Les Évangiles (Renan)/XVI. Fin des Flavius. — Nerva. — Recrudescence d’apocalypses

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CHAPITRE XVI.


FIN DES FLAVIUS. — NERVA. — RECRUDESCENCE D’APOCALYPSES.


La mort de Domitien suivit de près celle de Flavius Clemens et la persécution contre les chrétiens. Il y eut entre ces événements des relations qu’il ne nous est pas permis de préciser[1]. « Impunément, dit Juvénal, il put priver Rome de ses plus illustres âmes, sans que nul s’armât pour les venger ; mais il périt quand il s’avisa d’être redoutable aux savetiers. Voilà ce qui perdit un homme teint du sang des Lamia[2]. » Ce qui paraît probable, c’est que Domitille et les gens de Flavius Clemens entrèrent dans le complot[3]. Domitille pouvait avoir été rappelée de Pandatarie dans les derniers mois de Domitien[4]. C’était, du reste, autour du monstre une conspiration universelle. Domitien le sentait ; comme tous les égoïstes, il était très-exigeant sur la fidélité des autres. Il fit mettre à mort Épaphrodite, qui avait aidé Néron à se tuer, pour montrer quel crime commet l’affranchi qui porte la main sur son maître, même à bonne intention[5]. Domitia, sa femme, tous les gens de son entourage tremblaient, et résolurent de prévenir le coup qui les menaçait. À eux se joignit Stéphanus[6], affranchi de Domitille et intendant de ses biens. Comme il était très-robuste, il s’offrit pour l’attaque corps à corps. Le 18 septembre, vers onze heures du matin[7], Stéphanus, le bras en écharpe, se présenta pour remettre à l’empereur un mémoire sur une prétendue conspiration qu’il avait découverte. Le chambellan Parthénius, qui était du complot, l’introduisit et ferma les portes. Pendant que Domitien lisait avec attention, Stéphanus tire un poignard de son bandage, et frappe dans l’aîne. Domitien eut le temps de crier au petit valet qui soignait l’autel des Lares de lui donner la lame qu’il avait sous son chevet et d’appeler au secours. L’enfant court au chevet, ne trouve que la poignée. Parthénius avait tout prévu et intercepté les issues. La lutte fut assez longue. Tantôt Domitien cherchait à tirer le poignard de la plaie ; tantôt, de ses doigts à moitié coupés, il arrachait les yeux du meurtrier ; il réussit même à le terrasser et à le mettre sous lui. Parthénius alors fit entrer d’autres conjurés, qui achevèrent le misérable. Il était temps ; les gardes arrivèrent un instant après et tuèrent Stéphanus.

Les soldats, que Domitien avait couverts de honte, mais dont il avait augmenté la paye, voulurent le venger et le proclamèrent Divus. Le sénat fut assez fort pour empêcher cette dernière ignominie. Il fit briser ou fondre toutes ses statues, effacer son nom dans les inscriptions, abattre ses arcs de triomphe. On décida qu’il serait enterré comme un gladiateur ; mais sa nourrice réussit à enlever le corps et à réunir clandestinement les cendres à celles des autres membres de la famille dans le temple de la gens Flavia[8].

Cette maison, élevée par le hasard des révolutions à de si étranges destinées, tomba dès lors dans un grand discrédit. Les personnes de mérite et de vertu qu’elle contenait encore furent oubliées. Les aristocrates fiers, honnêtes et de haute noblesse, qui vont régner, ne pouvaient avoir que de l’aversion pour les restes d’une famille bourgeoise dont le dernier chef était l’objet de leur juste exécration. Pendant tout le iie siècle, on n’entend point parler d’un Flavius. Flavie Domitille acheva sa vie dans l’obscurité. On ne sait ce que devinrent ses deux fils, que Domitien avait destinés à l’empire. Un indice[9] porte à croire que la postérité de Domitille se continua jusqu’à la fin du iiie siècle. Cette maison conserva toujours, ce semble, des attaches au christianisme. Sa sépulture de famille[10], située sur la voie Ardéatine, devint une des plus anciennes catacombes chrétiennes. Elle se distingue de toutes les autres par ses abords spacieux, son vestibule de style classique, ouvert en plein sur la voie publique, la largeur de son principal couloir, destiné à recevoir des sarcophages, l’élégance et le caractère tout profane des peintures décoratives de la voûte de ce couloir[11]. Si l’on s’en tient au frontispice, tout vous rappelle Pompéi, ou mieux encore la villa de Livie ad gallinas albas, sur la voie Flaminienne. À mesure qu’on s’enfonce dans l’hypogée, l’aspect devient de plus en plus chrétien. Il est donc fort admissible que cette belle sépulture ait reçu sa première consécration de Domitille, dont la familia doit avoir été en grande partie chrétienne[12]. Au iiie siècle, on élargit encore les abords, et l’on y construisit une schola collégiale, destinée probablement aux agapes ou festins sacrés.

Les circonstances qui amenèrent à l’empire le vieux Nerva sont obscures. Les conjurés qui tuèrent le tyran eurent sans doute dans ce choix un rôle prépondérant. Une réaction contre les abominations du règne précédent était inévitable ; les conjurés cependant, ayant pris part aux actes principaux de ce règne, ne voulaient pas une réaction trop forte. Nerva était un homme excellent, mais réservé, timide, portant la modération et le goût des demi-mesures presque à l’excès[13]. L’armée voulait le châtiment des meurtriers de Domitien ; la partie honnête du Sénat voulait la punition de ceux qui avaient été les ministres des crimes du dernier gouvernement ; tiraillé entre ces exigences opposées, Nerva parut souvent faible. Un jour, à sa table, se trouvèrent réunis l’illustre Junius Mauricus, qui avait risqué sa vie pour la liberté, et l’ignoble Veiento, l’un des hommes qui avaient fait le plus de mal sous Domitien. La conversation tomba sur Gatullus Messalinus, le plus abhorré des délateurs : « Que ferait maintenant ce Gatullus, s’il vivait ? dit Nerva. — Ma foi ! dit Mauricus, à bout de patience, il dînerait avec nous[14]. »

Tout le bien qu’on peut faire sans rompre avec le mal, Nerva le fit. On n’aima jamais plus sincèrement le progrès ; un esprit remarquable d’humanité, de douceur entra dans le gouvernement et même dans la législation. Le sénat retrouva son autorité. Les bons esprits crurent le problème du temps, l’alliance du principal et de la liberté, résolu définitivement[15]. La manie de persécution religieuse, qui avait été un des travers les plus funestes de Domitien, disparut tout à fait. Nerva fit absoudre ceux qui étaient sous le coup d’accusations de ce genre, et rappela les bannis[16]. Il fut interdit de poursuivre qui que ce soit pour le fait de pratiquer les mœurs juives ; les procès d’impiété furent supprimés[17] ; les délateurs punis[18]. Le fiscus judaïcus comme nous l’avons vu, donnait lieu dans la perception à beaucoup d’injustices. On le faisait payer à des gens qui ne le devaient pas ; on avait recours pour constater la qualité des personnes à des inquisitions choquantes. Des mesures furent prises pour empêcher le retour de semblables abus et un monnayage exprès (fisci ivdaici calvmnia svblata) rappela le souvenir de cette mesure[19].

Toutes les familles d’Israël jouirent ainsi, après un cruel orage, d’un calme relatif. On respira. Durant quelques années, l’Église de Rome fut plus heureuse et plus florissante qu’elle n’avait jamais été[20]. Les idées apocalyptiques reprirent leur cours ; on croyait que Dieu avait fixé le temps de sa venue en terre pour le moment où le nombre des élus atteindrait un certain chiffre ; chaque jour on voyait avec consolation croître ce nombre[21]. La croyance au retour de Néron n’avait pas disparu. Néron, s’il avait vécu, aurait eu soixante ans, ce qui était beaucoup pour le rôle qu’on lui prêtait, mais l’imagination raisonne peu ; d’ailleurs, Néron l’Antechrist devenait de jour en jour un personnage idéal, placé en dehors des conditions de la vie naturelle. On continua longtemps à parler de son retour, lorsqu’il était déjà clair qu’il ne pouvait plus vivre[22].

