Les Avadânas, contes et apologues indiens/1

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Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (1p. 3-7).


I

le roi et le grand tambour.

(De la réputation.)


Un roi dit un jour : « Je veux faire fabriquer un grand tambour dont les sons puissent ébranler les airs au point de s’entendre jusqu’à la distance de cent li (dix lieues). Y a-t-il quelqu’un qui puisse le fabriquer ?

— Nous ne pourrions le fabriquer, » répondirent tous ses ministres.

En ce moment, arriva un grand officier appelé Kandou, qui était dévoué au souverain et aimait à secourir le peuple du royaume. Il s’avança et dit :

« Votre humble sujet peut faire ce tambour, mais il en coûtera de grandes dépenses.

— À merveille ! » s’écria le roi. Et aussitôt il ouvrit son trésor et lui donna toutes les richesses qu’il contenait. Kandou fit transporter à la porte du palais tous ces objets précieux, puis il publia en tous lieux cette proclamation :

« Aujourd’hui, le roi, dont la bonté égale celle des dieux, répand ses bienfaits ; il veut déployer toute son affection pour le peuple, et secourir ceux de ses sujets qui sont pauvres et indigents. Que tous les malheureux accourent à la porte du palais. »

Bientôt, de tous les coins du royaume, les indigents arrivèrent en foule avec un sac sur le dos, en se soutenant les uns les autres. Sur leur passage, ils remplissaient les villes et encombraient les grandes routes. Au bout d’un an, le roi rendit un décret où il disait :

« Le grand tambour est-il achevé ou non ?

— Il est achevé, lui répondit Kandou.

— Pourquoi, demanda le roi, n’en ai-je pas entendu les sons ?

— Sire, repartit Kandou, je désire que Votre Majesté daigne prendre la peine de sortir du palais et de visiter l’intérieur du royaume. Elle entendra le tambour de la loi du Bouddha dont les sons retentissent dans les dix parties du monde. »

Le roi fit apprêter son char, il parcourut son royaume, et vit le peuple qui marchait en rangs pressés. « D’où vient, s’écria-t-il, cette prodigieuse multitude de peuple ?

— Sire, répondit Kandou, l’an passé, vous m’avez ordonné de construire un tambour gigantesque qui pût se faire entendre jusqu’à la distance de cent li (dix lieues), afin de répandre dans tout le royaume la renommée de votre vertu. J’ai pensé qu’un bois desséché et une peau morte ne sauraient propager assez loin l’éloge pompeux de vos bienfaits. Les trésors que j’ai reçus de Votre Majesté, je les ai distribués, sous forme de vivres et de vêtements, aux religieux mendiants et aux brâhmanes, afin de secourir les hommes les plus pauvres et les plus malheureux de votre royaume. Une proclamation générale les a fait venir de tous côtés, et des quatre coins du royaume ils sont accourus à la source des bienfaits, comme des enfants affamés qui volent vers leur tendre mère. »

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Thien-wang-thaï-tseu-pi-lo-king.)