Le mirage/008

La bibliothèque libre.
Édouard Garand (p. 18-21).

VIII


Le « bob sleigh » chargé à sa capacité de sacs de grain, Hubert Desroches y monta, prit les guides entre ses mains, tira sur la gueule des chevaux en accompagnant son geste d’un commandement sec et les deux bêtes, le jarret tendu, arcboutées par l’effort, ébranlèrent la lourde charge qu’ils sortirent de la grange. On était en novembre, aux premières neiges ; les chemins étaient lisses, coulants, pas trop remplis.

Hubert dont les greniers débordaient, et qui avait dû, vu l’abondance des récoltes, laisser dehors, monté en quintaux, le blé-d’Inde qu’il réservait aux vaches, en profitait pour aller chez Firmin Germain, au Moulin de Pierre, faire moudre son grain.

Il s’assit sur un sac, alluma sa pipe et laissa ses chevaux, se guider d’eux-mêmes, sur un chemin qu’ils connaissaient aussi bien que leur maître.

Depuis cet été, depuis le bal, au Manoir du Lac, il n’avait entrevu Suzanne que rarement, les dimanches, à la sortie de la messe.

À peine lui avait-il adressé quelques paroles. Presque jamais elle n’était seule. Fabien Picard l’accompagnait ou bien Marie Bourdon.

En Fabien, il pressentait un rival, et pour cette raison, ne lui était pas sympathique. Ce jeune homme frais émoulu de son collège lui paraissait prétentieux et fat, et à l’encontre des autres jeunes gens du village il ne le gobait pas. Il n’allait pas jusqu’à le détester, mais n’en était pas loin. Pour peu qu’il s’interposait trop entre Suzanne et lui… S’il le voulait, rien qu’en posant sa main sur son épaule il pouvait le faire ployer sur ses genoux jusqu’à toucher terre…

Il avait lu que si les femmes pour la plupart sont séduites par la force, il leur arrivait souvent de préférer les beaux diseurs, fantoches et vantards.

Pour le moment, il ne se souciait pas trop de ses assiduités auprès de Suzanne. Elles étaient naturelles entre deux voisins du même âge. Il s’en souciait d’autant moins, que Fabien, par son départ, confirmait ses prévisions, qu’il irait définitivement s’établir à Montréal.

À présent qu’il était parti, le champ était libre et personne ne trouverait à redire de ses assiduités chez les Germain.

Qui donc s’aviserait de passer des remarques ! Craignait-il quelqu’un dans tout le village et toute la paroisse de Jeanville ! Il aimait Suzanne. Il aimait comme seuls savent aimer les êtres comme lui, renfermés, concentrés, privés d’affection, et qui mettent dans cet amour toute la force et la violence de leur tempérament.

Ce n’était pas une passion qu’il éprouvait pour elle, mais un culte qu’il lui portait. Même, il sacrifierait son propre bonheur à lui, si par ce sacrifice, il contribuait au sien.

Quand il labourait, cet automne, seul dans son champ, tenant serrés fortement dans la paume de ses deux mains les mancherons de la charrue, pendant que la blonde terre, éventrée par le soc, se couchait à ses pieds, c’est à elle qu’il pensait, en supputant déjà, pour l’année qui vient, le rendement de cette pièce. Quand il battait dans la tasserie, au milieu du bruit infernal du moteur, et de la poussière d’or du grain, c’est encore à elle qu’il songeait, en se félicitant de l’excellence de sa récolte.

Et aujourd’hui qu’il se dirigeait vers le moulin de pierre, son souvenir pieusement conservé, lui envahissait le cœur, parce qu’il se rapprochait de chez elle, qu’il aurait de ses nouvelles, que peut-être il la verrait.

***

Le moulin de pierre est situé dans une dépression de terrain, au bord de la Rivière aux Renards, le long d’un chemin de raccourci qui conduit au rang iii.

C’est une vieille bâtisse de pierre, comme son nom l’indique, construite, il y a quelque cent ans. Elle comprenait autrefois, avec le moulin, un corps de logis. Depuis, le logement est abandonné et sert de remise au meunier.

