Le roman de Violette/09

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(Auteur présumé)
Antonio Da Boa-Vista (p. 167-198).
Chapitre IX

Le Roman de Violette, Bandeau de début de chapitre
Le Roman de Violette, Bandeau de début de chapitre


CHAPITRE IX



D ’abord ce furent de petites attentions, comme les amants en ont pour leurs maîtresses, une aile de faisan délicatement coupée, arrosée d’un jus de citron, de vin de château d’Iquem, versé par une main tremblante d’amour dans un verre de cristal mousseline ; une truffe cuite au vin de Champagne et à la canelle, plus noire et mieux veinée que les autres, offerte après que des dents libertines avaient déjà mordu dedans ; des crèmes mangées dans la même assiette et avec une seule cuiller ; des pêches sucrées, après que l’ouverture purpurine laissée par le noyau absent, avait servi de coiffe au bouton d’un sein blanc comme la chair de la pêche dépouillée de son beau velouté, tout cela entremêlé de baisers ardents, sur les bras, sur les épaules, sur les lèvres. Enfin toutes deux se levèrent, laissant tomber leurs kaïck, la comtesse, emportant comme la déesse Pomone, des fruits dans une corbeille de fils d’or, et Florence comme une bacchante, une coupe pleine de champagne mousseux.

Toutes deux, les bras entrelacés, s’approchèrent du lit et déposèrent l’une sa corbeille, l’autre sa coupe, sur une table de nuit de marbre blanc représentant une colonne tronquée et cachant dans ses profondeurs un petit vase en porcelaine de Sèvres, d’une forme charmante. Puis toutes deux se regardèrent comme pour se demander : Qui est-ce qui va commencer ?

— Ah, dit la comtesse, il me semble. Dieu merci, que ce doit être moi.

Sans doute la demande parut juste à Florence qui, sans répondre, appuya ses lèvres sur celles de la comtesse, lui glissa un ardent baiser et se renversa sur le dos les jambes ouvertes.

La comtesse resta un instant en extase devant ce corps étrange qui avait la virilité de l’homme et la grâce de la femme : elle prit le peigne d’or et de diamants avec lequel elle avait retenu ses cheveux pendant le souper, et en fit un diadème à cette divinité charmante, à cette mystérieuse Isis qui, la première entre toutes les déesses, fut adorée sous le nom charmant de Saunie.

Les diamants et l’or étincelaient doublement perdus dans cette fourrure noire où les dents du peigne s’enfonçaient dans toute leur longueur, sans arriver à atteindre l’ouverture que la jalouse comtesse eût voulu griller.

Alors elle se mit à genoux et comme les somptueux ornements qu’elle venait d’ajouter au saint ne l’empêchaient pas de faire ses dévotions à la chapelle, elle posa doucement les cuisses de Florence sur ses deux épaules, écarta cette toison touffue qui voilait l’entrée de la grotte, arriva aux lèvres qu’elle ouvrit et qui semblèrent un écrin de velours noir doublé de satin rose.

À cette beauté inattendue, elle poussa un cri de joie, y colla sa bouche, commença à mordiller et à sucer le clitoris qui se raidit voluptueux et qu’elle caressa un instant de la langue, puis elle voulut lui rendre la caresse plus profonde et plus amoureuse encore qu’elle avait reçue de moi, mais à son cri de joie succéda un cri d’étonnement : elle trouvait clos un passage qu’elle avait cru ouvert. Elle se redressa vivement et, reconnaissant qu’un obstacle auquel elle était loin de s’attendre existait, elle prit Florence et la soulevant par le col et la regardant avec avidité :

— Que veut dire cela ? demanda-t-elle.

— Mais, chère Odette, dit Florence en riant, cela veut dire une chose toute simple, c’est que je suis vierge ou, si vous êtes difficile sur les mots : pucelle.

— Fais-tu donc une différence entre une vierge et une pucelle ?

— Moralement, une immense, chère âme ; la vierge est la jeune fille qu’aucune bouche n’a touchée, qu’aucun doigt, pas même le sien n’a effleurée ; la vierge est l’innocente qui n’a jamais joui ; la pucelle est tout simplement celle qui, au milieu de ses propres attouchements et de ceux des autres hommes ou femmes, a eu la force de conserver intacte la membrane de l’hymen.

