Les Actes des Apôtres/58

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LVIII

SAINT PIERRE PROUVE DEUX FOIS DEVANT LE PEUPLE ASSEMBLÉ L’IMPOSTURE DE SIMON LE MAGICIEN.

Grand’mère. On ne sait pas au juste ce que fit saint Pierre après avoir quitté Jérusalem ; on pense qu’il parcourut divers royaumes pour y établir de nouvelles Églises et pour travailler à étendre la foi de Jésus-Christ. Il revint à Rome pendant le règne de l’Empereur Néron, le plus féroce, le plus méchant des Empereurs romains, qui persécuta constamment les Chrétiens ; lorsque saint Pierre revint à Rome, ce fut pour ranimer le courage des fidèles contre la cruelle persécution de Néron, et pour s’opposer ouvertement à l’impiété de Simon le Magicien. Ce dernier avait gagné la confiance de Néron par ses artifices diaboliques ; il se faisait passer à Rome pour un Dieu descendu du Ciel. Lorsque saint Pierre fut à Rome, il prouva clairement à tous que Simon n’était qu’un imposteur, et il écrivit à tous les fidèles sa seconde Épître contre les hérésies, c’est-à-dire les erreurs qui commençaient à se répandre dans les différentes Églises du monde. Il annonça aux fidèles sa mort prochaine, qui lui avait été révélée par Notre-Seigneur.

Il soutint contre Simon plusieurs disputes dans lesquelles il le confondit ; et enfin, il lui proposa de décider la question de sa prétendue Divinité par la résurrection d’un mort. Simon accepta la proposition de saint Pierre, comptant sur l’aide du démon.

On apporta le corps d’un jeune homme qui était mort, et on l’exposa devant tout le peuple ; chacun put voir et toucher le corps pour se bien assurer que c’était bien réellement un cadavre. Simon, en présence de la foule assemblée, commença ses sortilèges ; mais malgré tous ses efforts, Satan ne réussit qu’à lui faire un peu remuer la tête. Aussi tôt les amis de Simon, s’écrièrent que l’homme était ressuscité, que Simon était véritablement un Dieu.

Louis. Mais c’est vrai que l’homme était un peu ressuscité, puisqu’il a remué la tête.

Grand’mère. Non, un seul mouvement du corps ne prouve pas qu’un mort soit revenu à la vie. Ce pouvait être l’effet de ce qu’on appelle l’Électricité et le Galvanisme ; quand tu seras plus grand, tu apprendras et tu connaîtras ces effets. Tu vas voir tout à l’heure que le mort de Simon resta mort, et que ce fut Pierre qui le ressuscita. Ressusciter un mort, c’est le rendre tout à fait à la vie.

Saint Pierre s’avançant, démontra au peuple que le léger mouvement de la tête que Simon avait obtenu de la puissance du démon, n’était pas une résurrection, puisque le corps était redevenu immobile, et que le mort restait privé de vie. Lorsque la chose fut bien certaine et que le peuple eut reconnu l’impuissance de Simon, Pierre se recueillant, pria ; puis élevant la voix il dit :

« Jeune homme, Lève-toi ; c’est moi qui te le dis ; Notre-Seigneur Jésus-Christ te rend la vie. »

Aussitôt le jeune homme se leva, parla, marcha, en présence de tous les assistants. Puis saint Pierre le rendit à sa mère. On demanda alors à Pierre de lui conserver la vie, puisqu’il la lui avait rendue. Pierre répondit :

« Que le Seigneur Jésus-Christ, dont je ne suis que le serviteur, le conserve ! » — Puis se tournant vers la mère : « Sois sans inquiétude pour ton fils, ô mère ! Ne crains pas ; il a un gardien qui le conservera. »

Le peuple plein de joie et d’admiration voulut aller lapider Simon le Magicien. Mais Pierre leur dit : « Il est assez puni d’avoir été forcé de reconnaître devant tous, qu’il n’est qu’un imposteur et que son pouvoir lui vient du démon. Qu’il vive donc et qu’il voie croître, malgré sa colère et ses efforts, le règne du Christ ! »

Jeanne. C’est bien bon et bien généreux à saint Pierre !

Grand’mère. Un vrai Chrétien est toujours bon ; il imite en cela Notre-Seigneur, qui met la charité au premier rang de toutes les vertus.

Simon souffrit beaucoup dans son orgueil, quand il se vit vaincu par saint Pierre, dont la gloire le torturait. Il se retira pour évoquer de nouveau le démon, et lui demander une plus grande puissance qui pût écraser celle de saint Pierre.