Le barrage primitif en bois, a fait place à une chaussée de béton, élevée il y a trois ans par Firmin. En arrière, du côté nord, à l’endroit où se trouvait jadis le jardin, il y a un verger avec une dizaine de pommiers, une couple de cerisiers de France, des pruniers, et un poirier très vieux, mais que le propriétaire actuel entretient jalousement, ses fruits étant les plus beaux de plusieurs lieues à la ronde.

À part cela, il n’y a rien de changé du temps où le moulin était encore propriété seigneuriale. La porte d’entrée est surmontée d’une niche où trône une vierge rustique, taillée au couteau dans le bois.

Dans les périodes d’ouvrage, quand le travail presse, Firmin se tient jour et nuit sur les lieux. Il laisse fonctionnez les moulanges tant que l’eau le permet, aussitôt qu’elle baisse, il ferme les pelles, et si c’est la nuit s’étend sur la pile de sacs où il dort un somme. Il a l’oreille sensible. Le bruit l’avertit que la chaussée est remplie. De nouveau, les pelles s’ouvrent, les moulanges se mettent en mouvement et le blé, l’avoine ou l’orge, triturés et broyés sous les lourdes pierres rondes se convertissent en farine, en son ou en moulée.

Par bonheur quand Hubert s’y présenta, il n’y avait personne. Il put décharger ses sacs tout de suite à l’intérieur. L’eau manquait. Il s’attarda avec Firmin, à causer, à fumer à s’informer des nouvelles.

— Chez-vous, comment ça va ?

— Bien mal, Hubert. La mère s’en va. On s’attend de la voir partir d’une minute à l’autre.

— Toujours son même mal ?

— Toujours.

— Ça va être triste pour vous autres.

— Depuis si longtemps qu’elle est malade, qu’on est fait à l’idée de la voir partir. Elle a tellement souffert ces jours derniers que ça va être un soulagement si elle meurt.

— Qui c’est qui va tenir votre maison ?

— Suzanne avec Marie-Ange pour y aider. Elle est habituée la pauvre petite fille. Depuis un an que c’est elle qui fait tout à la maison.

Les gens de la campagne ne s’absorbent jamais bien longtemps sur les sujets de deuil. La mort chez eux est une chose ordinaire, un événement comme un autre. Comme elle est inévitable, ils en prennent leur parti avec fatalisme. Peut-être ont-ils le vrai sens de la mort qui est une délivrance, le but ultime de notre passage sur la planète et le commencement de la vraie vie. En bien des endroits, les funérailles sont suivies d’un grand dîner, d’un fricot où l’on ne fait pas scrupule de rire.

Inévitablement, les conversations retombent au terre à terre des occupations quotidiennes.

— Chez vous, comment ça marche.

— Ma récolte a été plus forte que jamais, j’ai pas de place pour tout mettre. Je vas t’occuper un bon bout de temps à moudre. Et toi ?

— Je travaille jour et nuit depuis quinze jours. J’ai pas à me plaindre. C’est un bon automne.

— Et le père Picard, votre voisin. Il s’arrange bien depuis que son garçon est parti ?

— Comme ça. Il a pris de l’aide. Ernest s’en va bétôt sur sa terre de Jeanville et le bonhomme est pas capable de venir à bout de sa besogne tout seul. Y a un homme à l’année.

— Avez-vous des nouvelles de Fabien !

— Un peu par Suzanne. Il y a écrit qu’il aimait bien ça, Montréal. C’est une autre vie que par ici. C’est plus à la mode. Un bruit de grelot annonça une pratique. Hubert fit place au nouvel arrivant.

— Je reviendrai la semaine prochaine avec une autre charge. Peux-tu me passer celle-là, ces jours-ci ?

— J’pense ben si je manque pas d’eau.

— Ton père est chez vous ? J’vas arrêter en passant prendre des nouvelles de ta mère.

Il ne lui dit pas que c’était surtout pour voir Suzanne qu’il arrêterait.

