Les Arts en 1851/01

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Les Arts en 1851
Revue des Deux Mondes, Nouvelle périodetome 11 (p. 1001-1026).
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LES ARTS


EN 1851.




LA ROME SOUTERRAINE. - L'EXPEDITION DE MESOPOTAMIE. - LE SERAPEUM.




Si la littérature est l’expression de la société, les arts sont le dernier mot de la civilisation et l’indice le plus certain de la vitalité d’un peuple. Aussi, à la veille d’une crise redoutée, quand l’avenir est enveloppé d’une obscurité fatale, quand les cœurs les plus résolus sont troublés et craignent de voir périr dans un commun naufrage la société et la civilisation, il est doux d’avoir à signaler dans le monde des arts un mouvement inespéré. Ce symptôme suffirait presque pour nous assurer sur l’existence de cette société qu’on croit défaillante. Il indique chez elle comme une sorte de certitude de l’avenir, comme un redoublement de vitalité suprême du plus favorable augure. Ce n’est pas quand l’arbre va périr que la sève monte avec tant d’ardeur.

Ce goût des arts, qui tend chaque jour à se généraliser, sera un des caractères les plus frappans de notre époque. Jamais peut-être leur action n’a été plus marquée, leur influence plus étendue ; jamais ceux qui les cultivent n’ont été plus nombreux, plus zélés, plus habiles ; Jamais leurs efforts n’ont été plus suivis et n’ont obtenu un succès plus réel. Il faudrait remonter jusqu’aux jours les plus prospères du dernier règne pour assister à un mouvement aussi énergique. Les artistes ont eu foi dans la protection éclairée que de nobles et encourageantes paroles leur avaient fait entrevoir lors de la clôture du dernier salon. Chacun deux s’est remis à l’œuvre avec une nouvelle ardeur, ceux-là pour se maintenir au premier rang, ceux-ci pour le conquérir, et nous ne doutons pas qu’à la prochaine exposition, plus d’une œuvre excellente ne vienne consacrer une réputation acquise ou révéler un talent nouveau. Cette assertion peut paraître hasardée ; nous espérons cependant que l’occasion s’offrira de prouver qu’elle n’a rien de téméraire. En attendant que nous puissions jeter un coup d’œil sur les travaux qui se préparent dans nos ateliers, sur les décorations qui s’achèvent dans nos églises, nous devons nous occuper d’objets d’un ordre tout particulier, qui présentent un intérêt sinon également vif, du moins également général et considérable.

Le mouvement que nous constatons ici ne s’est pas arrêté, en effet à ce qu’on pourrait appeler la production. Il a embrassé tous les travaux qui concernent les beaux-arts : la décoration des édifices publics, le classement et l’organisation des musées, la restauration des monumens historiques, la publication des documens qui intéressent les arts, — l’achèvement de monumens d’un ordre spécial, comme le tombeau de l’empereur Napoléon, celui de l’archevêque de Paris, — les décorations sculpturales du pont d’Iéna, de l’École des mines, de l’École des arts et métiers. Ce mouvement, l’active volonté d’un ministre a su résolûment étendre son action hors des limites étroites fixées par le budget. Toutes les fois qu’une occasion favorable et qui intéressait la gloire du pays s’est présentée, M. Léon Faucher s’est empressé de la saisir, et, si les ressources ordinaires ne pouvaient suffire à l’exécution de projet non prévus, il n’a jamais craint de prendre une initiative délicate, de réclamer les crédits nécessaires, et, il faut le dire, il a toujours réussi. Ainsi, sur sa proposition, l’assemblée législative vient de décider qu’une somme importante serait consacrée à l’une de ces grandes publications, dont s’honore la France, la Rome souterraine de M. Perret ; que les fouilles entreprises à Ninive par M. Botta et interrompues depuis plusieurs années seraient continuées par M. Place, son successeur au consulat de Mossul ; qu’une grande expédition scientifique serait envoyée dans la Mésopotamie et la Babylonie pour compléter les belles découvertes faites sur le sol assyrien ; qu’en Égypte, un temple du dieu Sérapis, récemment découvert par M. Mariette aux environs de Memphis, serait déblayé, et que les statues et les nombreux objets d’art provenant de ces fouilles viendraient enrichir le minée du Louvre. L’assemblée a complété son œuvre par le vote des crédits extraordinaires, qui ne s’élèvent pas à moins de 312,000 francs.

Chacune de ces décisions législatives a, comme on voit, une importance réelle, et quelques-unes sont d’un haut intérêt pour les arts. Comme, parmi les travaux qu’elles encouragent, quelques-uns ont ru déjà un certain retentissement et qu’ils ne peuvent manquer d’attirer long-temps encore l’attention du monde savant, nous croyons utile de les examiner ici avec quelque détail, dans l’intention surtout d’en faire pressentir les résultats probables. Le temps présent semblait peu favorable aux arts, et les voilà tout à coup en veine de prospérité. C’est le bilan de cette situation inespérée que nous voudrions établir sur le terrain des études archéologiques d’abord, et plus tard dans le domine des créations originales.


I

Dans les premiers mois de l’année 1850, le bruit se répandit parmi les artistes et les savans que d’intéressantes découvertes venaient d’être faites dans les catacombes de Rome. On racontait qu’un de nos architectes les plus intelligens s’était livré à une longue et pénible investigation de cette cité souterraine, avait pénétré dans de nouvelles galeries, découvert de nombreuses salles ornées de peintures et de curieux monumens, qu’il avait dessiné et mesuré les unes, calqué les autres, et que le résultat de cette patiente exploration devait apporter de nouvelles lumières tant sur les premiers temps de l’histoire du christianisme que sur les origines de l’art chrétien.

L’intérêt et la curiosité de tous ceux qui s’occupent de l’histoire de l’art étaient éveillés au plus haut degré, lorsque, peu de temps après, M. Perret revint à Paris, rapportant ses précieuses collections. Fama crescit eundo : cette fois, le contraire avait eu lieu ; le fait avait une tout autre importance que ce que la renommée avait pu en raconter. Monumens et fragmens d’architecture, peintures à fresque et sur verre, mosaïques, vases, lampes, inscriptions et symboles gravés sur les pierres sépulcrales des cimetières des premiers chrétiens, M. Perret avait tout recueilli, tout reproduit ; son portefeuille renfermait plus de cinq cents pièces, dont la majeure partie était inédite c’était un véritable trésor d’une valeur inestimable. Cette collection n’était pas seulement précieuse par la quantité des morceaux recueillis, par l’importance de chaque pièce, par la rareté et la nouveauté de plus grand nombre : elle avait été formée avec une méthode qui en augmentait singulièrement la valeur. En effet, M. Perret était parti de France avec un plan bien arrêté, avait suivi un ordre presque rigoureux dans ses recherches, entreprises avec un but déterminé ; enfin il n’avait ni recueilli au hasard ni reproduit légèrement les monumens découverts. Obéissant au mouvement si remarquable qui, depuis quelques années, a remplacé dans les études historiques les conjectures par les faits, et qui veut qu’avant tout on remonte aux origines, M. Perret, tout entier à l’étude de l’histoire de l’art chrétien, avait résolu de remonter dans le passé aussi loin qu’il lui serait permis de le faire, et c’est au fond des catacombes, c’est dans leurs parties encore inexplorées qu’il avait dû rechercher les plus anciens monumens de date certaine.

Les catacombes de Rome se composent, comme on sait, d’une suite de galeries souterraines, aboutissant à des carrefours et donnant accès, de distance en distance, dans des salles cintrées d’ordinaire, et dont les parois contiennent tantôt des niches cintrées également, tantôt de simples tiroirs superposés. Ces niches et ces tiroirs sont destinés à recevoir les corps. On dirait une transformation du columbarium païen devenu insuffisant, et devant, au lieu des urnes cinéraires, recevoir les corps dans leur intégrité. Les vastes souterrains qui s’étendent sous la campagne romaine, et d’où autrefois on a extrait la pouzzolane, avaient été de temps immémorial appropriés à ces usages funèbres ; mais, dès que les chrétiens s’y furent établis, le hasard seul ne présida plus à ces excavations[1] : on les étendit et on les continua sur un plan déterminé. Une corporation religieuse fut chargée de diriger les travaux, proportionnant la forme et la dimension de chaque nouvelle salle à l’importance du personnage dont elle devait recevoir les restes. Les parties des parois de ces salles laissées libres étaient disposées de façon, à recevoir des peintures, surtout quand il s’agissait, d’un personnage vénéré pour sa piété ou son martyre. Le fond du caveau, et particulièrement le pourtour de l’archivolte, et dans les salles principales les plafonds étaient réservés pour cette décoration. Souvent il est arrivé (et nous en trouvons la preuve dans les dessins de M Perret) que toutes les niches du caveau étant pleines et la place manquant pour un nouveau mort, il a fallu excaver les parties revêtues de peintures et tailler en plein tableau, souvent aussi les peintures sont superposées, et de nouveaux sujets sont appliqués sur de plus anciens ; mais il est un fait constant, c’est que la peinture recouverte est toujours supérieure à la peinture qui la recouvre. Plus l’art se rapprochait de la tradition païenne, moins il avait déchu ; les procédés étaient nécessairement supérieurs. Il est fort probable que les chrétiens n’avaient fait que continuer la tradition païenne, quant au système d’ornementation des sépultures, comme les Romains eux-mêmes n’avaient fait que se conformer aux usages de leurs pères, imitateurs des Étrusques et des Égyptiens, en consacrant ces souterrains à la religion et aux morts. Les catacombes romaines sont l’analogue des nécropoles de Thèbes et de Mémphis, des latomies de Naples et de Syracuse, et des hypogées de Tarquinie. Une chose digne de remarque, c’est que la décoration des hypogées étrusques comprend également des images et des symboles relatifs à l’état des ames après la mort, et les emblèmes des peines et des récompenses posthumes y sont fréquemment figurés.