— Ah ! s’écria la comtesse joyeuse, j’aurai donc trouvé une femme pure du contact d’un homme ! Oh, sais-tu que je n’ose pas le croire, ma belle Florence.

— Assure-t’en, dit Florence, d’autant plus que j’aurais bien quelques reproches à te faire sur le moment où tu t’es arrêtée. Ah ! méchante, je commençais à sentir les premières titillations de la jouissance !… Reprends ta place, ma bien aimée Odette et si quelque chose a encore le merveilleux privilège de t’étonner, attends, pour me le dire, que tu aies fini.

— Encore un mot ?

Florence glissa un doigt jusqu’à son clitoris et continua de se chatouiller doucement elle-même pour ne pas laisser descendre le thermomètre du plaisir au-dessous de zéro.

— Parle, dit-elle.

— Donc, tu es pucelle, mais tu n’es plus vierge.

— Non, puisque ce que je fais en ce moment en t’attendant, paresseuse, suffirait à me dévirginer.

— Les hommes, continua en hésitant la comtesse, les hommes sont-ils pour quelque chose dans ton défaut de virginité.

— Pour rien au monde ; jamais l’œil d’un homme ne m’a vue, jamais un homme ne m’a touchée où je me touche.

— Ah ! s’écria Odette, voilà tout ce que je voulais savoir et elle s’élança sur Florence, écarta son doigt et appliqua ardemment sa bouche sur le voluptueux vagin dont la nature a fait le siège du plaisir.

Florence jeta un petit cri ; peut-être avait-elle un peu vivement senti les dents qui la caressaient, mais presque aussitôt la langue d’Odette prit la place de ses dents et cette langue savante s’assura bien vite que Florence n’avait pas menti, et que si elle n’était pas vierge, elle était aussi complètement pucelle que possible.

Quant à Florence, elle s’aperçut bientôt de deux choses, la première : combien il est plus doux d’être dévorée par une bouche ardente qui a à son service, pour varier les plaisirs, des agents différents, les lèvres qui sucent, les dents qui mordent et la langue qui chatouille, ou d’être seulement surexcitée par un doigt si agile et si carressant qu’il soit ; et la seconde : c’est qu’il y avait un abîme entre la Russe Denise et la Parisienne Odette.

Le plaisir se traduisit chez elle par des cris de volupté, tels qu’on eût pu les croire des cris de douleur et elle était presque évanouie lorsque la comtesse continua sur sa bouche les baisers qu’elle venait de lui donner ailleurs.

— Ah ! à mon tour, dit-elle mourante à mon tour.

Et elle se laissa glisser au bas du lit dans la pose du gladiateur blessé. La comtesse reprit sa place sur le lit et s’approchant par un mouvement de couleuvre de la tête de Florence, encore inclinée sous les poids du plaisir :

— Ah ! murmurait-elle, si un homme avait vu et entendu ce que tu viens d’entendre, jamais plus je n’oserais relever la tête.

En ce moment, la comtesse était si près d’elle que de son poil elle effleurait les cheveux de Florence.

La belle actrice tressaillit, les ailes de son nez s’agitèrent, elle releva la tête, rouvrit les yeux, sa bouche était en face de ce bouquet de flammes, qui à la première vue, lui avait donné de si ardents désirs.

Mais la première fureur de ces désirs était passée, Florence allanguie, mais non lassée, avait un peu plus de loisir à donner au bonheur ; elle baisa doucement ce poil parfumé, puis l’ouvrit pour juger par la vue, mieux qu’elle n’avait fait par le toucher, du trésor d’amour que la comtesse lui abandonnait.

La comtesse n’avait jamais eu d’enfant, les lèvres et le vagin était donc d’une conservation et d’une fraîcheur parfaites, de cette charmante couleur rosée que l’on a appelée cuisse de nymphe. Elle écarta les grandes lèvres et ses yeux se portant en ce moment sur la corbeille pleine de raisins, de pêches, de bananes, elle prit la plus petite, mais la plus colorée des pêches et la plaça sur les petites lèvres en les recouvrant à moitié des grandes lèvres.

— Mais que fais-tu donc ? demanda Odette.

— Laisse-moi faire, dit Florence, je te greffe. Tu n’a pas idée comme cette pêche est bien encadrée ; je voudrais être peintre de fruits, je ferais le portrait de cette pêche, non pas pour elle, mais pour le cadre ; son velouté tant vanté par les poètes qui le comparent à celui de nos joues, me pique comme autant d’aiguilles,

— Eh bien ! attends, dit Florence.

