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Les Étoiles (Bruhat)/Chapitre II

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Chapitre II

LA PHOTOMÉTRIE STELLAIRE

Définitions photométriques

Les définitions fondamentales de la photométrie et l’éclat des étoiles. — Considérons une source lumineuse de surface éclairant un écran de surface placé à une distance de la source (fig. 1) ; Fig. 1 : Définitions fondamentales de la photométrie.
Fig. 1
supposons les dimensions des deux surfaces et petites par rapport à la distance , et ces deux surfaces normales à la droite qui les joint, de sorte que l’angle solide sous lequel la source est vue de l’écran est . Toutes les définitions de la photométrie peuvent être données à partir de la formule qui exprime le flux lumineux reçu par la surface  :

.

La quantité , qui caractérise au point de vue géométrique le faisceau de rayons lumineux envoyé par la source sur l’écran, est l’étendue de ce faisceau. La quantité , qui caractérise les propriétés lumineuses de la source, est la brillance de la source. Le produit , dont la connaissance suffit au calcul du flux qu’elle envoie sur un écran à une distance donnée, est son intensité lumineuse. Enfin la quantité , qui est le flux reçu par l’unité de surface de l’écran, est l’éclairement de cet écran.

Une étoile nous apparaît, même dans les plus puissants instruments, comme un point lumineux sans diamètre apparent sensible, et nous ne connaissons pas — sauf quelques exceptions (p. 116) — la valeur de l’angle solide sous lequel elle est vue ; sa distance nous est aussi le plus souvent inconnue. Nous pouvons bien mesurer l’éclairement qu’elle produit sur un écran à la surface de la Terre, mais nous ne pouvons en déduire ni sa brillance , ni son intensité . On est donc conduit à définir l’éclat apparent de l’étoile comme étant l’éclairement qu’elle produit à la surface de la Terre dans des conditions d’absorption atmosphérique données ; on peut encore dire que le rapport des éclats apparents de deux étoiles est le rapport des flux lumineux qu’elles envoient sur un même objectif.

Le but de la photométrie stellaire est la détermination de ces rapports : c’est uniquement de cette comparaison des étoiles entre elles que nous nous occuperons dans ce chapitre. Signalons toutefois que l’on a réalisé la comparaison des étoiles aux étalons photométriques terrestres : Fabry a trouvé que l’éclairement produit par une étoile de première grandeur au zénith par une nuit claire est 8,3.10−7 lux.

Magnitude d’une étoile. — Nous avons déjà dit que Ptolémée avait divisé les étoiles visibles en 6 classes de grandeur ; cette division a été conservée dans tous les catalogues établis par la suite, les observateurs ayant toutefois introduit, plus ou moins arbitrairement, des fractions de grandeur ; ce n’est qu’au milieu du xixe siècle qu’on s’est préoccupé de définir l’échelle photométrique de façon plus précise. Les mesures photométriques avaient montré que les intervalles entre deux classes consécutives correspondent tous approximativement à une même valeur du rapport des éclats apparents, ou, si l’on préfère, à une même valeur de la différence des logarithmes de ces éclats. Elles avaient montré, d’autre part, que le rapport des éclats des étoiles de 1re et de 6e grandeur est voisin de 100, c’est-à-dire que la différence de leurs logarithmes est voisine de 2 : il en résulte que chacun des 5 intervalles qui séparent les 6 classes de Ptolémée correspond à une différence des logarithmes égale à 0,4.

Lorsqu’on a voulu définir de façon précise les grandeurs stellaires, c’est de ces propriétés que l’on est parti ; on a défini la magnitude d’une étoile par la convention que la différence des magnitudes de deux étoiles est proportionnelle à la différence des logarithmes de leurs éclats apparents et l’on a convenu de prendre le coefficient de proportionnalité égal à 0,4. Ce sont ces définitions que traduit la formule de Pogson :

,
ou .

La formule de Pogson permet de calculer les différences de magnitude avec autant de décimales que le justifie la précision de la mesure du rapport des éclats. Les magnitudes des étoiles sont ainsi définies à une constante près : cette constante a été choisie, dans les catalogues photométriques modernes, de façon que les magnitudes concordent avec celles de la Bonner Durchmusterung (p. 3) aux environs de . On trouve alors pour les étoiles les plus brillantes du Ciel des magnitudes inférieures à 1, et même négatives pour quelques-unes : c’est ainsi que la magnitude de Sirius est −1,58 et celle de Véga, +0,14.

La formule de Pogson permet facilement de se rendre compte de l’importance du gain en magnitude que donne l’emploi d’un objectif de grande ouverture. Le flux reçu par un objectif de surface est  ; comme, quelle que soit la surface de l’objectif, l’image de l’étoile est ponctuelle et que tout le flux est reçu par un même élément rétinien, deux objectifs d’ouvertures et et de surfaces et donneront à l’œil la même impression pour des étoiles d’éclats apparents et tels qu’on ait  ; la différence de leurs magnitudes est :

.

On voit qu’on gagne 5 grandeurs lorsqu’on multiplie par 10 l’ouverture de l’objectif. Si l’on admet que l’œil nu, avec une ouverture de pupille de 8 mm, peut voir les étoiles jusqu’à la 6e grandeur, on en déduit qu’une lunette de 8 cm permet de voir les étoiles de 11e grandeur, qu’une lunette de 80 cm permet d’atteindre la 16e grandeur, et que le télescope de 2 m 50 du Mont-Wilson rend visibles les étoiles de 19e grandeur. Signalons, à titre de comparaison, que ces étoiles peuvent y être photographiées avec une pose de 6 minutes, et que des poses de plusieurs heures lui permettent d’atteindre la 22e grandeur.

Magnitude absolue. — La magnitude d’une étoile mesure son éclat apparent  : si la distance est connue, on peut en déduire son intensité lumineuse , et l’on peut, à partir des intensités lumineuses, définir par la formule de Pogson une échelle des magnitudes absolues . Comme, pour une distance donnée, l’éclairement produit par une source est proportionnel à son intensité, il revient au même de dire que la magnitude absolue d’une étoile est la magnitude qu’elle aurait si elle était amenée à une distance fixe de la Terre. L’éclat apparent passerait alors de la valeur à la valeur , et la différence entre la magnitude absolue et la magnitude est :

.

