Les Bigarrures/Chapitre 3

La bibliothèque libre.
Les Bigarrures et Touches du seigneur des Accords (1572)
chez Loys Du Mesnil (p. 30-43).
AUTRE FAÇON DE
REBUS PAR LETTRES CHIFFRES,
NOTES DE MUSIQUE, ET
noms sur entendus.

CHAP. III.


T U as cy-devant la forme & practique des Rebus de Picardie, qui sont par peintures : en voicy une suitte d’autres, qui se font selon la prolation des lettres simplement & ce parmy nos François, qui prononcent un é masculin, ou feminin, en nommant les consones de l’Alphabet en ceste sorte, bé, cé, dé, ef, gé, ache, k, a, elle, ame, ane, pe, qu, erre, esse, té, ce que les Italiens prononcent, bi, chi, di, &c. Je ne sçay toutesfois s’ils en usent, non plus que les Espagnols & Allemans n’en ayant point veu en leur langue, sinon cestuy-cy qui est pris des lettres Grecques, qui me fut monstré en grande admiration par un magnifique Messer qui en faisoit grand cas.

Nella, ϕ, δ, ϕ, ν, ρ, la ϐ.

Nella fidelta finiro la vita.

C’est à dire en François,

En fidelité je finiray la vie.

Ce qui s’ensuit des François & Latins, je les ay recueilly, çà & là, en diverses hostelleries sur les murailles blanches, que l’Italien appelle (car notez qu’il y escrit aussi bien que les autres) charta di matto, c’est à dire papiers de sois. Or je les treuve plus gracieux & plaisans que les precedents, parce que ceux qui usent de ceux-cy, ne le font que pour rire & prendre plaisir, & les autres pensent avoir fait quelque chose de laborieux ou bien sçavant. Je viendray donc à la definition : Ce sont Equivoques de la prononciation des lettres ou nombres à nostre langage, avec l’intelligence, ou subaudition de quelques mots ordinaires, faciles a comprendre, comme sus, sous, dans entre, &c.

Ces deux suyvans font de l’invention du docte Official Langrois, & vont d’ordre.

K. P. C. Q. R.

Cape securum,

N. s. s. i. t. m. i. est ’. h.

En neceßité amy est convenu.

Cestuy-cy est de Maurice Sceue Lyonnois,

1. ’. 9. 7. 1. p. a. 10.

Cest autre a esté fait en la mesıne ville, du moins il equivoque sur son langage ordinaire,

G. C. T. K. C. B. O. Q.

Gé sé té qu’as sé bé au cul.

Cestuy est d’un amoureux cassé sur le garrot,

G. a. c. o. b. i. a. l.

J’ay assez obey à elle,

En voicy un vrayement Picard, & d’invention & de prolation.

ooooo, eeee, sont aaaaa, pons.

Cinq o, quatre e, sont cinq a pons.

C’est à dire.

Cinq coqs chastrez fon : cinq chapons.

Une maistresse qui tenoit une jeune fille en son escole, donnoit contentement ainsi a entendre sa mere, la façon donc elle se gouvernoit ;

Vostre fillette en ses escrits
Recherche trop ses aa.
L met trop d’ancre en son I,
L s trop ses VV ouverts,
Puis son K tourne de trauers
Et couche trop le Q infame,
c’est cela qui gaste son M.
On l’interprete ainsi.
Vostre fillette en ses escrits
Recherche trop les appetits,
Elle mait trop d’antre en son nid,
Es laisse trop ses huis ouverts,
Puis son cas tourne de travers,
Et touche trop le cu infame,
C’est cela qui gaste son ame.

Cestuy est aysé sans interpretation.

Q. k. tu g. le q. k c de q. l. t.

Mangeant des huistres à Tolose prés la bazacle chez Golus, j’apperçeu ce Gascon :

Jou ay vist un homme à caval,
E, C, T, B,
S, C, T, B,
O, B, C, T, B,

C’est à dire,

J’ay veu un homme à cheval,
Et se tiens bien,
S’il se tient bien
Ouy bien il tient bien.

Quiconque soit l’autheur des Priapeies, qui sont à la fin de Virgile, il en a fait un de ceste façon, qui tesmoigne que les Romains prononçoient les lettres de leur Alphabet à nostre façon, pé, té ;

Quum loquor una mihi peccatur litera. nam T.
P. dico semper, blesaque lingua mea est.

