Les Armes (Verhaeren)

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Œuvres de Émile VerhaerenMercure de FranceIX. Toute la Flandre, II. Les Villes à pignons. Les Plaines (p. 191-192).
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LES ARMES


Tandis qu’au loin, là-bas, autour des blancs moulins,

Jeunes et vieux, garçons et filles,
Soit par groupe, soit par familles,
Sarclent un champ de lin,
Et que les blés montent et montent,
D’une poussée égale et prompte,
Les villages soudain prennent un air guerrier :
On fourbit avec hâte ; on lustre avec angoisse ;
La lime aux mille dents s’acharne sur l’acier,
Et le coq d’or de la paroisse
Semble juché,

Plus mâle et fier, sur son clocher.


Au long des murs, dans les enclos,

Serpes, bêches, piques et faux

Luisent comme des armes.


Et les forges vacarment ;

Un étalon qu’on ferre ébranle le travail,
Et longuement se respire, dans les allées,

La rêche odeur de la corne brûlée.