Les Énamourées/1

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Les ÉnamouréesÉditions modernes (p. 137-160).


LES ÉNAMOURÉES




I

Dans le train


Le petit sous-lieutenant Guy Guite se dirige, ce matin-là, d’un pas alerte vers la gare de Genlis, l’ignoble petite sous-préfecture de Marne-et-Oise où il croupit depuis près de six mois. Il a en poche une permission de six jours et il court, il vole, vers Paris et ses distractions.

Frais émoulu de Saint-Cyr, Guy n’a guère que vingt-cinq printemps, vingt-cinq printemps qui s’étiolent dans Genlis, la ville morte où il est défendu de rire, la ville de toutes les vertus apparentes et de tous les vices cachés. Or, Guy n’est pas vicieux, il aime, il adore les petites femmes jeunes et gentilles, pas bégueules, et il ne cache pas sous des dehors austères cet amour du beau sexe. Il est tout pétillant, tout sémillant, l’aimable sous-lieutenant du 32e chasseurs, il n’a rien d’un puritain.

Très soigné, très élégant, très adonisé, rasé de près et poudrerizé avec art, son œil d’un bleu tendre regarde, amusé, les petites femmes qui tiquent vers lui dès qu’elles l’aperçoivent. Il a l’air de leur dire : « Hé, oui, mes petites chattes, vous le voulez, vous l’aurez ce bon petit Guy Guite ». En songeant aux joies qui l’attendent dans la Babylone moderne, Guy, éperonné par le désir, se sent des ailes, et il contemple avec une joie sournoise quelques vieilles rombières qu’il croise sur son chemin.

Laissons ce brave petit sous-lieutenant, il connaît le chemin du quartier à la gare, il y arrivera bien sans que nous nous attachions à ses pas, ce qui serait aussi gênant pour lui que pour nous.

Aussi bien, un autre personnage attire notre attention. Pour l’instant, il est à la porte du quartier et s’apprête à franchir le seuil de l’hospitalière demeure. Le seuil est gardé par un maréchal des logis, jugulaire au menton, rengagé, d’une douceur relative pour les simples bibis de deuxième classe.

Mais notre quidam le contemple sans inquiétude, il a en poche une perme absolument régulière et le cerbère devra s’incliner devant le papier magique, signé, timbré et paraphé comme un billet de banque.

Ernest Flambard, c’est le nom du deuxième classe, a d’ailleurs des relations un peu dans tous les mondes, il sait se débrouiller et il connaît les arguments qui touchent. Pour l’instant, il avance à petits pas, en se dandinant légèrement, il a même, collé à sa lèvre inférieure, un minuscule mégot qui pend sans fausse honte. Fumer dans la cour du quartier ! Cela implique une certaine dose de culot, mais Ernest ne s’intimide pas facilement.

C’est un « parigot » qui tire son temps à Genlis. Dans le civil, il n’avait pas d’occupations bien déterminées, il avait des bontés pour des petites dames qui se défendaient sur le trottoir, et ces bontés lui assuraient la subsistance, très largement. Il avait aussi les courses, les tuyaux à vingt contre un. Comme il avait quelque habileté au bout des doigts, il maniait les cartes avec assez d’aisance pour y trouver une source de profits respectables. Tous ces petits talents lui avaient permis, jusqu’alors de trouver la vie belle pour les gens intelligents et, comme il avait eu la chance d’éviter d’être compromis dans de vilaines affaires, cela lui permettait de faire figure d’honnête homme.

Dès son arrivée au régiment il s’était tout de suite trouvé très à son aise, et comme les petites dames qui portaient ses couleurs continuaient à se défendre, il avait toujours la poche bien garnie, ce qui lui permettait de se ménager des intelligences, des complaisances parmi le personnel des sous-officiers.

Tout de suite, il avait adopté une tenue débraillée qui lui allait comme un gant, il avait convenablement cassé la visière de son képi et il faisait le salut militaire avec la nonchalance et la désinvolture d’un ancien. Son bagout, sa générosité, son culot l’avaient vite rendu très populaire parmi les deuxième classe. Et dans le quartier on n’entendait que des « Ah ! ce Nénesse, quel as ! » ou des « Tu parles d’un type ! ».