Et avec un couteau d’argent, elle enleva la peau de la pêche, qui pareille à une feuille de rose pliée en deux avait empêché pendant toute une nuit un Sybarite de dormir, venait d’irriter, dans sa susceptibilité infinie, la muqueuse de la comtesse ; puis elle fendit la pêche en deux, en enlevant le noyau et la replaça dans son cadre.

— À la bonne heure, dit Odette, voilà qui est bon, voilà qui est frais. Et voilà qui est délirant !…

— Oh ! si tu pouvais voir !… Cette moitié de pèche semble une partie de toi-même et te fait une virginité nouvelle. Oh ! c’est véritablement à cette heure que je vais te manger, arrête-moi quand tu sentiras mes dents, où je serais capable de te dévorer.

Et toujours tenant la moitié de la pêche serrée contre les grandes lèvres, elle colla sa bouche à la concavité rose formée par l’absence du noyau, puis de la langue et des dents, elle se mit à élargir et à ravager cette concavité, jouissant par le goût ; tandis qu’Odette avec un indicible plaisir préparée à la jouissance par le mouvement imprimée à la pêche, sentait s’approcher d’elle l’instrument démolisseur qui creusait et détruisait l’obstacle qui l’empêchait de se mettre en contact avec elle.

Enfin l’obstacle tout entier disparut et rien n’empêcha plus le bélier qui avait renversé les ouvrages avancés, de se mettre en contact avec la citadelle elle-même.

Oh ! la citadelle était toute ouverte, et ne demandait pas mieux que de recevoir l’ennemi, si ouverte que Florence sentit son impuissance, et jetant, sans quitter l’œuvre charmante qu’elle opérait, un nouveau regard sur la corbeille, elle allongea la main, y prit la plus belle des bananes, en enleva la peau, sans qu’Odette, qu’elle n’abandonnait pas une seconde, pût se douter de ce qu’elle faisait, glissa la banane en dessous et prenant une de ses extrémités entre ses dents, poussa tout à coup l’autre jusqu’au fond du vagin et continua avec le fruit le mouvement de va-et-vient qu’eût fait un amant avec autre chose.

Odette poussa un cri d’étonnement et de plaisir.

— Oh ! dit-elle, serais-tu devenue un homme !… Prends garde !… je vais te détester… oh !… oh !… je te déteste… je te déteste… oh ! que tu me fais jouir !… et que je t’aime !… oh !… oh !…

La comtesse était évanouie à son tour.

Florence, alors au pied du lit, couchée sur le parquet, essaya sur elle-même la vertu du merveilleux fruit, mais quoique diminuée d’un bon tiers par le frottement, la banane arrêtée à l’orifice du vagin par la membrane virginale… ne put ni rompre l’obstacle, ni glisser malgré lui.

— Ah ! s’écria-t-elle, tout à coup, il faut cependant que je jouisse ; et jetant loin d’elle la banane impuissante, elle replaça la comtesse haletante dans la longueur du lit, l’enjamba comme elle eût fait d’un cheval et s’apprêtant à lui rendre le plaisir qu’elle allait lui donner, elle appliqua ses cuisses écartées sur la bouche en même temps qu’elle appliquait sa bouche entre les cuisses écartées d’Odette.

Alors, pareilles à deux couleuvres, en amour au mois de mai, les deux corps n’en firent plus qu’un, les gorges s’aplatissaient sur les ventres, les cuisses s’arrondissaient autour de la tête, les mains se nouaient sur les fesses ; pendant quelques minutes toutes paroles cessèrent, on n’entendit plus que des respirations étouffées, des sifflements de bonheur, des râles d’amour, des soupirs de volupté, puis, tout à coup, on n’entendit plus rien, les bras s’étaient détendus, les cuisses étaient retombées et chacune, en murmurant le nom de l’autre, avait joui en même temps.

Cette fois, il y eut un long repos. On eût cru les deux athlètes mortes ou du moins endormies ; enfin on entendit sortir de leurs lèvres ce mot, le premier et le dernier qui s’échappe du cœur dans les grandes jouissances, comme dans les grandes douleurs :

— Mon Dieu !

Elles revenaient à elles.

