Les Avadânas, contes et apologues indiens/112

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Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (2p. 120-122).


CXII

L’HOMME D’UN CARACTÈRE RARE.

(Détruisez les désirs.)


Il y avait un homme du Djamboudvipa qui, bien que n’étant pas dégagé des affections du monde des désirs, allait quelquefois dans le Kourou du nord (Outtarakourou). Il voyait les femmes de ce continent, dégagées de tous liens[1] et belles de corps et de figure, qui se promenaient et s’amusaient avec bonheur. Il voyait encore dans cet heureux pays, des vêtements riches et élégants, et des parures fraîches et brillantes, qui sortaient du sein des arbres, du riz odorant et d’un goût exquis qui poussait sans culture. Partout où il portait ses regards, il rencontrait mille sortes de choses précieuses et d’une beauté ravissante ; il voyait encore les hommes de cette contrée jouir de tous ces biens au gré de leurs désirs. Mais au moment où ils en jouissaient, ils ne s’y attachaient point avec passion, et après en avoir joui, ils les quittaient sans regret. L’habitant du Djamboudvîpa, bien qu’il ne fût pas encore dégagé des affections du monde, vit tous ces objets, d’un charme si séduisant, sans les désirer ni s’y attacher. Il les quitta avec une indifférence parfaite, et s’en revint dans sa patrie.

Il faut reconnaître que c’était un homme d’un caractère bien rare.

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Pradjnâ pâramitâ soûtra, livre DLXXXI.)
  1. C’est-à-dire complètement nues.