Quant aux Juifs, ils étaient plus ardents et plus sombres que jamais. Il semble que ce fut une loi de la conscience religieuse de ce peuple d’émettre, à chacune des grandes crises qui déchiraient l’empire romain, une de ces compositions allégoriques où il donnait carrière à ses préoccupations d’avenir. La situation de l’an 97 ressemblait à beaucoup d’égards à celle de l’an 68. Les prodiges naturels semblaient redoubler[23]. La chute des Flavius fit presque autant d’impression que la disparition de la maison des Jules. Les juifs crurent que l’existence de l’empire était de nouveau mise en question. Les deux chutes avaient été précédées de sanglantes folies et furent suivies de troubles civils, qui firent douter de la vitalité d’un État aussi agité. Durant cette nouvelle éclipse de la puissance romaine, l’imagination des messianistes se remit en campagne ; les supputations bizarres sur la fin de l’empire et sur la fin des temps reprirent leur cours.

L’Apocalypse du règne de Nerva parut, selon l’habitude de ces sortes de compositions, sous un nom supposé, celui d’Esdras[24]. Ce scribe commençait à devenir fort célèbre. On lui attribuait un rôle exagéré dans la reconstitution des livres sacrés[25]. Le faussaire, pour son but, avait besoin d’ailleurs d’un personnage qui eût été contemporain d’une situation du peuple juif analogue à celle qu’on traversait. L’ouvrage paraît avoir été écrit primitivement en ce grec rempli d’hébraïsmes qui avait déjà été la langue de l’Apocalypse de Jean[26]. L’original est perdu ; mais sur le texte grec ont été faites des traductions latines, syriaques, arméniennes, éthiopiennes, arabes, qui nous ont conservé ce précieux document et ont permis de le rétablir en son premier état. C’est un assez bel écrit, d’un goût vraiment hébreu, composé par un pharisien[27], probablement à Rome[28]. Les chrétiens le lurent avec avidité, l’adoptèrent, et n’eurent besoin que de retoucher légèrement un ou deux passages pour en faire un livre chrétien très-édifiant[29].

L’auteur peut à beaucoup d’égards être considéré comme le dernier prophète d’Israël. L’ouvrage se divise en sept visions, affectant pour la plupart la forme d’un dialogue entre Esdras, supposé exilé à Babylone, et l’ange Uriel ; mais il est facile de voir, derrière le personnage biblique, le juif ardent de l’époque flavienne, plein de rage à cause de la destruction du temple par Titus. Le souvenir de ces jours sombres de l’an 70 monte dans son âme comme la fumée de l’abîme et la remplit de saintes fureurs. Que nous sommes loin avec ce zélote fougueux d’un Josèphe, traitant de scélérats les défenseurs de Jérusalem ! Voici enfin un Juif véritable, qui regrette de n’avoir pas été avec ceux qui périrent dans l’incendie du temple. La révolution de Judée, selon lui, n’a pas été une folie. Ceux qui défendirent Jérusalem à outrance, ces sicaires que les modérés sacrifiaient et rendaient seuls responsables des malheurs de la nation, ces sicaires ont été des saints. Leur sort fut digne d’envie[30]. Ils seront les grands hommes de l’avenir.

Jamais israélite plus pieux, plus pénétré des malheurs de Sion[31], ne versa ses plaintes avec ses prières devant Jéhovah. Un doute profond le déchire, le grand doute juif par excellence, le même qui dévorait le Psalmiste, « quand il voyait la paix des pécheurs ». Israël est le peuple élu[32]. Dieu lui a promis le bonheur s’il observe la Loi. Sans avoir rempli cette condition dans toute sa rigueur, ce qui serait au-dessus des forces humaines, Israël vaut beaucoup mieux que les autres peuples. En tout cas, il n’a jamais observé la loi avec plus de scrupule que dans ces derniers temps. Pourquoi donc Israël est-il le plus malheureux des peuples, et d’autant plus malheureux qu’il est plus juste ? L’auteur voit bien que les vieilles solutions matérialistes de ce problème[33] ne sont pas tolérables. Aussi son âme est-elle troublée jusqu’à la mort.


Seigneur, maître universel, s’écrie-t-il, de toutes les forêts de la terre et de tous les arbres qui s’y trouvent, tu t’étais choisi une vigne ; de tous les pays de l’univers, tu avais élu un canton ; de toutes les fleurs du monde, tu t’étais choisi un lis. Dans toute la masse des eaux, tu as préféré un petit torrent[34] : entre toutes les villes bâties, tu t’es sanctifié Sion ; de tous les oiseaux, tu t’es dédié une colombe, et, de toutes les bêtes créées, tu n’as voulu pour toi qu’une brebis. Ainsi, parmi tous les peuples répandus sur la surface de la terre, tu en as adopté un seul, et à ce peuple aimé tu as donné une loi que tous admirent. Et maintenant, Seigneur, comment se fait-il que tu aies livré l’unique aux profanations, que sur la racine d’élection tu aies greffé d’autres plants, que tu aies dispersé le chéri au milieu des nations. Ceux qui te renient foulent aux pieds tes fidèles. Si tu en es venu à haïr ton peuple, à la bonne heure ! Mais il fallait au moins alors le punir de tes propres mains et ne pas charger des infidèles de ce soin[35].

Tu as dit que c’est pour nous que tu as créé le monde[36], que les autres nations nées d’Adam ne sont à tes yeux qu’un vil crachat… Et maintenant. Seigneur, voilà que ces nations, ainsi traitées de néant, nous dominent, nous foulent aux pieds. Et nous, ton peuple, nous que tu as appelés ton premier-né, ton fils unique, nous l’objet de ta jalousie, nous sommes livrés entre leurs mains. Si le monde a été créé pour nous, pourquoi ne possédons-nous pas du moins notre héritage ? Jusqu’à quand cela durera-t-il, Seigneur ?…

Sion est déserte, Babylone est heureuse. Est-ce bien juste ? Sion a donc beaucoup péché ? Soit ; mais Babylone est-elle plus innocente ? Je le croyais avant d’y être venu ; mais, depuis que j’y suis, que vois-je ? De telles impiétés, que j’admire vraiment que tu les supportes, après avoir détruit Sion pour beaucoup moins. Quelle nation t’a connu hors Israël ? Quelle tribu a cru en toi si ce n’est Jacob ? Et qui en a été moins récompensé ? Passant à travers les nations, je les ai vues florissantes et parfaitement insoucieuses de tes commandements. Mets dans la balance ce que nous avons fait et ce qu’elles font. Chez nous, j’en conviens, il y a peu de fidèles ; mais, chez elles, il n’y en a pas du tout. Or elles jouissent d’une paix profonde, et nous, notre vie est celle de la sauterelle fugitive ; nous passons nos jours dans la crainte et l’angoisse. Il nous eût été plus avantageux de ne pas exister que d’être tourmentés de la sorte sans savoir en quoi a pu consister notre faute[37]

Ah ! que n’avons-nous été brûlés nous aussi dans l’incendie de Sion ! Nous ne valons pas mieux que ceux qui y périrent[38].


L’ange Uriel, l’interlocuteur d’Esdras, élude le plus qu’il peut l’inflexible logique de cette protestation. Les mystères de Dieu sont si profonds ! L’esprit de l’homme est si borné ! Pressé de questions, Uriel se sauve par une théorie messianique analogue à celle des chrétiens[39]. Le Messie, fils de Dieu, mais simple homme[40] de la race de David[41], est sur le point de paraître au-dessus de Sion[42] dans sa gloire, accompagné des personnages qui n’ont pas goûté la mort, c’est-à-dire de Moïse, d’Hénoch, d’Élie, d’Esdras lui-même[43]. Il rappellera les dix tribus de la terre d’Arzareth[44]. Il livrera de grands combats contre les méchants. Après les avoir vaincus, il régnera quatre cents ans sur la terre, avec ses élus[45]. Au bout de ce temps, le Messie mourra[46] et tous les vivants avec lui. Le monde rentrera dans son silence primitif durant sept jours. Puis un monde nouveau apparaîtra ; la résurrection générale aura lieu. Le Très-Haut se montrera sur son trône[47], et procédera au jugement définitif.