On a convenu de choisir pour , une distance de 10 parsecs. Si l’étoile a une parallaxe de secondes, c’est-à-dire si le rayon de l’orbite terrestre est vu de l’étoile sous un angle de secondes, cela veut dire que sa distance au Soleil est fois plus petite que la distance de laquelle on voit ce rayon sous un angle d’une seconde, et qu’elle a pour valeur en parsecs . En y faisant , c’est-à-dire , la formule qui donne la magnitude absolue devient :

.

Parmi les étoiles dont la parallaxe est bien connue, la plus lumineuse est Rigel (β Orionis), pour laquelle on trouve M = −5,8 ; on connaît d’autre part des étoiles de magnitude absolue M = +15. À une différence de magnitude absolue M2 − M1 = 20,8 correspond, d’après la formule de Pogson log I1/I2 = 0,4 (M2 − M1) = 8,3, un rapport d’intensités I1/I2 = 2.108. On voit quelle est l’extraordinaire étendue de l’échelle des intensités lumineuses des étoiles ; signalons que le Soleil, avec sa magnitude absolue M = +4,85, se trouve à peu près au milieu de l’échelle : environ 18 000 fois moins lumineux que Rigel, il est 11 000 fois plus lumineux que les étoiles de magnitude absolue M = 15.

Photométrie visuelle

Principe des méthodes de mesure. — Les anciens observateurs estimaient simplement, par comparaison directe, les grandeurs des étoiles : Herschel au xviiie siècle et Argelander au xixe siècle ont systématisé cette comparaison en employant ce qu’on appelle la méthode des degrés. Elle consiste, étant donné dans le Ciel un groupe d’étoiles voisines et d’éclats peu différents, à les ranger par ordre d’éclat décroissant, et à évaluer l’importance des différences d’éclat entre deux étoiles consécutives de cette suite : on dit que cette différence vaut un degré deux degrés ou trois degrés suivant qu’elle est plus ou moins facilement perceptible.

Cette méthode est encore conservée comme méthode d’interpolation : si la suite des étoiles examinées comporte à ses deux extrémités des étoiles dont les magnitudes ne diffèrent pas de plus d’une unité et sont connues par les catalogues photométriques, les magnitudes des étoiles intermédiaires peuvent être assez facilement évaluées avec une erreur n’excédant pas 0,1. La méthode a l’avantage d’être rapide, et de pouvoir être employée par les amateurs ne disposant pas de photomètres ; elle est à recommander en particulier pour l’étude des étoiles variables, lorsqu’on peut trouver à leur voisinage des étoiles fixes de comparaison convenables.

Lorsque les différences de magnitude dépassent 0,5, l’œil devient incapable d’apprécier leur importance : il faut de toute nécessité recourir à une mesure photométrique régulière, c’est-à-dire affaiblir l’image la plus brillante pour l’amener à être identique à l’autre, en opérant la réduction au moyen d’un appareil qui permette de connaître à chaque instant le degré d’affaiblissement.

L’un des appareils de réduction les plus pratiques est le coin absorbant. Le coin photométrique est constitué par un prisme ABC de verre absorbant, accolé à un prisme ACD de verre transparent (fig. 2), de façon que l’ensemble se comporte, au point de vue de l’Optique Géométrique, comme une lame à faces parallèles. Si les rayons qui forment l’image E d’une étoile viennent tomber sur le coin à une distance de l’arête A, ils traversent une Fig. 2 : Coin absorbant.
Fig. 2
épaisseur de verre absorbant ; si le coefficient d’absorption de ce verre est , cette traversée réduit le flux incident à la valeur , L’étoile de magnitude apparaît comme une étoile de magnitude , avec :

.

Il suffit de déplacer le coin devant l’image de l’étoile pour l’amener à la magnitude apparente que l’on désire, et la mesure du déplacement donne immédiatement la valeur en magnitudes de la réduction lorsqu’on connaît la constance du coin .

Un autre dispositif de réduction consiste en l’emploi de prismes polariseurs : le faisceau lumineux traverse deux prismes polariseurs, l’un d’eux étant porté par un cercle gradué qui permet de faire varier l’angle de leurs plans de section principale. Si l’on désigne par le facteur de transmission pour , le facteur de transmission pour une autre valeur de l’angle est , et il correspond à une différence de magnitude :

.

Photomètre à coin à étoile artificielle. — Comme exemple de photomètre stellaire, nous décrirons un photomètre à coin à Fig. 3 : Photomètre à coin à étoile artificielle.
Fig. 3
étoile artificielle, représenté schématiquement par la figure 3. L’étoile artificielle est constituée par l’image qu’un système optique M donne du filament d’une lampe électrique L : il est possible, en employant un filament assez petit et un système optique convenable, de réduire suffisamment les dimensions de l’image pour qu’elle apparaisse comme un point dans un oculaire faiblement grossissant. Son éclat apparent peut être réglé par le coin photométrique C, dont les déplacements, réalisés à l’aide d’une vis micrométrique, peuvent être lus sur le tambour T.

L’appareil est disposé sur le côté d’une lunette, dans laquelle on a placé une glace sans tain G qui donne, par réflexion sur ses deux faces, deux images E1E2, d’à peu près même éclat, de l’étoile artificielle. On amène entre E1 et E2 l’image E que l’objectif de la lunette donne de l’étoile à étudier, on observe à l’aide de l’oculaire O, et on déplace le coin jusqu’à réaliser l’égalité d’aspect. Si est la magnitude de l’étoile qui donne cette égalité lorsque le tambour est au zéro, la magnitude de l’étoile qui correspond à un déplacement est , la constante étant une constante instrumentale qu’on peut connaître une fois pour toutes.

Quant à la quantité , elle reste constante dans toute une série de mesures si l’on a soin de maintenir bien constant le courant qui alimente la lampe et si l’absorption atmosphérique reste constante. Les variations toujours possibles de cette absorption font qu’il est nécessaire de déterminer pour chaque série de mesures, par l’observation d’étoiles fondamentales de magnitudes connues. Ajoutons que, lorsqu’on observe des étoiles qui ne sont pas voisines, il faut faire une correction pour tenir compte de l’augmentation de l’absorption atmosphérique avec la distance zénithale : cette correction peut presque atteindre une demi-grandeur pour des étoiles situées à 20° au-dessus de l’horizon.