Car il s’interprete ainsi, nam te Prædico semper : qui est le vice ordinaire de ceste nation comme tesmoigne l’Apostre, Epist. ad Rom. c. i.

Quelques uns en ont fait de chiffres seuls, comme ce dicton qui est assez sale ; mais à faute d’autre, si le faut-il boire, encor qu’il sorte du creu de Messer Merdachio :

Chiez à vos 13.
Et soyez à 6.
Fol est qui ne 16.
À vous je le 10.

Vos 13, quasi vostre aise ; à six, assis : ne seize, s’aise ; dix, dit.

Tous ces autres sont par noms sur-entendus comme

O ; cur, tua, te
B, bis, bia, abit,

Il ne faut sinon adjouster super entre la premiere & derniere ligne, il y aura, O super b, cur super-bis, tua superbia, te super abit.

Messire Jean Bernel me cuida faire qui nault sur cestuy-cy.

missos.
Juppi, juppi, juppi, asalo cabit-tra,
Jupiter submissos locabit inter astra.

Le conte est vulgaire, que rapporte Jacques Peletier en son livre des Comtes advantureux, publiez sous le nom de Bonavature des Periers, d’un Abbé, lequel on sollicitoit de resigner son Abbaye, qui fit response : Il y a trente ans que je suis à apprendre les deux premieres lettres de l’Alphabet A, B, je veux encor autant de temps pour dire les deux suivantes, qui sont C, D. Par A, B, il entendoit Abbé, & par C, D, il entendoit Cede, mot Latin, qui signifie quitter la place.

Ces François sont de mesme invention.

Vent, vient, pire, veni,
À qui d’amour le cœur bien :

Autre,

si pire
vent, vent
j’ay dont.

Item,

pir. vent, venir.
un Vient d’un.

Il ne faut à tous les susdits mots adjouster sinon la conjonction sous, comme à qui souvent d’amour souvient, &c. Et ces autres qui souvent, se doivent commencer à la premiere ligne, adjoustant ces mots sus & sous.

Tropventbien
tilssontpris,

Trop subtils font souvent bien surpris.

Het,entient
lepens,le

Le souhait en suspens le cœur soustient.

Ces suivans sont de mesme sinon qu’il faut regarder des lettres qui sont dedans de plus grandes, comme

avec L.

G dans c, r dans c, q sur q, avec L.

G a p pour
d tenter mes aa

G grand a petit, d sous p, pour sus tenter mes a petits.

J’ay grand appetit de soupper pour substenter mes appetits.

Je trouve celuy-cy fort ingenieux,

Son, t, l, te pour nir son :

L apres t, son devant, pour, entretenir, son derriere.

T-i-u. p ny as, r gi-e. si i-tu.

i entre tu, ny entre pasn gi entre re, si tu y entre.

L’Idolatre d’une Pissedelie, pour faire parade de son fidele amour, fut long-temps à matagraliser en sa contemplation ce beau Rebus.

comme ay. s. me jusques

Deux cœurs en un & s’entre-aymer, jusques à la fin, commne au commencement.

Il portoit aussi en sa devise,

G, le cœur a, b, c.

Pour dire, j’ay le cœur abbaissé, mais son cousin, au lieu du cœur qu’il effaça, y peignit le Dieu des jardins.

Je n’approuve pas que l’on entre-mesle des peintures de quelque chose que ce soit, avec des lettres, notes, & chiffres ; car cela est goffe le possible, & n’y a rien surquoy on ne rencontrait : Comme ce badin suivant,

p
comme
Il faut dix né comme souspé

Voylà pourquoy, je n’en ay choisi aucunes exemples.

Il n’y a que le cœur qui en faveur des loyaux amans s’est donné la vogue & qui partant pourra estre receu avec le Q, & le Dieu des Jardins. Et comme la mort est en horreur naturelle & assez cognuë, j’accorde que l’on la mette principalement és cimetieres & Epitaphes, comme aux cordeliers de Dole.

m, en dé, quat en dé : qui fait en le prononçant Amendez-vous, qu’attendez-vous la mort.

Et celuy-cy au cloistre de sainct Mommez à Langres, fait sur un chantre :

C’est à dire, Mort la mis la mort.