Le tour particulier que tendait à prendre le messianisme juif paraît ici avec clarté. Au lieu d’un règne éternel, que rêvaient les anciens prophètes pour la postérité de David, et que les messianistes, à partir de pseudo-Daniel, transfèrent à leur roi idéal[48], on arrive à concevoir le royaume messianique comme ayant une durée limitée. Nous avons vu l’auteur de l’Apocalypse chrétienne fixer cette durée à mille ans. Pseudo-Esdras se contente de quatre cents ans. Les opinions les plus diverses couraient à cet égard dans le judaïsme[49]. Pseudo-Baruch, sans préciser la limite, dit clairement que le règne messianique ne durera qu’autant que la terre périssable[50]. Le jugement du monde, dans cette manière de voir, est distingué de l’avénement du règne messianique, et la présidence en est attribuée au Très-Haut seul, non au Messie. La conscience chrétienne hésita quelque temps sur ce point, ainsi que le prouve l’Apocalypse de Jean. Puis la conception du Messie éternel[51], inaugurant un règne sans fin[52] et jugeant le monde, l’emporta tout à fait, et devint le trait essentiel et distinctif du christianisme.

Une pareille théorie soulevait une question dont nous avons déjà vu saint Paul et ses fidèles fort préoccupés[53]. Dans une telle conception, énorme est la différence entre le sort de ceux qui vivront au moment de l’apparition du Messie et de ceux qui mourront auparavant[54]. Notre voyant arrive même à se poser une question bizarre, mais assez logique : Pourquoi Dieu n’a-t-il pas fait vivre tous les hommes en même temps[55] ? Il sort d’embarras par l’hypothèse de dépôts provisoires[56], où sont tenues en réserve jusqu’au jugement les âmes des saints décédés. Au grand jour, les dépôts seront ouverts[57], en sorte que les contemporains de l’apparition du Messie n’auront qu’un avantage sur les autres, c’est d’avoir joui du règne de quatre cents ans[58]. En comparaison avec l’éternité, c’est peu de chose ; aussi l’auteur se croit-il autorisé à soutenir qu’il n’y aura point de privilège, les premiers et les derniers devant être absolument égaux au jour du jugement[59]. Naturellement les âmes des justes, ainsi tenues dans une sorte de prison, ressentent quelque impatience et disent souvent : « Jusqu’à quand cela durera-t-il ? Quand viendra l’heure de la moisson ? » L’ange Jérémiel leur répond ; « Quand le nombre de vos semblables sera complété[60]. » Ces temps approchent. Comme les flancs de la femme, après neuf mois de grossesse, ne peuvent retenir le fruit qu’ils portent, ainsi les dépôts du scheol, trop pleins en quelque sorte, ont hâte de rendre les âmes qui y sont renfermées[61]. La durée totale de l’univers se partage en douze parties[62] ; dix parties et demie de cette durée sont écoulées[63]. Le monde court à sa fin avec une rapidité incroyable[64]. L’espèce humaine est en pleine décadence ; la taille des hommes diminue ; comme des enfants nés de vieux parents, nos races n’ont plus la vigueur des premiers âges[65]. « Le siècle a perdu sa jeunesse, et les temps commencent à vieillir[66]. »

Les signes des derniers jours sont ceux dont nous avons trouvé vingt fois l’énumération. La trompette sonnera[67]. L’ordre de la nature sera renversé, le sang coulera du bois, la pierre parlera[68]. Hénoch et Élie apparaîtront pour convertir les hommes[69]. Il faut se hâter de mourir ; car les maux présents ne sont rien auprès de ceux qui viendront[70]. Plus le monde s’affaiblira par vieillesse, plus il deviendra méchant. La vérité se retirera de jour en jour de la terre ; le bien semblera exilé.

Le petit nombre des élus est la pensée dominante de notre sombre rêveur[71]. L’entrée de la vie éternelle est comme le goulet resserré d’une mer, comme un passage étroit et glissant qui donne accès à une ville ; à droite, il y a un précipice de feu ; à gauche, une eau sans fond ; un seul homme à peine y peut tenir. Mais la mer où l’on entre ainsi est immense, et la ville est pleine de toute sorte de biens[72]. Il y a dans le monde plus d’argent que d’or, plus de cuivre que d’argent, plus de fer que de cuivre. Les élus sont l’or ; les choses sont d’autant plus rares qu’elles sont plus précieuses[73]. Les élus sont la parure de Dieu ; cette parure n’aurait aucune valeur si elle était commune[74]. Dieu ne s’attriste pas de la multitude de ceux qui périssent. Les misérables ! ils n’existent pas plus qu’une fumée, plus qu’une flamme ; ils sont brûlés, ils sont morts[75]… On voit quelles racines profondes avaient déjà dans le judaïsme les atroces doctrines d’élection et de prédestination qui devaient causer plus tard à tant d’âmes excellentes de si cruelles tortures. Ces effroyables duretés, dont toutes les écoles préoccupées de damnation sont coutumières, révoltent par moments le sentiment pieux de l’auteur. Il se laisse aller à s’écrier :


O terre, qu’as-tu fait en donnant la naissance à tant d’êtres destinés à la perdition ? Qu’il eût mieux valu que la conscience ne nous eût pas été donnée, puisqu’elle n’aboutit qu’à nous faire torturer ! Que l’humanité pleure ; que les bêtes se réjouissent : la condition de ces dernières est préférable à la nôtre ; elles n’attendent pas le jugement, elles n’ont pas de supplice à craindre, après la mort il n’y a plus rien pour elles. Que nous sert la vie, puisque nous lui devons un avenir de tourments ? Mieux vaudrait le néant que la perspective du jugement.


L’Éternel répond que l’intelligence a été donnée à l’homme pour qu’il soit inexcusable au jour suprême et qu’il n’ait rien à répliquer[76].

L’auteur s’enfonce de plus en plus dans les questions bizarres que soulèvent ces dogmes redoutables[77]. Est-ce dès le moment où l’on a rendu le dernier soupir qu’on est damné et torturé, ou bien s’écoule-t-il un intervalle durant lequel on est gardé en repos jusqu’au jugement[78]. Selon l’auteur, le sort de chacun est fixé à la mort[79]. Les méchants, exclus des dépôts d’âmes, sont à l’état d’esprits errants, tourmentés provisoirement de sept supplices, dont les deux principaux sont de voir le bonheur dont on jouit dans l’asile des âmes justes et d’assister aux préparatifs du supplice qui leur est destiné à eux-mêmes[80]. Les justes, gardés dans les dépôts par des anges, jouissent de sept joies, dont la plus sensible est de voir les angoisses des méchants et les supplices qui les attendent[81]. L’âme, au fond miséricordieuse, de l’auteur proteste contre les monstruosités de sa théologie. « Les justes du moins, demande Esdras, ne pourront-ils pas prier pour les damnés, le fils pour son père, le frère pour son frère, l’ami pour son ami[82] ? » La réponse est terrible. « De même que, dans la vie présente, le père ne saurait donner procuration à son fils, le fils à son père, le maître à son esclave, l’ami à son ami, pour être malade, pour dormir, pour manger, pour être guéri à sa place ; de même ce jour-là personne ne pourra intervenir pour un autre ; chacun portera sa propre justice ou sa propre injustice. » Esdras objecte en vain à Uriel les exemples d’Abraham et d’autres saints personnages qui ont prié pour leurs frères[83]. Le jour du jugement inaugurera un état définitif, où le triomphe de la justice sera tel que le juste lui-même ne pourra avoir pitié du damné[84]. Certes nous sommes avec l’auteur quand il s’écrie après ces réponses, censées divines :


Je l’ai déjà dit, et je le dirai encore : « Mieux eût valu pour nous qu’Adam n’eût point été créé sur la terre. Du moins, après l’y avoir placé, Dieu devait-il l’empêcher de mal faire. Quel avantage y a-t-il pour l’homme à passer sa vie dans la tristesse et la misère, sans attendre après sa mort autre chose que des supplices et des tourments[85] ? O Adam, quelle a été l’énormité de ton crime ! En péchant, tu t’es perdu toi-même et tu as entraîné dans ta chute tous les hommes dont tu étais le père. Et que nous sert l’immortalité, si nous avons fait des œuvres dignes de mort[86] ?


