Les Chiens de garde/VI. Défense de l’homme

La bibliothèque libre.
Maspero (p. 115-137).


VI

DÉFENSE DE L’HOMME


C’est ainsi que s’est réalisé un type d’hommes qui tout en étudiant la philosophie sont de garde la nuit un fusil à la main, qui discutent les problèmes les plus hauts et une heure après coupent du bois, qui travaillent dans les bibliothèques et qui travaillent dans les usines.
N. BOUKHARINE.
La théorie du matérialisme historique (Introduction).

Parmi les innombrables problèmes qui s’offrent d’eux-mêmes, choisir ceux dont la solution intéresse l’homme, c’est là le mérite de la sagesse

KANT,
Rêves d’un visionnaire, 1766


Il y a présentement ce qu’on appelle une crise dans le monde. C’est comme un de ces grands événements épidémiques qui survenaient au Moyen Âge et qui traversaient les pays. Et tous les hommes connaissaient la peur.

Cette crise est arrivée au moment même où le monde se sentait de nouveau prospère et confiant, sans avoir été présagée par ces comètes en forme de flamme ou d’épée que savaient voir les astrologues. Il n’y a pas eu de signes ni d’annonciations au milieu de la nature : cet événement ne concerne que les hommes, leurs machines, leurs marchandises, leurs monnaies, leurs États et leurs idées. Nous sommes arrivés au temps où les hommes sont définitivement seuls entre eux sur la terre, et les signes naturels ne se forment plus pour les avertir comme au temps de la mort de César.

Toutes les fourmis de l’esprit commencent à se mettre en mouvement, réveillées par des coups sévères qui bouleversent les couloirs propres et polis où elles avaient accoutumé de monter et de descendre avec leurs petits fardeaux de pensées. Les penseurs, les politiques, les professeurs d’économie, les diplomates, les banquiers, et ceux que les flatteurs nomment capitaines d’industrie s’assemblent et ils découvrent que tout ne va pas dans le monde comme le voudrait l’ordre des nations et comme l’exige le profit. À la place longtemps assurée de l’ordre, à la place de ce repos où respirent également les sociétés et les personnes, ils s’aperçoivent de l’entrée du désordre, de l’arrivée des catastrophes. Cette anarchie visible est une inquiétude pour leur avenir et un scandale au regard de leur raison.

Les stocks de marchandises restent entassés dans les coins comme des tas de cailloux. On jette les sacs de café à la mer. Le blé flambe dans le foyer des chaudières. Les élévateurs du Pool canadien se dressent aussi vainement que les pyramides de Gizeh. Les prix du bushel de grain tombent comme des pierres. Des groupes de chômeurs traînent le long de Michigan Avenue. Des bandes de fermiers ruinés montent au pillage des magasins de comestibles dans les petites villes endormies du Middle West. La police charge les sans-travail de Tokio. La police attend avec des mitrailleuses et des gaz les grévistes noirs de Pennsylvanie. Des équipes armées se fusillent à l’angle des rues allemandes. L’or se gonfle comme les humeurs d’un abcès dans les réservoirs américains et français. Les gardes mobiles cabrent leurs chevaux devant les barricades des Longues Haies. Les policiers entassent dans leurs camions les chômeurs qui assombrissaient l’esplanade des Invalides. Les banques s’effondrent comme des quilles. Les foules de l’Inde trouvent à redire à la puissance de l’Empire et aux matraques de ses policiers. Les chiffres de vente des magasins de luxe baissent comme le nombre des automobiles américaines. Les paysans d’Andalousie tiennent la terre sous le feu des avions socialistes. Des milliers d’hommes se battent à Glasgow. Les marins de la flotte de l’Atlantique chantent le Drapeau Rouge. Il y a des promesses de révolte sur plusieurs points inquiétants de la terre. Les foules annamites endureront-elles longtemps les assassins payés par la Démocratie ? Des conciliabules inutiles se tiennent entre les envoyés des nations. Les obus japonais incendient les villages chinois. Quelques-uns commencent à trouver séduisant le visage de la guerre. Les fabricants d’armes prennent des commandes.