Aucune de ces sépultures souterraines ne renferme un si grand nombre de peintures et de sculptures, de monumens de toute espèce, que les catacombes romaines. Pendant plus de six siècles, les artistes chrétiens y ont déployé a loisir, leur savoir-faire : C’est un musée religieux des plus curieux et des plus complets. Cependant, depuis longues années, l’étude des catacombes de Rome et des monumens singuliers qu’elles renferment avait été complètement négligée. — L’entrée des cryptes était obstruée ; beaucoup de galeries étaient fermées, et l’accès en était en quelque sorte interdit à l’étranger qui se présentait pour les visiter. Enfin, sous le pontificat de Grégoire XVI, la découverte de peintures d’un certain intérêt, et particulièrement d’une image de la Vierge qui remontait au IIIe siècle de l’ère chrétienne, vint reporter l’attention des savans et des fidèles sur ces souterrains mystérieux. On en reprit l’exploration avec une nouvelle ardeur. On s’attendait à ce que d’importantes découvertes signaleraient ce mouvement, et on espérait que les résultats en seraient consignés dans quelque intéressante publication ; il n’en fut rien. Quelques peintures furent reproduites isolément dans divers recueils d’une valeur secondaire, et le père Marchi, savant jésuite, qui avait imprimé aux recherches les plus récentes et à la nouvelle étude des catacombes romaines une active impulsion, ne se servit guère des monumens découverts en dernier lieu et reproduits d’ailleurs avec soin, mais sur une très petite échelle, que comme de pièces à l’appui de l’histoire des édifices chrétiens des premiers siècles qu’il publie aujourd’hui. Le champ, comme on voit, était libre ; il appartenait à M. Perret de montrer ce qu’il pouvait produire.

Notre laborieux compatriote a consacré six années de sa vie à mener à bonne fin sa longue et difficile entreprise. Il s’était proposé de tout explorer et de tout voir, et il a voulu se tenir parole. C’étaient soixante catacombes à parcourir, dont les galeries, réunies bout à bout, présentent un parcours de plus de trois cents lieues. En sens inverse des bâtimens construits sur les terrains qui les recouvrent, ces demeures souterraines présentent plusieurs étages superposés, dont le quatrième et le plus profond s’enfonce à plus de quatre-vingts pieds sous le sol. M. Perret n’a reculé devant aucun sacrifice, aucun obstacle, aucune fatigue. Pendant cinq années de sa vie, il s’est en quelque sorte enseveli vivant dans ces immenses caveaux mortuaires, explorant dans tous les sens les vastes et mystérieux quartiers de cette cité souterraine qui s’étend ses les faubourgs de la ville antique ou sous la campagne romaine. Les dangers étaient nombreux, et les difficultés semblaient insurmontables. Plusieurs fois, M. Perret s’est presque vu contraint de renoncer à sa courageuse entreprise. Tantôt les guides, rebutés et voyant s’ouvrir devant eux des espaces inconnus et s’allonger de tous côtés de nouvelles et profondes galeries, hésitaient, s’arrêtaient et refusaient d’accompagner le voyageur dans des quartiers qu’ils n’avaient pas encore parcourus, et où ils couraient le risque de s’égarer, ce qui leur arriva en plus d’une occasion. Les promesses, l’exemple et la constance de M. Perret pouvaient seuls triompher de leur répugnance. D’autres fois, un éboulement leur barrait le chemin, et on ne pouvait passer outre qu’après, avoir déblayé d’étroits couloirs, qui pouvaient se refermer derrière l’explorateur ; souvent l’humidité et d’inquiétantes infiltrations rendaient le passage plus périlleux encore ; enfin, quand il fallait descendre au plus profond de la crypte, dans ce dernier étage dont nous parlions tout à l’heure, l’air, qui ne peut jamais se renouveler, devenait de plus en plus rare, les flambeaux s’éteignaient, et la suffocation était imminente. À ces difficultés matérielles se joignaient des empêchemens d’une tout autre nature, mais dont l’expérience et la volonté de l’explorateur pouvaient seules triompher. Les artistes dont le concours lui était nécessaire, n’étant pas soutenus par le puissant mobile qui l’animait, se lassaient d’un travail ingrat, toujours exécuté à la lueur des lampes, de cette existence de mineur ou de troglodyte, et hésitaient à l’accompagner dans d’interminables et périlleuses excursions. Avait-il découvert quelque nouveau pan de mur orné de peintures, les siècles semblaient entrer en lutte avec lui, et refusaient de lui rendre les monumens de cet art qu’ils avaient comme dévorés. Ce n’était qu’au prix de fatigues infinies, d’expériences délicates, de beaucoup de temps et d’une merveilleuse patience, qu’il parvenait à enlever le voile de poussière et de nitre dont ces peintures étaient recouvertes, et à les rendre à la lumière.

Toutefois les difficultés les plus réelles peut-être, et qu’un moment M. Perret a pu croire insurmontables, prenaient leur source, dans les scrupules les plus honorables. Avant tout, M. Perret voulait être vrai ; ce cachet de sincérité qu’il désirait imprimer à son œuvre, le mode particulier de reproduction que, pour arriver à ce résultat, il s’était fait comme une inflexible loi d’adopter et de suivre lui rendaient singulièrement difficile le choix de ses interprètes, et il désespéra plus d’une fois d’en rencontrer de suffisans. M. Perret sentait que la vérité, la naïveté devaient faire le principal mérite d’un travail qui, reproduisant des monumens nouveaux et inconnus pour la plupart, ne pouvait acquérir de prix qu’autant que le caractère propre et vrai, c’est-à-dire la forme et l’esprit des monumens, seraient conservés, et qu’il pourrait nous en donner la représentation en quelque sorte identique ; mais, pour arriver à cette identité, il faut s’astreindre à copier fidèlement, naïvement, sans rien ajouter à ce qui est, sans rien retrancher, et reproduire les défectuosités avec le même scrupule que les beautés, or cette fidélité quand même cette naïveté soumise, sont ce que l’on obtient le plus difficilement d’un artiste de talent. Consentir à ne pas montrer ce qu’on sait, renoncer à toute personnalité, c’est un sacrifice auquel personne ne se résigne volontiers dans les arts comme en toute chose ; aussi un copiste fidèle et naïf est-il beaucoup plus difficile à rencontrer qu’un bon traducteur. Où celui-ci met son savoir-faire et son adresse, celui-là met sa conscience, et il paraîtrait que les gens consciencieux sont infiniment moins nombreux que les gens habiles où les gens adroits. Pour reproduire une fresque, il ne suffit pas seulement de la calquer ; il faut un dessinateur pour reporter le calque, un peintre pour rétablir la couleur. C’était ce dessinateur et ce peintre que M. Perret devait rencontrer et diriger, dont il fallait obtenir cet absolu sacrifice de toute personnalité. M. Perret a mis dans ce choix le bon sens et le tact qui le distinguent ; il s’est associé un de nos artistes les plus méritans et les plus sincères, M. Savinien Petit, et le résultat, nous prouve que sa confiance ne pouvait être mieux placée. Les dessins de M. Petit, exécutés avec une sorte de candide et scrupuleuse fidélité, et dans lesquels on n’a nullement cherché à dissimuler les imperfections des originaux, empruntent à ce système de rigoureuse exactitude ce caractère de nouveauté, de naïve majesté, parfois de surnaturelle grandeur, qui les distinguent de toutes les reproductions analogues. Il n’y a là ni négligence ni mépris effronté de la vérité, comme dans certaines publications antérieures, ni puérile affectation de naïveté, comme pouvaient le faire craindre certaines influences ou l’exagération systématique du principe adopté. Il y a conscience et réalité, rien ne fait dissonnance ; le mode juste est trouvé. Aussi l’effet produit par le portefeuille de M. Perret a-t-il été universel et profond.

