Les Avadânas, contes et apologues indiens/45

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Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (1p. 168-170).


XLV

L’HOMME ET L’ARBRE FRUITIER.

(De ceux qui s’écartent de la raison.)


Il y avait jadis un homme qui possédait un bel arbre. Cet arbre était haut, large et d’une grosseur extraordinaire. Il produisait chaque année de beaux fruits, d’une odeur exquise et d’un goût délicieux. Un jour, un homme vint trouver le roi dans son palais. Le roi lui dit : « Cet arbre va donner bientôt des fruits excellents ; pourriez-vous bien en manger ?

— Cet arbre est large et élevé, répondit-il ; quand je voudrais manger de ses fruits, comment pourrais-je les atteindre ? »

Sur-le-champ, il coupa l’arbre au pied, dans l’espoir d’obtenir de ses fruits ; mais il n’en trouva pas un seul de mûr et perdit sa peine. Il voulut ensuite dresser et replanter l’arbre, mais il était déjà desséché et mort, et ne possédait plus aucun principe de vie.

Voilà comment agissent les hommes du siècle. Jou-laï (le Bouddha), le roi de la loi, nous offre l’arbre de la conduite morale (Çilavrikcha) qui peut produire des fruits d’une vertu supérieure. Si votre cœur est animé de la joie que causent les souhaits vertueux, si vous desirez obtenir ces fruits et les savourer, il faut adopter une conduite morale (Çila) et pratiquer toute sorte de bonnes œuvres. Si l’on ne comprend pas les expédients habiles de la sagesse, si, au contraire, on viole les règles de la discipline, on ressemble à cet homme qui coupa l’arbre au pied, et ne put jamais réussir à le faire revivre.

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Pe-yu-king, ou Livre des cent comparaisons, partie I.)