Dans cette atmosphère de maladie, des hommes réfléchis, de ces hommes qui commandent essayent de retrouver cette ancienne santé et leur ancien confort et cette ancienne assurance du lendemain qu’ils nommaient civilisation de l’Occident. Ils font des livres et des rapports, ils prononcent des sermons, ils convoquent des conférences et des parlements et ils expliquent presque tout ce qui se passe par diverses folies guérissables et par diverses opinions fausses et redressables des hommes. Ils pensent qu’à l’orgueil doit succéder la modestie, à la dépense l’économie. Le désordre a renversé la sérénité et la sûreté des pouvoirs spirituels. Les pouvoirs recherchent ce bien-être perdu.

Toute cette inquiétude prend divers visages accordés aux nations. Elle a un visage qui veut encore se composer dans ce pays longtemps privilégié où nous sommes entre l’Atlantique, la Méditerranée et le Rhin. Les interrogations qui y sont énoncées ne traduisent pas encore ce qui est nommé le désespoir. Comment désespérer d’un pays qui possède tant d’or, de propriétaires, de sagesse cartésienne, de vertus casanières, de livrets de caisse d’Épargne, de canons, de soldats ?

Les plus hardis pensent simplement que le monde est en proie à une maladie. Seulement à une maladie. Cette fièvre finira bien par tomber et ensuite reviendront la convalescence et la force et la belle ordonnance de la santé. Partout s’étale encore l’espoir de cette guérison et cette assurance qu’il ne se peut point que le mal soit définitif, que le monde dont on a l’habitude finisse de cette façon-là. Il suffit de durer, de s’arranger prudemment pour vivre ce mauvais moment de l’histoire : et ceux qui dureront auront leur récompense. Ne pas mourir avant le mouvement du progrès, ne pas faire faillite, ne pas perdre confiance dans les anciennes idées qui faisaient bon usage, qui étaient taillées dans des étoffes comme on n’en fait plus.

Personne ne veut croire encore les voix désagréables de ceux qui disent que ce monde commence à mourir de sa vilaine mort, que sa condamnation est déjà décidée quelque part. Les Français encouragés par les derniers vestiges de leur prospérité se tournent vers leur ancienne puissance, vers la solidité de leur jeunesse et ils n’imaginent pas que les provinces françaises puissent finir comme les royaumes d’Alexandre, que tout cela puisse finir ainsi, quand il y a eu Montaigne, et Descartes et Voltaire et le maréchal Foch et Bergson et les campagnes du Val de Loire, les cathédrales, les palais, les paysans, les vignerons, et la cuisine des provinces. C’est encore un de ces malaises de croissance que les siècles d’autrefois connaissaient : il ne faut qu’un bon régime. Tous ces artisans, tous ces petits bourgeois, ces petits propriétaires, ces petits fonctionnaires, ces professeurs, ces avocats, ces pharmaciens, tous ces petits commerçants, ces francs-maçons, ces petits contribuables, tous ces gagne-petit ne voient point que leur France est déjà entrée dans le grand jeu dangereux que le monde joue dans la dernière partie de la dernière période de l’histoire bourgeoise. Et ils ne sont pas encore enfoncés dans l’angoisse.

On rencontre bien ici ou là tel ou tel homme qui exprime sa peur : après tout la France peut mourir. C’est comme un ennemi embusqué derrière l’espoir et derrière l’assurance. Au moment où le seul passé garantit l’avenir, il arrive que certaines têtes comprennent que cette garantie n’est pas absolument certaine. Cette peur les étonne. Ils ne connaissaient pas la peur, ces gens dont les pères avaient gagné Valmy et qui avaient eux-mêmes gagné la Marne et préservé Verdun. Cette peur n’avait pas été éprouvée dans les véritables crises de croissance du dernier siècle. Mais la vitalité du pays a baissé, et les Français sont moins solides qu’il y a cent ans lorsque leur puissance grandissait comme le jour. Il faut enfin envisager le cas où cette maladie comporterait la mort.