Un rapide coup d’œil jeté sur les publications de ses devanciers nous permettra de mieux apprécier tout le mérite et toute la valeur de son travail. – Il paraît à peu près certain que jusqu’aux VIIIe et IXe siècles les catacombes, furent en grande vénération ; les plus grands soins étaient apportés à l’entretien de ces galeries souterraines. À certaines époques de l’année et particulièrement lors des fêtes des martyrs, on y célébrait de pompeuses cérémonies ; les fidèles y sollicitaient une place après leur mort ; les papes eux-mêmes recherchaient cet honneur, et de leur vivant y faisaient de longues retraites comme pour retremper leur foi dans ces solitudes consacrées. Peu à peu cependant la ferveur tomba, le zèle se refroidit, et, vers le milieu du Ixe siècle, la plupart des catacombes, sinon toutes, étaient oubliées, et les ouvertures qui y donnent accès étaient comblées. Pendant quatre ou cinq siècles, on parut même ignorer qu’elles eussent existé. Ce ne fut qu’au XVIe siècle, sous le pontificat de Sixte-Quint, qu’on en fit comme une nouvelle découverte et qu’on recommença à s’en occuper. Ce pape, dont la puissante activité s’appliquait à tout, les avait fait ouvrir pour en extraire les reliques des martyrs, et peut-être, qui sait ? pour y chercher des trésors qu’elles pouvaient receler. Les curieux et les savans, obéissant au mouvement du siècle qui reportait vers le passé son attention inquiète, saisirent avec empressement l’occasion qui s’offrait d’examiner en détail ces mystérieuses retraites et les innombrables monumens des temps d’autrefois qu’elles renfermaient. Antoine Bosio, agent de l’ordre de Malte à Rome, mit surtout à l’exploration des catacombes une ardeur et une persévérance infatigables. Il ne se contenta pas de voir, il fit dessiner tous les monumens qu’il put rencontrer, tombeaux, chapelles souterraines, autels, sculptures, peintures, mosaïques, et il fit tout graver. La description de ces objets devait composer un ouvrage auquel il donna aussi le titre de Roma soterranea (Rome souterraine), mais qui ne put être publié qu’après sa mort. Bosio dressa les plans des catacombes connues avec une merveilleuse exactitude. Le travail de Bosio fut revu et complété par Arringhi, qui le publia de 1651 à 1659. Bottari mit à profit ces recherches dans son ouvrage sur les rites ecclésiastiques des trois premiers siècles du christianisme, et reproduisit identiquement les dessins de Bosio, tout imparfaits qu’ils étaient. Bien d’autres qui depuis ont écrit sur les catacombes se sont toujours servis de ces spécimens incomplets.

Séroux d’Agincourt, qui venu plus tard, apporta dans l’examen des peintures et des sculptures des catacombes sa critique judicieuse et son goût éclairé, fut peut-être le premier qui envisagea ces monumens au point de vue de l’art. L’ingénieux et savant rapporteur du projet de loi sur la Rome souterraine de M. Perret nous paraît avoir fait un peu trop bon marché de cette partie des travaux de l’historien de l’art par les monumens, qu’il mentionne à peine ; mais peut-être ne devons-nous voir là qu’une réticence politique. Ces planches de Bosio, reproduites par Bottari, « traitées, selon M. Vitet, dans cet esprit de convention et d’à peu près qui était la maladie des maîtres de l’époque, et à plus forte raison des manœuvres, » sont jugées peut-être plus sévèrement encore par Séroux d’Agincourt » Ce n’est pas, nous dit-il, en ce qui concerne les arts que les écrivains dont il vient d’être question (Bosio, Arringhi, Severano, Boldetti, Bottari, Marangoni, Buonarotti) se sont occupés des catacombes. S’ils eussent conçu ce projet, les dessinateurs qu’ils ont employés les auraient réellement desservis par l’infidélité de leurs imitations, au lieu de leur être utiles. Leurs gravures ne servent quelquefois à autre chose qu’à indiquer le nombre des figures et à faire connaître les costumes ecclésiastiques. La comparaison que j’en ai faite sur les lieux mêmes avec les monumens originaux m’ayant convaincu qu’ils ne pouvaient servir à établir avec la précision convenable le style de chaque âge, je me suis décidé à faire dessiner de nouveau tous les sujets propres à entrer dans mon plan parmi ceux qui avaient été déjà publiés. J’y ai joint les peintures et les sculptures découvertes depuis la publication des ouvrages de Boldetti et de Bottari, qui n’avaient pas encore été dessinés, et notamment celles qui ont été trouvées sous mes yeux depuis l’an 1780, me flattant qu’indépendamment de l’usage que j’en voulais faire, les personnes qui cultivent la science des antiquités ecclésiastiques seraient bien aises de les connaître[2]. »

Il y a certainement une différence très sensible entre les dessins de Séroux d’Agincourt et les dessins de ses devanciers, mais la plupart de ces reproductions se sentent toujours du goût de l’époque et sont encore exécutées dans des proportions trop réduites. Nous trouvons, il est vrai, une intention de fac-simile dans quelques têtes données, dans les dimensions des originaux ; mais le dessinateur n’a pas voulu ou plutôt n’a pas pu obéir à la volonté qui le dirigeait. Ces mêmes défauts que M. Vitet reproche aux planches de Bosio et de Bottaci se retrouvent dans les dessins de Séroux d’Agincourt, comme on les rencontre, du reste, dans la plupart des planches de son grand ouvrage, et cela par une excellente raison, parce qu’à cette époque les dessinateurs n’étaient rien moins que guéris de cette maladie de l’à peu près signalée dans l’éloquent rapport que nous avons déjà cité. Le sont-ils bien aujourd’hui ? Nous n’oserions l’assurer. Il y a certainement plus de rigueur et moins d’une certaine convention dans les dessins qui ornent les grandes publications contemporaines. Nous craignons cependant quelquefois qu’on ne tende à remplacer une manière par une autre, qu’on ne recherche et qu’on ne s’impose un parti pris de simplicité trop absolue. C’est sur cette tendance que devra surtout porter la sollicitude de la commission qui sera chargée de surveiller la publication de l’œuvre de M. Perret. Elle tiendra à ce que ses dessins soient reproduits identiquement, s’il se peut, et que le graveur ne sacrifie pas plus à la naïveté puérile et à la gaucherie affectée qu’au style, à l’effet, à la tournure.

Quoi qu’il en soit, les immenses progrès faits, depuis Séroux d’Agincourt, à ce point de vue de la réalité dans les arts du dessin, ont grandement profité à M. Perret, qui a obtenu les résultats que son devancier n’avait fait que pressentir et entrevoir. Nous conviendrons, pour être juste, que M. Perret a eu l’avantage de pouvoir consacrer à cette reproduction des peintures et sculptures des catacombes un ouvrage spécial ; mais la plupart de ses dessins, exécutés sur une grande échelle et quelquefois dans la proportion des peintures originales, ne laissent-ils rien à désirer. Ajoutons, que cette collection, qui restitue à tout une période de l’histoire de l’art son véritable caractère, ne comprend pas moins de trois cent soixante études de format grand in-folio, dont cent cinquante-quatre fresques, soixante-cinq monumens, Vingt-trois planches de peintures sur verre reproduisant quatre-vingt-six sujets, quarante-une planches représentant des lampes, vases, anneaux et instrumens de martyre, au nombre de plus de cent objets différens, enfin quatre-vingt-quinze planches d’inscriptions comprenant plus de cinq cents pierres sépulcrales ; mais ce qui doit donner à ce recueil une valeur inappréciable, c’est que sur les cent cinquante-quatre fresques dessinées par l’auteur, et qui remontent pour la plupart, aux premiers siècles de l’église, plus des deux tiers sont inédites, et un certain nombre n’ont été découvertes, que de 1840 à 1850. Nous mentionnerons, parmi ces dernières, les peintures du célèbre puits de la Platonia, qui servit de tombeau pendant un certain temps à saint Pierre et à saint Paul, que le pape Damase avait fait orner de fresques vers 365, et qui, depuis cette époque, était resté fermé. M. Ferret, autorisé par le gouvernement romain, a pu y descendre, a fait enlever les matériaux qui l’encombraient, et y a découvert des peintures représentant le Christ, les apôtres, et deux tombeaux en marbre de Paros, où furent sans doute déposés les restes de saint Pierre et de saint Paul.

Ce n’est pas seulement la restitution d’une histoire incomplète et cette sorte de révélation d’un art tout nouveau qui donnent aux découvertes de M. Perret une si haute valeur ; ce sont surtout les résultats inattendus qu’elles nous présentent, au double point de vue de l’art et du dogme. Elles comblent, en effet, des lacunes de plus d’un genre ; elles permettent de rattacher d’une manière incontestable l’art moderne à l’art antique ; elles lèvent, d’autre part, à en croire les hommes les plus compétens, certains doutes que l’interruption de ce qu’on pourrait appeler la tradition par les monumens avait laissés sur quelques points des premiers temps de l’histoire du christianisme. Enfin, et toujours à ce double point de vue de l’art et du dogme, M. Perret croit, à l’aide de ses découvertes, pouvoir établir de la manière la plus certaine, les origines des images traditionnelles du Christ, de la Vierge, des apôtres et d’un grand nombre de personnages. La publication de cette vaste collection doit donc exciter à un haut degré l’intérêt, non-seulement des artistes, mais des croyans et de tous ceux qui s’occupent de l’histoire des premiers temps du christianisme. Nous ne savons si M. Perret convaincra les incrédules et s’il fera cesser toute incertitude. Ce qu’il y a de certain, c’est que les monumens qu’il nous met sous les yeux sont extrêmement nombreux et portent en quelque sorte chacun sa date. Ainsi, dans les catacombes de Saint-Calixte, sur la voie Appienne, à Saint-Pierre et à Saint-Marcellin, il a découvert les plus anciennes peintures où soient figurées les images du Christ. Ces peintures retracent des sujets de l’Ancien et du Nouveau Testament : Jonas, le Christ et les docteurs, la résurrection de Lazare, la multiplication des pains, la croix entourée de fleurs, et on y remarque une représentation extrêmement curieuse des premières agapes. Cette dernière composition, qui nous montre une matrone charitable placée entre deux serviteurs assis aux deux bouts de la table, et distribuant des vivres aux survenans, est traitée avec un naturel et une noblesse de style bien rares dans tous les temps. Ces fresques sont d’ailleurs de la meilleure époque ; elles : remontent aux Ier et IIe siècles et seront reproduites par cinquante-huit planches de l’ouvrage de M. Perret. Dans quelques-unes de ces peintures, l’ensemble de la décoration et même les sujets sont empruntés au paganisme, et à propos Séroux d’Agincourt remarque fort judicieusement que l’esprit d’imitation devait d’autant plus naturellement se manifester de cette façon, que les usages civils étaient les mêmes pour les deux cultes et que souvent un père idolâtre avait des enfans chrétiens. Dans la plupart des autres fresques, le paganisme expirant et la religion nouvelle se combinent plus ou moins heureusement et indiquent aussi clairement que possible la transition. Ainsi les sujets sont bien pris dans l’Ancien et le Nouveau-Testament, mais la distribution des groupes, l’arrangement des accessoires et en général l’aspect et tout ce qui tient au mode d’exécution appartiennent à l’art païen encore florissant. Le christianisme fournit le fond, le paganisme la forme. De siècle en siècle, et à mesure que le christianisme gagne du terrain, cette forme se modifie ; l’art nouveau cherche un nouveau mode de représentation ; il ne se borne plus à penser, il exprime et avec un langage qui lui est propre.