Les catalogues photométriques. — Parmi les catalogues établis par photométrie visuelle, nous ne citerons que les deux principaux, ceux de Potsdam et de Harvard.

La Potsdam Durchmusterung a été établie de 1886 à 1905 par des mesures de Müller et de Kempf, à l’aide du photomètre de Zöllner : c’est un photomètre à étoile artificielle, analogue dans son montage à celui que nous venons de décrire avec la différence que le système de réduction y est constitué par deux nicols. Elle donne la magnitude de toutes les étoiles du Ciel boréal jusqu’à m = 7,5, et contient environ 15 000 étoiles.

La Revised Harvard Photometry a été établie par des mesures faites par Pickering et ses collaborateurs, de 1879 à 1906. Les photomètres employés comportaient une lunette double, dans laquelle deux objectifs de même ouverture formaient, à côté l’une de l’autre, l’image de l’étoile à mesurer et l’image d’une étoile étalon, qui était l’étoile polaire ou une étoile voisine du pôle ; la réduction était faite par un système de nicols. Le catalogue contient 9 110 étoiles de magnitude inférieure à 6,5, réparties dans tout le Ciel, et environ 37 000 étoiles de magnitude inférieure à 8,5.

Précision des mesures visuelles. — L’œil ne peut affirmer avec sécurité l’existence d’une différence d’aspect entre deux images stellaires que si la différence de magnitude est de l’ordre de 0,2 : c’est là l’erreur possible, pour un observateur exercé, d’une mesure individuelle. Le résultat d’une mesure photométrique résulte toujours de la moyenne d’un certain nombre de pointés ; le calcul de cette moyenne fournit un nombre que l’on donne généralement en conservant le chiffre des centièmes, mais c’est là une précision illusoire, parce que sans rapport avec la précision effective d’un pointé : l’erreur probable de la moyenne est généralement de l’ordre de 0,1, et ce n’est que dans les cas les plus favorables qu’elle peut s’abaisser à 0,05. Cet ordre de grandeur de l’erreur probable est bien confirmé par l’examen des différences des magnitudes données pour une même étoile dans les deux catalogues fondamentaux de Potsdam et d’Harvard : une fois corrigée une différence systématique de 0,16 tenant à une différence dans les origines adoptées, les différences accidentelles qui subsistent atteignent et dépassent souvent ±0,1.

C’est d’ailleurs là un résultat très remarquable, étant données les multiples erreurs qui peuvent s’ajouter à l’incertitude des pointés. Nous avons déjà signalé la nécessité de tenir compte de l’absorption atmosphérique ; nous y ajouterons la difficulté de comparer les éclats de deux étoiles lorsqu’elles ne sont pas de la même couleur ; on peut même se demander si cette comparaison a un sens précis, car deux points lumineux de couleurs différentes qui paraissent également lumineux cessent de le paraître lorsqu’on les affaiblit également (phénomène de Purkinje-Gallissot).

Photomètres à plages. — Une différence de magnitudes de 0,1 correspond, d’après la formule de Pogson, à un rapport d’éclats de 1,10 : la précision des pointés en photométrie stellaire n’est guère que 10 p. 100, alors que les photomètres de laboratoire, dans lesquels l’œil compare l’éclairement de plages contiguës au lieu de comparer l’éclat apparent de points lumineux voisins, permettent de faire des pointés avec une précision de 1 à 2 p. 100. Pour les raisons indiquées à la fin du paragraphe précédent, cette précision serait le plus souvent inutile en photométrie stellaire : il existe pourtant des comparaisons dans lesquelles on peut éliminer avec assez de sécurité les variations de la transparence atmosphérique pour qu’on puisse utiliser un photomètre à plages.

Dans le photomètre de Dufay (fig. 4), la plage C uniformément lunette Fig. 4 : Photomètre de Dufay.
Fig. 4
éclairée est constituée par le cercle oculaire de la lunette, l’image E de l’étoile à étudier étant isolée par un diaphragme situé dans son plan focal. L’observateur examine cette plage avec une loupe L qui forme une image E′ de l’étoile sur la pupille de l’œil : l’œil reçoit ainsi tout le flux lumineux qui a traversé la lunette, et il est évident que l’éclairement de l’image rétinienne de C est proportionnel à l’éclat apparent de l’étoile. La plage de comparaison est formée par un écran diffusant D qui cache la moitié du cercle oculaire, et qu’on éclaire, à travers un coin photométrique P, par une lampe électrique S alimentée à courant constant : l’éclairement et la brillance du diffuseur D, ainsi que l’éclairement de son image rétinienne, sont proportionnels au flux transmis par le coin. La magnitude d’une étoile est donc liée au déplacement du coin photométrique nécessaire pour réaliser l’égalité des plages par la formule habituelle .

Les photomètres à plages permettent de réduire l’erreur de pointé à environ 2 p. 100 sur l’éclairement, et, en prenant la moyenne d’une série de pointés, de déterminer les magnitudes avec une précision de l’ordre de 0,01. Mais il faut noter que leur emploi est limité aux étoiles assez brillantes pour que le flux lumineux que recueille la lunette produise encore une sensation permettant l’appréciation des contrastes lorsqu’il est réparti sur une surface de la rétine comprenant un grand nombre d’éléments rétiniens. En fait, le photomètre de Dufay permet, avec un objectif de 32 cm d’ouverture, de faire des mesures jusqu’à la magnitude m = 9.

Photométrie photographique

Les lois du noircissement. — Les régions d’une plaque photographique qui ont été exposées à la lumière présentent, après développement, un certain noircissement ; elles ne sont plus parfaitement transparentes. Si l’on fait traverser la plaque, dans une telle région, par un faisceau de lumière, le flux apporté par ce faisceau est réduit par la traversée de la plaque à une valeur  ; la transparence est caractérisée par le rapport , et on appelle noircissement de la plaque la quantité positive . Le noircissement peut être mesuré par les procédés photométriques habituels : les microphotomètres permettent de le mesurer en chaque point d’une plaque, le faisceau lumineux utilisé à chaque mesure n’intéressant qu’une petite région dont la surface est de l’ordre de 1/100 de mm².