Il y a ici un mouvement tournant de l’entendement : ils s’efforcent de croire que cette maladie n’est pas à l’intérieur d’eux-mêmes, n’est pas un mal engendré par leurs contradictions intimes contre quoi ne prévaudraient pas en effet leurs efforts, leurs régimes, leurs médecins de famille et les vieilles spécialités démocratiques. Ils feignent de croire que la cause du mal soit tout entière externe, et comme une attaque étrangère : un médecin se trouble devant les intoxications externes ; la paralysie générale plaît au psychiatre, non la démence précoce. Les Français pensent ici comme des médecins. Ils estiment que leur maladie est causée par des agents aussi précis que des microbes qui font ce qu’ils peuvent pour l’aggraver, pour en faire la maladie que la mort conclut. Ils se sont faits les accusateurs de ces microbes et ils préparent contre eux leurs canons et leurs navires. Contre le microbe anglais. Le microbe allemand. Le microbe italien. Et principalement, premièrement, le microbe russe. Le microbe du Plan Quinquennal. Le microbe de la collectivisation. Le microbe du Komintern.

En Russie se construit un ordre qui donne à penser aux ingénieurs américains et qui empêche de dormir tranquilles les marchands de pétrole et les vendeurs de blé. Cent soixante millions d’hommes recouvrent la puissance de la santé. Alors il s’agit de gagner du temps contre cette santé de la Révolution qui comporte la mort de la bourgeoisie. Elle est dénoncée comme la cause externe de la maladie de l’Occident.

Ainsi est renversée la vérité de l’histoire. Car la civilisation bourgeoise a eu des ennemis extérieurs parce que son univers contenait les raisons réelles de ses maux. Elle n’est point malade parce qu’elle a des ennemis, mais des ennemis se sont dressés contre sa maladie : il y a des hommes dans le monde qui ont connu qu’il n’était pas question de maladies temporaires, mais d’une anarchie sans remèdes, d’un mal qui est l’issue fatale d’une culture et d’une économie, le commencement du déclin. Une civilisation étouffée par les contradictions qu’elle-même engendre, victime de ses propres poisons, a commencé à mourir et s’est suscité comme ennemis tous ceux qui ne consentaient pas à la suivre dans sa fin. C’étaient ceux-là mêmes qui souffraient de sa puissance et qui n’avaient jamais partagé sa bonne santé. Tout le drame se joue entre la bourgeoisie et le prolétariat. Entre l’impérialisme et la révolution.

Mais la bourgeoisie veut détruire les causes extérieures apparentes de son mal et croit qu’elle pourra se remettre avec les anciens remèdes et le renfort de quelques remèdes nouveaux sans abandonner le monde auquel elle tient et qu’elle a fait. Cette défense comportera promptement une division du travail : il appartient aux politiques d’abattre la Révolution et aux penseurs de produire des remèdes, de fabriquer des recettes, qui inspireront confiance à la bourgeoisie et persuaderont aux forces mêmes de la Révolution de rester liées aux destins bourgeois.

Que font ici cependant les hommes qui ont pour profession de parler au nom de l’Intelligence et de l’Esprit ? Que font ici les penseurs de métier au milieu de ces ébranlements ?

Ils gardent encore leur silence. Ils n’avertissent pas. Ils ne dénoncent pas. Ils ne sont pas transformés. Ils ne sont pas retournés. L’écart entre leur pensée et l’univers en proie aux catastrophes grandit chaque semaine, chaque jour, et ils ne sont pas alertés. Et ils n’alertent pas. L’écart entre leurs promesses et la situation des hommes est plus scandaleux qu’il ne fut jamais. Et ils ne bougent point. Ils restent du même côté de la barrière. Ils tiennent les mêmes assemblées, publient les mêmes livres. Tous ceux qui avaient la simplicité d’attendre leurs paroles commencent à se révolter, ou à rire. Sans doute un petit nombre parmi les sages cherchent pour la défense et l’affermissement du monde condamné qu’ils aiment, des voies nouvelles. Mais pendant un temps dont il est encore impossible de prévoir la longueur, de vieilles idées suffiront. Il faudra peut-être des années aux philosophes pour s’apercevoir vraiment que dans la France comme dans le reste du monde, une certaine économie, une certaine politique, une certaine civilisation sont en train de mourir, et qu’il faut qu’elles meurent pour que les hommes partent sur une nouvelle voie, et alors tout le monde saura que, pas plus que les thaumaturges politiques, que les faiseurs de miracles financiers, ne la sauveront les rebouteux philosophes.