Les découvertes faites aux catacombes de Sainte-Agnès, sur la voie Nomentane, dont les peintures paraissent remonter aux IIe et IIIe siècles, ne sont pas moins intéressantes, et cependant ce cimetière, comme celui de Saint-Calixte, est l’un des plus anciennement ouverts. Au nombre des cinquante-sept sujets recueillis dans ses cryptes par M. Perret, on remarque Adam et Eve tentés par le serpent, Tobie et l’Ange. Daniel dans la fosse aux lions, Hérode et les Mages, le Paralytique et un Moise frappant le rocher, « que Raphaël semble avoir vu avant de travailler au Vatican, » a dit M. Vitet dans son rapport. La plus remarquable de toutes ces peintures est celle où Jésus-Christ est représenté assis au milieu de ses disciples. Il y a dans ce morceau du charme et de la majesté, et les airs, les mouvemens de tête sont à la fois simples ; nobles et délicats.

Aux catacombes de Saint-Laurent et Sainte Cyriaque sur la voie Tiburtine, M. Perret a retrouvé une curieuse image de la Vierge avec l’enfant Jésus et plusieurs saints, un portrait de Notre-Seigneur avec deux apôtres ; dont l’attitude est pleine de majesté, et peut-être les plus anciens portraits que l’on connaisse de sainte Cécile, sainte Cyriaque et sainte Catherine. Ces peintures datent des IIIe et IVe siècles.

Les catacombes de Sainte-Priscille présentent une des cryptes les plus remarquables, dite la sépulture de sainte Priscille. Les peintures qui décorent ce caveau sont certainement le spécimen le plus frappant de l’art retrouvé dans les catacombes. Aux deux extrémités du tombeau sont figurées deux femmes debout, les mains levées, les yeux tournés vers le ciel, dans l’attitude de la prière, orantes ; l’une d’elles représente sainte Priscille ; l’autre sa compagne ; toutes les deux, mais particulièrement la sainte portent des costumes d’une grande magnificence et d’une disposition tout-à-fait extraordinaire. M. Perret a recueilli dans les mêmes catacombes une autre magnifique figure de femme en prière, vêtue d’une robe rouge ornée d’une large draperie noire, et d’une majesté sans pareille. Le Moise frappant le rocher qu’on trouve dans les mêmes salles est peut-être supérieur au Moise des catacombes de Sainte-Agnès. Toutes ces figures sont traitées avec une ampleur et une puissance de jet qu’on n’a pas surpassées. À Sainte-Praxède, à Saint-Prétextat,-à Saint-Hermès, à Saint-Sixte, à Saint-Thrason, à Saint-Saturnin, et dans un grand nombre de catacombes, les recherches de M. Perret n’ont pas eu de moins heureux résultats. Il y a retrouvé plus de quatre-vingts, sujets, la plupart relatifs aux origines du christianisme.

Les peintures sur verre ne sont pas d’un moindre intérêt ; ce ne sont pas des vitraux de fenêtres, ce sont des médaillons incrustés dans les parois et au fond des vases dans lesquels on recueillait le sang des martyrs ou qui servaient aux cérémonies du culte. Les sujets qui les décorent, et qui représentent presque toujours des symboles religieux ou de saints personnages, sont gravés sur des feuilles d’or appliquées sur le verre ou faisant corps avec lui. Les inscriptions, au nombre de cinq cents et presque toutes des quatre premiers siècles du christianisme, ont été recueillies en fac-simile ; les modèles de vases et de lampes sont pour la plupart inédits. Les terres cuites sont peu nombreuses, mais d’un grand prix ; on distingue dans le nombre un grand médaillon représentant une tête de Christ barbue, d’un merveilleux caractère, finie comme un camée et qui rappelle le Jupiter Trophonius du Musée des antiques.

La partie de la publication de M. Perret relative à l’architecture a surtout le mérite de la nouveauté. M. Perret n’a pas voulu, avec raison, refaire ce que ses devanciers avaient restitué déjà d’une façon à peu près satisfaisante ; il s’est donc borné à dessiner un petit nombre de salles déjà connues, en choisissant de préférence celles qui présentaient un caractère particulier, et il a consacré ses autres dessins, soixante-quatre sur soixante-treize, à la reproduction de salles découvertes depuis les anciennes publications. « Cette partie de l’ouvrage de M. Perret, dit M. Vitet, juge si compétent en pareille matière, quoique moins attrayante, n’est ni moins neuve, ni moins intéressante en son genre que celle qui concerne la peinture. On y rencontre des chapiteaux, des bases de colonne et autres détails architectoniques qui ne peuvent manquer de causer quelque émoi chez les archéologues. D’après leur forme et leurs principaux caractères, on les croirait volontiers postérieurs à l’an 1000, tandis qu’ils doivent être du Ve siècle au plus. Ces catacombes sont comme un réservoir où tous les âges, même à leur insu, sont toujours venus puiser. La parfaite exactitude de ces dessins d’architecture résulte des innombrables cotes prises par M. Perret lui-même. En sa qualité d’architecte, il devait apporter un soin particulier à cette partie de son travail, et les pièces justificatives sur lesquelles il s’appuie sont hors de contestation[3]. »

On peut se faire une idée maintenant de l’excellence de la collection de M. Perret, de sa nouveauté et de l’intérêt que les amis des arts devaient attacher à ce qu’elle ne restât pas ensevelie dans les cartons de l’auteur, et surtout à ce qu’elle ne fût pas perdue pour la France. Dès que le gouvernement eut connaissance de ce beau travail et qu’il eut pu en apprécier le mérite, il sentit qu’il avait un noble devoir à remplir. Il s’agissait d’élever un monument national et d’empêcher que M. Perret, contraint par la nécessité de rentrer dans des avances qui engageaient sa fortune, ne portât son ouvrage à l’étranger, qui lui faisait des offres. M. le ministre de l’intérieur pensa que cela devait suffire pour intéresser les sympathies et le patriotisme de l’assemblée. C’est à elle qu’il résolut de demander le crédit nécessaire (180,814 fr.). Le ministre n’avait pas trop présumé du bon goût et de la générosité de ses collègues, et l’ouvrage de M. Perret sera publié en France, publié par l’état, c’est-à-dire d’une manière digne de son importance et digne du pays.


II

Les Égyptiens, les Perses, les Grecs et les Romains, tous les peuples qui ont joué un certain rôle dans l’histoire du passé, nous ont laissé des traces de leur existence, des monumens de leur civilisation. Jusqu’à nos jours, les Assyriens seuls nous étaient restés à peu près inconnus. L’histoire profane et les livres saints parlent accidentellement des Assyriens comme d’un grand peuple ; mais ce grand peuple avait passé sur la terre sans y laisser d’empreinte, et son histoire était perdue. Tout ce qui avait appartenu à ce puissant empire, contemporain des premiers âges du monde, qui avait pour site ces vastes plaines de la Mésopotamie, le berceau du genre humain, et pour capitales Babylone et Ninive, tout ce qui pouvait rappeler son passé et amener la restitution de son histoire restait comme enveloppé d’une impénétrable obscurité ; l’oubli semblait avoir tout dévoré. M. Botta, le premier, a déchiré le voile dont s’enveloppaient ces vieilles et mystérieuses nations : il nous a révélé d’un même coup une histoire, un art et une civilisation. Grace à lui, Ninive s’est comme relevée du milieu des ruines où elle dormait depuis le prophète Jonas ; les palais de ses rois ont été retrouvés et fouillés, et bientôt l’Assyrie nous sera connue comme la vieille Égypte. Ses monarques superbes, premiers dominateurs de ces contrées du centre de l’Orient que baignent le Tigre et l’Euphrate, ont reparu devant nous, terribles dans la guerre, fastueux dans la paix, traînant les nations à leur suite ou les brisant sous leurs chars. Ces nations elles-mêmes sont sorties de la poussière où elles reposaient depuis trente siècles. Voilà ces somptueux Assyriens, amoureux des plaisirs plus amoureux encore de leurs personnes, qui devaient consacrer la moitié d’un jour à étager symétriquement leur barbe ou à boucler leur chevelure. Leurs riches vêtemens, leurs costumes : si variés, leurs armes d’un travail si curieux, leurs meubles, leurs ustensiles, leurs bijoux, sont là sous nos yeux. Nous connaissons leurs usages, leurs mœurs, leurs arts surtout nous sont révélés. La rare perfection qu’ils savaient donner à leurs sculptures est un sujet d’étonnement pour nos artistes, et ces bas-reliefs, ces colosses de pierre, simples ornemens d’un palais, nous font comprendre la colère des prophètes contre ces simulacres d’or et d’argent d’un si merveilleux travail, que leur vue seule corrompait le peuple de Dieu et le poussait à l’idolâtrie[4].

