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Les Amours de Tristan/Le Mespris 2

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Les Amours de TristanP. Billaine, A. Courbé (p. 134-135).


LE MESPRIS.

STANCES.



NE te ris plus de mes douleurs,
Perfide ſujet de mes pleurs,
Ingrate cauſe de mes plaintes,
Tu ne fais plus mes desplaiſirs,
Mes triſteſſes, ny mes ſouſpirs ;
Tu ne me donnes plus d’attaintes,
Et pour toy ie n’ay plus de craintes,
D’eſperances, ny de deſirs.

Mon eſprit abhorre ta loy ;
Tu m’as trop engagé ta foy,
Et me l’as trop ſouuent fauſſée :
Ie ſeray ſage à l’auenir ;
Ma peine commence à finir,
Toute mon ardeur eſt paſſée,
Et ie deffends à ma penſée,
De m’en faire plus ſouuenir.

Ie pourrois auecque raiſon
Punir ta laſche trahizon,
Et te noircir d’vn iuſte blaſme :
Mais ie commence à negliger
Le ſoin de te deſobliger ;
Car cét obiect eſt trop infame
Pour n’effacer pas de mon ame
La volonté de me vanger.

Penſers, mon aimable entretien,
Ne me repreſentez plus rien
Des charmes de cette cruelle :
Ne me venez point abuſer,
Ne me venez point excuſer
Les defauts de cette infidelle,
Et ne me parlez iamais d’elle
Si ce n’est pour la meſpriſer.