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Le parfait secrétaire des grands hommes/Lettre 52

La bibliothèque libre.
Texte établi par Georges GirardLa cité des livres (p. 81-82).
II


Au jeune Newton, estudiant à Grantham.


Paris, ce 20 may 1654.


Mon jeune amy,

J’ai appris avec quel soin vous cherchiez à vous initier aux Sciences mathématiques et géométriques et que vous dèsiriez approfondir sciemment les travaux de feu M. Descartes. Je vous envoye divers papiers de luy qui m’ont esté remis par une personne qui fut un de ses bons amis. Je vous envoye aussi divers problesmes qui ont esté autrefois l’objet de mes préoccupations touchant les lois de l’abstraction[1], afin d’exercer vostre génie. Je vous prieray m’en dire vostre sentiment. Il ne faudroit pas cependant, mon jeune amy, fatiguer trop vostre jeune imagination. Travaillez, estudiez ; mais que cela se fasse avec modération. C’est le lus moyen d’acquérir et de profiter des connaissances qu’on acquiert.

Je vous parle par expérience. Car moy aussy dès ma jeunesse, j’avais haste d’apprendre, et rien ne pouvait arrêter ma jeune intelligence, si je puis parler ainsy. Aujourd’huy je ressens avoir trop surchargé ma mémoire, et elle commence à me faire défaut, au moment où j’en aurais le plus besoin.

Je ne vous dis point cela, mon jeune amy, pour vous détourner de vos estudes, mais pour vous engager à estudier modérément. Les connaissances insensiblement et avec le temps. Ce sont les plus stables. Je ne vous en dis pas davantage, mon jeune amy, si ce n’est d’estre assuré de mon affection.

Pascal.
  1. L’attraction.