Les Étoiles (Bruhat)/Chapitre I

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Félix Alcan (p. 1-12).

Chapitre Premier

LES PROGRÈS DES INSTRUMENTS
ET LE DÉVELOPPEMENT DE L’ASTRONOMIE SIDÉRALE

Les catalogues d’étoiles et la photographie du Ciel

Les constellations. — De toute antiquité, les hommes ont cherché à reconnaître les étoiles et les ont pour cela groupées en figures rappelant grossièrement des animaux ou des objets : on a trouvé en Suède des pierres gravées datant de l’âge du bronze où sont représentées quelques-unes de nos constellations, en même temps que des dessins d’animaux et d’hommes qu’on a pu identifier avec les signes du zodiaque. Les noms mêmes des constellations nous viennent pour la plupart de l’antiquité : ce ne sont guère que les constellations australes qui ont reçu des noms modernes.

Pour les astronomes actuels, les constellations sont des régions du Ciel dont les limites sont fixées par les congrès internationaux ; comme on a cherché à respecter les vieux usages, ces limites ont en général des formes compliquées, sauf dans l’hémisphère austral, où on a pu souvent les constituer par des arcs de méridiens ou de parallèles d’assez grandes longueurs. Le Ciel se trouve ainsi divisé aujourd’hui en 89 constellations, dont on trouvera les noms dans les Annuaires Astronomiques ; on y trouvera aussi la liste des quelques étoiles — une trentaine — qui portent un nom, provenant de l’antiquité ou de l’époque arabe.

Jusqu’au xvie siècle, chaque étoile était désignée par l’indication de sa place dans la constellation à laquelle elle appartenait : c’est Bayer qui introduisit en 1603 l’usage de distinguer les étoiles d’une même constellation en les désignant par des lettres grecques, les premières lettres de l’alphabet correspondant aux étoiles les plus brillantes. Les progrès de l’Astronomie ont épuisé depuis longtemps dans chaque constellation la série des lettres grecques, et ont même fait renoncer à donner aux étoiles faibles d’autres dénominations que les numéros qu’elles portent dans les catalogues.

Les catalogues d’étoiles. — La nécessité de réunir en un catalogue les données d’observation s’est fait sentir dès le début des études d’Astronomie sidérale : ce n’est que par comparaison avec les coordonnées — ascension droite et déclinaison — et avec les mesures d’éclat rassemblées dans un catalogue décrivant le Ciel à une époque donnée que l’on peut observer les mouvements ultérieurs et les variations d’éclat des étoiles.

Nous possédons quelques listes d’étoiles remontant à l’époque babylonienne, et l’on admet que les plus anciennes mesures de différences d’ascensions droites qui nous soient parvenues datent d’environ 2 500 ans avant Jésus-Christ. Mais le premier véritable catalogue qui ait été composé est sans doute celui d’Hipparque (127 avant Jésus-Christ) ; il ne nous est pas parvenu, et le plus ancien catalogue que nous possédions est l’Almageste de Ptolémée (137 après Jésus-Christ) qui contient 1 028 étoiles. On a longtemps cru que ce n’était qu’une transcription du catalogue d’Hipparque, on pense plutôt aujourd’hui que le catalogue de Ptolémée donne ses propres observations. En tout cas, il paraît certain que c’est Ptolémée qui a introduit la classification des étoiles visibles suivant leur éclat en 6 classes de grandeur, les étoiles les plus brillantes étant dites de première grandeur, et les dernières étoiles visibles à l’œil nu étant dites de sixième grandeur.

Les catalogues établis par les auteurs arabes à l’époque du Moyen âge et le catalogue dressé par Tycho-Brahé en 1594 ne contiennent, comme l’Almageste, qu’environ un millier d’étoiles. C’est l’invention des lunettes, vers 1608, qui vint augmenter le nombre d’étoiles connues : dès 1610, Galilée distingue déjà 6 classes d’étoiles télescopiques, de la 7e à la 12e grandeur. Mais ce n’est qu’au xviiie siècle que se développe réellement l’usage des instruments : en 1774, William Herschel, utilisant un télescope de 1 m 20 d’ouverture comptait dans certaines régions du Ciel jusqu’à 2 000 étoiles par degré carré.