Pseudo-Esdras admet bien la liberté[87] ; mais la liberté a peu de raison d’être dans un système où l’on se fait une idée aussi exaltée de la prédestination. C’est pour Israël que le monde a été créé, le reste du genre humain est damné[88].


Et maintenant, Seigneur, je ne vous prierai point pour tous les hommes (vous savez mieux que moi ce qui les regarde) ; mais je vous prierai en faveur de votre peuple, de votre héritage, sujet continuel de mes larmes[89]

Interrogez la terre, et elle vous dira que c’est à elle qu’il appartient de pleurer. Tous ceux qui sont nés ou naîtront sortent de la terre ; cependant ils courent presque tous à leur perte, et le plus grand nombre d’entre eux est destiné à périr[90]

Ne t’inquiète pas du grand nombre de ceux qui doivent périr ; car, ayant eux aussi reçu la liberté, ils ont dédaigné le Très-Haut, rejeté sa loi sainte, foulé aux pieds ses justes, dit dans leur cœur : « Il n’y a point de Dieu. » Aussi, pendant que vous jouirez des récompenses promises, ils auront en partage la soif et les tourments qui leur ont été préparés[91]. Ce n’est pas que Dieu ait voulu la perte de l’homme ; mais ce sont les hommes formés de ses mains qui ont souillé le nom de celui qui les a faits et qui ont été ingrats envers celui qui leur a donné la vie[92]

Je me suis réservé un grain de la grappe, une plante de toute une forêt. Périsse donc la multitude qui est née en vain[93], pourvu que me soit gardé mon grain de raisin, ma plante que j’ai élevée avec tant de soin[94] !…


Une vision spéciale[95] est destinée, comme dans presque toutes les apocalypses, à donner d’une façon énigmatique la philosophie de l’histoire contemporaine, et, comme d’ordinaire aussi, on en peut conclure la date du livre avec précision. Un aigle immense (l’aigle est le symbole de l’empire romain dans Daniel[96]) étend ses ailes sur toute la terre et la tient dans ses serres. Il a six paires de grandes ailes, quatre paires d’ailerons ou contre-ailes[97], et trois têtes. Les six paires de grandes ailes sont six empereurs. Le second d’entre eux règne si longtemps, qu’aucun de ceux qui lui succèdent n’arrive à la moitié du nombre d’années qui lui est départi. C’est notoirement Auguste, et les six empereurs dont il s’agit sont les six empereurs de la maison des Jules : César[98], Auguste[99], Tibère, Caligula, Claude, Néron, maîtres de l’Orient et de l’Occident. Les quatre ailerons ou contre-ailes sont les quatre usurpateurs, ou anticésars. Galba, Othon, Vitellius, Nerva, qui, selon l’auteur, ne doivent pas être considérés comme de vrais empereurs[100]. Le règne des trois premiers anticésars est une période de troubles, durant laquelle on croira que c’en est fait de l’empire ; mais l’empire se relève, non cependant tel qu’il était à l’origine[101]. Les trois têtes (les Flavius) représentent ce nouvel empire ressuscité. Ces trois têtes agissent toujours ensemble, innovent beaucoup, dépassent en tyrannie les Jules, mettent le comble aux impiétés de l’empire de l’aigle (par la destruction de Jérusalem), et en marquent la fin[102]. La tête du milieu (Vespasien) est la plus grande ; toutes les trois dévorent les ailerons (Galba, Othon, Vitellius) qui aspiraient à régner. La tête du milieu meurt ; les deux autres (Titus et Domitien) règnent ; mais la tête de droite dévore celle de gauche (allusion évidente à l’opinion populaire sur le fratricide de Domitien)[103] ; la tête de droite, après avoir tué l’autre, est tuée à son tour ; seule la grande tête meurt dans son lit, mais non sans de cruels tourments (allusion aux fables rabbiniques sur les maladies par lesquelles Vespasien aurait expié son crime envers la nation juive[104]).

Alors vient le tour de la dernière paire d’ailerons, c’est-à-dire de Nerva, usurpateur qui succède à la tête de droite (Domitien), et est avec les Flavius dans la même relation que Galba, Othon, Vitellius furent avec les Jules. Ce dernier règne est court et plein de trouble[105] ; c’est moins un règne qu’un acheminement ménagé par Dieu pour amener la fin des temps[106]. En effet, au bout de quelques instants, selon notre visionnaire, le dernier anticésar (Nerva) disparaît ; le corps de l’aigle prend feu, et toute la terre en est frappée d’étonnement. La fin du monde profane arrive, et le Messie vient accabler l’empire romain de reproches sanglants[107] :


Tu as régné sur le monde par la terreur et non par la vérité. Tu as écrasé les hommes doux[108], tu as persécuté les gens paisibles, tu as haï les justes, tu as aimé les menteurs, tu as humilié les murailles de ceux qui ne t’avaient fait aucun mal. Tes violences sont montées jusqu’au trône de l’Éternel, et ton orgueil est venu jusqu’au Tout-Puissant. Le Très-Haut a consulté alors sa table des temps, et a vu que la mesure était pleine, que son moment était venu. C’est pourquoi tu vas disparaître, toi, ô aigle et tes ailes horribles et tes ailerons maudits, et tes têtes perverses et tes ongles détestables[109], et tout ton corps sinistre, afin que la terre respire, qu’elle se ranime, délivrée de la tyrannie, et qu’elle recommence à espérer en la justice et en la pitié de celui qui l’a faite.


Les Romains seront jugés ensuite, jugés vivants et exterminés sur place. Alors le peuple juif respirera. Dieu le conservera en joie jusqu’au jour du jugement[110].

On ne peut guère douter d’après cela que l’auteur n’ait écrit sous le règne de Nerva, règne qui parut sans solidité ni avenir, à cause de l’âge et de la faiblesse du souverain, jusqu’à l’adoption de Trajan (fin de 97). L’auteur de l’Apocalypse d’Esdras, comme l’auteur de l’Apocalypse de Jean[111], étranger à la vraie politique, croit que l’empire qu’il hait et dont il ne voit pas les ressources infinies, touche au terme de ses destinées. Les auteurs des deux révélations, juifs passionnés, battent des mains par avance sur la ruine de leur ennemie. Nous verrons les mêmes espérances se renouveler après les échecs de Trajan en Mésopotamie[112]. Toujours à l’affût des moments de faiblesse de l’empire, le parti juif, à chaque point noir à l’horizon, poussait d’avance des cris de triomphe et applaudissait par anticipation. L’espérance d’un empire juif, succédant à l’empire romain[113], remplissait encore ces brûlantes âmes, que les effroyables massacres de l’an 70 n’avaient pas abattues. L’auteur de l’Apocalypse d’Esdras avait peut-être dans sa jeunesse combattu en Judée ; parfois il semble regretter de ne pas y avoir trouvé la mort[114]. On sent que le feu n’est pas éteint, qu’il couve sous la cendre et que, avant d’abdiquer ses espérances, Israël tentera encore plus d’une fois le sort. Les révoltes juives sous Trajan et sous Adrien répondront à ce cri enthousiaste. Il faudra l’extermination de Béther pour avoir raison de la nouvelle génération de révolutionnaires sortie des cendres des héros de 70.

La fortune de l’Apocalypse d’Esdras fut aussi étrange que l’ouvrage lui-même. Comme le livre de Judith et le discours sur l’Empire de la raison, elle fut négligée des juifs, aux yeux desquels tout livre écrit en grec devint bientôt un livre étranger ; mais, dès son apparition, elle fut adoptée avec empressement par les chrétiens et tenue pour un livre du canon du Vieux Testament, écrit réellement par Esdras. L’auteur de l’épître attribuée à saint Barnabé[115], l’auteur de l’épître apocryphe qu’on appelle la Deuxième de Pierre[116], l’ont certainement lue. Le faux Hermas paraît l’imiter pour le plan, l’ordre et l’agencement des visions, le tour du dialogue. Clément d’Alexandrie en fait grand cas encore[117]. L’Église grecque, s’éloignant de plus en plus du judéo-christianisme, l’abandonne et laisse se perdre l’original[118]. L’Église latine est partagée. Les docteurs instruits, tels que saint Jérôme[119], voient le caractère apocryphe de toute la composition et la repoussent avec mépris, tandis que saint Ambroise en fait plus d’usage que de n’importe quel livre saint, et ne la distingue en rien des Écritures révélées[120]. Vigilance y puise le germe de son hérésie sur l’inutilité de la prière pour les morts. La liturgie y fait des emprunts[121]. Roger Bacon l’allègue avec respect. Christophe Colomb[122] y trouve des arguments pour l’existence d’une autre terre. Les enthousiastes du xvie siècle s’en nourrirent. L’illuminée Antoinette Bourignon y voyait le plus beau des livres saints.