Comme c’était un garçon sérieux, bon commerçant, dès son arrivée à Genlis, il avait cherché à établir dans la petite sous-préfecture, une filiale, une succursale, et quelques boniches préféraient verser leurs économies dans le gousset du chasseur plutôt que d’aller les porter à la Caisse d’épargne. Ces pauvres filles y trouvaient sans doute des avantages supérieurs aux jouissances qu’elles pouvaient retirer des intérêts que cet établissement était prêt à leur verser en rémunération de leur petit capital. Des goûts et des couleurs…

Maintenant que vous connaissez le personnage moralement, deux lignes vous suffiront pour vous le faire connaître physiquement ; il est plutôt menu, le cheveu d’un blond fade, très peu en couleur, plutôt pâle, même en deux mots c’est un gringalet à la figure chiffonnée, à la démarche nonchalante, qui se dandine habituellement les deux mains dans les poches.

Arrivé au corps de garde, il s’approche du sous-officier et lui parle confidentiellement à l’oreille, la figure du maréchal des logis s’illumine d’un sourire et les deux hommes se dirigent vers la cantine. Oublieux de ses devoirs, le gradé laisse la caserne se garder toute seule. Comme il a un minimum de conscience, il avale en vitesse et coup sur coup deux grands verres de vin blanc que lui a offerts le Parigot, puis il revient à son poste, suivi du « chasseur » qui lui serre la main et se hâte vers la gare.

Car il va à Paris, ce brave Nénesse, lui aussi il a une permission de six jours. Il s’est débrouillé, a prétexté un parent malade, s’est fait envoyer un télégramme et tout a marché comme sur des roulettes. Il va un peu surveiller son poulailler, il juge que depuis quelque temps la ponte s’est considérablement ralentie et il juge nécessaire d’aller se faire voir et d’administrer quelques sérieuses raclées à la volaille négligente et oublieuse de ses devoirs.

En arrivant à la gare, tout de suite, il aperçoit son lieutenant qui, au guichet, prend son billet, il lui fait un salut convenable. Il a de l’estime, de la sympathie pour l’officier. D’abord, c’est le seul Parigot du quartier, et puis il est bon zigue, pas crâneur pour deux sous.

— Dommage qu’il a des sous, regrette Nénesse, avec sa petite gueule, il aurait des poules tant qu’il voudrait !

Guy, de son côté, ne déteste pas le Parisien. Évidemment, il n’a pas des mœurs d’une pureté absolue, mais il préfère l’immoralité du souteneur à l’hypocrisie, à la pudibonderie des Genlisiens si profondément vicieux et sales sous leur façade de vertu austère.

Son billet en main, Guy pénètre sur le quai tandis qu’Ernest Flambard, qui vient d’apercevoir une petite bonne qu’il compte parmi ses relations s’occupe à la taper de quelques pièces pour ses frais de route.

Pauvre petit sous-lieutenant, il part, il fuit Genlis et surtout les Genlisiennes, et à peine arrivé sur le quai, il recule, épouvanté : Devant lui, venant à sa rencontre, deux femmes, le sourire sur leurs lèvres fanées, s’avancent, la tête haute, la poitrine en bataille. La jolie figure du jeune homme se contracte en un sourire douloureux :

— Ah ! quel bonheur, s’exclame l’une d’elles, nous allons voyager ensemble !

Guy s’incline, murmure un « Trop flatté ! » ironique, et cherche à s’esquiver, mais en vain.

Ici, nous allons prendre l’autorisation d’ouvrir une sérieuse parenthèse, la clarté de ce récit l’exige tout aussi impérieusement que M. Laval soit muni de décrets-lois.

Ouvrons donc carrément et ouïssez les utiles explications que nous allons vous donner gratuitement.