L’invention, au cours du xviie siècle, de la lunette méridienne et du micromètre permit d’autre part de réaliser des mesures de position vraiment précises : aussi les catalogues du xviie siècle peuvent-ils être considérés comme les premiers des catalogues modernes : citons parmi eux celui de Bradley (Greenwich, 1763), qui est resté longtemps la base de l’étude des mouvements propres, celui de Lacaille (1757), qui contient environ 10 000 étoiles du Ciel austral observées au Cap, celui de Lalande (Paris, 1801), qui contient environ 47 000 étoiles. L’ère des grands catalogues dressés par l’observation visuelle se termine, dans la seconde moitié du xixe siècle, par le grand catalogue d’Argelander, connu sous le nom de Bonner Durchmusterung et généralement désigné par les initiales B. D. L’œuvre, publiée de 1859 à 1862, donne les positions et les grandeurs de 324 000 étoiles de l’hémisphère boréal ; elle a été complétée en 1886 par un catalogue de 134 000 étoiles de déclinaison australe inférieure à 23°, puis de 1892 à 1914, par la Cordoba Durchmusterung (C. D. B.) contenant 570 000 étoiles de déclinaison australe supérieure à 22°.

La photographie du Ciel. — Les derniers catalogues que nous venons de citer contiennent à peu près toutes les étoiles jusqu’aux environs de la 10e grandeur : les lunettes méridiennes de 30 cm d’ouverture, courantes à la fin du xixe siècle, permettent de voir des étoiles de 14e grandeur, dont le nombre est beaucoup plus grand. La détermination par des mesures méridiennes des positions de plusieurs millions d’étoiles représentait une tâche inaccessible par son étendue : la création par les frères Henry en 1884 de la photographie astronomique conduisit à remplacer la publication de catalogues par la publication de cartes reproduisant les clichés obtenus dans la photographie du Ciel. La Carte du Ciel fut alors entreprise par la collaboration de 18 observatoires répartis sur toute la surface de la Terre, qui se partagèrent l’ensemble du Ciel ; les opérations furent conduites de façon à comprendre encore sur les cartes les étoiles de 13e  grandeur. La publication de la Carte du Ciel est maintenant très avancée et l’on peut estimer à environ 10 millions le nombre d’étoiles dont elle enregistrera la position.

Une fois qu’un cliché d’une portion du Ciel a été obtenu, il est possible de mesurer au laboratoire les positions des étoiles qui y sont enregistrées, sans être gêné par les variations des conditions atmosphériques qui limitent les possibilités de l’observation directe. On entreprit ainsi de publier, en même temps que la Carle du Ciel, un Catalogue Astrographique donnant les positions de toutes les étoiles jusqu’à la 11e grandeur : il comprendra, lorsqu’il sera achevé, environ 3 millions d’étoiles.

Depuis, l’établissement du programme de la Carte du Ciel, les progrès des instruments ont rendu le nombre d’étoiles accessibles tellement grand que l’étude complète du Ciel paraît matériellement impossible. Kapteyn proposa en 1905 de borner l’étude à de petites régions, distribuées régulièrement sur l’ensemble du Ciel : les Selected Areas de Kapteyn sont au nombre de 206, chacune ayant une aire de l’ordre d’un degré carré, et l’observatoire de Harvard a déjà publié le catalogue des 232 000 étoiles plus brillantes que la 16e grandeur qu’elles contiennent.

Les grands instruments modernes. — Les progrès de l’Astronomie stellaire sont liés à la possibilité de pouvoir détecter ou de pouvoir analyser spectralement la lumière envoyée par des étoiles très faibles. Un progrès fondamental a été apporté à ce point de vue par l’emploi de la photographie, qui permet d’atteindre des objets de plus en plus faibles par l’augmentation de la durée de pose. Mais l’éclairement général du Ciel nocturne n’est pas nul, et cette augmentation est limitée par l’apparition d’un voile général de la plaque : il apparaît peu d’étoiles nouvelles quand on prolonge les poses au delà de 3 heures.