Lorsque, au cours de l’exposition, les différentes régions de la plaque avaient des éclairements différents, elles présentent, après développement, des noircissements différents. La courbe qui représente les variations de en fonction du logarithme de a la forme qu’indique la figure 5 : elle présente, dans la région d’exposition normale, une longue partie rectiligne, qu’on peut représenter par l’équation :

.

Le coefficient s’appelle le facteur de contraste. Il dépend de la nature de la plaque et des conditions du développement, de sorte qu’il est nécessaire de le déterminer directement pour chaque cliché ; mais il ne dépend pas du temps de pose, de sorte qu’il est possible de le déterminer au moyen d’une exposition spéciale, dans laquelle on a formé des plages de graduation dans Fig. 5 : Courbe du noircissement d’une plaque photographique en fonction de l’éclairement reçu.
Fig. 5
une certaine région de la plaque, en impressionnant ces plages par des éclairements dont les rapports sont connus : les lois de noircissement relatives à la pose d’étalonnage et à la pose destinée aux mesures ne diffèrent que par la constante . On arrive ainsi, en observant certaines précautions, à mesurer photographiquement le rapport de deux éclairements avec une précision de 1 à 2 p. 100.

Photométrie stellaire extrafocale. — L’image d’une étoile sur une plaque placée au foyer d’un objectif n’a pas des dimensions suffisantes pour que son noircissement puisse être mesuré au microphotomètre. On obtient une plage uniformément éclairée ayant des dimensions convenables — quelques dixièmes de mm — en écartant un peu la plaque P du plan focal F (fig. 6) : chacune des étoiles du champ donne alors une petite plage circulaire, dont l’éclairement est proportionnel à son éclat apparent , et les mesures microphotométriques fournissent les différences de magnitude par la formule :

.

Fig. 6 : Photométrie stellaire extrafocale.
Fig. 6

La constante doit être déterminée pour chaque plaque par un étalonnage spécial. Il existe des séries d’étoiles dont les magnitudes ont été mesurées avec un soin particulier pour qu’elles puissent servir d’étalons aux mesures ultérieures ; on peut donc le plus souvent étalonner la plaque en y photographiant, dans une pose spéciale, une de ces séries d’étoiles.

Dans la mesure des étoiles étalons, il a fallu au contraire déterminer directement le facteur de contraste des plaques. Le procédé qui a été le plus souvent employé consiste à prendre sur la même plaque, avec la même durée de pose, trois clichés de la région du Ciel étudiée, en réduisant pour deux d’entre eux, par un diaphragme convenable, la surface utilisée de l’objectif[1] : les rapports des éclairements de la plaque sont égaux aux rapports des surfaces d’objectif employées, à condition que la surface impressionnée de la plaque soit toujours la même. On réalise cette dernière condition en employant comme écran une grille, placée sur l’objectif, dont les barreaux sont assez fins et assez rapprochés pour que la petite tache A1B1 (fig. 6) conserve un noircissement uniforme ; on utilise aussi comme écrans des tissus de mousseline, pour lesquels on a déterminé, par une mesure de photométrie visuelle, le rapport de la surface qu’ils laissent libre entre leurs mailles à la surface totale.

Photométrie focale. — La photométrie extrafocale exige la prise de clichés spéciaux, et ne permet pas la mesure des étoiles les plus faibles que permet d’atteindre l’instrument employé, puisqu’il faut impressionner une surface relativement grande de la plaque. On a donc cherché à obtenir directement les estimations de magnitude sur les plaques ordinaires de la photographie du Ciel, prises au foyer de l’objectif. Cette estimation est possible parce que, même pour une mise au point parfaite, les étoiles donnent sur la plaque photographique des images qui ne sont pas ponctuelles ; comme on le voit sur les planches IX et XV, ces images sont des taches, grossièrement circulaires, de diamètre d’autant plus grand que l’étoile est plus brillante. Les causes de ce phénomène sont multiples : il dépend de la diffraction, des défauts et des aberrations de l’objectif, des réflexions multiples entre les surfaces de l’objectif ou entre celles de la plaque, et surtout de l’irradiation photographique, c’est-à-dire de la diffusion de la lumière et des actions chimiques dans la plaque sensible. La complexité du phénomène n’a pas permis de le représenter par une loi simple : mais, pour une plaque donnée, les diamètres sont une fonction régulièrement croissante de l’éclat, et la relation entre la magnitude et le diamètre, , peut être représentée par une courbe qu’il est facile de tracer si le cliché contient un certain nombre d’étoiles de magnitude connue. Les diamètres, qui atteignent dans certains cas un demi-millimètre, peuvent être mesurés avec assez de précision pour que la courbe permette d’en déduire les magnitudes avec une erreur inférieure à 0,1.

Les différences de magnitude peuvent d’ailleurs être mesurées sans qu’on ait besoin de se rapporter à des étoiles déjà connues : on peut déterminer la pente de la courbe en employant la méthode des grilles photométriques indiquée à la fin du paragraphe précédent : la réduction de la surface libre de l’objectif à une valeur produit (p. 15) une augmentation de magnitude . Avec une grille convenable, on peut même ne faire qu’une seule pose : la grille placée sur l’objectif se comporte comme un réseau de diffraction et donne, de part et d’autre de l’image géométrique, deux images de diffraction du premier ordre, dont la magnitude surpasse celle de l’image centrale d’une quantité calculable d’après les dimensions des barreaux et des intervalles qui les séparent. On obtient ainsi tous les éléments de l’étalonnage avec un seul cliché, et l’on s’affranchit des difficultés qui pourraient venir des variations de la transparence atmosphérique.

Les catalogues photométriques. — De très nombreux catalogues photométriques établis par des mesures photographiques ont été publiés. On peut en distinguer deux catégories, les catalogues d’étoiles étalons, qui contiennent un petit nombre d’étoiles mesurées avec le plus de précision possible, et les catalogues généraux, où l’on s’est efforcé de réunir le plus d’étoiles possible.

Parmi les étoiles étalons, nous nous contenterons de citer la séquence polaire, formée par une centaine d’étoiles voisines du pôle dont la magnitude a d’abord été mesurée par miss Leavitt, à Harvard, de 1907 à 1912. Les mesures ont été reprises depuis dans divers observatoires et leur discussion a abouti à la constitution d’une échelle internationale de magnitudes, à laquelle on rapporte aujourd’hui toutes les mesures photométriques ; les mesures du Mont-Wilson vont jusqu’à la magnitude m = 20, et l’erreur moyenne des valeurs admises pour les magnitudes inférieures à 16 ne dépasse sans doute pas 0,03.

