Les Actes des Apôtres/69

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 266-270).

LXIX

SAINT MATTHIEU, APÔTRE ET MARTYR.



Grand’mère. Après l’Ascension de Notre-Seigneur, après la Pentecôte et la dispersion des Apôtres, saint Matthieu prit le chemin de L’Égypte, puis de l’Éthiopie, pour y commencer ses travaux apostoliques. On sait, mais sans en avoir les détails, qu’il y souffrit beaucoup, qu’il y fit une multitude de miracles et un nombre infini de conversions. Il menait la vie la plus mortifiée, ne vivant que d’herbes et de légumes, et ne mangeant jamais de chair.

Henri. Comment pouvait-il ne vivre que d’herbes et de légumes ? Il devait être exténué de faiblesse.

Grand’mère. Le bon Dieu lui donnait des forces pour surmonter toutes ses fatigues. Sans ces grâces particulières, les Apôtres auraient tous succombé à la vie austère qu’ils menaient, aux fatigues, aux souffrances qu’ils enduraient.

À son arrivée en Éthiopie, saint Matthieu fut reçu dans la ville de Nadaber, par cet eunuque de la reine Candace, que saint Philippe avait baptisé comme vous l’avez vu dans les Actes des Apôtres.

Il trouva dans cette ville deux magiciens nommés Zoroès et Arphaxad, les mêmes qui plus tard furent chassés de Babylone (comme nous l’avons vu) par les apôtres Simon et Jude. Les magiciens trompaient le pauvre peuple par des semblants de miracles, avec l’aide du démon. Quand on vit les grands et vrais miracles de saint Matthieu, on commença à douter du pouvoir des magiciens. Ceux-ci, craignant de voir diminuer leur influence, invoquèrent le démon et en obtinrent deux dragons énormes qui devaient répandre la terreur dans tout le pays.

Quand ces dragons apparurent, l’épouvante s’empara de tous les habitants ; mais saint Matthieu, ayant fait le signe de la croix, rendit ces animaux doux comme des agneaux, et les obligea de retourner dans leurs cavernes.

Armand. Qu’est-ce que c’est que des dragons ? Je n’en ai jamais vu.

Grand’mère. Ce sont des espèces d’énormes serpents, avec deux pattes armées de griffes.

Henriette. Il me semble que personne n’en a jamais rencontré.

Grand’mère. Non, il n’y en a plus de notre temps et je ne sais pas s’il y en a jamais eu.

Henriette. Mais puisque vous dites, Grand’mère, que saint Matthieu les a rendus doux comme des agneaux, c’est qu’il y en avait donc.

Grand’mère. Ces dragons étaient peut-être des énormes serpents que l’on a appelés dragons en raison de leur énormité ; ou bien le démon a pu réellement faire apparaître deux monstres inconnus qui ont disparu sur l’ordre de saint Matthieu.

Quoi qu’il en soit, la disparition de ces monstres, serpents ou dragons, rassura si bien le peuple sur les menaces des magiciens imposteurs, que le saint Apôtre eut toute liberté pour prêcher le Christianisme. Plusieurs se convertirent et reçurent le baptême.

Un autre miracle, plus éclatant encore, augmenta l’influence du Saint et convertit un nombre considérable de païens. Une fille du Roi étant morte, ce prince désolé envoya chercher les magiciens pour ressusciter sa fille. Ils employèrent inutilement tous les enchantements possibles, sans pouvoir y réussir.

Saint Matthieu, ayant été appelé à son tour, invoqua simplement le nom de Jésus-Christ sur le corps de la jeune princesse, qui revint immédiatement à la vie.

Ce miracle amena la conversion du Roi, de la Reine, de la famille royale et de toute la province. Ce fut une douce consolation pour le fidèle Apôtre.

Il en eut une autre peu de jours après.

La princesse Iphigénie, qui était un prodige de beauté, d’esprit et de science, ayant entendu le Saint parler du bonheur des jeunes filles qui se consacrent à Dieu, voulut comme elles n’avoir d’autre époux que Jésus-Christ ; elle se voua tout entière au service de Notre-Seigneur. Quelques jeunes filles de sa suite suivirent son exemple. D’après le conseil du saint Apôtre, elles se retirèrent toutes dans une maison particulière, pour y vivre sous la direction de la Princesse, selon la règle que leur prescrivit saint Matthieu.

Après la mort du Roi Égype, son frère Hirtace s’empara du royaume et voulut épouser sa nièce Iphigénie. Il pria saint Matthieu de faire consentir sa nièce à ce mariage. Le Saint l’engagea à assister à L’exhortation qu’il allait prononcer dans le nouveau monastère ; il connaîtrait ainsi le conseil que recevrait la jeune princesse. Hirtace s’y rendit sur-le-champ. Mais l’Apôtre, bien loin de conseiller le mariage que désirait Hirtace, ne parla que de l’excellence de la consécration à Jésus-Christ, et de la grande et éternelle récompense que mériterait la Princesse en persistant dans son sacrifice.

Hirtace, ayant entendu ce discours, entra dans une grande colère. Il sortit de l’église ; et, pour punir l’audace du saint Apôtre, il envoya des bourreaux auxquels il donna l’ordre de le tuer à l’heure même. Ils trouvèrent saint Matthieu devant l’autel, à la fin du sacrifice de la messe, et se précipitant sur lui, ils le massacrèrent au pied même de l’autel, qui fut teint de son sang.

Ce fut dans la ville de Nadaber que saint Matthieu fut martyrisé ; ses reliques y furent conservées jusqu’en 1080. À cette époque, son corps fut transféré à Salerne, dans le royaume de Naples ; de là, sa tête fut portée, une partie en France, dans la cathédrale de Beauvais, et une autre portion dans celle de Chartres.

Louis. Est-ce que le méchant Hirtace ne fut pas puni de son crime ?

Grand’mère. La tradition dit qu’Hirtace, n’ayant pu obtenir le consentement d’Iphigénie pour son mariage, fit mettre le feu au palais qu’elle habitait pour l’obliger à en sortir. La Princesse et ses compagnes restèrent au milieu des flammes sans être atteintes ; ces mêmes flammes se retournèrent contre le palais d’Hirtace, situé tout auprès, et le consumèrent en entier avec toutes ses richesses. Le fils d’Hirtace fut saisi, dit-on, par un démon cruel qui l’entraîna sur le tombeau de l’Apôtre, l’obligea à publier tous ses crimes et ceux de son père, après quoi il l’étrangla.

Hirtace lui-même fut subitement couvert d’une lèpre épouvantable ; son corps ne fut qu’une plaie, les médecins essayèrent inutilement de le guérir, ou du moins de soulager ses cruelles souffrances. Hirtace désespéré, fou de douleur, se jeta sur son épée, se perça le cœur et mourut.

Élisabeth. Est-ce très-certain, Grand’mère ?

Grand’mère. Ce n’est pas aussi authentique que ce qui a rapport à la vie et à la mort de saint Matthieu, mais pourtant c’est rapporté par d’anciens auteurs dignes de foi.