On a donc été amené, pour recueillir le plus de lumière possible, à construire des instruments d’ouverture de plus en plus grande (cf. p. 15). Parmi les grandes lunettes construites à la fin du xixe siècle, nous citerons la lunette de Meudon, dont l’objectif a 83 cm d’ouverture, et la lunette d’Yerkes, dont l’objectif a 105 cm (pl. I). Mais ces lunettes, très bonnes pour les observations visuelles, se prêtent mal aux observations photographiques : les aberrations chromatiques des objectifs, corrigées pour le milieu du spectre visible, ne le sont pas pour l’extrémité violette, à laquelle est surtout sensible la plaque photographique. Elles ont l’inconvénient d’être très encombrantes, les aberrations de sphéricité de l’objectif ne pouvant être convenablement corrigées que si le rapport o/f de l’ouverture à la distance focale ne dépasse pas 1/18, ce qui conduit à des longueurs de l’ordre de 20 m. Enfin on ne gagnerait rien à augmenter encore l’ouverture de l’objectif, car on devrait nécessairement augmenter en même temps son épaisseur, et, tout au moins pour les radiations violettes, on perdrait plus de lumière par l’augmentation correspondante de l’absorption qu’on n’en gagnerait par l’augmentation de l’ouverture.

Aussi les plus grands instruments modernes sont-ils des télescopes à miroir parabolique en verre argenté ou aluminisé. Les premiers miroirs paraboliques en verre ont été construits par Foucault en 1856 ; la principale difficulté de leur emploi est que de faibles déformations par flexion d’un miroir détruisent la qualité des images qu’il fournit ; aussi l’emploi de grands miroirs n’a-t-il été possible que lorsqu’on a su les porter par une monture qui évite cette flexion, quelle que soit la position prise par l’instrument dans sa rotation autour de l’axe horaire. Le plus grand télescope du monde est le télescope du Mont-Wilson, aux États-Unis, avec une ouverture de 2 m 50 (Pl. II) ; grâce au stigmatisme parfait du miroir parabolique, on a pu admettre pour le rapport o/f une valeur, voisine de 1/5, telle que sa distance focale n’est que de 12 m, et qu’il est moins encombrant que la lunette d’Yerkes. L’achromatisme parfait de la réflexion est d’autre part extrêmement précieux pour les études spectrales ; l’emploi comme surface réfléchissante d’une couche d’aluminium déposée par évaporation dans le vide permet même de les étendre jusque dans l’ultra-violet.

Le télescope de 2 m 50 du Mont-Wilson permet de photographier, avec une pose de 2 minutes, les étoiles de 18e grandeur ; avec des poses de plusieurs heures, on peut atteindre et dépasser la 22e grandeur ; le nombre d’étoiles qui lui sont accessibles est certainement supérieur à un milliard. Nous verrons, au cours de ce livre, quels immenses progrès ont été réalisés dans notre connaissance de l’Univers depuis sa mise en service en 1917 : aussi est-il naturel que l’on cherche à développer encore ces progrès par une nouvelle augmentation de l’ouverture : on a établi, aux États-Unis, le projet d’un télescope de 5 m d’ouverture, qui est actuellement en construction.

Les spectres des étoiles et la physique stellaire

Le développement de la spectroscopie stellaire. — Les premières observations de spectres d’étoiles furent faites en 1817 par Fraunhofer, avec le même spectroscope qui lui avait permis de découvrir les raies noires du spectre solaire. Il examina les spectres de Sirius, Castor, Pollux, Capella, Procyon et Bételgeuse, y signala la présence de raies noires, et décrivit les principales analogies et différences qui existent entre ces spectres et celui du Soleil.

Mais le véritable fondateur de la spectroscopie stellaire fut le P. Secchi. Kirchhoff avait montré en 1860 comment l’identification des raies noires d’un spectre stellaire avec les raies brillantes du spectre d’une flamme ou d’une étincelle permet de reconnaître la nature des éléments présents dans l’atmosphère de l’étoile. De 1863 à 1868, Secchi observa et décrivit les spectres de plus de 400 étoiles ; il indiqua quels sont les éléments essentiels de leurs atmosphères et établit une classification des spectres stellaires dont les classifications modernes ne sont que le développement.