Parmi les catalogues contenant un grand nombre d’étoiles, nous citerons celui de l’observatoire du Cap (Cape Photographic Durchmusterung, 1927), qui donne les magnitudes de 20 843 étoiles australes jusqu’à m = 14, celui de Schwarzschild (Göttinger Aktinometrie, 1910), qui donne les magnitudes de 3 522 étoiles de déclinaisons comprises entre 0 et +20° et comprend toutes les étoiles de cette zone plus brillantes que m = 7,5, ceux de Parkhurst (Yerkes Actinometry, 1912 et 1927), celui du Mont-Wilson (1930), qui comprend 67 941 étoiles dans 139 des Selected Areas de Kapteyn et s’étend jusque m = 18,5. C’est ce dernier catalogue qui constitue aujourd’hui la base essentielle des études sur la statistique stellaire et la structure de l’Univers : l’erreur moyenne des valeurs données pour les magnitudes y est sans doute inférieure à 0,1.

L’indice de couleur. — Dès les premières mesures de photométrie photographique, on s’est aperçu que les valeurs données par les mesures visuelles et par les mesures photographiques pour le rapport des éclats de deux étoiles ne sont pas les mêmes lorsque ces étoiles n’ont pas la même couleur. La raison évidente en est que l’œil est sensible surtout aux radiations jaunes et vertes du milieu du spectre visible, tandis que les plaques photographiques sont sensibles surtout aux radiations violettes de son extrémité.

L’échelle des magnitudes photographiques ne coïncide donc pas en général avec celle des magnitudes visuelles  : sur la proposition de Pickering, on a décidé de choisir le zéro de l’échelle photographique de façon qu’on ait pour les étoiles de la classe A0, la valeur de étant celle de la Revised Harvard Photometry ; on a d’ailleurs ajouté, pour mieux préciser la façon dont devait être faite la réduction des mesures et lui donner une base indépendante des erreurs systématiques possibles des catalogues, que l’égalité devrait être assurée pour les étoiles A0 de magnitudes comprises entre 5,5 et 6,5.

Les étoiles A0 sont des étoiles blanches ; si nous considérons une étoile blanche A0 et une étoile rouge de même magnitude visuelle , l’étoile rouge, dont la lumière contient moins de radiations bleues, impressionne moins la plaque photographique, elle a une magnitude photographique supérieure à celle de l’étoile A0 : comme, par définition, la magnitude photographique de l’étoile A0 est égale à , on voit que l’on a, pour l’étoile rouge, . La différence s’appelle l’indice de couleur de l’étoile : il est positif si l’étoile est plus rouge que les étoiles A0, négatif si l’étoile est plus bleue que les étoiles A0.

Nous avons déjà dit (p. 7) que la classification des étoiles actuellement adoptée est une classification par température décroissante ; comme la région la plus brillante du spectre se déplace régulièrement du bleu au rouge lorsque la température décroît, l’indice de couleur croît régulièrement, de −0,4 pour les étoiles B0 à +0,4 pour les étoiles F0, +0,8 pour les étoiles G0, +1,3 pour les étoiles K0 et +1,8 pour les étoiles M0. Il est possible de faire des mesures photométriques visuelles jusque m = 18 et photographiques jusque m = 20 : la détermination de l’indice de couleur permet de faire la classification spectrale des étoiles plus faibles que m = 14, dont nous ne pouvons pas actuellement obtenir le spectre avec une dispersion suffisante pour en reconnaître les caractères.

On voit quelle est l’importance fondamentale, pour les études de statistique stellaire, de la mesure des indices de couleur pour un nombre d’étoiles faibles aussi grand que possible. Mais on ne peut pas penser à immobiliser les grands instruments pendant le temps nécessaire à de très nombreuses mesures visuelles, et les seules mesures susceptibles d’être appliquées à un très grand nombre d’étoiles sont les mesures photographiques par la méthode des diamètres. On sait heureusement aujourd’hui, en utilisant des plaques isochromatiques, sensibles au rouge et au jaune, et en employant un écran jaune pour affaiblir les radiations bleues et violettes, obtenir une répartition spectrale de la sensibilité de la plaque photographique très voisine de celle de l’œil. Les mesures photographiques réalisées dans ces conditions fournissent des magnitudes photo-visuelles , pratiquement identiques aux magnitudes visuelles de Harvard : ce sont en fait les indices de couleur qui sont actuellement employés dans la plupart des recherches de statistique stellaire.

Photométrie photo-électrique

Principe des mesures photo-électriques. — Une cellule photoélectrique est constituée par une ampoule où l’on a fait le vide, et dont une partie de la surface intérieure est recouverte par une couche d’une substance convenable, généralement d’un métal alcalin, cæsium ou potassium. Lorsqu’on fait tomber un flux lumineux sur cette couche sensible, elle émet des électrons et, pour un flux monochromatique, le nombre d’électrons émis par seconde est proportionnel au flux reçu par la couche sensible. La Fig. 7 : Cellule photoélectrique.
Fig. 7
cellule contient une électrode A, formée par une boucle ou une grille de fils métalliques (fig. 7) ; on établit entre la couche sensible C et l’anode A une différence de potentiel suffisante — 120 volts par exemple — pour que l’anode A capte tous les électrons émis par la cathode C : un galvanomètre G placé dans le circuit mesure alors un courant photoélectrique proportionnel au flux .

Les courants électroniques obtenus dans les cellules à vide sont toujours très faibles ; on obtient des courants plus intenses en remplissant l’ampoule d’un gaz inerte, de l’argon par exemple, sous une pression de l’ordre de 0,1 mm de mercure. L’anode recueille alors, en plus des électrons photo-électriques, les électrons qui ont été produits lors de l’ionisation des molécules du gaz par le choc des électrons photo-électriques lancés par le potentiel . Pour une valeur convenablement choisie de ce potentiel, le courant peut être notablement augmenté, tout en restant sensiblement proportionnel au flux qui le produit.

