Les Aventures de Til Ulespiègle/CIII

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Anonyme
Traduction par Pierre Jannet.
À l’enseigne du pot cassécoll. Scripta Manent, n°44 (p. 232-233).
Appendice

CHAPITRE CIII.


Comment Ulespiègle avait une maîtresse qu’il faisait
passer pour sa femme, et comment il s’engagea
au service d’un curé de village.



Ulespiègle voulait essayer de tout. Étant allé chez un curé de village qui avait besoin d’un sacristain, il s’engagea comme tel. Il ne fut pas longtemps dans cet emploi sans s’apercevoir que le curé était un amateur du beau sexe, et il lui dit un jour : « Monsieur, je voudrais bien savoir combien vous avez séduit de femmes de ce village. Dites-le moi ; je garderai le secret. – Je veux bien te le dire, répondit le curé ; j’ai confiance en toi. Tu es mon serviteur fidèle. Lundi prochain est un jour de grande fête, et l’on ira à l’offrande. Quand je serai à l’autel pour l’offrande, tu te tiendras près de moi pour donner la patène à baiser ; et quand tu m’entendras dire : « Brems ! » tu sauras que la femme qui est à l’offrande est une de celles que j’ai séduites. » Le lundi quand la femme du bailli alla à l’offrande, le curé fit « Brems ! » ensuite vint la femme du sergent, et le curé fit de même. Ulespiègle était bien étonné. À ce moment se présenta sa maîtresse. Le curé fit « Brems ! – Mais c’est ma femme ! s’écria Ulespiègle. — Cela ne fait rien, dit le curé ; elle est Brems comme les autres ; je ne veux pas te tromper. » À l’instant Ulespiègle prit congé et s’en alla, laissant là maître et maîtresse.