L’étude des spectres stellaires et de leur classification fut ensuite poursuivie par de nombreux astronomes, parmi lesquels nous citerons Huggins, qui introduisit vers 1875 l’emploi de la photographie à leur étude ; Lockyer, dont la théorie de la dissociation (1899) peut être considérée comme une première ébauche de la théorie actuelle de l’ionisation ; et enfin Pickering, dont les travaux aboutirent en 1890 à la publication du premier Draper Catalogue. Ce catalogue, basé sur les spectrogrammes pris à Harvard, de 1885 à 1890, contenait les spectres de 10 351 étoiles.

Depuis, l’observatoire de Harvard n’a cessé de compléter et de perfectionner son œuvre : de 1918 à 1928, parut le Henry Draper Catalogue, qui donne les spectres de 240 000 étoiles environ.

Le Henry Draper Catalogue contient toutes les étoiles du Ciel boréal et du Ciel austral jusqu’à la 8e grandeur, et un certain nombre d’étoiles plus faibles. Mais le nombre des étoiles plus faibles que la 8e grandeur est tel qu’on ne peut songer à entreprendre sur tout le Ciel leur étude spectrale ; on doit se borner à l’étude des Selected Areas de Kapteyn. Ici encore, on a été amené, pour étudier des étoiles de plus en plus faibles, à employer des instruments d’ouverture de plus en plus grande : on a pu obtenir avec le télescope de 2 m 50 du Mont-Wilson des spectres d’étoiles de 13e grandeur avec une dispersion assez grande pour en permettre une étude détaillée, et des spectres d’objets de 17e grandeur avec une dispersion permettant encore d’y reconnaître les principales raies.

Classification spectrale et température des étoiles. — Les travaux qui ont abouti à l’établissement du Henry Draper Catalogue ont permis en même temps d’établir une classification des spectres stellaires, que nous étudierons en détail au chapitre III. Disons seulement ici que plus de 99 p. 100 des étoiles appartiennent à 6 classes que l’on désigne par les lettres majuscules B, A, F, G, K, M, et qui forment ce qu’on appelle la série principale des étoiles. Les spectres de la classe B ne contiennent guère que les raies de l’hélium et de l’hydrogène ; lorsqu’on avance dans la série, on voit diminuer l’importance des raies de l’hélium, puis celle des raies de l’hydrogène, tandis qu’apparaissent et se renforcent les raies du calcium, puis celles des autres métaux, et enfin, dans la classe M, des bandes appartenant à des spectres moléculaires.

Cette évolution du spectre est progressive, et l’on passe d’une façon continue d’une classe à l’autre. On a l’impression très nette que les spectres stellaires forment une suite unique, et que leurs variations lorsque l’on parcourt la série principale des étoiles dépendent d’une seule variable, variant d’une façon continue. Le développement des théories spectroscopiques modernes a permis de montrer que toutes les atmosphères stellaires doivent avoir des compositions voisines, et que l’évolution du spectre est due simplement à la variation de la température.

Les différences de température entre les étoiles sont mises en évidence par leurs différences de couleurs : Secchi avait déjà indiqué que sa classification, allant des étoiles bleues aux étoiles rouges, suivait l’ordre des températures décroissantes. Ces différences ont été précisées depuis une trentaine d’années par des mesures photométriques qui nous ont fait connaître la répartition de l’énergie dans le spectre continu de nombreuses étoiles : nous verrons au chapitre IV comment elles ont permis de fixer la température de la surface des étoiles, qui décroît d’environ 20 000° pour les étoiles B à environ 3 000° pour les étoiles M.

Mouvements, dimensions et distances des étoiles. — Si, dans son aspect d’ensemble, le spectre d’une étoile ne dépend que de sa température, il n’en subsiste pas moins entre les différentes étoiles d’une même classe spectrale des différences secondaires dépendant d’autres facteurs. Celle qui est connue depuis le plus longtemps est le déplacement d’ensemble de toutes les raies du spectre dû au mouvement de l’étoile par rapport à nous. Les grands spectrographes stellaires permettent de mesurer avec précision ce déplacement, et d’avoir ainsi la vitesse radiale de l’étoile : nous verrons au chapitre V à quels importants résultats sur la structure de l’Univers a conduit l’étude de ces vitesses radiales combinée à celle des mouvements propres donnés par les déterminations de position. Nous verrons également au chapitre X quels résultats surprenants ont fourni ces mêmes mesures, appliquées, à l’aide du télescope de 2 m 50 du Mont-Wilson, aux nébuleuses spirales.