La demeure des Picard n’est située qu’à une dizaine d’arpents du moulin.

Quand Hubert fit enfiler ses chevaux dans la cour, il aperçut une autre voiture qu’il reconnut comme celle du docteur.

Il entra, salua la compagnie, et alla serrer la main du père Cyrille.

— J’ai appris cela au moulin tantôt. Alors, je suis arrêté en passant.

— Je vous remercie ben de votre visite. Monsieur Hubert, j’pense pas qu’a passe la nuit. Le prêtre est avec elle.

Il n’y avait dans la cuisine que le père et ses deux fils. Ils étaient abattus, moins qu’on aurait pu croire cependant. Leur figure gardaient plutôt la trace de la fatigue. Depuis trois nuits qu’ils ne dormaient pas ou presque.

Le docteur Vincent sortit de la salle à manger qui donnait sur la chambre. En apercevant le visiteur il alla vers lui. Il était jadis grand ami de son père, dont il avait le même âge.

— Bonjour Hubert. On ne te voit pas souvent au village. Il n’y a rien que le malheur pour t’y attirer, fit-il, en plaisantant.

— J’ai eu tellement d’ouvrage, docteur. À part cela, vous savez que je ne suis pas sorteux. Le médecin qui pénètre chaque jour dans des familles où le malheur s’abat, qui assiste à la naissance comme à la mort, devient de par sa profession un blasé. Une mortalité est pour lui, une chose ordinaire, un incident quelconque. Il ne s’émeut pas outre mesure quand un de ses patients part pour le grand voyage.

Le docteur Vincent souriait toujours même quand il annonçait que les efforts de sa science étaient vains.

— Mon pauvre Monsieur Germain, dit-il, mes avis que c’est fini. Le curé est à l’administrer. C’est un grand soulagement pour elle, croyez-moi.

Suzanne entrait à son tour, accompagnée de sa petite sœur et de Marie Bourdon. La pâleur de ses joues accentuait la rougeur de ses paupières. À son âge, on ne s’accommode pas facilement du grand vide dans la maison.

— Bonjour Suzanne, lui dit Hubert.

Il chercha un mot de consolation, ne trouva rien.

— Bonjour, Monsieur Hubert, répondit-elle. Je vous remercie d’être venu.

— C’est votre frère qui m’a dit cela au moulin… En passant, je me suis permis d’arrêter.

Il ne se retourna pas vers Marie Bourdon, ignorant sa présence quand elle lui adressa la parole.

Pour réparer sa gaucherie, il lui offrit de la reconduire chez elle, si elle devait rentrer pour le souper.

Elle accepta.

— Maman m’attend. Elle a peur toute seule dès que la noirceur prend.

Hubert n’avait plus rien à faire dans cette maison. Il avait témoigné l’intérêt qu’il prenait à eux. Il avait vu Suzanne. Il emportait avec lui son image gravée plus fraîchement.

— Quand vous serez prête, Marie… je ne suis pas en carriole. Vous ne serez pas très confortable.

— Ça ne fait rien, je me tiendrai debout à côté de vous. Le trajet n’est pas long.

Le temps s’était refroidi un peu. La neige crissait sous les patins.

Ils se tenaient tous deux accotés d’une main sur le devant de la sleigh. Un cahot les fit trébucher. Instinctivement, elle se cramponna à son bras.

Elle lâcha prise et s’excusa.

— Restez ainsi. Vous êtes bien et cela ne me nuit pas pour conduire. Il y a un bout de mauvais chemin.

Ils ne se parlèrent plus du trajet.

Devant chez elle, quand elle descendit, Marie s’enhardit jusqu’à dire :

— Si cela vous faisait plaisir de venir veiller à la maison faire un peu de musique ?

Parce qu’elle était l’amie de Suzanne et qu’elles se voyaient souvent, il promit.

Le dimanche suivant, à la Grand’messe, Hubert constata que le banc des Germain était vide. Comme de fait le curé annonça au prône que le service de Mme Cyrille Germain, décédée ces jours derniers, aurait lieu le lendemain, lundi, à 8 heures et demie du matin.