On conçoit l’émotion que cette résurrection d’un empire et d’un peuple a causée dans le monde savant. Depuis lors, une partie des monumens découverts par M. Botta ont été transportés en France et ont formé un nouveau musée. Le palais qu’il avait exploré a été décrit avec soin et représenté en détail dans un magnifique ouvrage ; on peut donc juger en parfaite connaissance de cause de l’importance de la découverte, de la rareté, et de la valeur des monumens recueillis. Sur les bords du Tigre comme en Égypte, la France avait donné l’impulsion et fait les premières découvertes. Pourquoi faut-il que la révolution de février soit venue interrompre une entreprise si heureusement commencée ? Au moment où cette révolution éclata, les sommes allouées par l’état étaient en partie épuisées, et des besoins autrement urgens ne permettaient plus à l’explorateur de compter sur des ressources de cette nature. Par une coïncidence fatale, vers la même époque, le consul de Bassorah fut rappelé, et le consulat de Mossul fut supprimé. Les recherches cessèrent donc absolument, et, jusqu’aux objets découverts à Khorsabad et qu’on n’avait pu encore enlever, tout fut abandonné. L’Angleterre, comme d’habitude, a profité de cette fâcheuse situation. Tandis que M. Botta se trouvait dans l’impossibilité de reprendre et de poursuivre ses investigations, elle a dépêché sur le sol de l’ancienne Assyrie de savans et courageux explorateurs qui ont fouillé avec ardeur le filon que l’archéologue français avait ouvert. Ils ont d’abord recueilli une quantité de ces petits bas-reliefs d’un mètre de hauteur, dessinés Par M. Flandin[5], les plus curieux peut-être pour l’histoire de la civilisation assyrienne, et que, dans l’impossibilité de tout emporter d’une seule fois, on avait laissés dans les tranchées du monticule de Khorsabad ; puis, ils se sont attaqués aux plus considérables de ces monticules qui paraissent recéler chacun le palais d’un roi, et Koyoundjek, Khorsahad de Nimbroud, ont été simultanément explorés. À Khorsahad de Nimbroud, où l’un de nos compatriotes, M. Lottin de Laval, avait le premier signalé la présence d’antiquités curieuses, M. Layard a rencontré un monument de date plus ancienne que le palais découvert par M. Botta, et il y a recueilli de nombreux et précieux spécimens de l’art assyrien d’une époque antérieure à celle des sculptures de Khorsabad. Cette différence ne se manifeste toutefois que dans les détails ; à Nimbroud comme à Khorsabad la disposition du palais paraît la même, et la décoration sculpturale se compose également de colosses et de bas-reliefs alternant avec des inscriptions. Les colosses de Nimbroud, déposés au Musée britannique depuis environ une année, sont de moindre dimension que les colosses du musée du Louvre. En revanche, tandis que les deux colosses du Louvre représentent chacun un taureau ailé, à figure humaine, ceux du Musée britannique représentent l’un un taureau, l’autre un lion ailé, également à figures humaines. À Nimbroud comme à Khorsabad, toutes ces figures se ressemblent, et paraissent être les portraits du prince régnant. Seulement la coiffure et les détails de l’ajustement ne sont pas les mêmes.

L’intérêt qui s’attache à ces découvertes est d’autant plus vif, qu’aujourd’hui les textes nombreux qui accompagnent les sculptures assyriennes ne sont plus indéchiffrables, et que d’ingénieux et patiens érudits ont su rendre la vie à ces lettres mortes. Une communication toute récente du colonel Rawlinson[6] paraît établir d’une manière certaine la date des monumens trouvés dans les palais de Khorsabad, de Koyoundjek et de Ninive. Le colonel Rawlinson restitue avec précision toute une période de l’histoire de la seconde dynastie assyrienne, comprenant les règnes des quatre souverains qui se sont succédé de l’an 740 à l’an 600 avant Jésus-Christ[7]. Le plus ancien en date de ces rois, qui ne serait arrivé au trône qu’après un interrègne dont M. Rawlinson n’a pu déterminer la durée, est celui qui avait bâti et qui habitait le palais de Khorsabad, découvert par M. Botta ; son nom serait Sargina, Sarghun[8] ou Sargon, le Salmanazar de la Bible. L’épithète de Shalmenezer, qui lui est attribuée dans plusieurs des inscriptions copiées par M. Botta, ne laisserait aucun doute à ce sujet. La planche soixante-dix des inscriptions de Khorsabad, reproduites dans l’ouvrage sur Ninive, retracerait la conquête de Samarie par ce prince dans la première année de son règne, et la conduite en captivité des vingt-sept mille deux cent quatre-vingts familles juives, qu’il remplaça par des colons de Babylone, une de ses autres conquêtes[9]. D’autres bas-reliefs auraient trait à la soumission de l’Égypte et des provinces limitrophes, et à l’appui que, selon Ménandre, Salmanazar aurait accordé aux Citiens contre Sidon. Une statue de ce prince, avec une inscription trouvée à Chypre par M. Rawlinson, ne laisserait aucun doute à ce sujet. Les bas-reliefs du palais de Khorsabad comprendraient quinze années du règne de Sargon. M Rawlinson pense que ce monument était achevé lors de la seconde conquête de la Judée et de la captivité de Babylone, dans la sixième année du règne d’Ézéchias. On ne trouve, en effet, aucun bas-relief et aucune inscription qui rappellent ces événemens ; ceux qui ont trait à la guerre de Judée décorent un autre palais, et se rapportent à l’invasion de Sennachérib pendant la quatorzième année du règne d’Ézéchias.

Sargon avait bâti le palais de Khorsabad, Sennachérib a bâti celui de Koyoundjek, dont la découverte est toute récente[10], et que M. Layard vient d’exhumer. Là comme à Khorsabad, à Ninive et à Nimbroud, on a trouvé de nombreuses salles décorées de bas-reliefs et de colosses figurant des taureaux et des lions ailés à têtes humaines, représentation symbolique du monarque qui réunissait la force et la majesté. Sennachérib fit, à l’exemple de Sargon, son père, la guerre aux Babyloniens, aux Juifs et aux habitans de Sidon. La Bible rapporte la destruction miraculeuse de son armée par l’ange du Seigneur, qui tua dans une nuit cent quatre-vingt-cinq mille hommes, — sa fuite, hâtée par cet esprit de crainte et de frayeur que lui envoya le Seigneur, et son assassinat dans le temple de son dieu Nesroch par ses fils Adramelech et Sarasor[11]. Selon M. Rawlinson, l’inscription recueillie par M. Layard sur l’un des taureaux qui décorent l’entrée principale du palais de Koyoundjek comprendrait l’histoire de la troisième année du règne de ce prince, c’est-à-dire la conquête de Sidon et la guerre contre les villes de Syrie pendant laquelle eut lieu le soulèvement de la Palestine contre le roi Padiya et les officiers assyriens chargés du gouvernement de la province conquise. Padiya dut se réfugier à Jérusalem auprès d’Ézéchias, tributaire de Sennachérib. Les rebelles invoquèrent l’assistance des rois d’Égypte. Une nombreuse armée, commandée par le roi de Pelusium, marcha à leur secours. Sennachérib la défit complètement dans les environs d’une ville qui se nommerait Allaku, peut-être Asatus, près d’Ascalon[12]. Padiya sortit alors de Jérusalem et fut réinstallé dans son gouvernement. Peu après cette époque, des différends étant survenus entre Sennachérib et Ézéchias, son vassal, au sujet du tribut, Sennachérib ravagea toute la Judée, et menaça Jérusalem. Ézéchias fit sa soumission et abandonna au monarque, comme rançon, 30 talens d’or, 300 talens d’argent, les ornemens du temple, les esclaves, les jeunes gens, les jeunes filles et les serviteurs mâles et femelles. À la suite de cette guerre heureuse, Sennachérib retourna en Assyrie. C’est à cette campagne qu’il est fait allusion dans l’Écriture[13], et peut-être dans Hérodote[14]. La concordance entre les historiens sacrés et profanes et la chronique de Sennachérib déchiffrée par M. Rawlinson existerait jusque dans le nombre de talens d’or et d’argent payés en tribut par Ézéchias.

Le successeur de Sennachérib fut Asar ou Ésar-Haddon, son fils, sous lequel aurait eu lieu une nouvelle transportation des Hébreux à Babylone. Les annales de son règne sont inscrites sur un cylindre du Musée britannique. Le monticule de Ninive, proprement dit, probablement le Niniona de M. Botta, était occupé par le palais du fils d’Esar-Haddon, grand guerrier qui soumit la Babylonie et étendit ses conquêtes jusque dans la Susiane et l’Arménie. Comme il n’a jamais guerroyé du côté de l’occident, la Bible ne fait pas mention de ce prince. C’est sous le règne de son fils, nommé Saracus ou Sardanapale par les Grecs, que Ninive fut détruite.