Les spectres des étoiles d’une même classe peuvent différer par les intensités relatives des raies d’un même élément. Le développement des études spectroscopiques faites au laboratoire sur les sources terrestres et les progrès des théories de l’émission des raies spectrales qu’elles ont entraînés ont permis, depuis une vingtaine d’années, d’en aborder l’interprétation. Le facteur essentiel d’où dépend l’émission ou l’absorption est bien la température, mais d’autres facteurs, tels que la pression et l’étendue de l’atmosphère absorbante, interviennent aussi pour achever de déterminer l’intensité et la structure des différentes raies d’un spectre stellaire. On comprend ainsi pourquoi l’étude détaillée des raies du spectre permet de distinguer les unes des autres les étoiles géantes, de faible densité et d’atmosphère très étendue, et les étoiles naines, très condensées et de petites dimensions. Elle permet même, comme l’ont montré Adams et Kohlschütter dès 1914, de calculer l’intensité lumineuse absolue de l’étoile, et par suite d’en déduire, par comparaison avec l’éclat apparent observé, sa distance à la Terre : nous verrons au chapitre V l’importance qu’a prise cette méthode spectroscopique de la détermination de la distance des étoiles.

L’étude détaillée des raies n’en est encore qu’à son début ; les théories modernes sont encore trop imparfaites et les spectrographes actuels ne sont pas assez puissants pour qu’elle ait pu le plus souvent donner autre chose que des indications. Nous verrons dans ce livre quels sont les résultats déjà obtenus et quelles raisons nous avons d’espérer que les progrès des théories et des instruments augmenteront bientôt nos connaissances sur la nature et l’état des atmosphères stellaires.

Vue d’ensemble de l’Univers sidéral

Les distances des étoiles. — Avant d’étudier les différents astres qui le composent, nous donnerons rapidement un résumé des notions que cette étude nous permettra d’obtenir sur la structure de l’Univers. Nous définirons d’abord les unités avec lesquelles nous exprimerons les distances.

L’unité la plus souvent employée est le parsec : c’est la distance qui correspond à une parallaxe d’une seconde, c’est-à-dire la distance à laquelle il faut se placer du Soleil pour voir le rayon de l’orbite terrestre sous un angle d’une seconde. L’angle d’une seconde valant 1/206 000 de radian et le rayon de l’orbite terrestre étant de 149 millions de kilomètres, le parsec vaut 206 000 × 149.106 = 3,08.1018 kilomètres.

On emploie également l’année de lumière : c’est le trajet parcouru par la lumière en une année. La lumière parcourant 300 000 kilomètres par seconde, et l’année contenant 31,5 de secondes, l’année de lumière vaut 300 000 × 3,15.107 = 9,46.1012 kilomètres, ou 1/3,26 parsec.

Les étoiles les plus proches de nous (cf. p. 100) sont distantes d’environ 1,3 parsecs. Nous connaissons actuellement environ 30 étoiles dont la distance au Soleil est inférieure à 5 parsecs, c’est-à-dire qui sont comprises à l’intérieur d’une sphère d’un volume d’environ 520 parsecs cubes ; on peut donc dire que la région de l’espace qui nous entoure contient environ 1 étoile par 17 parsecs cubes.

Le système galactique. — La répartition des étoiles dans le Ciel n’est pas uniforme : la plupart des étoiles sont accumulées dans la Voie Lactée. L’immense traînée blanche de la Voie Lactée dessine dans le Ciel un grand cercle de la sphère céleste qu’on appelle le cercle galactique ou l’équateur galactique, et l’on sait que le télescope résout les nuages qui la composent en un fourmillement d’étoiles. Déjà au xviiie siècle, Herschel supposait que toutes les étoiles qu’il observait formaient un système unique, la Galaxie, plus ou moins semblable à un ellipsoïde de révolution aplati, dont le plan galactique était le plan équatorial et dont le Soleil occupait approximativement le centre.