Dans la veillée, le train terminé, les journaux et les revues qu’il recevait chaque dimanche parcourus, il commanda à Taillon d’atteler.

Par un phénomène assez étrange, c’est en face de la mort, ou en la côtoyant, que l’on éprouve avec le plus d’acuité, le goût suprême de la vie, qu’il s’impose avec le plus de puissance et distille dans tout l’être une surabondance de vitalité.

Pendant qu’il s’acheminait, au trot de son cheval, vers la maison de la mort, Hubert se laissait entraîner à des considérations sur l’amour qui contrastaient avec le devoir qu’il allait rendre.

Il avait beau s’imaginer la chambre mortuaire tendue de noir, éclairée faiblement de la lumière pâle de quelques cierges ses pensées n’avaient rien de lugubre. Il avait l’âme sereine, presque gaie. La quiétude de la nature s’infiltrait en lui. La blancheur de la neige permettait de distinguer le contour des maisons, des granges, des arbres, laissant deviner les paysages. La senteur des soirs d’hiver, senteur fraîche, pure et saine s’exhalait de partout et flottait dans l’air de la campagne, cet air vierge qu’aucune fumée d’usine ne polluait.

Les clochettes des travails scandaient le trot du cheval.

… Et Hubert se laissait glisser dans un engourdissement de ses membres et de son esprit. Se promener ainsi dans la nuit calme avec quelqu’un que l’on aime !

***

Dans la cuisine, on a fait des bancs avec des madriers posés sur des chaises. Les hommes s’y tiennent, réunis par groupes. Ils fument et causent, indifférents. Par terre, près de la porte, le fanal allumé.

Dans la salle à manger qui donne, d’un côté sur la chambre à coucher qui sert de vestiaire, et de l’autre sur le salon, converti en chambre mortuaire, se tiennent les femmes et les jeunes filles auxquelles se joignent quelques jeunes gens. Les robes noires sont plus noires sous la lumière faible d’une lampe unique suspendue au plafond. Les conversations se font à voix basses, espacées, peu nombreuses.

— V’là un autre veilleux. Va l’aider à dételer Firmin.

Firmin prend le fanal et sort.

C’est Hubert Desroches qui arrive à son tour.

— Tu passes la nuit ?

— Oui. C’est pour cela que je suis arrivé tard.

— De même, on va dételer ton cheval.

Dans l’écurie remplie jusqu’aux allées une buée chaude monte tandis qu’une senteur âcre d’ammoniaque saisit à la gorge.

— Vous avez du monde en plein ?

— Il y en a ben qui vont partir bétôt. Je vais laisser ton cheval dans l’allée en attendant, et tout à l’heure je le mettrai dans un entre-deux.

— On aurait pu le laisser dehors avec une couverture sur le dos.

— C’est pas nécessaire. La place manque pas.

Ils détellent les chevaux et entrent. Hubert fait le tour de la famille, leur distribue quelques paroles banales de consolation. Devant Suzanne, il bredouille et se contente de serrer sa petite main entre la sienne.

Il va s’agenouiller devant la tombe, fait une courte prière, jette un regard, par la vitre du cercueil, sur la morte. Elle est amaigrie, la peau collée sur les os, et d’une teinte verdâtre. Elle commence à changer. Bientôt, elle se décomposera. Le sang lui coulera en deux filets bleus, chaque côté de la bouche. Pauvre chair humaine qui tombe en pourriture quelques jours seulement après la fuite de l’âme. Et c’est pour cette chair, moulée en forme plus ou moins belle, que des hommes se sont battus, se sont tués.

Une voix parmi les assistants se fait entendre :

— Si on disait le chapelet !

Un bruit de chaises déplacées, et une parente commence :

— Au nom du père…

Et pendant une dizaine de minutes, c’est l’alternement de cette voix grêle, usée et vieillie, avec les autres ; voix basses et graves des hommes, voix claires des femmes. Après qu’on s’est relevés, quelques-uns partent. Vers minuit, il ne reste plus qu’une dizaine de veilleurs, ceux qui demeureront jusqu’au matin.