La philosophie de l’Université en France a une histoire qui n’est point celle d’un conflit abstrait entre la Raison et l’anti-Raison, comme M. Parodi essaye de le faire croire dans ce drame en plusieurs tableaux qu’est « la Philosophie Contemporaine en France ».

On pourrait sans doute prendre la philosophie bourgeoise à ses débuts et refaire une histoire de ses Idées avec les causes qui les mirent en mouvement. Et il faudrait remettre la philosophie en perspective, comme M. Brunschvicg l’a fait du point de vue de la bourgeoisie ; il faudrait constituer patiemment une antihistoire de la Philosophie.

Il suffit de dire que la philosophie contemporaine date de peu. La crise de dépression de soixante et onze, l’horreur engendrée par la Commune, l’affaire Dreyfus, la guerre de mil neuf cent quatorze, marquèrent les étapes apparentes de la méditation française. Elle est l’aventure spirituelle du bourgeois menacé et inquiet sur sa droite et sur sa gauche, puis affermi, puis confiant dans la solidité de sa cause, l’avenir de sa destinée et la valeur de sa mission. Une philosophie commencée dans l’air de défaite de Sedan est couronnée par les commentaires que l’Université consacre à la victoire de la Marne et à la paix de Versailles. Dans l’univers de la Philosophie, l’élévation temporelle du président Masaryk traduisit le pouvoir spirituel de la philosophie bourgeoise.

Nous allons connaître des temps où cette grande Raison qui trouva dans Descartes et dans Kant ses titres et ses quartiers, qui établit les justifications rationnelles des propriétés mentales du citoyen et du bourgeois sera mise en déroute par des inquiétudes nouvelles. Elle ne suffira plus ni aux besoins spirituels des bourgeois perdus dans le monde qu’ils ont construit, ni aux besoins temporels de leur classe menacée par la révolution. Une classe ne consent pas à mourir sans faire appel à toutes ses ressources : il se produira des philosophies, il y aura de beaux jours pour les fabricants d’idées ; entre les cathartiques du néant et les exigences de l’ordre, on se demande ce que deviendront les idylles de la philosophie des Droits de l’Homme et les mystifications du Progrès. La philosophie présentement enseignée dans les Établissements de l’État ne paraîtra pas éternellement suffisante : ses traditions démocratiques, un certain air de libéralisme, de générosité et de bonne foi ne fourniront pas à la bourgeoisie attaquée les mots d’ordre, les mythes et les thèmes de propagande nécessaires à sa dernière défense et à sa dernière affirmation. Les vieux voiles paraîtront trop minces et d’un trop subtil dessin.

Mais cette philosophie aura justement alors accompli la tâche pour laquelle elle était édifiée, maintenir un voile de confiance, d’espoir dans les puissances de l’esprit, capable de tromper ceux-là mêmes de qui l’avenir exige la mort de la civilisation présente. Elle est un système d’illusions que l’histoire du siècle a formé et qui nie que ce monde puisse mourir.

Quand l’heure sera venue de désespérer de l’antique Raison, la Philosophie renoncera sans doute à ces promesses démocratiques, à ces tâches de direction, de dévouement qu’elle prétendit s’assigner. Des philosophies ouvertement réactionnaires affirmeront les exigences matérielles de la domination bourgeoise. Il y aura un établissement du fascisme dans la philosophie : des Gentile français naîtront. Les défenses bourgeoises perdront l’hypocrisie dont elles s’enveloppent encore. Alors, pour la première fois, la philosophie bourgeoise reprendra contact avec l’univers des combats, avec les destins terrestres. À cette heure encore se multiplieront les sagesses déjà annoncées par plusieurs signes : des penseurs inventeront pour les bourgeois inquiets qui ne seront pas sur la ligne de bataille des sagesses de la vie intérieure. Ils s’enfonceront dans les replis de la personne. Les justifications céderont le pas aux refuges et aux fuites. Les bourgeois ne tromperont plus.