Quelques instants après, enlacées, haletantes, échevelées, les yeux noyés de langueur, les jambes chancelantes, elles se laissèrent glisser du lit et allèrent se coucher sur une longue et large causeuse.

— Ah, ma belle Florence ! que de plaisir tu m’as donné, dit Odette. Qui t’a donc donné l’idée de venir là manger ta pêche ?

— C’est la nature, les fruits ne sont pas toujours faits pour être mangés là où ils poussent. C’était la première fois qu’on te caressait de cette manière-là ?

— Oui.

— Tant mieux, j’ai trouvé quelque chose de nouveau… et avec la banane ?…

— Ah, chérie ! j’ai cru que j’allais mourir.

— Alors, cela t’a fait plus de plaisir que ma bouche ?

— Ah ! c’est autre chose, cela ressemble plus au plaisir que donne un amant puisqu’il y a introduction dans le vagin d’un corps étranger. Ah dame, ma chérie, c’est la supériorité que l’homme aura toujours sur nous.

— Mais, bien décidément, l’homme a donc une supériorité ?

— Hélas oui, nous allumons la flamme, mais nous ne l’éteignons pas.

— Tandis que lui ?

— Ah ! lui !… l’éteint. Heureusement que l’art nous a rendu le privilège que nous a refusé la nature.

— Comment cela ?

— En inventant les godemichés.

— Cela existe donc ? demanda Florence avec curiosité.

— Sans doute, n’en avez-vous jamais vu !

— Jamais.

— Êtes-vous curieuse d’en voir ?

— Certainement.

— Vous savez comment l’homme est fait ?

— Par les statues.

— Pas autrement ?

— Non.

— Vous n’avez jamais vu d’homme ?

— Jamais.

— Oh ! alors à mon tour, je vais donc t’apprendre quelque chose de nouveau.

— Vous en avez ?

— De toute espèce.

— Oh, voyons !

— Je m’aperçois que nous ne nous tutoyons plus.

— Qu’importe, nous nous aimons n’est-ce pas ?

— Oh, oui !

Et leurs deux belles bouches se joignirent.

— Attends, attends, dit Odette, je vais aller chercher tous mes écrins.

— Laisse-moi aller avec toi.

— Viens.

Odette conduisit Florence dans son cabinet de toilette et là, ouvrant le double fond d’une armoire à glace, elle en tira un écrin et deux espèces de fontes comme celles où les Turcs mettent leurs pistolets.

Puis elles rapportèrent le tout sur la causeuse où allait avoir lieu l’exposition.

D’abord, dit Odette, je vais te montrer l’écrin… Le bijou qu’il renferme est, non seulement un bijou historique, mais encore une œuvre d’art. On l’attribue tout simplement à Benvenuto Cellini ; et Odette ouvrit l’écrin de velours rouge et montra à Florence un véritable chef-d’œuvre de sculpture sur ivoire.

C’était la reproduction exacte et sans exagération des parties sexuelles de l’homme, le gland, la verge en étaient d’un poli admirable, mais les testicules destinées à rester dans la main de l’agent, homme ou femme, présentaient la plus fine sculpture qui se pût voir.

Sur la rugosité de la peau admirablement imitée et sur le rebondissement des testicules étaient sculptées d’un côté, les fleurs de lis de France et de l’autre côté s’entre-croisaient les trois croissants de Diane de Poitiers.

Il n’y avait donc pas de doute que le merveilleux bijou n’eût appartenu à la fille de monsieur de Saint-Vallier, à la veuve de monsieur de Brèzé et à la double maîtresse de François Ier et de Henri II.

Florence examina l’objet avec étonnement d’abord, avec curiosité, puis ensuite avec admiration.

Avec étonnement, parce que c’était la première fois qu’elle voyait et touchait un objet de cette espèce.

Avec curiosité, parce qu’elle n’en connaissait pas le mécanisme.

Enfin avec admiration, parce que Florence était artiste avant tout, et que c’était une œuvre d’art.

À la base de la verge, à l’endroit où commençaient les testicules et où l’on distinguait quelques flocons de poils sculptés avec la plus grande finesse, le bijou se dévissait d’une façon presque invisible et montrait en s’ouvrant un mécanisme presque aussi compliqué que celui d’une montre. Il donnait l’impulsion à un piston destiné par un échappement intérieur à lancer une liqueur adoucissante dans le vagin par une petite ouverture imitant l’ouverture naturelle.

