Les Actes des Apôtres/22

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 87-90).

XXII

PREMIERS PAÏENS BAPTISÉS PAR SAINT PIERRE.



Grand’mère. Pendant que Pierre hésitait sur ce que signifiait la vision qu’il avait eue, les hommes envoyés par Corneille se présentèrent à la porte, et ayant appelé quelqu’un, ils demandèrent si ce n’était pas là que demeurait Simon, surnommé Pierre.

Or, Pierre réfléchissait à sa vision, et l’Esprit-Saint lui dit intérieurement :

« Voici trois hommes qui te demandent. Lève-toi donc, descends, et n’hésite pas à les suivre, car c’est moi qui les ai envoyés. »

Aussitôt Pierre, descendit vers ces hommes et leur dit :

« Me voici ; je suis celui que vous cherchez ; quelle est la cause pour laquelle vous êtes venus ? » Ils répondirent :

« Corneille, centurion, homme juste et craignant Dieu, selon le témoignage que lui rend toute la nation des Juifs, a été averti par un saint Ange de vous faire venir chez lui et d’écouter ce que vous avez à lui dire. »

Pierre donc les fit entrer et les logea chez lui. Le jour suivant, il partit avec eux, et quelques-uns des frères demeurant à Joppé, au nombre de six, accompagnaient le saint Apôtre. Le jour d’après ils arrivèrent à Césarée.

Élisabeth. Grand’mère, je trouve que c’eût été plus poli à Corneille d’aller lui-même chez saint Pierre, au lieu de le déranger, lui qui était le chef de l’Église.

Grand’mère. Chère enfant, il fallait avant tout obéir exactement à la parole de l’Ange. Corneille respectait la parole de Dieu, quoiqu’il ne fût pas Chrétien ; il devait croire que la volonté de Dieu était que Pierre vînt à lui ; il exécuta l’ordre du Seigneur, et il ne pouvait plus être question de politesse, quand le bon Dieu avait parlé.

Cela signifiait en outre que saint Pierre, et avec lui les autres Apôtres, devaient aller trouver les peuples infidèles, pour les convertir.

Corneille, qui attendait saint Pierre, avait rassemblé ses parents et ses amis. Quand donc Pierre entra, Corneille vint au-devant de lui, et se jetant à ses pieds, l’adora.

Jacques. Comment, l’adora ? On n’adore que Dieu ; on n’adore même pas la Sainte-Vierge.

Grand’mère. C’est très-vrai, cher enfant ; mais le mot adorer veut souvent dire, dans les langues anciennes, se prosterner par respect. Ce n’était donc pas de la part de Corneille l’adoration qu’on ne rend qu’à Dieu seul. Aussi Pierre le releva et lui dit :

« Lève-toi ! moi aussi je ne suis qu’un homme comme tous les autres hommes. »

Et s’entretenant avec Corneille, il entra dans la maison, où il trouva un grand nombre de personnes assemblées. Et il leur dit :

« Vous savez combien il est odieux à un Juif d’aller chez un païen. Mais Dieu m’a appris à n’appeler aucun homme profane et impur. C’est pourquoi, dès que vous m’avez appelé, je suis venu sans hésiter. Je vous demande à présent, pourquoi vous m’avez fait venir. »

Corneille répondit : « Il y a quatre jours qu’étant en prières dans ma maison, un homme vêtu de blanc s’est présenté devant moi et a dit : « Corneille, ta prière est exaucée, et Dieu s’est souvenu de tes aumônes. Envoie donc à Joppé et fais venir Simon surnommé Pierre. Quand il sera venu, il te parlera. » J’ai envoyé vers vous aussitôt, et vous m’avez fait la grâce de venir. Maintenant donc, nous voilà tous devant Dieu et devant vous pour entendre ce que le Seigneur Dieu vous a ordonné de nous dire. »

Alors Pierre ouvrit la bouche et dit :

Henri. Pourquoi dit-on que Pierre ouvrit la bouche ? on sait bien qu’il ne pouvait pas parler la bouche fermée.

Grand’mère. C’est une manière de s’exprimer, pour faire comprendre que sa parole était une chose très-solennelle, comme l’est encore la parole du Pape.

En effet, saint Pierre leur parla longtemps, leur expliquant la vie et la mort de Notre-Seigneur, et comment lui et ses frères les Apôtres étaient chargés de prêcher la parole de Dieu et de faire connaître Jésus-Christ au monde entier.

Quand Pierre eut parlé, l’Esprit-Saint descendit visiblement sur eux tous qui écoutaient la parole de l’Apôtre, et qui étaient frappés d’étonnement et d’admiration. Alors Pierre dit :

« Peut-on refuser l’eau du Baptême à ceux qui ont déjà reçu le Saint-Esprit de même que nous ? »

Et il commanda qu’on les baptisât au nom du Seigneur. Et ils le prièrent de rester quelques jours avec eux.

Jacques. Comment Corneille n’était-il pas encore, baptisé ?

Grand’mère. Parce qu’il ne connaissait pas encore la vérité, et parce que Notre-Seigneur a voulu que ce fût Pierre, premier en tout, qui baptisât le premier païen, le premier homme de guerre romain. C’est Pierre qui lui ouvre la porte du Ciel, et qui commence l’union et la fraternité des Juifs et des peuples appelés Gentils ou païens.

Valentine. Pourquoi les appelait-on Gentils ?

Grand’mère. Les Juifs les appelaient ainsi pour les distinguer du peuple de Dieu. C’est un mot qui veut dire les nations, les peuples. C’est comme les Romains, qui appelaient Barbares tous les peuples qui leur étaient étrangers.