Les épis (LeMay)/44

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Les épisLa Cie J.-Alfred Guay (p. 215-216).

C’est la vie


Nous aimons les dangers des arômes troublants ;
Nous laissons aux buissons des lambeaux de nos âmes.
Par des chemins bénis, par des chemins infâmes,
Nous nous en allons tous, ou rapides ou lents.

Nous partons au soleil des chaudes matinées,
Et la nuit tout à coup enveloppe nos pas.
Nous marchons au hasard, sans étoile ou compas.
Taillant dans l’imprévu d’étranges destinées.

Où vas-tu donc ainsi, grand troupeau des humains ?
Depuis quels siècles longs tu souffres et tu pleures !
Tu crois toujours voir poindre, ô lamentables leurres !
Après les jours de deuil, de meilleurs lendemains.

Et c’est la vie ! Un jour triste après un jour triste,
Un espoir qui s’envole après un autre espoir,

Un rire quelquefois, comme dans le ciel noir
Un éclair. Est-ce donc pour cela qu’on existe ?

Sous le feu des étés, la neige des hivers,
Nous sommes des roseaux qu’un souffle amer secoue.
De nos rêves aimés comme le ciel se joue !
Et comme nos destins malgré nous sont divers !

Si quelqu’un a de l’or pour acheter la gloire,
Le pain de chaque jour que nous donne le ciel,
Nous le payons aussi. Nos cœurs n’ont pas de fiel.
Quelque soit le calice acceptons de le boire.

Plus d’un déshérité s’avance chancelant
Sur la route funèbre où s’agite la foule ;
Au fond de la poitrine il faut que l’on refoule
Et l’espoir qui nous trompe et le sanglot brûlant,

Chez l’homme tout est deuil lorsque le cœur se ferme,
Car il faut pardonner et ne trahir jamais.
Heureux celui qui dit : J’ai souffert et j’aimais ;
Au chemin de l’honneur j’ai marché d’un pas ferme.