Cette liqueur, soit lait, soit eau de guimauve, soit même colle de poisson, substance qui, plus que toutes les autres, se rapproche de la liqueur séminale, était destinée à remplacer le sperme.

Florence s’étonnant un peu de la grosseur de l’objet, qui était plus du double de la banane dont elle avait essayé chez elle l’introduction, mais la comtesse souriant, répondit par la plus simple démonstration ; elle l’appuya et il disparut sans effort.

— Tu vois, dit-elle, cependant je ne suis pas large.

Florence se pencha. Il n’y avait point de supercherie, le godemiché n’était arrêté que par les testicules.

D’abord, elle y mit la main et le fit mouvoir, comme elle avait fait mouvoir la banane.

Il y avait pression, mais l’on sentait que dans cette pression même il y avait un surcroît de jouissance.

— Pas sans lait ! dit la comtesse en arrêtant la main de Florence.

On avait suffisamment admiré le bijou historique, on passa à l’un de ceux qui étaient restés dans les fontes de velours. Le premier des deux qu’on en tira était un godemiché ordinaire en caoutchouc et de façon française ou anglaise, seulement plus soigné que ceux que l’on fait en fabrique, ou plutôt que l’on faisait à cette époque pour les couvents espagnols ou italiens, où il s’en vendait plus de deux millions tous les ans.

Celui-là était comme celui de Diane de Poitiers, de taille ordinaire, mesurant de cinq à six pouces, avec du poil naturel à sa base, et peint en couleur de chair. Le système pour lancer la liqueur était plus simple ; comme la matière fléchissait sous les doigts, il n’y avait qu’à presser les testicules à un moment donné et la liqueur qu’on y avait introduite d’avance en jaillissait.

Celui-ci n’ayant rien de particulier comme art, subit un examen beaucoup moins long que celui qui, selon toute probabilité, avait eu l’honneur de servir à Diane de Poitiers.

On passa au troisième.

Celui-là fit pousser un cri de surprise et presque d’effroi à Florence. En effet, il pouvait mesurer 7 à 8 pouces de long et 5 à 6 de diamètre.

— Oh ! dit-elle, celui-ci n’est pas celui de Diane, c’est celui de Pasiphaé.

La comtesse se mit à rire.

— Aussi, je l’appel le Géant ! C’est une curiosité d’Amérique du Sud, et donne une idée de ce qu’il faut aux dames de Rio-Janeiro, de Caracas, de Buenos-Ayres et de Lima ; mais regarde quelle merveille de travail !

En effet, pour un amateur il n’y avait rien à dire, il était fait avec une sorte de gomme merveilleuse de poli. Chaque poil était planté comme dans un faux toupet sortant de l’atelier du meilleur coiffeur de Paris, et à coup sûr il avait été moulé à la manière des sculpteurs dans un bon creux pris sur nature.

Comme le bijou français, une simple pression des testicules suffisait à lancer la liqueur ; seulement la contenance était telle qu’on pouvait la lancer cinq ou six fois et par conséquent renouveler cinq ou six fois l’ineffable jouissance de l’arrosement.

— Mais, répétait sans cesse Florence, qui ne pouvait l’embrasser de sa main, mais c’est un monstre, mais il n’existe pas une femme qui puisse recevoir un pareil objet. C’est un accouchement à l’envers.

Odette souriait sans mot dire.

— Mais, réponds-donc, lui dit Florence impatiente, et ne te moque pas plus longtemps de moi.

— Je ne me moque pas de toi, ma petite Florence, dit Odette, mais écoute-moi bien.

— J’écoute, dit Florence.

— Si de sang-froid et sans être entraînée, une femme devant son désir solitaire, voulait s’amuser avec un bijou de cette taille, bien certainement il n’entrerait qu’avec effort, mais qu’à la suite de plusieurs caresses entre deux femmes, caresses dans lesquelles le doigt, la bouche, un bijou ordinaire auront joué leurs rôles, que dans l’échauffement du plaisir, la femme qui fait l’amant, excite, exalte, exaspère celle qui joue le rôle de sa maîtresse, que dans ce moment d’exaspération, elle présente le bout du godemiché enduit de cold-cream aux lèvres bien écartées et pousse doucement, sans brutalité, l’objet entrera, et une fois entré, poussera la jouissance au plus haut degré.