Les courants que peuvent produire les flux provenant des étoiles restent pourtant toujours faibles : il est rare qu’ils atteignent 10−13 ampère. L’appareil de mesure G ne peut donc pas être un galvanomètre : on emploie un électromètre, ou bien on relie la cellule à un amplificateur à lampes dont la première lampe présente une très grande résistance d’isolement. La mesure revient en somme à mesurer la charge apportée par le courant sur le fil de l’électromètre ou la grille de la première lampe ; c’est une mesure du type des mesures électrostatiques, qui exige que l’on prenne les précautions usuelles en Électrostatique, tant au point de vue de la perfection de l’isolement que de la protection par une cage contre les influences extérieures.

Les électromètres et les amplificateurs permettent de déceler des courants de l’ordre de 10−15 ampère. En prenant comme première lampe de l’amplificateur une lampe du type dit lampe-électromètre, et en la plaçant, ainsi que la cellule, dans une enceinte où l’on a fait le vide, pour éliminer l’effet des charges apportées par les ions de l’air, on a pu descendre jusqu’à 10−16 ampère.

Emploi à la photométrie stellaire. — Il suffit, pour employer une cellule photo-électrique à la photométrie stellaire, de la mettre à la place de l’oculaire, derrière le plan focal de l’objectif utilisé, et d’isoler par un diaphragme, dans ce plan focal, l’étoile à mesurer : les courants donnés par diverses étoiles sont proportionnels aux flux qu’elles envoient sur l’objectif, donc à leurs éclats apparents .

L’inconvénient des méthodes photo-électriques est évident d’après ce que nous avons dit dans le paragraphe précédent : le montage destiné à la mesure des courants est d’une réalisation délicate, et la mesure présente toute la complexité d’une mesure électrostatique. Les difficultés sont d’ailleurs encore accrues par le fait que les appareils doivent être montés sur le tube d’une lunette, et doivent fonctionner dans toutes les positions où les entraîne le mouvement de cette lunette autour de l’axe horaire. L’avantage est que, si les précautions convenables sont prises, les courants photo-électriques peuvent être mesurés à mieux que 1 p. 100 près, et que l’on en déduit de façon tout à fait sûre les rapports de flux avec une erreur inférieure à 1/100, ce qui correspond à une erreur sur la magnitude Δm < 0,01.

Il faut naturellement, pour avoir cette précision, que le flux soit suffisant : le dispositif dans le vide que nous avons signalé à la fin du paragraphe précédent, monté sur le télescope de 2 m 50 du Mont-Wilson, donne encore un courant perceptible pour une étoile de magnitude m = 16 ; il permet une mesure du flux à 10 p. 100 près (Δm = 0,1) pour m = 13,5, et à 1 p. 100 près (Δm = 0,01) pour m = 11. Rappelons, à titre de comparaison, que la limite de perception du même instrument est m = 19 pour l’observation visuelle et m = 22 pour l’observation photographique.

La photométrie photo-électrique a déjà été employée avec succès à l’étude d’étoiles variables : elle permet de tracer la courbe de lumière avec plus de précision que les modes précédents d’observation, à condition que l’effet des variations de la transparence atmosphérique puisse être éliminé correctement par comparaison avec des étoiles fixes voisines.

La photométrie photo-électrique n’a pas encore été employée à dresser des catalogues étendus. Il convient d’ailleurs de remarquer qu’une cellule photo-électrique n’est sensible qu’à une région du spectre, et que cette région ne coïncide, en général, ni avec celle où se trouve le maximum de sensibilité de l’œil, ni avec celle où se trouve le maximum de sensibilité de la plaque photographique. Un photomètre photo-électrique définit donc en général une échelle de magnitudes qui n’est ni celle des magnitudes visuelles, ni celle des magnitudes photographiques, de sorte que les catalogues qu’il permettrait de dresser ne pourraient pas être comparés aux catalogues actuels.

Deux cellules dont les couches sensibles sont constituées par deux métaux alcalins différents sont sensibles à des régions différentes du spectre : elles définissent deux échelles de magnitude différentes, et permettent par suite de définir des indicés de couleur. On peut aussi définir un indice de couleur avec une seule cellule, en faisant des mesures avec interposition de deux écrans colorés différents. Les indices de couleur ainsi définis peuvent sans doute être mesurés avec plus de précision que les indices visuels, et des séries assez étendues de mesures de ce type ont déjà été faites dans divers observatoires.

Radiométrie

Principe des mesures radiométriques. — L’estimation visuelle ou photographique des magnitudes d’étoiles de couleurs différentes présente toujours un certain caractère d’arbitraire ; la seule façon naturelle d’estimer le rapport de deux flux ne contenant pas les mêmes radiations est de mesurer le rapport des énergies qu’ils transportent. Il suffit pour cela de les recevoir sur un récepteur qui les absorbe totalement et de mesurer le rapport des quantités de chaleur qui y apparaissent. La réalisation de telles mesures présente une très grande importance au point de vue de la détermination de la température des étoiles : les lois théoriques du rayonnement donnent en effet la valeur de l’énergie rayonnée en fonction de la température, et les mesures d’énergie reçue permettent de calculer la température de la source. D’autre part, une grande partie du rayonnement des étoiles les moins chaudes est constituée par des radiations infrarouges, et les récepteurs thermiques sont aujourd’hui les seuls récepteurs sensibles aux radiations de longueur d’onde supérieure à 12 000 angströms.

Le récepteur thermique le plus sensible semble être actuellement la pile thermo-électrique ; elle doit être formée de fils très fins pour avoir une capacité calorifique faible et s’échauffer assez rapidement ; elle doit être placée dans le vide, pour éviter son refroidissement par convexion. Les radiations infra-rouges envoyées par l’étoile doivent parvenir jusqu’à la pile, sur laquelle l’objectif forme l’image de l’étoile : il faut employer un télescope à miroir, car les lentilles de crown des objectifs des lunettes absorbent ces radiations ; il faut d’autre part munir l’ampoule qui contient la pile dans le vide d’une fenêtre de fluorine, transparente à ces radiations.

La mesure de l’énergie rayonnée par une étoile est très délicate, car l’énergie que l’on peut recevoir, même sur un miroir à grande ouverture, est très faible. On est pourtant arrivé, avec le grand télescope de 2 m 50 du Mont-Wilson et avec un galvanomètre extrêmement sensible, à pousser les mesures jusqu’à la magnitude m = 5 ; nous donnerons une idée de l’énergie ainsi mesurée en disant qu’elle est de l’ordre de grandeur de celle qu’on recevrait d’une bougie placée à 100 kilomètres.

