Le massacre dans le temple/12

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Éditions Édouard Garand (44p. 37-38).

XII


Une soirée d’automne, de fin septembre… Il est à peu près cinq heures et demie. Accoudé au rempart de pierre du belvédère, au sommet de la montagne, Armand Dubord regarde la ville. Les arbres sont jaunes, rouges, dorés, incarnats. Toutes les nuances, tous les tons se mêlent, se fondent…

Il y a dans l’atmosphère le calme des soirs sereins, et aussi la tristesse de l’été défunt…

La ville à ses pieds déroule son panorama de maisons, de vues, d’arbres, de parcs.

Le fleuve trace un ruban d’argent… Au loin on distingue les villes de Longueuil, de St-Lambert. Plus loin la montagne de St-Bruno, celle de Belœil, celle de St-Hilaire…

La chute du jour s’accentue. Les couleurs changent, deviennent plus somptueuses…

Le firmament rougit, s’embrase, et peu après les feux s’éteignent qui le doraient…

Dans les rues, une à une les lumières électriques s’allument aux poteaux.

Dubord regarde. Il voit des maisons longues, des édifices de pierre enfouis dans la verdure.

Il distingue la clarté des fenêtres… et il pense que là, dans ce séminaire dont les ailes s’échelonnent au flanc de la montagne règne le contentement dans l’oubli total des sens, et l’abstraction du moi.

Il reste longtemps accoudé aux remparts à rêver…

La décision s’affirme qu’il a prise la veille.

Demain il grossira de son unité le nombre de ceux qui offrent à Dieu l’hommage de leur Vie.

Qu’attend-il de l’avenir ? Rien ! Rien ! Rien !

Il ne croit plus au bonheur terrestre… il aspire à la Mort qui sera pour lui, la porte ouverte de l’immortalité.