Peut-être n’auront-ils même pas le loisir de ces inventions. Les événements marchent déjà à un pas que ces nains auront peine à suivre. Peut-être n’y aura-t-il aucun passage d’idées entre les philosophies présentes qui ne suffiront plus et la réalité de la violence civile. La bourgeoisie n’aura peut-être pas le temps de faire appel à ses clercs : elle se tournera soudain vers ses soldats et vers leurs armes. Il y aura la débandade des idées, puis les prisons et les balles. Va-t-il falloir attendre en se croisant les bras ce dernier moment proche ou tardif encore où se dissoudront sans espoir de renaissance la pensée, la culture bourgeoises elles-mêmes, où elles seront complètement désespérées ? Va-t-il falloir attendre que les hommes se trouvent complètement nus, complètement désarmés devant l’aggravation de leur destin, au point qu’ils n’aient plus rien à faire qu’à se laisser mourir, qu’à accepter les coups ? Il faudra d’ici là, patiemment si nous avons le loisir cruel de la patience, sinon, tout le temps qui nous restera, il faudra les préparer à ces menaces. Il faudra bien leur donner les armes que la bourgeoisie leur refuse, et les moyens d’y voir clair, et les moyens de savoir que les catastrophes bourgeoises annonceront la venue de leur heure, et les moyens de savoir où ils iront alors et comment ils iront. Il faudra bien les mettre en position de résister aux derniers assauts bourgeois.

Sans doute, nous sentons bien que notre colère et que notre impatience et que la vision de notre avenir ne se traduisent en mots et ne se déguisent sous des feuilles d’impression que faute de mieux. Sans doute nous serait-il plus précieux d’abattre que de réfuter, de nous battre que de persuader, de combattre que de gagner des combattants futurs, nous connaîtrions une joie plus vaste et plus virile de nous asseoir dans nos maisons un soir de victoire que d’avoir travaillé la matière du langage. Le vent de cette victoire soulèverait toute la poussière de nos réfutations et nous délivrerait de nos tas de discours et de nos tas de livres et nous nettoierait de notre rhétorique. Mais l’heure n’est pas encore venue, il n’est pas encore temps. La puissance et l’effusion de cette victoire, le moment de cette victoire, il nous faut les préparer et les nourrir patiemment et sordidement. Qu’il faut d’épures, de dessins bleus, de marchandages, de rendez-vous, de discussions, de persuasions et de contacts avant de voir le premier train d’une ligne nouvellement ouverte franchir un pont nouvellement lancé. Que de problèmes, que de plans, avant le moindre achèvement humain !

Nous devons aujourd’hui savoir qu’il n’est pas de tâche trop basse si de loin seulement, elle est capable d’apporter un atome d’espoir à la victoire qui viendra. Aucune dénonciation n’est inutile : tout est à dénoncer. Ayons cette patience des tâches humiliantes. Elles mériteront un juste oubli le jour où sera pris le pouvoir pour lequel se sera déroulée la lutte. Voici ce que dit le révolutionnaire :

« Aujourd’hui nous travaillons à la machine à écrire, mais nous devons savoir que demain, cette machine peut se changer en mitrailleuse. Aujourd’hui nous sommes les soldats de la plume, demain, ou après-demain, nous combattrons avec le fusil. Mais nous ne devons pas oublier qu’avant ce fusil, nous ne servirons bien la révolution que si, dès aujourd’hui, nous mettons franchement et catégoriquement au service du front révolutionnaire notre arme présente, la plume. »[1]

Marx enseigne ici le secret du courage : le ressort de la patience :

« Il est évident que l’arme de la critique ne saurait remplacer la critique des armes. La force matérielle ne peut être abattue que par la force matérielle, mais la théorie se change elle aussi en force matérielle dès qu’elle pénètre les masses. »[2]

Contre la philosophie présente doit s’élever une nouvelle philosophie chargée de ces travaux modestes et certains. Une philosophie qui ne sera nouvelle que dans ce pays et dans ce temps, une philosophie qui a fait sa preuve. Il n’est pas question d’une invention, d’une création miraculeuses, mais d’un ralliement à la philosophie de Marx et de Lénine.

Voici que nous voyons que les pensées formées par les penseurs sont stériles au regard de l’homme et même qu’elles sont sournoisement, secrètement dirigées contre lui, contre l’avenir qu’il porte. Va-t-il falloir accepter que les pensées formées dans les têtes humaines soient inclinées contre lui ? Allons-nous rester avec les têtes vaines et vides que la bourgeoisie nous donna ? accepter que la philosophie ne soit point tournée au profit des humains ?