La première des deux dames qui, par leur présence sont venues verser une douche glacée sur l’enthousiasme de notre petit officier, c’est tout simplement la sous-préfète de Genlis, Mme Douminey, née Appoel, s’il vous plaît, ce n’est certes pas la première venue. Elle devait être rudement bien à dix-huit ans, seulement, voilà, elle n’a plus dix-huit ans. Elle avoue trente-six ans, mais tout le monde sait qu’elle dépasse la quarantaine. Elle a conservé et elle a bien fait, des restes qui sont respectables. Les yeux sont encore amoureux, ses cheveux passés à l’eau oxygénée et au henné sont d’un roux ardent. La poitrine est volumineuse et, comme un corset solide la maintient, elle se présente d’une façon décente encore qu’elle ballotte un petit peu. Derrière elle, elle traîne une croupe lourde, pleine de promesses qui, tout comme sa patronne, se dandine en marchant.

Et d’une, passons à la deuxième beauté genlisienne, Mme de Throuardan, la femme du conservateur des hypothèques, plus toute jeune non plus, comme sa complice entre quarante et cinquante, mais elle a encore de la ligne ; c’est une grande femme maigre, très brune, au nez busqué, aux yeux sombres et ardents, à la cuisse nerveuse et lascive.

Guy ne les connaît que trop, hélas ! les deux pécores. Il s’en souviendra toute sa vie, même quand il sera maréchal de France, de sa première visite à Madame la Sous-préfète.

La blonde ardente l’avait reçu à la tombée de la nuit, dans un vaste salon garni de divans profonds. Comme par hasard, M. le Sous-préfet n’était pas présent, peut-être faisait-il des vers, cet homme, tandis que sa femme lui garnissait son front de bois solides. Guy avait dû aller s’asseoir à côté de la vaste femme qui avait fait des frais de toilette pour le recevoir, comprenez qu’elle était presque nue.

Guy put tout à son aise contempler une poitrine très blanche, un peu empâtée mais encore appétissante. Comme par hasard, une croupe audacieuse plutôt que ferme vint se frotter contre sa cuisse. Un mouchoir habilement jeté à terre, un amour de sous-lieutenant qui se baisse pour le ramasser, une grosse femme qui esquisse le même geste, qui glisse, qui tombe et qui murmure :

— Petite crapule, vous ferez de moi tout ce que vous voudrez !

Il y a des situations dans la vie où un galant homme ne peut pas agir comme un muffle. Guy s’était exécuté sans joie, évidemment, avec un peu de pitié pour la grosse mémère énamourée. Mais il s’était bien juré qu’on ne l’y prendrait plus et qu’à l’avenir il éviterait soigneusement toute promiscuité avec les femmes vertueuses de la petite sous-préfecture.

Aussi, quand il avait été rendre visite à Mme de Throuardan, il était resté insensible et froid devant les œillades désespérées que lui lançait la brune concupiscente.

La perspective de voyager avec les deux quadragénaires ne paraissait pas affriolante au jeune sous-lieutenant et il jugeait que sa vertu courait de sérieux risques. D’autre part, il lui était difficile de s’esquiver, les deux mégères lui auraient fait une réputation de muffle qui aurait pu nuire à son avancement.

Guy, qui cherchait un prétexte plausible pour éviter la promiscuité du wagon, pour gagner du temps, demanda :

— Vous allez peut-être à Paris, Mesdames ?

— Mais oui, cher Monsieur, répondit Mme Douminey, nous allons nous acheter des chemises, vous viendrez avec nous, cher Monsieur ?

Le danger, qui s’avérait de plus en plus imminent, donna de l’imagination au sous-lieutenant, il songea qu’après avoir acheté les liquettes, les petites folles allaient lui demander de leur essayer, et cette perspective l’affolait. Il voulait échapper à ce péril et, en quelques secondes, il échafauda tout un projet qui allait lui permettre de sauver sa vertu.

