Les Dieux antiques/Mythes perses
e qui rend la mythologie perse
particulièrement remarquable,
c’est le sens spirituel ou moral
qu’elle greffe sur des phrases et
des légendes qui n’avaient rapport
originairement qu’à des objets matériels
ou physiques. La bataille d’Indra et de
Vritra, qui dans l’Inde était un conflit
entre le dieu du soleil ou du ciel et le
dragon supposait le gardien de
la pluie, devint en Perse la lutte spirituelle
entre le bien moral et le mal
moral, de façon qu’un texte, suggéré par un spectacle
très-commun du monde extérieur, se trouva être le fondement
d’une philosophie connue sous le nom de Dualisme
(en d’autres mots, le conflit entre deux dieux, l’un bon,
l’autre mauvais). Les vieux noms, ou contemporains des
premiers âges de la race en son ensemble, se conservèrent
et, dans beaucoup de cas, restent ceux des
mythes plus modernes. C’est ainsi que Trita, ou Traitana, devient pour les Perses Thraetana, tandis que
Verethragna, ou « exterminateur de Verethra », le Feridun
de la poésie épique postérieure, répond au Vritrahan
védique ou « exterminateur de Vritra. » Feridun est, à
son tour, l’exterminateur de Zohak (nom qui s’écrivait
d’abord Azi-dahâka, le serpent qui mord) ou de Ahi, qui
nous reporte cette fois à l’Echidna grecque. Le nom de
Zohak reparaît dans celui d’Astyage (Asdahag), roi de
Médie, qui est défait et détrôné pair son petit-fils Kuros
(appelé à tort, en français, d’après le latin exclusivement :
Cyrus), comme Laios, roi de Thèbes, est tué par son fils
Œdipe.
Le germe de pareille idée morale, je le retrouve aux hymnes védiques : dans une prière déprécatoire que font quelquefois les adorateurs, voulant que Vritra, l’ennemi, n’étende point sur eux son pouvoir. Ce combat du bien et du mal a été désigné sous d’autres noms ; on en parle aussi comme du grand conflit entre Ormuzd et Ahriman. Qu’est-ce qu’Ormuzd ? Le nom du dieu bon. Un mot perse ? Non. On ne peut même l’expliquer par la langue perse, mais le Zendavesta donne ce nom sous la forme Ahurômazdâo, nous reportant ainsi au mot sanscrit Asurômedhas, qui signifie « esprit sage ». Un autre nom d’Ormuzd était Speutô-mainyus, ou « l’esprit saint ». Le nom donné dans les livres anciens au pouvoir opposé à Ahurômazdâo est celui de Drukhs, mot qui signifie simplement « tromperie ».
Qu’est-ce donc que le nom d’Ahriman ? C’est un nom qui veut dire un esprit du mal et qui fut donné, dans une époque postérieure, au pouvoir connu en tant que Vritra et que Drukhs. Dans le Zendavesta, l’esprit saint (Speutô-mainyus, c’est-à-dire Ormuzd) et l’esprit de mal (Ahro-mainyus, c’est-à-dire Ahriman) passent pour avoir créé le monde. Quant aux Devs ou Divs, il faut voir en eux des esprits dont le nom est parent du grec Theos et du latin Deus. Les adeptes de Zoroastre se séparèrent des adorateurs des Dévas, c’est à-dire des déités védiques, et déclarèrent dans leur profession de foi en faveur du Zendavesta : « Je cesse d’être adorateur des Dévas [1]. Je professe l’adoration selon Zoroastre, d’Ahuramazda, et suis l’ennemi des Dévas et dévot à Ahura. »
- ↑ L’Aêshmia daêva perse est l’Asmodée ou l’esprit malpropre du livre de Tobie, dans la Bible hébraïque.