La tête appuyée au dossier de sa berceuse, les yeux lui tombant de sommeil, Suzanne veut à tout prix passer cette dernière nuit. On sent que la fatigue la tenaille, qu’elle va venir à bout de sa constitution, que malgré elle, elle s’assoupira.

Une tante et la vieille parente de tantôt s’occupent de mettre la table pour le réveillon de la nuit. Un rôti de porc frais, des pommes de terres réchauffées et rôties dans la graisse, des tartes et du thé chaud constituent la collation.

Avant de se mettre à table, Hubert va chercher Suzanne.

— Vous devriez être plus raisonnable ma petite Suzanne. Vous êtes morte de fatigue. Vous allez prendre une bouchée et vous reposer ensuite. Nous sommes assez à veiller sans vous. Cela ne vous servira à rien de vous mettre à terre.

Docile, elle le suit comme une automate. Elle a la tête prise dans un étau. Elle n’est plus qu’une petite chose qui ne demande qu’à se faire guider.

***

La nuit passe, lente, monotone. La moindre histoire déclenche un rire nerveux qui a ceci de bon toutefois qu’il aide à chasser le sommeil. À la demie de toutes les heures, quelqu’un dit le chapelet.

Le jour se montre ; la lumière des lampes s’atténue. On les éteint. Les yeux encore chargés de sommeil, les membres de la famille se lèvent, les uns après les autres.

Le menuisier du village, qui en est aussi l’entrepreneur de pompes funèbres arrive avec des rubans de crêpe, et des brassières noires pour les porteurs.

Bientôt tout le monde est rendu, les porteurs, les parents, les amis.

Le corbillard appartient à la fabrique. C’est la coutume à St-Chose que ce soit le plus proche parent qui le conduise, qui rende ce dernier service.

Firmin s’est chargé de la besogne. Il a attelé son cheval et pris place sur le siège.

Le croquemort amène les porteurs dans la chambre. Il dévisse la croix et les ornements du cercueil et les remet à la famille. Six jeunes gens chargent le coffre sur leurs épaules, le glissent dans le corbillard qui s’ébranle, suivi de la longue théorie des sleighs dont on entend les grelots, mêlant leurs sons divers.

Et c’est le service…

Et c’est l’enterrement.

Malgré l’hiver, la fosse est creusée. La bière est déposée sur le monceau de terre à côté. La foule l’entoure. Le croquemort enlève le couvercle pour qu’on puisse jeter un dernier regard sur celle qui n’est plus.

Elle est horrible. Le cahotement de la voiture a aidé le travail de la décomposition.

Suzanne pousse un cri et se détourne pour ne plus voir. Hubert s’est porté vite près d’elle. Il la soutient et l’aide doucement, bien doucement à s’éloigner de ce spectacle macabre et hideux.

… Et l’on descend la bière.

… Et l’on commence à combler la fosse.

La terre gelée en tombant fait résonner le bois, lugubrement.

— Comme je suis malheureuse, gémit-elle, comme je suis malheureuse…

Suzanne pleure appuyée sur Hubert.

Lui la console se surprenant à lui parler comme on parle aux petits enfants.

— Suzanne, je vais être votre ami, votre grand ami, voulez-vous ?

Comme autrefois quand il s’est interposé devant ceux qui l’insultaient, elle lève sur lui des yeux reconnaissants.

Elle se sent en sûreté dans ses bras. Il émane de sa force, un soutien qui la calme, qui apaise sa douleur.

Elle accepte son amitié. Elle la devine sincère, désintéressée.

Il l’amène dans sa voiture, jusque chez elle, lui prodiguant, avec les mots qui apaisent le chagrin, la promesse de son dévouement.

Quand il la quitte, c’est gravement qu’il lui dit :

— Suzanne, vous n’aurez jamais de meilleur ami que moi. Tout ce que je pourrai faire pour vous je le ferai avec joie. Et si vous avez besoin de moi, si jamais je puis vous être utile, faites un signe, et j’accourrai.