La séparation, tragique pour Guéhenno, pour quiconque veut rester fidèle à des dieux antiques et déjà embaumés et ne point trahir pourtant les espoirs qui les nient, entre ceux qui font profession de penser et cette grande masse exploitée que nos pères nommaient le Peuple avec un mélange de familiarité, de hauteur et d’espoir et que nous devons saluer désormais de son nom de Prolétariat, cette séparation se retrouve entre la pensée et le monde. Un univers d’idées qui n’est rien qu’un univers immatériel du discours s’est formé, et il n’a aucune communication apparente avec le monde terrestre où les corps se pourrissent. Il arrive que des hommes soient reçus dans la société des faiseurs de discours raisonnables, sans avoir eu le temps ni l’occasion de se détacher du monde de la vie et de la mort ; ils aperçoivent le vide de cette Philosophie et ils ne trouvent pas que ses idées soient applicables aux réalités sévères de ce monde où ils ont encore pied. Ils voient qu’elles ont pour effet de faire croire qu’il ne compte point, qu’il n’existe même point, pour effet de détourner l’homme de sa terre et de ses combats. Ils cherchent des idées qui soient efficaces en vue de l’accomplissement des hommes. Marx a décrit dans les Lettres à Ruge une révolution de la honte, que nous connûmes, mais il est temps de décrire aussi une révolution du vide. Après avoir connu le vide et la honte qui sont les lois spirituelles de ce temps, et l’abaissement étalé sur toute la terre, ils nient les nuées des légendes philosophiques. Toute poursuite d’une volonté nouvelle débute par une dénégation générale. Il en a toujours été ainsi ; chaque fois qu’un type d’existence sociale, avec tous ses gréments spirituels a penché vers son déclin, des hommes attirés par les forces de l’avenir ont entrepris cette dénonciation. Les héros mêmes de la pensée bourgeoise montrent ce chemin. Ces hommes iconoclastes ont su ce qu’ils pouvaient attendre des défenseurs des temps condamnés contre le maintien desquels ils s’élevaient. Ils ne servaient point les États, ils ne respectaient pas les biens, ils étaient contre le plus grand nombre de leurs contemporains. À la veille de la révolution bourgeoise, Diderot disait d’eux :

« Je sais bien que c’est une race d’hommes odieuse aux grands devant lesquels ils ne fléchissent pas le genou, aux magistrats protecteurs par état des préjugés qu’ils poursuivent ; aux prêtres qui les voient rarement au pied de leurs autels ; aux poètes, gens sans principes et qui regardent sottement la philosophie comme la cognée des beaux-arts, sans compter que ceux mêmes d’entre eux qui se sont exercés dans le genre odieux de la satire n’ont été que des flatteurs ; aux peuples de tout temps les esclaves des tyrans qui les oppriment, de fripons qui les trompent et des bouffons qui les amusent. »[3]

Les philosophes présents n’ont aucune raison de faire ce travail, aucune raison d’être pris en haine par les magistrats et les grands, ils n’ont aucun motif de renoncer à leur abstention et à leur orgueil. Rien ne les rapproche des hommes qui demandent une nouvelle philosophie efficace. Aucun drame ne les fait douter de la validité de leurs vieilles pensées. Platon dit qu’il faut infiniment de circonstances heureuses pour former le philosophe, il dit encore que le redressement des pensées est dur pour ceux qui ont été élevés dans l’esclavage depuis leur naissance : aucune heureuse chance n’a arraché M. Brunschvicg à l’esclavage spirituel auquel il s’est docilement soumis. Je doute qu’il soit temps encore.[4]

Mais pour de nouveaux venus, il est possible de donner à la Philosophie une nouvelle destinée. Ils peuvent détruire les anciennes idées pourvu qu’ils le veuillent seulement avec force et patience. Qu’ils sachent d’abord ce qui est mortel et ce qui vivra. La dénonciation des illusions philosophiques qui cachent leur position réelle aux enfants des Français de l’école laïque à l’Université, est un travail immédiatement utile.

Une classe d’hommes victime de la décrépitude du monde bourgeois comme elle fut victime de sa grandeur se dirige vers un monde qui comporte la ruine du monde présent. Tous les hommes qui ne consentent pas à mourir, qui ne veulent pas êtres complices, tous ceux qui n’acceptent ni le vide, ni la honte, se mettent dans l’ombre du prolétariat.