En réalité, peu de livres ont fourni autant d’éléments à la théologie chrétienne que cette œuvre antichrétienne. Les limbes[123], le péché originel[124], le petit nombre des élus[125], l’éternité des peines de l’enfer[126], le supplice du feu[127], les préférences libres de Dieu, y ont trouvé leur expression la moins adoucie ; si les terreurs de la mort ont été fort aggravées par le christianisme, c’est sur des livres comme celui-ci qu’il en faut faire peser la responsabilité. Ce sombre Office, si plein de rêves grandioses, que l’Église récite sur les cercueils, semble inspiré des visions ou, si l’on veut, des cauchemars de pseudo-Esdras. L’iconographie chrétienne elle-même emprunta beaucoup à ces pages bizarres pour tout ce qui touche à la représentation de l’état des morts. Les mosaïques byzantines[128] et les miniatures qui offrent l’image de la résurrection ou du jugement dernier semblent calquer la description que fait notre auteur des dépôts d’âmes. De ses assertions dérive principalement l’idée qu’Esdras recomposa les Écritures perdues[129]. L’ange Uriel lui doit son droit de cité dans l’art chrétien[130] ; l’adjonction de ce nouveau personnage céleste à Michel, Gabriel et Raphaël donna aux quatre angles du trône de Dieu, et par suite aux quatre points cardinaux, leurs gardiens respectifs[131]. Le concile de Trente, tout en excluant du canon latin le livre tant admiré des anciens Pères, n’empêcha pas de le réimprimer à la suite des éditions de la Vulgate, dans un caractère différent.

Si quelque chose prouve la promptitude avec laquelle la fausse prophétie d’Esdras fut accueillie par les chrétiens, c’est l’emploi qui en est fait dans le petit traité d’exégèse alexandrine, imité de l’Épître aux Hébreux, auquel on attacha très-anciennement le nom de Barnabé[132]. L’auteur de ce traité cite le faux Esdras[133], comme il cite Daniel, Hénoch[134] et les anciens prophètes. Un trait d’Esdras l’a surtout frappé, c’est le bois d’où le sang découle[135] ; naturellement il y voit l’image de la croix. Or tout porte à croire que le traité attribué à Barnabé a été composé, comme l’Apocalypse d’Esdras, sous le règne de Nerva[136]. Celui qui l’a écrit applique ou plutôt altère pour l’appliquer à son temps une prophétie de Daniel sur dix règnes (César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon[137], Vespasien, Titus) et sur un « petit roi »[138] (Nerva), qui viendra humilier les trois (Flavius), réduits à un (Domitien), qui l’ont précédé[139].

La facilité avec laquelle l’auteur a cru pouvoir adopter la prophétie du faux Esdras est d’autant plus singulière, que peu de docteurs chrétiens expriment aussi énergiquement que lui la nécessité de se séparer absolument du judaïsme. Les gnostiques, à cet égard, n’ont rien dit de plus fort. L’auteur se montre à nous comme un ex-juif très-versé dans le rituel, l’agada et les discussions rabbiniques, mais fort animé contre la religion qu’il a quittée. La circoncision lui paraît avoir été de tout temps une méprise des juifs, un malentendu qui leur a été inspiré par quelque génie pervers[140]. Le temple même fut une erreur ; le culte qu’on y pratiquait était presque idolâtrique ; il reposait tout entier sur l’idée païenne qu’on peut renfermer Dieu dans une maison. Le temple, détruit par la faute des Juifs, ne se relèvera plus ; le vrai temple est celui qui s’élève spirituel dans le cœur des chrétiens[141]. Le judaïsme en général n’a été qu’une aberration, l’ouvrage d’un mauvais ange[142], qui a fait prendre aux juifs tout de travers les ordres de Dieu. Ce que l’auteur craint le plus, c’est que le chrétien n’ait l’air d’un prosélyte juif[143]. Tout a été changé par Jésus, même le sabbat. Le sabbat représentait autrefois la fin d’un monde ; maintenant, transféré au huitième jour, il marque, par la joie avec laquelle on le célèbre, le début d’un monde nouveau, inauguré par la résurrection et l’ascension de Jésus-Christ[144]. C’en est fait des sacrifices, c’en est fait de la Loi ; tout l’Ancien Testament ne fut que symbole[145]. La croix de Jésus est le mot de toutes les énigmes[146] ; l’auteur la retrouve partout au moyen de bizarres ghematrioth. La Passion de Jésus est le sacrifice propitiatoire dont les autres n’étaient que l’image[147]. Le goût que l’Égypte ancienne et l’Égypte juive eurent pour les allégories semble se retrouver dans ces explications, où il nous est impossible de voir autre chose que des jeux arbitraires. Comme tous les lecteurs des apocalypses[148], l’auteur croit que l’on est à la veille du jugement[149]. Les temps sont mauvais ; Satan a tout pouvoir sur les affaires d’ici-bas[150] ; mais le jour n’est pas loin où il périra ainsi que les siens ; « Le Seigneur est proche, avec sa récompense[151]. »

Les scènes de désordre qui se succédaient de jour en jour dans l’empire ne donnaient, du reste, que trop raison aux sombres prédictions de pseudo-Esdras et du prétendu Barnabé. Le règne du faible vieillard que tous les partis s’étaient trouvés d’accord pour mettre au pouvoir, dans les heures de surprise qui suivirent la mort de Domitien, était une agonie[152]. La timidité qu’on lui reprochait n’était que de la sagesse. Nerva sentait que l’armée regrettait toujours Domitien, et ne supportait qu’impatiemment la domination de l’élément civil. Les honnêtes gens étaient au pouvoir ; mais le règne des honnêtes gens, quand il n’est pas appuyé sur l’armée, est toujours faible. Un terrible incident montra la profondeur du mal. Vers le 27 octobre de l’an 97[153], les prétoriens, ayant trouvé un chef dans Casperius Ælianus, viennent assiéger le palais, demandant à grands cris le châtiment de ceux qui avaient tué Domitien. Le tempérament un peu mou de Nerva n’était pas fait pour de pareilles scènes. Il s’offrit vertueusement à la mort, mais ne put empêcher le massacre de Parthénius et de ceux qui l’avaient fait empereur. Ce jour fut décisif et sauva la république. Nerva, en véritable sage, comprit qu’il devait s’associer un jeune capitaine, dont l’énergie suppléât à ce qui lui manquait. Il avait des parents ; mais, uniquement attentif au bien de l’État, il chercha le plus digne. Le parti libéral possédait dans son sein un admirable homme de guerre, Trajan, qui commandait alors sur le Rhin, à Cologne. Nerva le choisit. Ce grand acte de vertu politique assura la victoire des libéraux, qui était restée toujours douteuse depuis la mort de Domitien. La vraie loi du césarisme, l’adoption, était trouvée. La soldatesque est réfrénée. La logique voulait qu’un Septime Sévère, avec sa maxime détestable : « Contente le soldat ; moque-toi du reste », succédât à Domitien. Grâce à Trajan, la fatalité de l’histoire fut ajournée et retardée d’un siècle. Le mal est vaincu, non pas pour mille ans, comme le croyait Jean, ni même pour quatre cents ans, comme rêvait pseudo-Esdras, mais pour cent ans, ce qui est beaucoup.

