Les Actes des Apôtres/65

La bibliothèque libre.
Librairie de L. Hachette et Cie (p. 248-252).

LXV

SAINT JACQUES LE MINEUR, APÔTRE ET MARTYR.



Saint Jacques était très-aimé et très-considéré des autres Apôtres ; nous voyons dans l’Évangile, que Notre-Seigneur l’emmène toujours avec saint Pierre et avec saint Jean, comme il l’a fait le jour de la Transfiguration, le soir de l’agonie au jardin des Oliviers. Il était cousin de Notre-Seigneur, sa mère étant cousine germaine de la Sainte-Vierge. Et il ressemblait tellement à Jésus-Christ, qu’en le voyant on croyait voir Notre-Seigneur, et qu’après l’Ascension, les Apôtres ne se lassaient pas de le contempler.

Le peuple le surnomma le Juste, à cause de sa grande sainteté. Saint Pierre lui témoignait une grande affection et une estime toute particulière. Il le nomma Évêque de Jérusalem aussitôt après la descente du Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte. Lorsque saint Pierre fut délivré, par un Ange, des prisons d’Hérode, il le lui fit savoir aussitôt. Quand les Apôtres s’assemblaient, saint Jacques donnait son avis le second, immédiatement après saint Pierre.

Saint Paul en parle avec une grande considération dans le second chapitre de son Épître aux Galates ; il l’appelle comme saint Pierre et saint Jean, Colonne de l’Église.

Valentine. Pourquoi l’appelle-t-il colonne ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Une colonne est un soutien, un appui. Les Apôtres étaient établis par Notre Seigneur pour être les soutiens de l’Église, l’appui de la foi de tous les fidèles. Saint Jacques, autant que les autres, et sous certains rapports, plus que les autres, soutenait l’Église naissante par sa prière continuelle et sa sainteté extraordinaire.

Saint Jacques vécut à Jérusalem ; il y prêchait tous les jours, et y faisait un bien merveilleux. Une foule de Juifs se convertissaient et venaient lui demander le baptême. Ananie, homme fier, jaloux et cruel, qui était alors Grand-Prêtre à la place de Caïphe, ne put voir sans colère l’influence et la réputation de saint Jacques s’accroître tous les jours et s’étendre au loin. Il tint conseil avec les prêtres et les lévites et ils résolurent de forcer saint Jacques à changer son langage, et s’il s’y refusait, de le faire mourir.

Jacques. Mon pauvre Patron ! Ces misérables Juifs vont le tuer comme ils ont fait pour Notre-Seigneur !

Grand’mère. Oui, cher enfant, mais en lui ôtant la vie, ils l’ont glorifié, et ils lui ont procuré un bonheur bien plus grand que s’ils l’avaient laissé mourir tranquillement dans son lit.

Jacques. Alors, c’est tant mieux, puisqu’ils lui ont fait du bien en voulant lui faire du mal. Mais tout de même, ils sont bien méchants.

Grand’mère. Tu as raison, ils ont été de vrais démons et ils en sont terriblement punis.

Ananie commença donc l’exécution de son détestable projet en appelant saint Jacques dans son conseil. Après l’avoir comblé de louanges sur sa vie austère, sur la haute réputation qu’il s’était acquise, il lui dit :

« Le nombre des Chrétiens s’accroît de jour en jour, et fait déserter le temple du Dieu vivant. Votre grande réputation de vertu et de sainteté me donne l’assurance que vous ferez tout ce qui sera en votre pouvoir pour remédier à ce grand désordre. Voici un nombre considérable de Juifs qui sont rassemblés à Jérusalem pour la fête de Pâques. Montez sur le lieu le plus élevé du Temple, parlez au peuple, dites-lui ce que vous pensez de Jésus le crucifié et de sa doctrine. Nul doute que vous ne les persuadiez, puisqu’ils vous appellent le Juste et le Saint. Nous mettons entre vos mains l’honneur de la Synagogue. »

Louis. Le pauvre saint Jacques a dû être embarrassé pour leur répondre.

Grand’mère. Pas du tout. Il accepta avec joie l’offre d’Ananie.

Jeanne. Comment ! Saint Jacques consentait à parler contre Jésus-Christ ?

Grand’mère. Pas du tout. Il vit là au contraire une belle occasion de prêcher la religion de Jésus-Christ devant cette multitude immense. On lui demandait de dire ce qu’il pensait de Jésus et de sa doctrine.

Il monta donc sur la terrasse du Temple. Les Prêtres lui dirent tout haut, de façon à ce que tout le peuple l’entendît :

« Juste dont nous honorons les sentiments, dites-nous ce que vous pensez de Jésus qui a été crucifié. »

Louis. C’est bon cela ! Ils vont être bien attrapés.

Grand’mère. Et bien furieux, car ils ne croyaient pas que saint Jacques eût la hardiesse de déclarer devant eux que Jésus était le Christ et le Messie. Mais saint Jacques, rempli du Saint-Esprit, s’écria :

« Pourquoi me demander mon avis touchant Jésus fils de l’homme ? N’ai-je pas déjà déclaré une infinité de fois devant tous ceux qui ont voulu m’entendre, que Jésus, fils de Dieu, le Christ, le Messie ressuscité est assis à la droite de Dieu, son Père, et qu’il viendra un jour juger les vivants et les morts. »

Les fidèles qui étaient mêlés à la foule entendirent ces paroles avec une grande joie. Mais les Prêtres, se voyant trompés, furent remplis de fureur. Ils montèrent précipitamment au haut du Temple, et saisissant l’Apôtre, ils le jetèrent en bas pour lui briser la tête.

Il ne mourut pourtant pas sur le coup ; il se mit à genoux et commença à prier pour ses persécuteurs, disant comme son Divin Maître sur la croix :

« Seigneur, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. »

Un des Prêtres, entendant cette prière, en fut si touché, qu’il dit tout haut aux Juifs qui ramassaient des pierres pour achever le Saint :

« Que faites-vous ? N’entendez-vous pas que le Juste prie pour vous ? »

Mais on ne l’écouta pas et on commença à jeter des pierres. Un teinturier lui déchargea un coup de masse sur la tête. Saint Jacques mourut ; son crâne fut brisé. C’est ainsi que le frère du Seigneur (comme on l’appelait) termina son glorieux martyre le 1er mai de l’année 63. Il avait été Évêque de Jérusalem pendant trente-trois ans.

Les fidèles ensevelirent son corps à l’endroit même où il était tombé. Plus tard, ses ossements furent apportés à Rome.

Au neuvième siècle, Charlemagne fit transporter une grande partie de ces reliques à Toulouse, dans l’église de Saint-Sernin. Une portion considérable de la tête fut emportée par les Espagnols à Compostelle. La plus grande partie du corps de saint Jacques le Mineur repose encore aujourd’hui à Rome, à côté des reliques de l’Apôtre saint Philippe, dans une église célèbre dédiée aux Saints Apôtres. D’autres fragments de son corps ont été portés dans différentes églises, à Anvers, à Forli, à Langres et à Compiègne.