Puis que de la mort nous sommes tombez sur la musique, je mettray en c’est endroit ceste chanson, faite contre un jeune sot glorieux laquelle fut chantée si gaillardememt en sa presence, qu’il la trouvoit bien faicte, que les rimes n’estoient pas accomplies.

Hola monsieur vous eftes.

La mi fa re sol ut.
L’ami fat resolu.
Entre les plus honnestes
Cela est trop cognu.
Dites luy sa maistresse,

Vous mi la re la sol mi larrez la sot.

Vous & vostre detresse.

Je cognois en un mot.

De vous. Ut sol remis ! un sot remis

Que n’estes en martire
Plus prudent à demy

Ensuyt un Epitaphe d’un Maistre Chantre nommé Noël le Sueur, que luy a basty fort ingenieusemnent le gentil Official Langrois : car en iceluy sont comprises toutes les notes de musique.

Dies 18. Maii ut natalitius sic fatalis fuit 1573. Natali sudorio a ingenti, moribus & voce b.

Musici, Hic posi 72. annorum a cuti b graui,

c : vita ompleti nos b

e spacia. d lineis.

exigua superstites e pausa.

fsüspiriis

g le misuspiriis,

cantum virum desiderans reli h longas ;
quit opera in choro
huius templi, eo quo sestum diem
sanctorum Geruasii on Protasii
fundauerat Dei feruitio impendit,

i

faxit Deus ut misericordia largitiones sentiat. maxima,

K r ; hostibus K fusique :

l que I breves semibreves minimasque.

pennas sustineat atque

m purgatorii loco libes m balse

ratus continuo precum nostrarum

carumque frequenti tener


adiutus repetitione

cælum conscendens p superius

habitet, divinæ majestatis cum Angelis laudes decanturus.

Amen. q fine fine

Celuy que tu vois est entre cousu de toute les façons susdites.

a, h, t, 2, p. P.

10, pour avec une a. b. s. l. 20. &, &, q. l.

ta, s. on r-d-e-en p, a 10.

Un gros a, b, remply d’a petit, dix fol ut, a acheté deux per dix pour sous p, avec une a, b, s, elle vingt & sous pa & q, elle ta, ese la fa son d’entre re, en par a dix.

L’on fit ce suivant d’un bon garçon verolé,

Ba-pour se-tre une fois il en a,
l e,

Pour s’entre-battre une fois sus elle, il en a sué.

las, frir,
Te-pour-nir, maints font a,
mis

Pour entretenir soulas maints font submis à souffrir. C’est pourquoy respondit Jaquemardus de barquenoto.

Pri-bonne-se pren fait bon dre.

Bonne entreprise fait bon entreprendre.

Si je voulois icy adjouster tous ceux qu’on m’a donné, ce ne seroit jamais fait : parquoy je finiray sur ce vieil rondeau de Molinet, ancien Poëte du Duc Philippe de Bourgongne :

riant fut n’agueres
Enpris
t-D’une oaffectee.
u-tile-s
espoirhaytee
Quevent
ay

d.
Mais fut quand pr-famour-le.

ris
Car jappen ses mignards
que

traicts
Estoient d’amour a.


riant
en

L’œil
Escus deelle a pris
moy

maniere ruzee
te-me-nant

Et quand je veux e-faire-e
elle

que  rian
Me dit to-i-us mal apris. en

Encor que l’interpretation en soit aysée, si la mettray je pro junioribus.

En sousriant fus n’agueres surpris
D’une subtile entre tous affettée
Que sous espoir ay souvent souhaitee,
Mais fus deceu quand l’amour entrepris,
Car j’apperçeus que ses mignards sousris,
Estoient soufsraits d’amour mal asseurée,
En sousriant.
Escus soleil dessus moy elle a pris,
M’entretenant sous maniere rusee.
Et quand je veux fus elle faire entree,
Me dit que suis entre tous mal apris.
En sousriant,

Ne reste plus que ce Rebus pris des termes ordinaires dont les trique-traqueurs ont accoustumé d’user specialement quand ils joüent à la renette ce beau jeu de patience.

malade sont
 allees de nuict


avec devers
lan  les


demander pour
leurs  mettre


esperans par ce mais pour
moyen devenir  ce faire il en


faudroit
à chacune.

Deux cinq signifient qui nes ; deux trois ternes, deux quatre carmes, deux as ambesas quasi embesace, deux dix seines.