  1. Suétone, Domitien, 15 ; Lactance, De mort. persec., 3.
  2. Juvénal, Sat. iv, 151-154.
  3. Suétone, Dom., 15, 47 ; Philostrate, Apoll., VIII, 25. Philostrate est un romancier analogue à M. Alexandre Dumas père. Il arrange l’histoire ; mais il l’avait fort bien étudiée. On peut user de lui comme on userait de M. Alexandre Dumas pour l’histoire du xvie et du xviie siècle, si tous les mémoires de ce temps avaient disparu.
  4. Tertullien, Apol., 5. Voyez cependant ci-dessus, p. 301.
  5. Suétone, Dom., 14 ; Dion Cassius, LXVII, 14.
  6. Nom qui va bien à un chrétien.
  7. Suétone, Dom., 17 ; Dion Cassius, LXVII, 15 et suiv. ; Philostrate, Apollonius, VIII, 25 ; Orose, VII, 10, 11 ; Aurelius Victor, Epit., xi, 11-12.
  8. Suétone, Dom., 17, 23 ; Pline, Panég., 52 ; Dion Cassius, LXVII, 18 ; LXVIII, 1 ; Philostrate, Vies des soph., I, vii, 4 ; Macrobe, Saturn., I, 12 ; Lactance, De mort. persec., 3 ; Procope, Hist. secrète, ch. viii, 4 ; Orose, vii, 11 ; Aurelius Victor, Cæs., xi, 13.
  9. Trebell. Pollion, Trig. tyr., ch. 11. Selon des conjectures ingénieuses, Petronilla, la prétendue fille de saint Pierre, aurait appartenu à cette famille. De Rossi, Bull. di arch. crist., 1865, p.22, 23, 46-47, 95 ; 1874, p. 5 et suiv., 68 et suiv., 122 et suiv., et 1875, p. 5 et suiv. Voyez la note suivante. Sur Plautille, voyez de Rossi, travaux cités.
  10. C’est, selon toutes les apparences, la belle sépulture antique de la Tor Marancia, déblayée vers 1865. De Rossi, Bull. di arch. crist., 1865, mars, mai, juin, décembre ; Roma sotterranea, t. I, p. 131 et suiv., 186, 265 et suiv., 319-321. En 1873, les fouilles ont été reprises et ont amené la découverte du cœmeterium Domitillæ Nerei et Achillei ad Sanctam Petronillam. Voir de Rossi, Bull., 1874 et 1875, loc. cit. Revue archéol., juin 1874, août 1874, p. 128-129 ; janv. 1875, p. 70 ; mars 1875, p. 198-199 ; juill. 1875 ; mars 1876 ; Comptes rendus de l’Acad. des inscr., 12 mars 1875. M. de Rossi n’a pas réussi à donner une valeur historique à ce qui concerne sainte Pétronille, Nérée, Achillée. Il a trouvé les traces matérielles, les titres brisés de l’ancienne légende ; mais il n’a pas prouvé que cette légende, dépourvue de références vraiment antiques, doive faire exception entre tant d’autres que la critique a depuis longtemps repoussées. Si, comme on se le figure quelquefois, la maison flavienne eût traversé le iie et le iiie siècle en constituant un gros centre chrétien, il est impossible que Tertullien et tant d’autres n’en eussent rien su, qu’Eusèbe eût été réduit à la misérable bribe qu’il a trouvée dans Bruttius.
  11. Vignes, oiseaux, fleurs, enfants vendangeurs, génies ailés, repas funèbres, Psyché, paysages. Il est bien douteux que les peintures tout à fait chrétiennes qui décorent les parois soient de l’époque de Domitille.
  12. Ex indulgentia Flaviæ Domitillæ, ou Flaviæ Domilillæ Cæsaris Vespasiani neptis beneficio (de Rossi). Il y aurait grand intérêt à savoir si l’inscription 776 d’Orelli (948 du t. VI du Corpus inscr. lat. ; Bull., 1865, p. 61 ; voir ci-dessus, p. 227, note) porta primitivement la suscription D. M. Il reste un petit fragment de cette inscription à Saint-Clément, un autre fragment au Capitole. L’état de ces fragments ne permet de former à cet égard aucune conjecture. — Autres traces de christianisme ou de judaïsme dans la familia des Flavius dans Rossi, Roma sott., I, 188 ; Journ. des sav., janv. 1870, p. 23 et suiv. ; Revue archéol., octobre 1874, p. 271).
  13. Dion Cassius, LXVIII, 1-4 ; Aurelius Victor, Epit., xii ; Eutrope, Brev., VIII, 1 ; Zonaras, Ann., XI, 20 ; Chron. pasc., p. 251 ; Pline, Panég., 7, 8, 35, 89, et Lettres, I, 5 ; II, 1 ; IV, 22 ; V, 3 ; VII, 33 ; IX, 13 ; X, 62, 63 ; Tacite, Agricola, 3 ; Henzen, Inscr., no 5436 ; Philostrate, Apoll., VIII, vii, 34-36 ; xxvii ; Martial, VIII, 70 ; Eusèbe, H. E., III, xx, 10, et Chron., p. 162, 163, Schœne.
  14. Pline, Epist., IV, 22 ; Aur. Vict, Epit.
  15. Tacite, Agric., 3.
  16. Eusèbe, H. E., III, xx, 10 ; Chron., p. 162, 163, Schœne ; Zonaras, XI, 20 ; Pline, Epist., I, v, 16 ; IV, ix, 2 ; xi, 14. Plusieurs étaient peut-être rentrés avant la mort de Domitien. Voir ci-dessus, p. 301.
  17. Οὔτ’ ἀσεϐείας, οὔτ’ ἰουδαϊκοῦ βίου καταιτιᾶσθαί τινας συνεχώρησε. Dion Cass., LXVIII, 1. Voir ci-dessus, p. 295, note 2.
  18. Dion, l. c. ; Pline, Panégyr., 35.
  19. Eckhel, Doctrina num. vet., II, vol. VI, p. 404 et suiv. ; Cohen, Méd. imp., I, pl. xix, 86 ; Madden, Jewish coinage, p. 199.
  20. Lactance, De mort. persec., 3.
  21. Clém. Rom., Epist., ch. 2, 58, 59 (édit. Philothée). Cf. Apoc., vi, 11 ; IV Esdr., iv, 36.
  22. Voir l’Antechrist, p. 317, 318, note 3. Comp. Carm. sib., II, 167 ; III, 73.
  23. Eusèbe, Chron., p. 162, 163, Schœne ; Suétone, Dom., 15.
  24. C’est le livre communément appelé « IVe livre d’Esdras », dégagé de ses deux premiers et de ses deux derniers chapitres, ainsi qu’on l’observe dans le manuscrit d’Amiens (ixe siècle), et dans la plupart des manuscrits latins. Cf. Garnier, Catal. des mss. d’Amiens (1843), no 10. Ces quatre chapitres sont des compositions chrétiennes, du iiie siècle environ. Voir les éditions critiques d’Ewald (Gœttingue, 1863), Volkmar (Tubingue, 1863), Hilgenfeld, Messias Jud. (Leipzig, 1869), Fritzsche (Leipzig, 1871). M. Bensly a découvert, dans le susdit manuscrit d’Amiens, les soixante et dix versets qui manquaient à la version latine (ch. vii), The missing fragment, etc. (Cambridge, 1875). La date du livre résulte des chap. xi et xii (voir ci-après, p.365 et suiv.). Les combinaisons qui résultent de ces passages n’ont pas tout à fait la même certitude que celles qui fixent la date de l’Apocalypse de Jean. Les versets xii, 14, 20, 29, sont difficiles à expliquer ; on peut supposer que, dans le texte primitif, il y avait ἓξ καὶ ἕξ, notation qui aura paru singulière et qu’on aura bien vite changée en δώδεκα. En tout cas, cela est moins invraisemblable que le système d’après lequel chaque aile représente individuellement un souverain ; jamais, dans les combinaisons relatives aux ailes qu’imagine notre voyant, il n’y a de nombres impairs, comme cela a lieu dans les combinaisons relatives aux têtes, ce qui prouve qu’il faut toujours