Notre connaissance de l’Univers s’est beaucoup accrue depuis Herschel. En particulier, on a montré qu’il fallait rattacher à la Galaxie les amas globulaires. Ces amas, que nous étudierons au chapitre IX, sont des objets ronds, de quelques minutes de diamètre apparent, que les grands télescopes nous montrent être composés de milliers d’étoiles (pl. XII). On a pu évaluer leur distance, et fixer ainsi les dimensions de la Galaxie : on considère maintenant (p. 192) que son diamètre est de l’ordre de 30 000 parsecs. Mais le Soleil est loin d’en occuper le centre : le centre se trouve à quelque 10 000 parsecs de nous dans la région du Sagittaire.

Le système galactique contient peut-être 30 milliards d’étoiles, qui ne sont naturellement pas réparties uniformément dans tout l’espace qu’il occupe. On a pu étudier la rotation de la Galaxie autour de son centre (cf. chap. V), et on en a déduit que les 3/4 de la masse sont concentrés autour du centre dans les agglomérations d’étoiles que constituent les grands nuages stellaires du Sagittaire.

Les nébuleuses galactiques. — La Galaxie contient, en dehors des étoiles, des nuages brillants, les nébuleuses gazeuses. Ils sont connus depuis longtemps puisque la nébuleuse d’Orion (pl. VII) a été découverte en 1610 par Peiresc, conseiller au Parlement d’Aix ; mais c’est seulement la spectroscopie qui a apporté la preuve de leur nature gazeuse, en montrant que leur spectre, au lieu d’être un spectre continu comme celui des étoiles ou des amas d’étoiles, est un spectre de raies brillantes. Nous étudierons ces spectres au chapitre VII, en même temps que ceux des nébuleuses planétaires (pl. VI) ; ces dernières sont de petits objets généralement ronds, dont le diamètre est de l’ordre de la minute, et qu’on peut, à certains points de vue, considérer comme des étoiles à atmosphère exceptionnellement étendue.

Les nuages stellaires de la Voie Lactée présentent en certains endroits des trous noirs : on doit considérer ces parties noires comme des nuages absorbants cachant les étoiles qui sont derrière eux. Il y a d’ailleurs de la matière absorbante répartie dans l’espace entre les étoiles de la Galaxie : cette absorption de l’espace rend extrêmement délicate l’interprétation des statistiques stellaires ; ses lois sont encore mal connues, et l’on peut dire que le problème de la détermination de l’importance et de la nature de la matière interstellaire est à l’heure actuelle un des plus difficiles parmi ceux qui se posent aux astronomes et aux physiciens.

Les nébuleuses extragalactiques. — En dehors de notre Galaxie existent d’autres systèmes stellaires, plus ou moins analogues à elle, qui nous apparaissent en majorité sous la forme de nébuleuses spirales. Les plus proches sont connus depuis longtemps ; les télescopes américains ont permis d’en faire une étude assez détaillée pour qu’on puisse fixer leur distance, qui est de l’ordre de 200 000 parsecs.

Mais l’un des progrès les plus remarquables qu’ait apporté le développement des grands instruments est la connaissance de l’énormité du nombre de ces nébuleuses spirales. Les numérations faites au Mont-Wilson indiquent qu’il y en a peut-être 70 millions qui sont accessibles au télescope de 2 m 50 : les dernières apparaissent comme des objets de 21e grandeur, et on évalue leur distance à plus de 100 millions de parsecs — 300 millions d’années de lumière.

On voit quelle est l’immensité de l’Univers que la combinaison des méthodes de l’Astronomie Physique et de la Statistique Stellaire nous permet de nous représenter, et combien nous sommes loin des conceptions de l’Astronomie antique. Au lieu des mille étoiles que cataloguait Ptolémée, nous en avons catalogué plus d’un million, et nous savons que notre Galaxie en contient des milliards ; nous savons qu’elle n’est qu’un système stellaire entre des millions d’autres, et rien ne nous indique que les instruments encore plus puissants actuellement en construction ne nous révéleront pas encore d’autres systèmes.