Ces découvertes de M. Rawlinson sont d’un grand intérêt pour l’histoire de l’art. M. Rawlinson prétend avoir déjà retrouvé les Samaritains parmi les captifs figurés sur les bas-reliefs de Khorsabad, et il croit pouvoir reconnaître dans ces mêmes bas-reliefs, non-seulement la ville de Samarie, mais Jérusalem, son temple, son roi Ezéchias et les jeunes captives livrées à Sennachérib, figurés par le ciseau d’artistes contemporains. Ce sont là des résultats bien positifs : nous laissons à nos savarts orientalistes qui se sont livrés à l’étude spéciale des textes interprétés par M. Rawlinson le contrôle de ces découvertes ; mais si quelques doutes pouvaient être élevés sur le système d’interprétation des monumens adopté par nos voisins ; il ne pourrait en exister aucun sur l’ardeur et la persistance qu’ils mettent à les retrouver. Depuis la découverte de M. Botta, les Anglais n’ont pas cessé, en effet, d’explorer et de fouiller toutes les localités de l’Asie centrale qui pouvaient renfermer des antiquités. M. Rawlinson, consul-général à Bagdad, et MM. Loftus et Layard sont déjà célèbres par leurs découvertes ; ce dernier surtout a enrichi le Musée britannique d’envois successifs de la plus haute importance. À l’heure qu’il est, plusieurs archéologues et savans anglais sont encore à l’œuvre. Les dernières nouvelles qu’on ait reçues de l’expédition anglaise sont de Hamadan (Ecbatane) ; elles sont extraites d’une lettre du colonel Williams, qui, parti du bas Euphrate, avait traversé le Kouzistan (l’ancienne Susiane), séjourné à Chouster, autrefois la capitale de cette province, et rejoint MM. Loftus et Churchill à Despoul, sa capitale actuelle. MM. Loftus et Churchill n’avaient pu obtenir la permission de faire des fouilles dans cette partie de la Susiane. Les Seyds (fanatiques qui prétendent descendre de Mahomet) y mettaient un empêchement absolu. Leur motif était que ces fouilles avaient pour objet la recherche de la pierre noire sacrée, maintenant enfouie, et qu’ils regardent comme une sorte de palladium. L’expédition réunie s’était rendue à Hamadan (Ecbatane) par Kermanchak ; elle avait fait halte à Takt-i-bostan pour y étudier ses sculptures si connues et qui sont figurées dans le Voyage en Perse de. MM. Coste et Flandin : De Takt-i-bostan, elle devait se rendre aux célèbres rochers de Biz-i-toun, où le colonel Rawlinson a fondé sa réputation en copiant et déchiffrant plus de quatre mille lignes d’inscriptions cunéiforme. Les sculptures de Biz-i-toun représentent le roi de Perse recevant des captifs enchaînés les mains derrière le dos et attachés par le cou ; le monarque a le pied posé sur le cou du premier captif ; elles paraissent avoir une grande analogie avec les bas-reliefs de Koyouadjek et de Ninive. De Biz-i-toun, les voyageurs anglais avaient gagné Hamadan par Takt-i-chyrin, Essad-a-bad, en traversant les passes de l’Elvend. Leur projet était de se rendre d’Hamadan à Ispahan, d’Ispahan à Chiraz, Persépolis et Shapoor, et de retourner à Chouster dans la Susiane par Balikan et les plaines de Ramhormuz. Ils comptaient enfin s’établir au milieu des ruines de l’ancienne Suse et y faire des fouilles aussitôt que la saison le permettrait. Ils sont très probablement à l’œuvre au moment où nous écrivons.

Cette suite dans les recherches explique comment les collections assyriennes du Musée britannique, commencées long-temps après celles du musée du Louvre, ont acquis en un petit nombre d’années une tout autre importance. Aujourd’hui, il n’est que trop vrai, le Musée britannique possède des spécimens de l’art assyrien, sinon plus précieux, du moins infiniment plus nombreux que le musée du Louvre, et ces monumens appartiennent à des époques différentes. Chaque jour, grace à la persévérante activité des courageux explorateurs que nous venons de voir à l’œuvre, cette collection s’accroît dans de rapides proportions et tend à se compléter. Outre les bas-reliefs, les colosses et les sculptures de tout genre, si précieux pour l’histoire de l’art et la connaissance des religions, elle s’est enrichie d’une foule d’objets d’un ordre secondaire, armes, armures, vases, ustensiles, coffrets d’ivoire, bijoux, sceaux, cylindres, contrats imprimés en lettres cunéiformes. Ces objets, la plupart de petite dimension, n’en offrent pas pour cela moins d’intérêt et apportent de véritables lumières sur l’état social et la civilisation des habitans des grandes villes du Tigre et de l’Euphrate. Ils nous initient à leurs mœurs, à leurs usages, et nous permettent de refaire autrement qu’à l’aide d’hypothèses et de conjectures le tableau de leur intérieur et de leur vie privée. Or, il faut bien l’avouer, le musée assyrien du Louvre ne possède presque rien en ce genre. Depuis le classement des magnifiques sculptures et des bas-reliefs recueillis par M. Botta, cette collection ne s’est accrue que d’un petit nombre de fragmens et de pierres gravées reproduisant en petit les sujets des bas-reliefs. Cet accroissement n’a lieu qu’au moyen d’acquisitions opérées à Paris quand une occasion se présente. Les occasions sont rares, et elles seraient plus fréquentes, que le crédit si restreint des musées nationaux ne permettrait pas de les saisir et d’en profiter. Le crédit consacré à l’accroissement de ces grands dépôts n’est, on le sait, que de 50,000 francs, 50,000 francs pour la peinture, la sculpture et les objets d’antiquité, pour tout enfin !

L’administration, après avoir si noblement encouragé les travaux que M. Perret avait menés à heureuse fin, ne pouvait refuser sa sollicitude aux explorations, aux recherches diverses que l’insuffisance des crédits laissait interrompues. M. le ministre de l’intérieur a mis dans l’affaire des musées à compléter la même suite que dans la publication de Rome souterraine. Il a senti qu’il fallait faire cesser ce temps d’arrêt fatal que nos voisins mettaient à profit, et qu’il ne fallait pas laisser exploiter par d’autres cette mine de richesses archéologiques que nous avions découverte. Une circonstance fortuite et des plus heureuses se présentait : M. Léon Faucher s’est empressé de la saisir. Le consulat de Mossul venait d’être rétabli, et M. Place en était nommé titulaire. Le nouveau consul, animé d’un noble zèle, se proposait de suivre l’exemple de son prédécesseur, M. Botta, et de reprendre les fouilles abandonnées : il demandait des instructions et des fonds. Cette demande a été entendue, et les fouilles d’Assyrie pourront être poursuivies comme elles ont été commencées, sous les auspices de la France.


III

Au même moment où l’attention du gouvernement était appelée sur les fouillés d’Assyrie, elle était attirée aussi vers l’Égypte, où M. Mariette attaché au musée du Louvre et alors en mission en Égypte, venait de faire une merveilleuse découverte. Il avait retrouvé à Saqqarah, sur le versant de la chaîne libyque, et au milieu des nécropoles de l’ancienne Memphis, un temple du dieu Sérapis. Ce temple, signalé par Pausanias[15] comme le plus ancien de ceux qui étaient consacrés à cette divinité, et que Strabon nous représente comme envahi de son temps par les sables du désert, qui s’élevaient déjà jusqu’à mi-corps de ses sphinx, était enseveli sous des dunes de trente pieds de hauteur. Il était en conséquence plus intact et devait renfermer plus d’objets précieux que ceux qui depuis tant de siècles sont restés accessibles aux explorateurs. Aussi M. Mariette réclamait-il avec une insistance que l’on comprend l’aide de l’état pour en achever le déblaiement. L’importance de cette opération fut tout de suite reconnue. Le ministre de l’intérieur fit appeler M. de Longperier, le savant conservateur du Musée des antiques, et M. de Rougé, conservateur du Musée égyptien ; il consulta M. de Saulcy, l’érudit et courageux explorateur des bords de la Mer Morte, et il s’entoura ainsi de renseignemens qu’il transmit à l’Institut, réclamant son avis tant sur l’affaire des fouilles à exécuter en Assyrie que sur le déblaiement du Sérapéum à Memphis. Cet avis ne se fit pas attendre. L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres s’était déjà, et à diverses reprises, occupée de ces questions : elle s’est empressée d’adresser au ministre un rapport concluant à la continuation des travaux de déblaiement du temple de Sérapis et à la reprise immédiate des fouilles entreprises sur le sol de l’ancienne Ninive. L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres voulait plus encore. Envisageant la question du point de vue le plus élevé, elle exprimait le vœu que les fouilles ne fussent pas limitées aux environs de Ninive, mais que le cercle des recherches fût considérablement étendu, et que les ruines babyloniennes et médiques fussent explorées et fouillées comme les ruines persanes et assyriennes. Elle indiquait la meilleure direction à donner à ces recherches, et les localités qui devaient être étudiées de préférence. Babylone tant de fois visitée, mais dont les collines de briques crues délitées, indiquant d’immenses édifices, n’ont jamais été fouillées jusqu’au tuf ; Ecbatane, aujourd’hui Hamadan, la capitale des Mèdes, la ville aux sept enceintes peintes de sept couleurs différentes, et dont la plus centrale, renfermant le palais du roi, qui n’avait pas moins de sept stades de tour, était dorée, devaient appeler d’abord l’attention des archéologues chargés de continuer les recherches commencées en Perse et en Assyrie. L’Académie demandait que cette fois l’exploration fût sérieuse, et que les fouilles fussent poussées jusqu’aux substructions de ces grands édifices, et constatassent d’une manière définitive ce qui peut subsister encore. Quand à l’exemple de Ninive, ces antiques cités nous auraient dit leur secret, il resterait encore à interroger les ruines de ces villes bibliques contemporaines des premiers âges du monde, dont les restes considérables, aujourd’hui sans nom, couvrent les régions les plus désertes et les plus désolées de la Chaldée et de la Mésopotamie. Les seules notions que l’on possède sur cette partie de l’Asie centrale et ces villes oubliées nous avaient été données par les explorateurs anglais, envoyés pour étudier le projet d’ouverture de la route commerciale de l’Euphrate. On était en droit d’attendre d’importans résultats d’une grande expédition scientifique qui consacrerait deux années à visiter l’Assyrie, la Chaldée, la Mésopotamie et la Médie. Une expédition de cette nature devait, il est vrai, entraîner une dépense de 70,000 francs environ. Cette somme, jointe à celle de 8,000 indiquée pour la reprise des fouilles de Ninive, n’avait rien d’excessif ; mais, comme l’administration ne s’était proposé dans le principe de ne consacrer à ces fouilles que quelques milliers de francs laissés libres sur le crédit des beaux-arts, on était certes loin de compte. Des frais aussi considérables ne pouvaient plus être couverts qu’au moyen d’un crédit extraordinaire. Les assemblées, comme on sait, ne se laissent aller que difficilement à ces dépenses, dont elles ne saisissent que très imparfaitement l’importance. Le ministre cependant crut pouvoir compter cette fois encore sur l’intelligence et le patriotisme de l’assemblée législative et il eut raison. Le crédit réclamé lui fut accordé sans marchander, et du même coup l’assemblée, en veine de généreuse inspiration, accorda, toujours sur la demande du ministre, un second crédit de 30,000 francs pour l’achèvement des fouilles du Sérapéum de Memphis et le transport des objets d’art qui pourraient y être retrouvés. C’est ici le moment de dire quelques mots de cette intéressante découverte.

