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Le mystère des Mille-Îles/Partie III, Chapitre 3

La bibliothèque libre.
Éditions Édouard Garand (p. 32-34).

— III —


— Pour l’intelligence de ce récit, il me faut vous expliquer les dispositions testamentaires qu’avait arrêtées mon mari.

« Il me laissait toute sa fortune sans restriction ou, plutôt, l’usufruit de sa fortune. Car j’avais exigé qu’il fixât l’attribution qu’il en faudrait faire après ma mort, à moi.

« Il était donc stipulé que, lorsque je disparaîtrais, tous ses millions iraient partie à son unique neveu, partie à diverses œuvres sociales ou universitaires auxquelles John s’intéressait particulièrement. Naturellement, si notre union avait été bénie, nos enfants auraient tout reçu, à ma mort.

« Le cher homme croyait ainsi m’assurer une vie exempte de soucis, au moins matériels. S’il avait su dans quel guêpier son testament allait me faire tomber ! Mais, je vous raconterai cela plus tard.

« Pour m’éviter tous les ennuis de la gestion de ses affaires colossales, il avait désigné comme administrateur de mes biens un certain Jarvis Dunn, en qui il avait toute confiance.

« Quand John mourut, j’éprouvai une grande douleur et je me disposai à vivre dans une retraite absolue, fidèle à sa mémoire. Mon rêve de bonheur, que j’avais si longtemps poursuivi, m’échappait au moment où je croyais en jouir ; j’entendais ne pas le refaire.

« J’entrevoyais donc, devant moi, une vie bien triste, mais calme. J’aurais consacré mes revenus à l’entretien et à l’embellissement du château et de l’île et, aussi, à l’élaboration des collections d’objets d’art ébauchées par mon mari. J’aurais de la sorte travaillé à réaliser l’ambition de John. Il voulait créer, en Amérique, un domaine d’une beauté indiscutable, qui aurait fait l’admiration des touristes, à l’égal des endroits célèbres d’Europe : château du Rhin, ou de la Loire ; villa Médicis, ou villa d’Este. De plus, il désirait établir des collections artistiques qui auraient rivalisé avec les plus belles du monde. Ce qu’il n’avait pu réaliser, j’en ferais l’œuvre de ma vie.

« Comme je me trompais ! Tous mes projets furent anéantis de la façon que vous allez constater.