Magnitude radiométrique et indice de chaleur. — La mesure du rapport des énergies reçues de deux étoiles permet de définir la différence de leurs magnitudes radiométriques par la formule usuelle . Si les deux étoiles ont même couleur, cette différence est égale à la différence de leurs magnitudes visuelles : par analogie avec ce qui a été fait pour les magnitudes photographiques, on a convenu de choisir l’échelle des magnitudes radiométriques de façon qu’elles coïncident avec les magnitudes visuelles pour les étoiles de la classe A0.

Comparons à une étoile A0 une étoile rouge de la classe M, de température beaucoup plus basse, et supposons qu’elle ait même magnitude radiométrique . Comme son spectre contient proportionnellement plus d’infra-rouge et moins de radiations visibles, l’étoile M a un éclat plus faible que l’étoile A0 et une magnitude visuelle supérieure à la magnitude visuelle de l’étoile A0, qui est precisément . Pour une étoile rouge, la différence , qu’on appelle l’indice de chaleur, est positive : sa valeur, qui est de 1,8 pour les premières étoiles de la classe M0, atteint 4 et 5 pour les étoiles M5 et M8 ; pour une étoile jaune comme le Soleil (classe G0), sa valeur est environ 0,5. Pour les étoiles B, plus chaudes que A0, l’énergie rayonnée contient proportionnellement plus d’ultra-violet et moins de radiations visibles que pour les étoiles A : l’indice de chaleur devrait aussi être nettement positif ; en fait, l’augmentation rapide de l’absorption atmosphérique pour les courtes longueurs d’onde fait que les indices de chaleur de ces étoiles restent toujours très faibles, inférieurs à 0,1.

Les étoiles qui nous envoient le plus d’énergie sont deux étoiles rouges géantes, Bételgeuse et Antarès : leurs magnitudes visuelles sont +0,92 et +1,22, et leurs magnitudes radiométriques −1,67 et −1,32. Sirius, de magnitude visuelle −1,58, a seulement une magnitude radiométrique −1,27 : quoiqu’il nous envoie environ 10 fois plus de lumière que Bételgeuse on trouve, lorsqu’on mesure l’énergie totale (visible et infra-rouge), qu’il ne nous envoie que les 2/3 de l’energm que nous envoie Bételgeuse. Il faut d’ailleurs signaler que, si l’on fait la correction relative à l’absorption des radiations de courte longueur d’onde par notre atmosphère, on trouve finalement que Sirius émet un peu plus (10 p. 100) d’énergie que Bételgeuse.

Mesures spectrophotométriques

Spectrophotométrie visuelle. — Les diverses méthodes — visuelles, photographiques, radiométriques — fournissent pour une même étoile des magnitudes dont les différences traduisent les différences de répartition de l’énergie entre les diverses régions du spectre. Cette répartition spectrale de l’énergie dépend essentiellement de la température de l’étoile, et il y a intérêt à la déterminer de façon précise pour obtenir une estimation correcte de la température.

Les premières mesures spectrophotométriques ont été faites par les méthodes usuelles de la photométrie stellaire visuelle, en filtrant la lumière de l’étoile par des écrans colorés : on ne peut ainsi obtenir que des mesures grossières, à cause de la difficulté de définir la composition spectrale de la lumière transmise par l’écran coloré. La méthode des écrans garde pourtant l’intérêt d’être applicable à des étoiles trop faibles pour qu’on puisse obtenir leur spectre ; elle a encore été récemment appliquée en photométrie photo-électrique

Des mesures précises ont été faites avec des spectrophotomètres de laboratoire, en formant l’une au-dessous de l’autre sur la fente du spectrophotomètre l’image de l’étoile à étudier et l’image de l’étoile artificielle : on obtient dans le plan focal de la lunette d’observation deux spectres voisins, dans lesquels on isole une petite région, de longueur d’onde bien connue, par un écran muni d’une fente rectangulaire. L’image de l’étoile artificielle ayant été formée à travers un système de nicols, on peut amener les deux spectres au même éclat pour la longueur d’onde , et mesurer ainsi, pour les différentes longueurs d’onde, le rapport de l’éclat de l’étoile à celui de l’étoile artificielle.

Nous n’insisterons pas sur ces méthodes, qui ont été entièrement abandonnées pour les méthodes photographiques : celles-ci permettent en effet d’enregistrer en une seule pose les données relatives à tout le spectre, sur une plaque qu’on peut ensuite étudier à loisir au laboratoire.

Spectrophotométrie photographique. — Pour comparer les spectres de deux étoiles, on les photographie sur une même plaque, avec le même temps de pose, par l’une des méthodes que nous décrirons au chapitre suivant. La plus simple consiste à employer une chambre prismatique, et à donner au spectre la largeur nécessaire aux mesures de noircissement en laissant pendant la pose l’image de l’étoile se déplacer un peu, parallèlement à l’arête du prisme.

On mesure ensuite au microphotomètre, dans chaque spectre, le noircissement pour chaque longueur d’onde : l’opération est beaucoup facilitée par l’emploi des microphotomètres enregistreurs. Dans un tel appareil, on forme sur la plaque, en un point du spectre, l’image d’une fente lumineuse à l’aide d’un flux , et l’on reçoit sur une pile thermo-électrique ou sur une cellule photo-électrique le flux transmis ; en déplaçant la plaque, on peut enregistrer les déviations du galvanomètre, c’est-à-dire les variations du flux en fonction de la position du point du spectre où passe le faisceau, c’est-à-dire en fonction de la longueur d’onde  ; on en déduit facilement la courbe du noircissement en fonction de .

Si les deux étoiles à comparer donnent, pour une même longueur d’onde , des noircissements et , le rapport de leurs éclats apparents pour cette longueur d’onde est donné par la relation . Il faut, pour le calculer, connaître la valeur du facteur de contraste pour chaque longueur d’onde ; ses variations d’une longueur d’onde à l’autre sont trop grandes, surtout au début de l’ultra-violet, pour qu’on puisse les négliger. On est donc obligé de prendre, sur la plaque même qui servira aux mesures, des spectres de graduation : on peut les obtenir en photographiant le spectre d’une source terrestre dont on réduit, d’une pose à la suivante, l’intensité dans un rapport connu ; pour avoir une réduction indépendante de la longueur d’onde, on emploie, par exemple, un dispositif de diaphragmation géométrique.