Henri. Comment ! il venait de voir saint Pierre ressusciter un mort et il ne croyait pas ?

Grand’mère. Cher enfant, la foi ne vient pas par les yeux. Pour croire, nous l’avons déjà dit, il ne suffit pas d’être témoin de miracles, il faut en outre avoir un cœur bien disposé, il faut aimer la vérité et avoir le courage de faire les sacrifices qu’impose la foi en Jésus-Christ. Simon le Magicien n’avait aucune de ces dispositions.

Il assembla donc encore une fois le peuple, il se plaignit d’avoir été offensé par les Galiléens, c’était ainsi qu’il appelait par mépris les Chrétiens, et il menaça de quitter la ville de Rome, qu’il avait aimée et protégée jusque-là. Il fixa un jour où on le verrait s’envoler au Ciel, dont l’entrée lui était toujours ouverte, d’où il leur enverrait des châtiments terribles.

Le jour qu’il devait accomplir ce grand prodige correspondait à notre dimanche. Saint Pierre, voyant le mal que ce nouveau sortilège pouvait faire à plusieurs fidèles peu affermis encore dans leurs croyances, ordonna la veille un jeûne général accompagné de prières. Quelques auteurs pensent que ce fut l’origine du maigre du samedi de chaque semaine.

Au jour marqué, Simon alla au Capitole, colline située au centre de Rome, et sur laquelle s’élevait le temple de Jupiter-Tonnant, le plus puissant dieu de Rome. Une foule immense couvrait la montagne et les environs. Simon s’élança dans les airs et se mit à voler. Le peuple commençait à l’admirer et à dire : Voler ainsi vers le Ciel avec son corps, ce n’est pas d’un homme ; c’est vraiment la puissance d’un Dieu. On ne dit pas que le Christ ait jamais rien fait de semblable.

Alors, Pierre s’écria du milieu de la foule :

« Seigneur Jésus, montrez votre force, et ne laissez pas tromper un peuple qui est à vous. Que le séducteur tombe, Seigneur, mais qu’il vive encore assez pour connaître qu’il n’a pu rien contre votre puissance ! »

Ainsi pria l’Apôtre avec larmes, puis il ajouta : « Je vous adjure, au nom de Jésus-Christ, vous démons qui soutenez en l’air cet impudent, lâchez-le ! Je vous l’ordonne ! »

Et aussitôt, à la voix de Pierre, au nom de Jésus-Christ, les démons perdirent toute force et lâchèrent Simon, qui tomba à terre. Son corps fut fracassé et ses jambes furent rompues et brisées, et pourtant, comme l’avait demandé saint Pierre, il ne mourut pas tout de suite. On le transporta dans un petit hameau près de Rome, nommé Arezzo, où il mourut comme un réprouvé, c’est-à-dire comme un ennemi de Dieu, en maudissant Pierre, le Christ et les Chrétiens, et sans donner aucun signe de repentir de ses crimes et de son abominable pacte avec Satan. Néron avait été présent à tout ce spectacle.

Armand. C’est très-intéressant cela ; mais qu’est-ce que c’est : un pacte ?

Grand’mère. Un pacte est un engagement mutuel de deux ou plusieurs personnes, qui se promettent l’une à l’autre un avantage quelconque ; ainsi, Simon avait promis au démon de faire tout le mal possible aux serviteurs de Jésus-Christ, à condition qu’il l’aidât et qu’il lui fît avoir beaucoup de gloire et d’argent. Le démon promit de son côté à Simon de lui accorder ce qu’il demandait, à condition qu’il n’épargnerait rien pour détruire la religion chrétienne. C’est ce qui s’appelle faire un pacte.

Madeleine. Je trouve, Grand’mère, que les Romains n’avaient pas si tort de croire à la divinité de Simon, puisqu’il faisait des choses si merveilleuses. Comment ces gens qui adoraient des pierres, des bêtes, des fontaines, et je ne sais quoi encore, pouvaient-ils deviner que Simon fût un imposteur ?

Grand’mère. Ils auraient pu facilement le deviner, en voyant la vie que menait ce prétendu dieu. De plus, à côté des prétendus prodiges du magicien, ils pouvaient voir presque chaque jour les vrais miracles de saint Pierre et de ces premiers Chrétiens, dont la vie était si admirable. Il est vrai que ces pauvres païens étaient bien ignorants, et c’est ce qui les excuse un peu. C’est par compassion pour leur âme que saint Pierre, saint Paul et les autres Apôtres se sont dispersés dans tout le monde païen, pour les éclairer. Voyons maintenant ce qu’a fait Néron pour venger son ami Simon.