Les Amours (1553)/Poème 99

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Les amours de P. de Ronsard Vandomois, nouvellement augmentées par lui, & commentées par Marc Antoine de Muret. Plus quelques odes de l'auteur, non encor imprimées
chez la veuve Maurice de la Porte (p. 111-112).
CHANSON.

D’un gosier machelaurier
J’oi crier
Dans Lycofron ma Cassandre,
Qui profetise aus Troiens
Les moiens,
Qui les tapiront en cendre.

Mais ces pauvres obstinés,
Destinés
Pour ne croire à ma Sibylle,
Virent, bien que tard, apres,
Les feus Grecs
Forcenés parmi leur ville.

Aians la mort dans le sein,
De leur main
Plomboient leur poitrine nue :
Et tordant leurs cheveus gris,
De lons cris
Pleuroient qu’ils ne l’avoient creüe.

Mais leurs cris n’eurent pouvoir
D’emouvoir
Les Grecs si chargés de proie,
Qu’ils ne laisserent sinon,
Que le nom
De ce qui fut jadis Troie.

Ainsi pour ne croire pas,
Quand tu m’as
Predit ma peine future :
Et que je n’aurois en don,
Pour guerdon
De t’aimer, que la mort dure :

Un grand brasier sans repos,
Et mes os,
Et mes nerfs, et mon cœur brûle :
Et pour t’amour j’ai receu
Plus de feu
Que ne fit Troie incredule.