligé de la mort de sa femme, qu’il aimait beaucoup, et il eut bien soin d’abord de l’enfant qu’elle lui avait laissé ; mais il recommença à boire, et il quittait la maison plusieurs fois par jour. En rentrant, il trouvait souvent son fils grelottant de froid et ayant bien faim ; alors il le réchauffait et lui faisait prendre quelque nourriture.

Mais un jour qu’il gelait bien fort, Jean Ploifon rentra chez lui plus tard que de coutume. Comme il était tout-à-fait ivre, il se jeta sur son lit et s’endormit sans penser à son fils ; et le lendemain matin, en se réveillant, il trouva le pauvre petit Julien sans mouvement dans son lit ; car dans la nuit il était mort de faim et de froid !… Le malheureux père prit le cadavre de son enfant entre ses bras en poussant des cris de désespoir, et il tâchait de le réchauffer en le serrant contre lui ; mais il n’était plus temps. Les voisins accoururent.

Le Commissaire de la commune arrêta Jean Ploifon, et le conduisit devant le Procureur du roi. Il a été sans doute sévèrement puni ; mais ses remords l’ont rendu bien malheureux, car il était cause de la mort de son pauvre enfant ; et s’il s’était corrigé de son affreux défaut, le petit Julien serait encore en vie, et, comme vous, il aurait le bonheur de se trouver avec d’autres enfants dans une salle d’Asile.

Mes chers amis, quand vous serez plus âgés, et que vous passerez devant un cabaret, rappelez-vous l’histoire que vous venez de lire : alors vous vous détournerez, et vous rentrerez bien vite à la maison ; et si vous avez un Père qui ait le malheur d’aimer le vin, priez Dieu pour lui, afin que le Seigneur l’aide à se corriger de cet horrible vice.

Nota. L’histoire que je viens de raconter est arrivée au mois de janvier de l’année 1838, à Vaugirard, près de Paris.