On connaît l’histoire de ce dieu Sérapis, d’antique origine, quoi qu’on ait pu dire, mais que, sous les Ptolémées, un rêve ou un caprice royal remit en honneur. L’Égypte d’abord, puis la Grèce, Rome, l’Italie tout entière lui élevèrent des temples ; et, quand vint le déclin du paganisme et au moment de sa chute, Sérapis était une des divinités les plus vénérées. La nature hybride du dieu explique cette ferveur. Son culte était un de ces cultes complaisans qui se prêtent à toutes les adorations et qu’une religion en décadence accueille de préférence. Les temples consacrés à Sérapis participaient de l’espèce de banalité de ce dieu ; ils étaient appropriés à cette religion composite ; mi-partie grecque, mi-partie égyptienne ; ils renfermaient donc à la fois des monumens égyptiens et grecs, ou gréco-romains. Ces temples étaient nombreux. Il y en avait à Athènes, à Rome et dans toutes les provinces de l’empire. Le temple d’Athènes, construit dans le bas de la ville, a disparu[16]. On voit encore près de Pouzzoles, dans le golfe de Naples, les belles ruines d’un temple de Sérapis, dont les eaux de la mer lavent les marbres antiques, et dont les colonnes, restées debout, renferment à leurs bases des myriades de zoophytes. Le temple de Sérapis à Rome était construit sur le mont Aventin, près de la Via Lata et à peu de distance de l’emplacement occupé aujourd’hui par l’église de Saint-Étienne. C’est à cet endroit que la fable avait placé la grotte de Cacus. Le groupe du Tibre que nous possédons au musée du Louvre et le groupe du Nil du Vatican, deux des plus beaux morceaux que nous ait laissés l’antiquité, décoraient les deux fontaines qui embellissaient l’avenue de ce temple. Nous avons encore au Musée des antiques d’autres fragmens provenant de ses ruines, entre autres le bas-relief égyptien encastré dans le piédestal de la statue en pierre fauve d’un prêtre égyptien à genoux et assis sur ses talons. Toutefois le plus fameux des temples de Sérapis était celui d’Alexandrie ; c’était le Sérapéum par excellence, celui dont Rufin nous a laissé la description. Ce temple avait été construit par Ptolémnée, fils de Lagus. La bibliothèque de ce temple jouissait d’une grande renommée et n’était cependant qu’une dépendance, la fille, comme on l’appelait, de la bibliothèque d’Alexandrie. Cléopâtre y avait déposé les deux cent mille volumes de la bibliothèque de Pergame, dont Antoine lui avait fait présent Ce temple de Sérapis fut détruit, en 391, par Théophile, patriarche de la ville, qui, avait obtenu de Théodose un édit autorisant la destruction de ces monumens du paganisme. Cette fois cependant la lutte fut vive. Les prêtres et les sectateurs de Sérapis, auxquels s’étaient joints quelques philosophes païens, défendirent le Serapeum à main armée. Théophile vainqueur le saccagea de fond en comble. Il paraît néanmoins que la bibliothèque fut épargnée ; elle ne fut détruite qu’en 642 par les Sarrasins, en même temps que la bibliothèque mère.

Le temple découvert récemment par M. Mariette n’avait ni la même célébrité, ni sans doute la même importance que le Sérapéum d’Alexandrie ; il jouissait néanmoins d’une certaine renommée, et Pausanias le mentionne comme étant le plus ancien des temples du dieu Sérapis, tandis que celui d’Athènes était le plus nouveau. Le Sérapéum de Memphis avait en outre un autre titre à la vénération des Égyptiens. Le bœuf Apis était inhumé dans son enceinte, ce qui pourra être pour M. Mariette l’occasion de curieuses découvertes, et le nilomètre destiné à suivre les progrès de l’inondation du Nil y était déposé. Il paraîtrait du reste, par les fouilles opérées jusqu’à ce jour, que ce monument était extrêmement remarquable et orné d’un grand nombre de statues grecques ou égyptiennes, ou participant des deux arts.

Le passage suivant d’un rapport de M. de Rougé, conservateur du Musée égyptien, peut nous donner une idée de la nature des découvertes de M. Mariette. « La religion dans les autres temples de l’Égypte était restée, à l’époque des Ptolémées, purement grecque ou purement égyptienne. Les deux races avaient au contraire adopté simultanément le nouveau type d’Osiris-Apis, devenu Sérapis, ce qui fait que le même temple de Sérapis renferme des monumens dans le style grec et dans le style égyptien. Parmi les morceaux de style grec, on doit signaler, comme des objets hors ligne par leur rareté, les génies divins montés sur des animaux symboliques, qui ne sont en général connus jusqu’ici que par des figures d’une petite dimension on ne saurait trop désirer que l’hémicycle où ces grands génies ont été trouvés soit fouillé en entier, ce qui sans doute permettrait d’en compléter la collection. Les douze statues grecques, autant qu’on peut en juger sur les dessins de M. Mariette, présentent une véritable valeur comme objets d’art, sans toutefois annoncer des chefs-d’œuvre… Quant aux objets d’art appartenant au style égyptien, ils présentent très souvent, à ces dernières époques, le caractère d’un travail lourd et grossier et tous les signes d’une grande décadence : cette portion demandera donc un triage sévère. M. Mariette, homme de goût et de savoir, est parfaitement en état de faire cette distinction. Un choix de douze beaux sphinx, les mieux conservés parmi ceux qui composent la grande avenue explorée par M. Mariette, donnerait certainement une physionomie unique en Europe à une grande salle de monument égyptiens. On peut également émettre une opinion assurée sur les deux lions découverts par M. Mariette. Les deux lions de Nectanebo, au musée du Vatican, chefs-d’œuvre qui ont été cent fois reproduits en bronze, sont les pendans exacts du couple trouvé à Memphis, et proviennent de l’autre extrémité de la même enceinte. M. Mariette a également parlé d’une superbe stèle en basalte et de quelques morceaux d’un petit volume, dont il faut, sans hésitation, demander le transport : il ne faut pas oublier que cet archéologue si zélé n’est encore parvenu qu’au seuil de la grande enceinte, et que les agens anglais n’attendent que son départ pour s’emparer de sa découverte ; et pour exploiter, une fois de plus, les mines nouvelles ouvertes par l’activité du génie français. Il serait donc à désirer que la somme que le gouvernement pourra consacrer à cet objet fût employée à pousser les fouilles jusqu’au sanctuaire principal, où se trouvent, sans aucun doute, les morceaux les plus importans. La figure d’Apis, déjà rencontrée, ne peut être le dieu principal par la position même où elle a été rencontrée ; on en trouvera certainement plusieurs autres : L’épais linceul de sable qui les recouvre donne lieu d’espérer une parfaite conservation, du moins quant aux injures du temps. Le temple et tout ce qu’il renferme ne portera : que les traces inévitables des révolutions religieuses. M. Mariette n’a encore tenté, dans cette grande enceinte, que quelques sondages, et à chaque fois il est tombé sur un objet important ; outre le sanctuaire, tout le terrain sacré doit être parsemé de statues, bas-reliefs, stèles et animaux symboliques. »

Nous devons ajouter que, depuis le rapport de M. de Rougé, M. Mariette a, sinon complété, du moins singulièrement accru ses précieuses découvertes. Dans un de ses sondages, il a rencontré, dans une des salles du temple, une quantité considérable de figures en bronze, dont quelques-unes ont l’importance de statues, et une stèle funéraire d’un Ptolémée. Ses dernières nouvelles ne portent pas à moins de quatre à cinq cents les simulacres de bronze ainsi découverts, et qui se trouvaient comme emmagasinés dans un des réduits du temple. Pour que ce monument soit demeuré dans l’état de conservation qu’il présente, et décoré, comme on voit, de toutes ses statues, on serait porté à supposer qu’il a dû être subitement enseveli sous les sables, il y a dix-huit à dix-neuf siècles, par quelque grande tempête du simoun. Il paraît cependant que l’envahissement a été lent et graduel. Strabon rapporte en effet que, lors de sa visite à ce temple, il vit des sphinx enterrés, les uns à moitié, les autres jusqu’à la tête ; il ajoute cependant qu’on peut conjecturer d’après cela que la route vers ce temple ne serait pas sans danger, si l’on était surpris par un coup de vent[17].