prendre les ailes deux à deux. Les deux ailes correspondantes composant une même force, il est naturel que l’auteur ait adopté la paire comme unité symbolique. Une aile seule, sans sa parallèle, eût été, pour désigner un souverain, une image peu conforme à l’espèce de logique qu’observent ces visionnaires au milieu de leurs plus étranges fantaisies. On peut dire, d’ailleurs, que, même abstraction faite de ces deux chapitres, l’Apocalypse d’Esdras devrait être rapportée au règne de Nerva, puisque le livre est postérieur à la ruine de la maison flavienne et antérieur à la restauration de l’empire par Trajan. Passé le mois de janvier 98, l’opinion de l’auteur sur la prochaine dissolution de l’empire ne se comprendrait plus. Les trente ans dont il est question, iii, 1, 28 ; ix, 45 ; x, 46, montrent que trente ans s’étaient à peu près écoulés depuis la catastrophe de Jérusalem. Le verset iii, 1, rapporté historiquement à Esdras, constituerait un anachronisme. L’allusion qu’on croit voir à la dynastie des Hérodes, ch. vi, 7 et suiv., est sans fondement. Édom, selon l’usage, doit désigner ici l’empire romain.
  25. IV Esdr., xiv, 36 et suiv.
  26. Hilgenfeld, p. xliii. Comp. IV Esdr., vi, 56, et Isaïe, xl, 15 (Septante). Quelques particularités feraient supposer un original hébreu. Derenbourg, Revue critique, 26 août 1876, p. 132, note 4.
  27. Cf. ch. ix, 37 ; xii, 7. Les imitations qu’on a voulu y voir de l’Apocalypse de Jean (IV Esdr., vi, 20 ; viii, 52 ; xiv, 13 ; xx, 12) sont douteuses. Beaucoup de ressemblances viennent du modèle commun qui a servi aux deux visions, le livre de Daniel, ou d’images qui couraient les rues, telles que l’appellation de lion appliquée au Messie (xii, 31 ; cf. Apoc., v, 5). Voyez cependant ci-après, p. 358, ce qui concerne l’ange Jérémiel. L’auteur a sur la prédestination et le péché originel des idées analogues à celles de Paul, sans qu’on puisse affirmer qu’il a lu les Épîtres de Paul. Les ressemblances avec certains passages de Matthieu (IV Esdr., v, 18, 42 ; vi, 26 ; vii, 6 ; viii, 3, 41 ; xiii, 31) n’ont rien de concluant. Au contraire, les coïncidences avec l’Apocalypse de Baruch se remarquent très-fréquemment (Hilgenfeld, p. 38-113, presque à chaque page, 232-234). Voir ci-après, p. 517 et suiv.
  28. Ch. i, 1, etc., en tenant compte de l’emploi du mot « Babylone » pour « Rome », trait commun à toutes les Apocalypses.
  29. Ces changements se firent principalement sur la version latine. Voir surtout vii, 28, où Iesus a été substitué à christus, leçon que supposent dans l’original toutes les versions orientales. Ce changement est antérieur à saint Ambroise, Comment. in Luc., II, 31, t. I, fol. 1292, édit. Bénéd. Autres retouches, Volkmar, p. 175 et suiv., 186, 190, 294-295. Les versions orientales ont aussi modifié certains passages (Volkmar, p. 36 et suiv., 293 et suiv.).
  30. Ch. xii, 44-45.
  31. Ch. x, 7-8.
  32. Comparez Habacuc, ch. i et ii.
  33. Comparez, par exemple, Assomption de Moïse, ch. 9.
  34. Celui de Cédron.
  35. Ch. v, 23-30.
  36. Ch. vi, 55-59.
  37. IV Esdr., ch. iii, iv.
  38. Ch. xii, 44-45. « Quanto erat nobis melius si essemus succensi et nos in incendio Sion ; nec enim nos meliores sumus eorum qui ibi mortui sunt. »
  39. Ch. vii, 27 et suiv ; viii, xiii entiers.
  40. Ch. xiii, 3 et suiv., 25 et suiv., 51-52. Cf. Justin, Dial., 49.
  41. xii, 32, selon les versions orientales (édit. Hilgenfeld).
  42. Ch. xiii, 35 et suiv.
  43. Ch. vi, 26 ; vii, 28 ; xiii, 52 ; xiv, 9, et l’épilogue des versions orientales, qui manque dans le latin (Hilg., p. 108-110 ; Fritzsche, p. 639). Cf. saint Ambroise, De bono mortis, c. 11. Voir ci-après, p. 529, idée analogue pour Baruch.
  44. Ch. xii, 45. Arzareth est un nom fictif tiré de אדץ אחדת « terre étrangère ». Deutér., xxix, 27 ; Jérémie, xxii, 26. Cf. Mischna, Sanhédrin, x, 6. (Explic. Schiller-Szinessy.)
  45. Ce chiffre venait de Gen., xv, 13, combiné avec Ps. xc, 15. Cf. Talm. de Bab., Sanhédrin, 99 a.
  46. Ch. vii, 29.
  47. Le jugement, selon le faux Esdras, n’est nullement présidé par le Messie. Ch. v, 55 ; vi, 1-6. Cf. xii, 33-34.
  48. Daniel, vii, 2 ; Carm. sib., III, 49-50, 766 et suiv. ; Psalt. Salom., xvii, 4 ; Henoch, lxii, 14.
  49. Talm. de Bab., Sanhédr., 99 a.
  50. Ch. 40, déterminant le sens du ch. 73.
  51. Jean, xii, 34. Ce sont les juifs qui parlent à cet endroit ; mais le peu de connaissance que le quatrième évangéliste a des doctrines intérieures du judaïsme ne laisse d’autorité au passage en question que comme témoignage de l’opinion chrétienne qui prévalait autour de l’auteur.
  52. Évangiles synoptiques.
  53. Voir Saint Paul, p. 249 et suiv.
  54. Ch. iv, 25 ; v, 41 et suiv. ; vii, 28 ; ix, 8 ; xii, 34 ; xiii, 16-24, 26. Cf. I Thess., iv, 15 et suiv.
  55. IV Esdr., v, 43 et suiv.
  56. Ch. IV, 35 et suiv. ; vii, 32. Le mot grec était probablement ταμιεῖα, « magasins ». Latin : promptuaria. Ce sont les limbes de la future théologie chrétienne. Comp. la φυλακή, I Petri, iii, 19. Voir l’Antechrist, p. 58-59.
  57. Ch. vii, 32.
  58. Ch. vii, 28-35.
  59. Ch. v, 41 et suiv. Cf. Matth., xix, 30 (xx, 16) ; Épître de Barnabé, ch. 6 ; Apocal. de Baruch, 51.
  60. Ch. iv, 36 et suiv. Rapport frappant avec Apoc., vi, 10-11. On a supposé que Jérémiel était un équivalent de Johanan. Il est plus probable qu’il est fait ici allusion à une apocalypse perdue, qui ressemblait à celle de Jean, et où le personnage, innomé dans l’Apocalypse, qui fait patienter les justes, s’appelait Jérémiel. Les noms de Ramiel, d’Uriel, se retrouvent dans Hénoch, Fragm. grecs, dans le Syncelle, p. 12, 24 (Paris). Cf. Apoc. de Baruch, 55, 63.
  61. Ch. iv.
  62. Cette idée paraît d’origine persane. Comp. Apoc. de Baruch, c. 26-28.
  63. Ch. xiv, 11.
  64. IV Esdr., iv, 26.
  65. IV Esdr., v, 52-55.
  66. xiv, 10. « Seculum perdidit juventutem suam, et tempora appropinquant senescere. »
  67. Ch. vi, 23.
  68. Ch. v ; vi, 18 et suiv. ; ix, 3, 6.
  69. Ch. vi, 26.
  70. Comp. xiii, 23-24.
  71. Fragment retrouvé par M. Bensly, verset 45 et suiv. Cf. ix, 15-16.
  72. Ch. vii, 3-14. Comp. Matth., vii, 13-14.
  73. Comp. viii, 2-3.
  74. Fragm. de M. Bensly, v. 49 et suiv.
  75. Fragm. de M. Bensly, v. 61.
  76. Fragm. Bensly, v. 62-69.