Il prit un temps, puis avec une exquise politesse, il répondit à son interlocutrice :

— Mon Dieu ! chère Madame, vous m’en voyez désolé, mais je ne vais pas jusqu’à Paris, je suis envoyé par le colonel en inspection au fort Saint-Jean et je descends à la première station. Mais, continua le petit lieutenant, vous connaissez la nouvelle ? Il y a du nouveau à Genlis !

Très curieuses, intriguées, les deux femmes s’approchèrent et, sans aucun plaisir, Guy vit une fois de plus deux fortes mamelles s’écraser sur sa poitrine, mais il négligea cet écrasement tout à la joie qu’il ressentait de la formidable blague qu’il préparait aux deux pécores et, confidentiel, il laissa tomber :

— Nous avons, depuis deux jours, au quartier, un engagé volontaire de marque : le marquis de Sébastopol, vieille noblesse, très grandes relations, garçon charmant. Il a fait des bêtises, des petites femmes, le bac, les courses ; sa famille l’a décidé à contracter un engagement. C’est un charmant garçon et je songe qu’il doit aller à Paris, aujourd’hui, il doit être à la gare, je vais le chercher pour vous le présenter.

Le marquis de Sébastopol !

Mme Douminey, née Appoel, en faisait pipi dans son pantalon. Mme de Throuardan en ressentait des fourmillements dans toutes les jointures. Les deux femmes avaient sorti leur trousse et, avec une ardeur digne d’une plus noble tâche cherchaient à cacher « des ans l’irréparable outrage ».

Cependant, Guy s’engageait dans la salle d’attente au moment où Ernest faisait des adieux distraits à la petite boniche et enfouissait avec conviction deux pièces de cinq francs dans les poches vastes et confortables que lui fournissait le Gouvernement :

— Flambard, ouvre tes esgourdes, mon garçon, j’ai besoin d’un type intelligent, j’ai songé à toi.

Très flatté, Ernest s’approcha et affirma que « des types à la redresse » comme lui ça ne courait pas par les rues de Genlis, qu’au surplus, il était aux ordres de son lieutenant, qu’il n’avait qu’à dégoiser la combinaise et qu’il était assez mariole pour tout comprendre.

Le temps pressait, le train était annoncé. Guy ne fit pas de phrases inutiles :

— Voilà ! il y a sur le quai la femme du sous-préfet et la femme du conservateur des hypothèques. Elles ne sont plus toutes jeunettes, mais elles ont encore le cœur chaud (ici, Ernest rigola et murmura : le cœur, le cœur…). Je veux leur monter un bateau formidable ; je t’ai fait passer pour le marquis Réaumur de Sébastopol, vieille noblesse, beaucoup d’allure, du maintien, de la race. Je vais te présenter, le reste te regarde, débrouille-toi, je te les donne, fais-en ce que tu veux, elles t’appartiennent. C’est compris ?

— Gy ! ça colle, fit Ernest, les poules, même les culottées, ça m’ connaît. Tant qu’à l’allure, le maintien, ne vous inquiétez pas, j’ serai à la hauteur, j’ suis d’une bonne famille, ma mère était matelassière.

Guy ne perdait pas de temps, il prenait un billet de première pour son complice, lui glissait un billet de cent francs qu’Ernest ne voulait pas accepter mais qu’il finissait par empocher tout de même et arrivait sur le quai juste pour monter dans un compartiment avec les deux femmes et le chasseur.

Tout de suite, le lieutenant fit les présentations :

— La marquis de Réaumur-Sébastopol ! Madame Douminey ! Madame de Throuardan !

De deux doigts protecteurs, Nénesse serra les mains qui se tendaient vers lui, puis sans façon tira de sa poche un paquet de tabac, fit une cigarette et, familier, passa le paquet à son lieutenant en lui disant :

— Si vous voulez en rouler une ?

Très étonnées, les deux Genlisiennes regardaient de tous leurs yeux (quatre en tout) l’étrange scène. Guy trouva le moyen de leur glisser en aparté :

— Il est un peu débraillé, sans façon, apache, mais c’est un genre que se donne en ce moment à Paris toute la haute noblesse, au demeurant c’est un garçon d’une très grande éducation.

