Les Avadânas, contes et apologues indiens/69
LXIX
L’HOMME QUI A PERDU UNE ÉCUELLE D’ARGENT.
Un homme s’était embarqué sur un navire. Comme il traversait la mer, il laissa tomber dans l’eau une écuelle d’argent. Il se dit en lui-même : » Je vais aujourd’hui tirer une ligne sur l’eau pour y faire une marque. Je laisserai mon écuelle et m’en irai. Plus tard, je viendrai la reprendre. »
Après deux mois de navigation, il arriva au royaume de Sinhala (Ceylan). Ayant vu un fleuve, il entra au milieu et se mit à chercher l’écuelle qu’il avait perdue. Quelques personnes lui demandèrent ce qu’il faisait : « Précédemment, répondit-il, j’ai perdu une écuelle d’argent. Aujourd’hui, je veux la chercher et la reprendre.
— En quel endroit l’avez-vous perdue ? lui demandèrent-ils.
— Je l’ai perdue lorsque je commençais à naviguer.
— Depuis quand l’avez-vous perdue ?
— Depuis deux mois.
— Si vous l’avez perdue depuis deux mois, pourquoi la chercher ici ?
— Au moment où je l’ai perdue, j’ai tracé une ligne sur l’eau pour y faire une marque ; et comme l’eau sur laquelle j’ai tracé cette ligne n’était pas différente de celle-ci, voilà pourquoi je la cherche en cet endroit. »
C’est ainsi qu’agissent les hérétiques. Ils ne tiennent point une conduite régulière et se contentent de l’apparence de la vertu ; de plus, ils ont recours à des moyens violents et à des austérités pénibles pour obtenir la délivrance finale. Ils ressemblent à cet homme stupide qui avait perdu une écuelle dans un endroit et la cherchait dans un autre.