— Impossible !

— Veux-tu voir ?

— Sur qui essayerai-je ?

— Sur moi, je me dévoue.

— Je t’écartèlerai.

— Suis-je écartelée ?

— Eh bien ! oui, oui, je veux bien, s’écria Florence.

— Attends.

La comtesse, qui sans doute s’attendait à ce dénouement, avait fait, sur une lampe à esprit-de-vin, tiédir la crême dans une petite théière d’argent.

Elle alla la chercher et prépara le plus gros des trois bijoux, puis elle tira du même sac de velours, une ceinture élastique.

— Viens ici, dit-elle à Florence, avec un frémissement de narines qui prouvait combien elle était excitée par tous ces préparatifs.

— Pourquoi ? demanda Florence effrayée.

— Pour que je fasse de toi un homme.

Florence s’approcha, la comtesse lui passa la ceinture qui fixa sur le pubis le plus gros des godemichés, puis elle lui mit dans la main, le bijou de la Renaissance, préparé avec de la crème tiède ; puis embrassant Florence qui tremblait, en jeune garçon monstrueusement partagé de la nature, elle enleva le couvre-pieds et se jeta à la renverse sur le lit.

Fais ce que je te dirai, dit-elle, et à mesure que je te le dirai.

— Sois tranquille, dit Florence, aussi excitée que la comtesse, tu me dirais de te déchirer que je le ferais.

— La bouche… la bouche…

Florence posa l’amant de Diane de Poitiers à terre, et commença avec la bouche une de ses plus savantes caresses.

Elle sentait qu’il fallait que cette caresse, toute délicate, le disputât aux brutales caresses qui la suivraient. Aussi Odette répondit-elle par tout le répertoire des tendresses lesbiennes. Florence était son amie, son ange, son cœur, sa vie, son âme ; toute la gamme des soupirs voluptueux sortit note à note de ses lèvres frémissantes de plaisir, jusqu’à ce qu’enfin, haletante, elle ne put que dire :

— Diane… Diane…

Florence comprit, elle allongea la main, ramassa le bijou royal, le glissa sous ses lèvres pour qu’il n’y ait pas d’interruption dans la jouissance ; et en effet, elle continua heureusement et si habilement la jouissance que la gamme ne fut pas interrompue, mais continua avec un nouveau degré d’intensité. Florence ne perdait pas de vue un des mouvements du bijou, elle le voyait entrer, elle le voyait sortir, elle le voyait se couvrir d’une mousse voluptueuse ; la comtesse ne parlait plus que par petits cris jetés. Tout à coup elle se raidit et cria… le lait… le lait…

Florence lâcha le ressort et un long soupir annonça que la comtesse entrait dans cette jouissance que seul donne le coït, parce que le coït est suivi d’un apaisement. Mais la comtesse savait que derrière cette jouissance, une jouissance plus grande n’attendait qu’un mot d’elle, de sorte qu’au milieu des douces plaintes qu’exhalait sa victime, Florence distingua ces mots : le Géant !… le Géant !…

Florence les attendait avec impatience. C’était le moment où elle allait véritablement jouer son rôle ; elle tira, jeta à terre le bijou de Diane de Poitiers, et comme le lait revenait baigner les lèvres, elle ne jugea point le cold cream nécessaire. Elle se redressa aussi habillement que l’eut fait un homme, elle introduisit le gland du Géant entre les petites lèvres, et poussa vigoureusement. La comtesse jeta un cri et se raidit contre la douleur en disant :

— Va… va… toujours… va… oh ! que tu me déchires, pousse donc, pousse… ah… il y est.

La comtesse avait dit vrai, cette dernière épreuve devait la conduire au paroxysme de la jouissance. Ce ne furent plus des cris d’amour, ce furent des rugissements de rage, au milieu desquels on n’entendait que ces mots entrecoupés : Ta bouche, ta langue… prends ma gorge… suce-moi Je téton… ah !… mon Dieu ! que je jouis… ah !… il est temps, serre les cuisses, serre les cuisses… décharge… Ah, mon beau Géant !… encore, oh, encore !… Et chaque fois que la comtesse disait encore, Florence envoyait un jet de flammes qui pénétrait jusqu’au fond des entrailles d’Odette.

Enfin, la comtesse demanda grâce.

Florence s’éloigna d’elle, déboucla sa ceinture et la laissa tomber sur le tapis avec son appendice.