Guy avait décidé de descendre à la première station et d’attendre le train suivant à destination de Paris. Il mit son projet à exécution, et prit congé des deux Genlisiennes, les laissant seules avec le pseudo-marquis de Sébastopol.

Le train était alors direct jusqu’à la gare du Nord, et Nénesse resta seul dans son compartiment avec les deux femmes ardentes et lascives.

Nénesse n’était pas un imbécile, sa profession exigeait du tact, de la finesse, de la souplesse. Il avait tout deviné :

— Ces deux particulières ont voulu s’offrir le lieutenant qui les trouve un peu blettes, peut-être même l’ont-elles pris de force, c’est pourquoi il veut me les refiler. Moi, j’ suis pas délicat, j’ crois qu’il y a moyen de faire une bonne petite affaire.

Il s’était installé bien au milieu de la banquette. À sa droite, il avait la sous-préfète ; à sa gauche, la brune Madame de Throuardan.

— Vous avez-là, dit-il à la maigre femme, des bas de soie qui ont l’air pépère !

— N’est-ce pas ? minauda la brune qui très largement découvrit sa bottine.

Nénesse se pencha, de la paume de la main caressa le tissu soyeux, puis poursuivant son examen, ses doigts agiles remontèrent le long du bas tandis que Madame de Throuardan, les yeux révulsés, murmurait :

— Ah ! je vois que vous êtes un vrai connaisseur !

Mais Ernest ne voulait pas mécontenter son autre voisine dont le visage commençait à s’assombrir.

Abandonnant à son triste sort la cuisse délaissée, il se tourna vers la sous-préfète et, empoignant à pleines mains l’opulente poitrine qui était agitée par un flux et reflux perpétuel, il s’écria :

— Eh bien ! ma petite dame, vous pouvez vous vanter d’en avoir une belle paire !

— Dame ! fit Mme Douminey, très flattée, j’ suis d’une grande famille, moi, je suis née Appoel !

— Moi aussi ! ricana Nénesse.

— Mais, je croyais que vous étiez un de Réaumur-Sébastopol ?

— Voui, voui, j’ suis du Sébasto, na ! vous êtes contente !

Et pour maintenir les deux plateaux de la balance sur une même ligne, sa main droite prit possession des charmes postérieurs de la sous-préfète, tandis que sa gauche caressait la croupe frétillante de l’épouse légitime du conservateur des hypothèques.

Les deux femmes ne s’indignaient pas de ces manières qu’elles supposaient être celles de la noblesse parisienne. Et puis, elles reconnaissaient que le marquis avait de l’esprit jusqu’au bout des doigts et c’était un genre d’esprit qu’elles appréciaient tout particulièrement.

Cependant, Nénesse s’intéressait :

— Alors, on va à Paname, à Pantruche, les petites dames ?

— Mais oui, Marquis ! minauda Madame Douminey, nous allons nous acheter des chemises de soie rose.

— Les liquettes, affirma Nénesse sentencieux, les faut courtes, très décolletées et transparentes, ça excite les clients !

— On vous les fera voir, affirma Mme de Throuardan.

— Voui, chérie, remercia Ernest, seulement moi, pas, j’ suis pas un michet !

— Les femmes du monde, interrogea Madame Douminey, portent-elles des chemises de lingerie ou des chemises de crêpe de Chine ?

— Les gonzesses de la haute, affirma Nénesse, en crachant son mégot, elles ne portent pas de liquettes, rapport au blanchissage qui est trop cher !

— Pas possible ?

— C’est comme je vous le dis !

Sans doute pour montrer qu’à Genlis on était plus larges, les deux femmes profitèrent du passage du train sous un tunnel pour exhiber leur lingerie.

Mais Ernest resta calme, il sifflota d’un air dégoûté un air de circonstance « la berloque » puis il affirma :

— Moi, j’aime mes aises, ça n’a rien à faire !

À la gare du Nord, les deux femmes encadrèrent le pseudo-marquis, bien décidées à ne pas quitter la capitale avant d’avoir subi les derniers outrages.