Quoi qu’il en soit, la découverte de M. Mariette est un véritable événement archéologique. Nous ne doutons pas que cet habile et intelligent explorateur n’en tire tout le parti possible, et qu’au moyen de l’allocation de 30,000 francs obtenue dans la séance de l’assemblée législative du 8 août dernier, il n’enrichisse nos collections d’un grand nombre de curieux spécimens de l’art à l’époque des Ptolémées. Cette séance aura été heureuse pour les arts. Non-seulement l’assemblée a voté les crédits demandés pour le déblaiement du Sérapéum de Memphis, la continuation des fouilles de Ninive et l’expédition scientifique dans l’Asie centrale ; elle s’est empressée d’allouer un quatrième crédit de 24,000 francs pour l’acquisition de deux tableaux de Géricault : le Cuirassier et le Chasseur de la Garde. Lors de la vente des objets d’art provenant de la liquidation du roi Louis-Philippe, M. le ministre de l’intérieur désirant conserver à la France ces morceaux remarquables d’un de nos maîtres les plus populaires, n’avait pas craint, en présence du crédit des musées absorbé presque totalement par d’autres dépenses, de se porter acquéreur et d’engager sa responsabilité ; l’assemblée a couvert d’un vote approbateur cette louable irrégularité. Il est à regretter que, par suite d’un fâcheux malentendu, elle ait refusé ce même jour un crédit de 19,000 francs qu’on lui demandait pour le rachat de vingt-sept tableaux de notre grand peintre de marine, M. Gudin. Ces tableaux avaient été exécutés pour le musée de Versailles, et devaient compléter la collection historique de la galerie maritime. L’un d’eux, le Jean Bart forçant le passage de la flotte anglaise devant Dunkerque, est un chef-d’œuvre, et valait la moitié de la somme demandée. On a établi de spécieuses distinctions entre les artistes vivans et les artistes morts, et les vivans ont eu tort une fois de plus.

Nous n’aimons que la gloire absente,
La mémoire est reconnaissante,
Les yeux sont ingrats et jaloux !

Nous ne voulons pas qu’on nous reproche cette même indifférence pour les vivans : si nous applaudissons à cette sorte d’exhumation du passé que nous venons de constater, c’est surtout parce qu’elle se fait au profit de ces vivans qu’on affecte de dédaigner. La grande publication de M. Perret, les précieuses découvertes de M. Mariette et les travaux complémentaires de ces savans explorateurs qui vont arracher au mystérieux Orient ses derniers secrets, ne peuvent manquer d’étendre singulièrement le champ de l’étude et d’ouvrir à nos artistes des perspectives inattendues. Grace à l’active et féconde impulsion imprimée à ces travaux, bien des lacunes vont être comblées, bien des points douteux dans l’histoire de l’art seront éclaircis. Cette histoire pourra être reprise à ses origines et suivie sans interruption jusqu’aux temps modernes. Nous avons déjà vu comment les monumens recueillis par M. Perret dans les catacombes romaines rattachaient l’art antique à l’art moderne, et quels enseignemens inappréciables ils allaient offrir à nos peintres religieux. La découverte de M. Mariette nous révélera une transition analogue entre l’art égyptien et l’art grec, et cette fusion de deux arts et de deux religions qu’on avait théoriquement reconnue, mais qu’on n’avait pu saisir encore sur place dans un monument existant et complet. Enfin c’est aux sources même de l’art que vont nous faire remonter les travaux de l’expédition asiatique. Les sculptures, assyriennes découvertes à Khorsabad, à Nimbroud, Koyoundjek, celles recueillies en Chypre et dans la Grèce même[18], nous donnaient déjà les plus précieuses indications sur la marche que les arts ont suivie. Descendus avec les premiers peuples des contrées de la Haute-Asie, ils se sont fixés et développés comme eux dans ces vastes plaines du Sennaar, où vécurent les patriarches, et c’est à travers l’Asie occidentale, et par l’Égypte et les îles, qu’ils ont gagné le coin du monde qu’on appelle la Grèce ou rencontrant le plus intelligent de tous les peuples, ils ont atteint un rare degré de perfection et brillé d’un éclat incomparable. C’est ce mouvement qu’il s’agit de constater d’une façon définitive, et les monumens seuls peuvent lever les dernières incertitudes. Dans quelques semaines, de courageux missionnaires de l’art vont être à l’œuvre : Babylone et Ninine n’auront plus de mystères pour eux, et qui peut prévoir les surprises nouvelles que leur ménagent ces plaines de la Mésopotamie, qui naguère nous ont révélé tout un art, et le vieux sol de la Chaldée ? C’est là qu’apparurent les premières villes que l’homme ait fondées : Babylone, Achad, Resen, Chalé, Nachor, Ur, la ville d’Abraham. Quel intérêt offriront à leurs recherches les ruines de ces cités contemporaines des premiers âges du monde ! Déjà un coin du voile a été soulevé. On nous assure que, dans ses dernières excursions, M. Layard a trouvé à Ur de grands sarcophages en terre cuite d’un travail tout primitif, et dans lesquels ont peut-être reposé les ossemens des patriarches : c’est aux explorateurs français que revient l’honneur d’avoir préparé ces découvertes ; c’est à eux aussi, nous l’espérons, qu’appartiendra la gloire de les compléter.


F. MERCEY.

  1. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait une étude approfondie des catacombes, mais il suffit d’une promenade dans ces souterrains et d’un examen fort superficiel de la situation relative de chacun d’eux pour reconnaître qu’il ne faut pas prendre rigoureusement à la lettre la tradition qui les représente comme les refuges des premiers chrétiens au moment des persécutions. J’ignore absolument la façon de procéder de la police romaine sous Néron ou Dioclétien, mais son action eût été nulle, si en quelques heures de temps elle n’eût pas découvert ce refuge de toute une secte, c’est-à-dire d’une population de plusieurs milliers d’hommes. Il est probable que quelques-unes de ces anciennes carrières ou arénaires, situées sous la propriété de grands personnages convertis secrètement au nouveau culte, ont pu servir dans l’occasion de refuge à leurs amis persécutés et à ceux de leurs compagnons que la perspective du martyre effrayait. La plupart des catacombes ont encore conservé les noms de leurs anciens possesseurs : telles sont les catacombes de Saint-Saturnin et de Saint-Thrason, près de la porte Salara, celles Saint-Calixte, etc. ; mais si les catacombes ne servirent pas de refuge à la secte entière, elles servirent certainement de sépulture aux martyrs.
  2. Voyez Séroux d’Agincourt, t. I, p. 22.
  3. M. Vitet, Rapport sur la publication de Rome souterraine, page 10.
  4. Baruch, VI, 81. La Bible fait connaître le nom du dieu des Ninivites : ils s’appelait Nesroch.
  5. M. Flandin a décrit ici même les admirables monumens reproduits par son crayon. Voyez les livraisons du 15 juin et du 1er juillet 1845.
  6. Lettre au directeur de l’Athenœum en date du 19 août 1851.
  7. Le palais de Nimbroud, qui renferme, comme nous venons de le voir, les sculptures les plus précieuses, aurait appartenu à un prince de la dynastie antérieure, Sardanapale Ier.
  8. Le palais de Khorsabad s’appela Sarghun jusqu’à la conquête arabe. La ville de Sar’oûn, du district de Ninioua, dont Yacouti fait mention dans son dictionnaire géographique, dit Mou’djem-el-Bouldan, et qu’il représente comme ruinée et cachant sous ses décombres d’anciens trésors, n’est autre sans doute que le palais de Sarghun
  9. Les Rois, XVIII, 10-11.
  10. M. Botta avait commencé par fouiller le Koyoundjek, et n’avait rencontré que des fragmens insignifians. I. Layard, plus persistant, a été plus heureux.
  11. Les Rois, XX, 35-37.
  12. Justifiant ces paroles que la Bible met dans la bouche de son lieutenant Rabsacès : « Est-ce que vous espérez dans l’Égypte, ce roseau brisé ? Si un homme veut s’y appuyer, ses morceaux lui entreront dans la main et la perceront. Tel est maintenant Pharaon pour tous ceux qui se confient en lui. » (Les Rois, XIX, 22.) Sargon aurait fait, comme Sennachérib, la guerre aux Égyptiens et aux Éthiopiens. Un bas-relief de Khorsabad, représentant deux cavaliers terrassant des guerriers aux cheveux crépus, au nez épaté et sans barbe, en un mot des nègres parfaitement caractérisés, ne laisse aucun doute à ce sujet. (Monumens de Ninive, t. II, pl. 88.)
  13. Les Rois, XIX, 13-14-15-16.
  14. Livre II, chap. 141.
  15. Pausanias, t. Ier, chap. XVIII, p. 116.
  16. Pausanias, t. Ier, chap. XVIII.
  17. Strabon, liv. XVII, p. 807.
  18. L’image du roi Sargon, qui avait construit le palais de Khorsabad, trouvée en Chypre ; le bas-relief du guerrier Aristion, sculpté par Aristoclès, trouvé à Marathon, et qui a tout l’aspect d’un bas-relief assyrien.