Les Aventures de Til Ulespiègle/XVI

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CHAPITRE XVI.


Dans le village de Peyne, Ulespiègle guérit
un enfant malade.



Il arrive parfois qu’on repousse des remèdes réguliers et approuvés qu’on aurait pour bien peu d’argent, et qu’on donne tout autant aux charlatans. C’est ce qui arriva une fois dans le fief de Hildesheim. Ulespiègle vint dans ce pays, et s’arrêta dans une auberge dont le maître était absent. Ulespiègle était bien connu dans la maison. La femme de l’aubergiste avait un enfant malade. Ulespiègle demanda ce qu’il avait. L’hôtesse répondit : « L’enfant ne peut pas aller à la chaise percée. S’il pouvait aller à la chaise il se porterait mieux. – Il y a moyen d’arranger cela, » dit Ulespiègle. L’hôtesse lui dit que, s’il pouvait soulager l’enfant, elle lui donnerait ce qu’il voudrait. Ulespiègle dit qu’il ne prendrait rien pour cela, et que c’était une chose trop facile. « Attendez un peu, ajouta-t-il ; cela sera bientôt fait. » Peu après l’hôtesse, qui avait quelque chose à faire dans la cour, sortit pour aller à sa besogne. Pendant ce temps, Ulespiègle s’accroupit contre la muraille et y fit un gros tas d’excréments. Puis il plaça au-dessus la chaise percée, et l’enfant sur la chaise. Sur ce, l’hôtesse rentra, et vit l’enfant sur la chaise, et dit : « Ah ! qui a fait cela ? – C’est moi, répondit Ulespiègle ; vous avez dit que l’enfant ne pouvait pas aller à la chaise, c’est pourquoi je l’ai mis dessus. » Alors elle aperçut ce qui était sous la chaise, et dit : « Ah ! mon cher Ulespiègle, voilà ce qui faisait mal au ventre à l’enfant ; je vous saurai toujours gré de l’avoir ainsi soulagé. » Ulespiègle répondit : « Je peux faire beaucoup de pareille médecine, avec l’aide de Dieu. » L’hôtesse le pria amicalement de lui enseigner le secret, disant qu’elle lui donnerait pour cela ce qu’il voudrait. Ulespiègle répondit qu’il était obligé de partir sur-le-champ, mais qu’il lui enseignerait le secret lorsqu’il reviendrait. Puis il sella son cheval et partit pour Rosendal ; ensuite il revint à Peyne et voulait aller à Zell. Il vit les enfants du village, qui étaient presque nus, et qui lui demandèrent d’où il venait. Il répondit qu’il venait de Koldingen. Il vit bien qu’ils étaient peu vêtus. Ils lui dirent : « Écoute ici : puisque tu viens de Koldingen, qu’est-ce que l’hiver nous fait dire ? – Il ne vous fait rien dire, répondit Ulespiègle ; il vous parlera lui-même. » Puis il continua son chemin, laissant là les marmots déguenillés.