Le parfait mareschal/126

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Gervais Clouzier, 1680 (1 / 2, pp. 376-377).
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LEs grandes fatigues des Chevaux, principalement de l’Armée, les mettent dans un estat de langueur, dont ils ont bien de la peine à revenir : il ne faut pas s’en estonner, car tantost ils ont de bon fourage ; tantost ils sont obligez de manger du seigle, du millet, de mauvaises herbes, du foing corrompu ; & tantost en abondance, & souvent tres-peu ou point du tout ; outre que les eaux sont ou mauvaises, ou prises à contre-temps, sans parler des courses & du travail déreglé ; à moins qu’un Cheval ne soit robuste & bien composé, il est difficile qu’il ne s’en trouve abbatu.

Il est mal-aisé dans ces rencontres de s’attacher à une maladie particuliere ; mais l’on ne peut manquer en les traittant, si on se sert des remedes qui fortifient les parties interieures, qui délassent les exterieures, qui ostent les mauvaises humeurs qui s’amassent chaque jour, soit par les faignées, soit par quelques purgations universelles ; & si l’on découvre quelque affection particuliere, il faut pour lors avoir recours aux remedes specifiques & propres à cette maladie.

L’on connoist ces Chevaux qui ont esté mal-traitez à l’Armée, en ce qu’ils ont presque tous la corde : c’est à dire qu’au deffaut des costes le long du ventre, quand le Cheval respire, il se forme un canal capable d’y loger une corde : ils ont le poil herissé & mal teint, la fiante séche & noire, & par fois on y trouve des vers, les yeux tristes; & quoy qu’ils mangent beaucoup, ils n’amendent point ; ils sont étroits de boyaux ; quand on les promene en main, vous les voyez mal contens : enfin ils sont privez de toute la gayété que le repos donne aux Chevaux.

Si le Cheval qui revient de l’armée ou de quelque long voyage, ou qui a beaucoup fatigué a ces signes, avant de luy faire prendre aucun remede, il le faut faigner, du col, & ensuite luy faire user de quelques poudres digestives, qui aydent la coction des alimens, & qui preparent les humeurs superfluës, pour estre évacuées avec plus de facilité. Chap.
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Le foye d’antimoine en poudre servira de poudre digestive, si on en donne au Cheval deux onces tous les jours dans du son moüillé. Que si le Cheval a de l’aversion pour le son, donnez-luy du soulfre-auré d’antimoine dans du vin, comme j’enseigneray au Chapitre CXXIX. lequel sera encore mieux qu’aucune preparation d’antimoine, & en peu de temps restablira le Cheval, deux ou trois prises de pilulles puantes, laissant un jour d’intervalle d’une prise à l’autre, prepareront fort bien le corps du Cheval.

Composez un lavement en la maniere suivante, faites bouillir les cinq herbes emollientes dans deux pintes de bierre, & une chopine ou trois demy-septiers d’urine de vache, ou au deffaut, de l’urine d’un homme sain qui boit beaucoup de vin, délayez dans la colature demie livre de miel mercuriel, & un quarteron de beurre frais, & le soir donnez le tout tiede au Cheval en lavement, & continuez-à luy donner du foye d’antimoine, tous les jours pendant quinze ou vingt jours, & ce mesme lavement de trois en trois jours.

Il faut moüiller le foin qu’il mangera, avec de l’eau où l’on aura dissout sur un sceau, deux ou trois onces de policreste, ne luy point donner d’avoine & qu’il ne boive que de l’eau dans laquelle sur un sceau l’on aura delayé une livre de miel.

Au bout de vingt jours quittez l’usage des poudres & des lavemens, & laissez reposer le Cheval sept ou huit jours, au bout desquels vous luy ferez les fomentations, sans interrompre le foin moüillé, & l’eau oû le miel sera dissout.

Quoy que ce ne soit pas icy le lieu pour décrire le policreste, neantmoins comme il entre souvent en usage pour les lavements particulierement, je le mettray en ce lieu, n’ayant pas d’autre endroit plus commode.