Le livre des petits enfants/26

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Anonyme
Le livre des petits enfantsJohn Wiley (p. 127-132).


LE PETIT JOSEPH.


Novembre 1839.


On voit souvent dans les rues de petits garçons de votre âge, sales et mal mis, jouant aux gobilles ou au jeu qu’on appelle la marelle, ce jeu où l’on trace sur la terre une espèce d’échelle dans laquelle on saute à cloche-pied, en poussant avec le bout du pied un palet ou pierre plate.

Ces enfants ne songent qu’à jouer, et ne savent pas s’occuper utilement ; cependant, la Bible vous le dit : celui qui ne veut pas travailler, ne doit pas manger.

Qu’arrive-t-il ? Après leurs jeux, ils sentent le besoin de manger, et ils n’ont point de pain ; ils rentrent à la maison, leurs parents sont à leur journée, et ils sont obligés de mendier au coin d’une rue pour ne pas mourir de faim. Écoutez l’histoire d’un pauvre petit parisien, âgé de sept ans, et qui se nommait Joseph.

Il venait de perdre ses parents, qui l’avaient élevé dans la piété, et jusqu’alors on avait pris soin de lui. Il ne voulut pas mendier, et pensa qu’il pourrait gagner sa vie en travaillant ; car il savait que dans tout travail il y a quelque profit.

Il se présenta donc au Chef d’une imprimerie, et lui dit : « Monsieur, j’ai faim : voilà deux jours que je n’ai pas mangé ; voulez-vous me donner de l’ouvrage ? » Le Chef lui demanda pourquoi ses parents ne le nourrissaient pas. — « Je n’ai plus de parents, dit Joseph. — Mais que pourrais-tu faire, mon enfant ? — Je ferai tout ce que vous voudrez, Monsieur : je ferai vos commissions ; je cirerai vos bottes ; j’irai vous acheter du tabac. — Eh bien, lui dit l’Imprimeur en souriant, voici quinze centimes, va m’acheter une demi-once de tabac. »

L’enfant partit, et revint dix minutes après. Il apporta la demi-once de tabac et remit, de plus, cinq centimes qu’il avait eu de reste. « Avez-vous encore quelque chose à faire ? » demanda ce brave enfant.

Touché de son zèle et de son honnêteté, celui qui lui avait donné la commission lui fit donner à manger, et le plaça dans les ateliers, que l’enfant se mit à nettoyer avec beaucoup d’activité et de soin. Les ouvriers, émus de compassion, firent entre eux une petite somme qu’ils lui remirent.

Quand la journée fut finie, l’enfant disparut, et il revint se remettre à l’ouvrage de grand matin. Le Maître, étonné, lui demanda où il couchait. « Je vais, dit Joseph, dans les maisons des pauvres gens, et je leur demande à passer la nuit… Quelquefois on me refuse, mais quelquefois aussi on me donne un peu de paille dans un coin. » Les réponses de l’enfant, sa franchise, sa douceur, le désir qu’il avait de se rendre utile, intéressèrent l’Imprimeur et sa Femme en sa faveur ; ils prirent de l’affection pour lui, et lui firent préparer une petite chambre et un lit.

Ainsi le pauvre orphelin, qui s’était toujours confié en Dieu, ne fut point abandonné de Dieu ; car il nous dit dans sa parole : Je donnerai de quoi vivre aux orphelins.

Il y a un an et demi que Joseph travaille dans l’imprimerie de Vaugirard, et il est si intelligent, que, par son petit travail, il gagne déjà plus qu’il ne lui faut pour s’habiller et se nourrir.