Les Actes des Apôtres/68

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 262-266).

LXVIII

SAINT SIMON ET SAINT JUDE, APÔTRES ET MARTYRS.



Grand’mère. Saint Matthieu appelle saint Simon le Cananéen, parce qu’il était de la petite ville de Cana, en Galilée.

Louis. Est-ce la même où Notre-Seigneur a changé l’eau en vin, à une noce ?

Grand’mère. Précisément, c’est la même.

Saint Jude était frère de saint Jacques le Mineur, et comme lui, cousin de Notre-Seigneur. Son vrai nom était Judas ; on l’appelait aussi Thadée, comme on le voit dans les Évangiles de saint Matthieu et de saint Marc. Pour ne pas le confondre avec Judas Iscariote, le traître, on l’appelle communément Jude ou Thadée. Quand les apôtres se séparèrent, après la Pentecôte, Simon et Jude partirent : le premier, pour l’Égypte, le second, pour la Mésopotamie, province de l’Asie. Quelques auteurs assurent que saint Simon quitta l’Égypte pour aller prêcher la foi dans toute l’Afrique et puis dans l’Angleterre ou Grande-Bretagne, et que saint Jude alla dans l’Arabie. Ensuite tous deux retournèrent en Perse, où les Juifs avaient été jadis emmenés en captivité. On ne sait aucun détail certain sur leur Apostolat dans l’Asie. On raconte qu’à leur arrivée en Perse, dans le camp de Baradach qui marchait avec une nombreuse armée contre les Indiens, toutes les idoles devinrent muettes.

Armand. Elles parlaient donc, ces idoles ?

Grand’mère. Oui, elles parlaient pour rendre des oracles, par la puissance du démon, comme les idoles de l’Arménie. On alla consulter une idole du voisinage pour savoir ce qui causait leur silence.

L’idole répondit que c’était la présence de Simon et de Jude qui en était cause, et que leur puissance était si redoutable qu’aucun esprit ne pouvait paraître devant eux.

Les soldats, effrayés et furieux, demandèrent à leur chef Baradach de faire mourir les étrangers dangereux qui empêchaient les dieux de parler. Baradach, homme juste et modéré, ne voulut pas faire mourir les Apôtres sans leur avoir parlé lui-même et sans avoir examiné si les craintes que témoignaient ses troupes étaient fondées.

Il fit donc venir les deux Apôtres ; il les interrogea longuement ; et ne voyant dans leurs réponses que sagesse et bonté, il ne voulut pas leur faire de mal, et les prit même en affection.

Marie-Thérèse. À la bonne heure ! Voilà un brave homme, quoique païen.

Grand’mère. Aussi fut-il récompensé de sa bonne action. Les Apôtres lui démontrèrent les impostures de ses idoles et de ses magiciens.

« Interrogez-les, lui dirent les Apôtres, sur le résultat de la guerre que vous allez entreprendre ; nous leur accordons la liberté de parler. »

Les idoles, interrogées par le capitaine devant les soldats assemblés, répondirent avec leur méchanceté ordinaire, que la guerre serait longue, sanglante et que la victoire resterait douteuse.

« C’est un mensonge, s’écrièrent les Apôtres. Bien au contraire, dès demain, à pareille heure, des Ambassadeurs Indiens viendront dans le camp pour faire leur soumission et demander la paix à des conditions très-avantageuses pour vous. »

La chose arriva comme l’avait prédite saint Simon et saint Jude. Cet événement frappa si vivement Baradach, que non-seulement lui et la plupart de ses soldats, mais encore le Roi, qui était à Babylone, toute la famille royale et une grande partie de la ville se convertirent, assure-t-on, à la foi du Seigneur.

Deux magiciens fameux, Zoroës et Arphaxad, cherchèrent, par leurs enchantements, à empêcher ces conversions. Mais les Apôtres prouvèrent leur imposture et les obligèrent à fuir pour ne pas être déchirés par le peuple.

Simon et Jude parcoururent ensuite plusieurs villes de Perse, pour y prêcher la religion de Jésus-Christ. Les deux magiciens les ayant précédés dans une de ces villes, ameutèrent le peuple par leurs mensonges. Simon fut traîné devant l’image du soleil, et Jude devant celle de la lune, pour offrir de l’encens à ces divinités.

Au lieu d’obéir, les Apôtres brisèrent ces idoles, en invoquant le nom de Jésus-Christ. Les prêtres, furieux, les firent mourir cruellement. Saint Simon fut scié en deux, et saint Jude, après avoir subi plusieurs tortures cruelles, eut la tête tranchée.

Dieu ne laissa pas leur mort sans punition ; car à l’heure même, bien que le temps fût très-calme, il s’éleva une si terrible tempête, que les temples des faux Dieux furent renversés, leurs images réduites en poussière ; les deux magiciens et un grand nombre de païens furent brûlés par le feu du ciel, ou écrasés sous les ruines de leurs temples.

Le Roi, qui s’était fait chrétien, fit transporter à Babylone les corps des saints martyrs et les plaça dans une église magnifique qu’il fit bâtir en leur honneur. Plus tard, leurs ossements sacrés furent apportés à Rome, dans l’église de Saint-Pierre, où on les vénère encore aujourd’hui.

L’Empereur Charlemagne les transporta à Toulouse, dans l’église de Saint-Sernin.

Élisabeth. Encore ? l’église de Saint-Sernin a du bonheur ; elle contient des reliques de presque tous les Apôtres !

Madeleine. J’en suis bien contente, car Toulouse est ma patrie ; c’est là où je suis née.

Grand’mère. À présent, il nous reste à connaître la fin de saint Matthieu et de saint Mathias. Mais ce ne sera pas long, car on a très-peu de détails certains sur leur Apostolat et leur martyre.

Louis. Tant pis ; je voudrais qu’il y eût encore beaucoup de choses à raconter.

Madeleine. Je trouve que l’histoire des Martyrs est la plus belle, la plus touchante, et la plus intéressante des histoires.

Grand’mère. Tu as bien raison, mon enfant. Si au lieu de lire, comme on le fait trop souvent, un tas de contes et de romans, on lisait la Vie des Saints, on y apprendrait mille choses bonnes et utiles qui vaudraient bien mieux que ce qu’on apprend en lisant des livres frivoles très à la mode de nos jours.