Les Avadânas, contes et apologues indiens/46

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Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (1p. 171-173).


XLVI

LE FOU ET L’OMBRE DE L’OR.

(De ceux qui s’écartent de la raison.)


Un jour, un fou alla dans un endroit où il y avait un grand étang. Il vit, au fond de l’eau, une ombre qui avait l’apparence d’un fragment d’or pur. Il s’imagina qu’il y avait réellement de l’or. Il entra dans l’eau, remua la vase et se mit à chercher. Après s’être fatigué sans rien trouver, il sortit de l’eau et s’assit. Quelques instants après, l’eau étant redevenue claire et pure, lui laissa voir encore la couleur de l’or. Il entra de nouveau dans l’étang, remua la vase et se remit à chercher, mais sans plus de succès qu’auparavant.

Le père appela son fils, et l’ayant rencontré au bord de l’eau, il lui dit : « Qu’avez-vous pour être à ce point harassé de fatigue ?

— Mon père, répondit-il, comme il y a de l’or pur au fond de l’eau, je m’y suis jeté plusieurs fois ; j’ai voulu remuer la vase et m’en emparer, mais je me suis extrêmement fatigué sans pouvoir le trouver. »

Le père ayant regardé l’ombre de l’or pur qui apparaissait au fond de l’eau, reconnut qu’elle provenait d’un fragment d’or qui se trouvait sur un arbre voisin, et dont l’image se réfléchissait dans le miroir de l’étang. « Mon fils, lui dit-il, c’est évidemment un oiseau qui ayant dans son bec un morceau d’or, l’a posé en volant sur cet arbre. »

Sur-le-champ, obéissant au conseil de son père, il monta sur l’arbre et trouva le morceau d’or.

(Extrait du livre intitulé : Pe-yu-king, ou le Livre des cent comparaisons, partie II.)