  77. Il n’y a pas de raison suffisante pour voir dans toute cette partie une interpolation chrétienne. L’interpolation serait antérieure à saint Ambroise et à Vigilance (voir ci-après, p. 371) ; elle devrait être du iiie siècle ; or, à cette époque, la tendance de la théologie chrétienne n’était pas d’exagérer les doctrines de la damnation.
  78. Fragm. Bensly, v. 75-76.
  79. Fragm. Bensly, 78 et suiv. Comp. saint Luc (Lazare et le bon larron).
  80. Comp. saint Hippolyte, édit. Lagarde, p. 68-69.
  81. Fragm. Bensly, v. 93 et suiv. Comp. Recogn., II, 13 ; saint Hippolyte, l. c., et surtout l’horrible passage de Tertullien, De spectaculis, 30.
  82. Fragm. Bensly, v. 102 et suiv. C’est ici certainement le motif pour lequel le feuillet contenant ce passage a été coupé dans le manuscrit de la traduction latine (Paris, fonds de Saint-Germain, maintenant no 11505, écrit l’an 822) d’où sont provenus tous les autres manuscrits que l’on connaît, excepté celui d’Amiens. Le moyen âge tenait beaucoup à la prière pour les morts ; or le passage dont il s’agit en était la négation directe et servait de base à l’erreur de Vigilance (saint Jérôme, Ad Vigil., c. 10, Opp., IV, 2e part., col. 283, 284, Mart.). Cf. saint Ambroise (De bono mortis, c. 10, 11, 12 ; Épître 34, ad Horontianum, Opp., t. II, col. 921-924).
  83. Ch. vii, 36 et suiv.
  84. Ch. vii, 45 (versions syr. et éthiop.).
  85. Ch. vii, v. 46-47.
  86. Ch. vii, 48-49.
  87. Ch. vii, 57 et suiv. ; Fragm. Bensly, v. 71 et suiv. ; viii, 56 et suiv.
  88. Ch. vii, 10-11.
  89. Ch. viii, 15 et suiv.
  90. Ch. x, 9-10.
  91. Comp. Matth., xxv, 34, 41, et IV Esdr., ix, 8.
  92. Ch. viii, 55-61.
  93. « Multitudo quæ sine causa nata est. »
  94. Ch. ix, 21-22.
  95. Ch. xi et xii. Voir l’édition et les explications de M. Volkmar.
  96. Dan., ch. xi. Comp. les monnaies de Domitien (aigle avec une palme).
  97. Ἀντιπτερύγια
  98. Voir l’Antechrist, p. 407. Ajoutez comme exemples de cette manière de compter : Carm. sib., V, 12-41 (écrit vers 118) ; Théophile, Ad Autol., III, 25 ; Épiph., De pond. et mens., c. 12.
  99. Ch. xi, 13-17 ; xii, 15.
  100. Ch. xi, 25-27 ; xii, 20.
  101. Ch. xii, 18.
  102. Ch. xii, 23-25.
  103. Ch. xi, 35 ; xii, 27-28. Voir ci-dessus, p. 153, 154.
  104. Ch. xii, 26. Voir ci-dessus, p. 144, 145.
  105. Ch. xii, 1-2, 29-30. Cf. xi, 24.
  106. Ch. xii, 30.
  107. Ch. xi, 40 et suiv. ; xii, 32 et suiv.
  108. Anavim ou aniyyim, synonyme d’ébionim.
  109. Les ongles de l’aigle sont sans doute les légions, par lesquelles il tient l’Orient et l’Occident.
  110. Ch. xii, 33-34.
  111. V. L’Antechrist, p. 434 et suiv.
  112. Ci-après, p. 503 et suiv.
  113. Cf. Ch. vi, 7 et suiv.
  114. Ch. xii, 44-45.
  115. Comp. surtout Barn., c. 6, et IV Esdr., v, 42 (rapprochement douteux) ; Barn., c. 12, et IV Esdr., v, 5 ; Barn., c. 4, et IV Esdr., viii, 3 (confusion avec Matth., xx, 16 ; xxii, 41).
  116. Comp. II Petri, i, 19, et IV Esdr., xii, 42.
  117. Strom., I, xxi, p. 330 édit. Paris ; III, xvi, p. 468. Cf. IV Esdr., v, 35.
  118. Elle n’est pas dans la Synopse attribuée à saint Athanase. Nicéphore (canon 4) la rejette. Anastase le Sinaïte (§ 1) et le catalogue publié par Cotelier (Patres apost., I, p. 197) la rangent parmi les apocryphes.
  119. Præf. in Esdr. et Neh., ad Domnionem et Rogatianum ; Contre Vigilance, c. 10.
  120. De bono mortis, c. 10, 11, 12 ; De Spir. sancto., II, 6 ; De excessu Satyri, I, 66, 68, 69 ; Epist. 38, ad Horontianum ; Comment. sur Luc, II, 31.
  121. Hilg., Mess. Jud., p. xxiv, 70, 147 ; Volkmar, IV Buch Esra, p. 273, 376 ; Le Hir, Études bibl., I, p. 140, 141, 173.
  122. Navarrete, Colleccion, I, p. 261.
  123. Voir ci-dessus, p. 357.
  124. Ch. iii, 10, 21-22 ; iv, 30 ; vii, 10-11, 46, 48 ; Frag. Bensly, v. 70 ; viii, 34 et suiv.
  125. Voir ci-dessus, p. 360-361.
  126. Ch. ix, 9 et suiv.
  127. Ch. xiii, 38.
  128. Par exemple, celle de Torcello (photographiée par Naya, Venise).
  129. Ch. xiv, 42 et suiv.
  130. Il figurait déjà dans le livre d’Hénoch (Syncelle, p. 24 ; Cédremus, p. 9 et 11).
  131. Bammidbar rabba, sect. 2. Buxtorf, au mot אוריאל, Cf. Waddington, Inscr. de Syrie, no 2068.
  132. Barnabé étant l’auteur vraisemblable de l’Épître aux Hébreux, on comprend qu’une imitation de ce dernier écrit lui ait été attribuée. L’erreur vint peut-être aussi de ce que Barnabé passait pour avoir présidé l’Église d’Alexandrie, Le texte grec original de cet écrit n’est connu dans son intégrité que depuis la découverte du Codex Sinaïticus. Le manuscrit du Fanar, déjà utilisé par le métropolite Philothée Bryenne pour les Épîtres de saint Clément, contient également l’Épître de Barnabé (Κλήμ. ἐπιστ., p. η’). La publication de ce dernier texte lèvera les doutes qui restent encore sur des passages importants, comme Barn., 4.
  133. Barn., 12 (ἐν ἄλλῳ προφήτῃ) ; cf. 4, 16. Voir ci-dessus, p. 370, note 2.
  134. Ch. 4, peut-être 16 (Cf. Hénoch, c. 89).
  135. V. ci-dessus, p. 359. Tout cela vient peut-être de Habacuc, ii, 11-12, mal lu et mal compris. Cf. Le Hir, Études bibl., I, p. 198-200.
  136. Le prétendu Barnabé semble aussi faire usage de l’Épître de Clément, qui n’existait guère que depuis un an ou deux (Hilgenfeld, Clém., p. xix-xxi). Cela ne doit pas surprendre. Les écrits de ce temps étaient très-lus pendant les années qui suivaient leur publication. Dans l’ordre de recherches qui nous occupe, le moment où l’on commence à voir un livre cité est presque toujours celui où il venait de paraître.
  137. Vitellius était supprimé en Égypte dans le canon des empereurs. Lepsius, Das Kœnigsbuch der alten Ægypt., Berlin 1858, pl. 63 ; Volkmar, IV Buch Esra, p. 346, note.
  138. Comp. « Regnum exile ». IV Esdr., xii, 2.
  139. Barn., 4. Cf. Daniel, vii, 7, 8, 24.
  140. Barn., 9.
  141. Barn., 16. Nous réfuterons dans notre livre suivant (chap. i) les fausses inductions qu’on a voulu tirer de ce passage.
  142. Ἄγγελος πονηρός
  143. Barn., 3.
  144. Barn., 15.
  145. Barn., 2, 7-12, 14.
  146. Barn., 9, 11.
  147. Barn., 5, 6.
  148. Barn., 4, 16.
  149. Barn., 4, 21.
  150. Barn., 2, 4, 8.
  151. Barn., 21.
  152. « Regnum exile et tumultu plenum ». IV Esdr., xii, 2.
  153. Tillemont, Hist. des emp., II, p. 487-488.