La comtesse était restée pâmée sur le lit… les bras et les cuisses ouverts.

Florence se sentit prise de vertige ; elle remplit le bijou d’ivoire d’un lait nouveau, se renversa en face du lit sur la chaise longue, écarta ses lèvres, et caressant son clitoris d’une main, elle appuya de l’autre main le gland du godemiché contre la membrane de l’hymen. Mais bientôt, elle s’aperçut que dans cette posture, elle perdait une partie de ses forces : elle en chercha donc une autre. Elle rapprocha deux oreillers de la causeuse, s’accouda doucement dessus et se réservant d’appuyer quand elle serait sûre de trouver dans le plaisir un auxiliaire contre la douleur ; puis, elle commença de chatouiller de la main droite, tandis que de la gauche elle empêchait le bijou de vaciller, soit en avant, soit en arrière, avec une science admirable qui lui venait de l’habitude ; elle harmonisa les mouvements des reins avec la progression du plaisir, appuyant peu à peu, laissant toujours la douleur en arrière de la jouissance, puis sentant le plaisir arriver, elle s’abandonna à toute sa pesanteur, poussa un cri, mais n’en appuya que plus fort, poussa un second cri, mais de plaisir, mais de bonheur, et donnant avec la main un mouvement de va-et-vient au bijou royal, elle acheva de jouir en se renversant en arrière et en se tordant comme une couleuvre.

La belle comtesse, aux cris poussés par Florence, s’était redressée sur son lit et la regardait avec étonnement.

La fière jeune fille avait tenu la parole qu’elle s’était donnée ; elle avait fait à elle-même et à elle seule le sacrifice de sa virginité.

Le sacrifice avait laissé sa trace sanglante sur la causeuse de la comtesse.

Nous fûmes trois jours et trois nuits sans voir la comtesse, et le quatrième joui ; elle vint nous annoncer que le lendemain Violette commencerait à prendre ses leçons chez Florence. À la suite d’une scène de jalousie, très bien jouée par la comtesse à l’endroit de Florence, celle-ci avait donné sa parole à la comtesse de ne jamais s’occuper de Violette pour autre chose que pour la faire participer à l’admirable talent qu’elle avait.

L’union des deux disciples de Lesbie fut célébrée, et la comtesse prit un vif goût à ses nouvelles relations sans cependant négliger Violette, qui continua longtemps ses études théâtrales sous la direction de Florence et débuta avec un grand succès.

Notre charmante vie d’amour dura plusieurs années, puis… puis… Ah ! le reste est triste à écrire. Je devais terminer ici ce récit d’un des plus jolis épisodes de mon existence. Mais puisque j’ai commencé il faut aller jusqu’au bout.

Un soir, la comtesse qui était toujours disposée à enlever Violette à ma tendresse trouva moyen à la suite d’une réception de l’accaparer dans sa loge.

L’enfant eut froid, elle se mit à tousser.

On n’y prit pas garde. Elle devint sérieusement indisposée, et comme depuis qu’elle était souffrante elle semblait plus voluptueuse encore, malgré les observations du docteur, on s’aimait et on se le prouvait trop.

Elle tomba malade l’hiver, languit tout l’été et quand la bise commença à joncher le soldes tourbillons de feuilles dont novembre est prodigue, nous conduisîmes la pauvre petite Violette à sa dernière demeure.

Elle s’était éteinte dans mes bras, en me disant :

— Mon Christian, je t’aime.

Je fis envelopper sa tombe d’une grande cloche de verre sous laquelle la comtesse et moi, nous plantâmes un gazon de fleurs qui lui avaient donné leur nom et nous la pleurâmes longtemps. Puis les amours de Florence d’un côté, le courant de la vie et ses incidents de l’autre, effacèrent peu à peu le souvenir amer de l’heure de la séparation.

J’en arrivai à oublier d’aller au jour anniversaire de sa mort cueillir les petites fleurs, dont les racines s’abreuvaient de la substance de ma petite maîtresse.

La comtesse plus fidèle m’en envoyait parfois avec ces mots : ingrat !

Maintenant que ce récit de nos trop courtes amours est terminé, je roule mon manuscrit, je le ficelle et… vogue la galère… je le lance à l’aventure sur le bureau de l’éditeur intelligent qui sera assez adroit pour le saisir au passage.


FIN