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Les Amours de Tristan/L’Absence ennuyeuse

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L’ABSENCE ENNUYEUSE.

SONNET.



QVE le mal de l’abſence eſt cruel aux Amans !
Et qu’il rend mon humeur melancolique & noire !
Pour moderer mes maux ou mes reſſentimens :
Dieux, rendez moy Phillis, ou m’ostez la memoire.

Les obiects les plus doux me ſont des monumens
Depuis que ceſte Belle a repaßé la Loire ;
Et i’eſprouue depuis de ſi cruels tourmens,
Que ſans les reſſentir, on ne les ſçauroit croire.

I’eſperois en voyant ce bel Astre d’Amour,
Qu’à iamais ſa clarté me donneroit le iour :
Mais elle est à mes yeux pour long temps éclipſée :

Et i’apprehende bien d’auoir vn Sort pareil
Au ſort des habitans de ceſte Mer glacee
Qui demeure ſix mois ſans reuoir le Soleil.