Le parfait secrétaire des grands hommes/Lettre 45

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Texte établi par Georges GirardLa cité des livres (p. 73-74).
ROTROU


À Monseigr le Cl de Richelieu.


Monseigneur,

Je vous ay dit qu’au moyen-âge il se forma des sociétés ou académies pour juger du succès de celuy des sçavans qui avoit le mieux traicté ce qu’on appeloit alors le chant Royal.

Ce fust en 1324 que Clémence Isaure, de la maison des comtes de Toulouse, convoqua tous les poètes, et les trouverés du voisinage de Toulouse, et promist de donner une violette d’or à celuy qui feroit les plus beaux vers. Elle donna un fond dont le revenu devoit être employé à ce prix.

Après la mort de cette illustre dame, dont la mémoire est si célèbre, les magistrats de Toulouse ordonnèrent que tout ce qu’elle avoit institué seroit exactement observé à l’advenir. Ceux qui jugeoient des ouvrages estoient appelés les mainteneurs de la gaye science. Celuy qui remportoit le prix estoit reçu docteur en science gaye ; on demandoit le doctorat, on estoit reçu et les lettres estoient expédiées en vers. Celuy qui remportoit le premier prix estoit honoré du nom de Roy.

Telle est, Monseigneur, le commencement de ces sociétés ou académies. Ne vous semble-t-il pas qu’il seroit bien d’en establir de semblables, ou sinon une à Paris ? Je vous laisse y penser.

Je suis, Monseigneur, votre très humble serviteur,


Rotrou.