Réparlition spectrale de l’énergie. — Pour pouvoir interpréter les mesures spectrophotométriques, et en particulier pour en déduire les températures des étoiles, il est nécessaire de calculer, à partir des valeurs obtenues pour les éclats apparents, les rapports des énergies correspondantes. Le problème de la mesure énergétique d’un flux lumineux est un problème difficile, qu’on ne peut guère aborder directement pour le flux très faible que nous envoie une étoile. On a pu par contre déterminer au laboratoire la répartition de l’énergie dans le spectre de certaines sources : on photographie sur la même plaque, avec le même temps de pose, le spectre d’une de ces sources et le spectre de l’étoile à étudier, et l’on déduit facilement la répartition de l’énergie dans le spectre stellaire de la mesure du rapport des éclairements de ces deux spectres pour les diverses longueurs d’onde.

Les mesures directes de répartition spectrale n’ont pu être tentées que pour des étoiles très lumineuses, en recevant sur une pile thermo-électrique les radiations contenues dans une large région spectrale, isolée par des écrans colorés convenables. Ces mesures, très inférieures aux mesures photographiques, n’ont guère d’intérêt que pour la région infra-rouge, où elles sont les seules possibles : en filtrant le rayonnement par une cuve d’eau, une lame de verre ou une lame de quartz, on peut en retirer une portion plus ou moins étendue de l’infra-rouge, et les différences que présentent entre elles, ou avec l’énergie du rayonnement total, les différentes énergies reçues permettent le calcul de la répartition de l’énergie entre le spectre visible et les diverses régions de l’infra-rouge.

Toutes les mesures spectrophotométriques, et surtout celles qui s’étendent dans l’ultra-violet et dans l’infra-rouge, présentent de très grosses difficultés du fait de l’absorption atmosphérique, qui est très variable d’une région spectrale à l’autre. Elles ne peuvent permettre la comparaison des étoiles entre elles, et surtout leur comparaison aux sources terrestres, qu’à la condition qu’on les corrige de l’effet de cette absorption. Comme elles varient d’un jour à l’autre suivant l’état de l’atmosphère, les corrections ne peuvent pas être faites à l’aide de facteurs calculés d’avance : il faut les déterminer pour chaque nuit d’observation, par exemple en prenant plusieurs spectres de la même étoile pour différentes hauteurs au-dessus de l’horizon.

Ces difficultés font que les mesures de répartition spectrale des énergies stellaires sont encore peu précises, et que les mesures des différents observateurs sont peu comparables entre elles. On peut toutefois espérer que l’on arrivera bientôt à établir correctement les courbes de répartition relatives à un certain nombre d’étoiles fondamentales ; il sera alors plus facile, par des comparaisons photographiques relativement simples, d’en déduire les courbes relatives aux autres étoiles.

Fig. 8 : Intensité des raies d’absorption.
Fig. 8

Intensité des raies d’absorption. — Lorsqu’on trace, avec un microphotomètre enregistreur, la courbe qui donne le flux lumineux monochromatique reçu d’une étoile en fonction de la longueur d’onde (cf. fig. 14, p. 74), les raies d’absorption du spectre se traduisent par une dépression de la courbe (fig. 8) : la courbe obtenue AMB représente ce qu’on appelle le contour de la raie d’absorption. L’ordonnée mM d’un de ses points représente le flux lumineux effectivement reçu de l’étoile : en la comparant à l’ordonnée mP que l’on aurait si l’on imaginait la courbe des flux prolongée sans accident à travers la région d’absorption, on peut évaluer la fraction MP/mP du flux absorbé par la traversée de l’atmosphère stellaire qui produit la raie noire dans le spectre.

Pour caractériser convenablement l’absorption dans une raie, il faut connaître, d’une part l’absorption maximum mesurée par la valeur de ce rapport au point M le plus bas de la courbe (fig. 8), d’autre part la largeur de la raie, qu’on peut mesurer par l’intervalle cd des longueurs d’onde pour lesquelles l’absorption est la moitié de l’absorption maximum. Mais les contours et les largeurs des raies stellaires ne peuvent être déterminés correctement, avec les spectrographes actuels, que pour les quelques raies dont la largeur dépasse un angström : ce n’est guère le cas que pour les raies de l’hydrogène ou les raies H et K du calcium.

En effet, à cause de l’insuffisance du pouvoir de résolution théorique des appareils, à cause aussi de la diffusion de la lumière dans l’instrument et dans la couche sensible de la plaque photographique, chaque radiation monochromatique impressionne une certaine étendue de la plaque, et il en résulte une déformation de la courbe des noircissements qui rend illusoires les déterminations du contour des raies étroites. Cet étalement des diverses radiations ne saurait toutefois modifier la quantité totale de lumière reçue, ni par conséquent la quantité totale de lumière manquante du fait de l’existence de la raie : cette dernière quantité est représentée sur l’enregistrement microphotométrique par la surface comprise entre la courbe AMB et la courbe fictive APB, et est par conséquent accessible à la mesure.

C’est d’ailleurs l’aire de cette surface qui détermine, dans le cas des raies étroites, la visibilité de la raie sur le cliché, et c’est elle qu’on évalue lorsqu’on évalue, à l’estime, l’intensité de la raie d’après cette visibilité. Ce sont de telles estimations, faites d’après une échelle plus ou moins arbitraire, qui ont été utilisées jusqu’ici, avec succès, dans la détermination des parallaxes spectroscopiques (cf. p. 101). Il est évident qu’il y aura avantage à les remplacer par des mesures sur les enregistrements microphotométriques. Avec les spectrographes stellaires actuels, ces mesures ne peuvent guère être faites avec des erreurs inférieures à 10 p. 100, et ne sont peut être pas meilleures que les estimations directes ; mais la définition précise de la quantité à mesurer et l’établissement du principe d’une méthode correcte de mesures sont nécessaires pour que la photométrie des raies spectrales puisse progresser dans l’avenir en même temps que la puissance des télescopes et le pouvoir de résolution des spectrographes.


  1. On déplace naturellement un peu la lunette en passant d’un cliché à l’autre, de façon que les trois plages données par une même étoile ne se superposent pas.