À l’Aube (Verhaeren)
À L’AUBE
Au petit jour, chante le coq.
De cris touffus et angoissés
Lui répondent, le cou dressé,
Comme un bâton dans leur plumage.
Morte de sommeil lourd,
Une servante en jupons rouges,
Cheveux défaits et seins qui bougent,
Les chiens aboient, les porcs grognent ;
Le mur sonnant des écuries ;
Un verrou crie à l’huis des granges ;
Les seaux qu’on range
S’entrechoquent sur les carreaux ;
L’étable s’ouvre et les buées
Montent des litières remuées
De gens de peine
Qui gloutonnent autour des plats,
Puis qui partent, armés de bêches,
Fouiller la terre, âpre et sèche,
Là-bas.
Et des poules entrent et sortent
Et caquettent au seuil des portes ;
Le métayer, la pipe aux dents,
Impose à ses trois fils leur tâche :
L’un accepte ; l’autre se fâche ;
Mais tous la remplissent, en attendant
Comme de l’or, par les fenêtres ;
Et par couples s’essorent ;
Tandis qu’en lumineux et roucoulant arroi
Se pavanent les blancs pigeons sonores,