Marx a prononcé des paroles qui ont été entendues, parce que le prolétariat attendait qu’elles fussent dites et les approuvait d’avance. Elles disaient que l’oppression réelle des hommes n’est pas l’opération abstraite d’une Némésis, n’est pas l’effet d’une chute originelle, ou d’un esclavage individuel causé par les passions. La liberté n’est plus une ruse à l’égard du destin, une rédemption, ou cette victoire de la Raison sur les passions qui fut toujours une marque de la pensée bourgeoise. Mais l’oppression est le passé même cimenté par l’histoire, un envahissement par la mémoire morte. La philosophie est alors une action proche de celle du fossoyeur, un ensevelissement et une crémation des hommes morts par les hommes vivants. Le progrès dessiné n’est plus le mouvement abstrait d’une raison anonyme, le pâle reflet des Idées, — mais un progrès qui est une avance réelle, une augmentation qui se manifeste par la nouveauté concrète et non par un passage de concept en concept. Averti de la réelle, de la charnelle servitude humaine, Marx en chercha les causes à l’endroit même où elles étaient. Il les vit au cœur même de la production des marchandises qui était le lieu de toutes les servitudes et de toutes les impuissances. Il ne contemplait pas. Il n’attendait pas les floraisons saisonnières de la Raison. Ce qui le guidait, c’était une volonté passionnée de redresser les fausses positions humaines, et non le souci de demeurer un clerc. Il était radical : il voulait prendre les choses par les racines et non émonder les branches supérieures : ce n’était point un tranquille jardinier.

Quand le philosophe peut voir que son objectif théorique est précisément l’objectif pratique d’une classe d’hommes, que la servitude que lui-même décrit est dénoncée par elle, pourrait-il se satisfaire de si peu que des Idées ?

Il est temps de cesser de définir la vie comme M. Bergson et de vivre réellement dans la mort. Il est désormais impossible de proclamer avec beaucoup de sentiment et de rhétorique qu’on aime les hommes, qu’on travaille pour eux, et en même temps de tolérer qu’ils soient humiliés et écrasés. Il est désormais impossible de tirer des plans en public pour une réalisation abstraite de l’Homme : on veut ou on ne veut pas leur réalisation réelle : ce choix est bien plus radical que toutes les critiques. Si le penseur ne conforme pas sa pensée au travail de cette libération et de cet achèvement et de cette plénitude, son amitié affichée pour les hommes est stérile.

Mais quiconque veut embrasser leur parti n’a pas à exercer de très grandes contraintes : car les hommes ne demandent qu’à être complétés.

Pendant longtemps le jeu de la pensée bourgeoise a gagné ses parties, il a obtenu ces marques de respect, cette confiance, cet espoir dans les clercs ; tout ce qu’elle escomptait. Mais voici que cette confiance est lasse ; voici que cet espoir se déçoit, que ce respect s’éloigne : ceux que la bourgeoisie libérale embrassait du nom de Peuple, trouvent que l’intervention se fait trop longuement attendre. Ils s’étonnent que les clercs ne soient pas efficacement utiles, ne leur donnent pas les moyens de surmonter les dures nécessités où ils sont pris au piège. Rien n’arrive. Toutes les chaînes sont scellées. Quel immense écart entre ce que les clercs promettent et ce qu’ils tiennent. Cet écart met en question toute la destination de la pensée. Cet écart angoisse les hommes les meilleurs.

« La nécessité intrinsèque de ce rapport (la Justice) entraîne son universalité : la violation des garanties du justiciable provoque à travers l’étendue du monde civilisé la même réaction intellectuelle, la même indignation. » Ainsi parlait Léon Brunschvicg.[5]

On pense à l’affaire Dreyfus, on se dit qu’il en est bien ainsi. Mais on reprend ensuite dans sa mémoire le jugement et la mort de Sacco et Vanzetti, on pense aux conditions juridiques dans lesquelles se déroulent en Indochine les procès des révolutionnaires : on est bien contraint de conclure que les limites de la pratique cléricale coïncident avec celles des intérêts de la bourgeoisie. Défendre Dreyfus c’était affirmer la bourgeoisie, défendre Sacco, défendre Tao, au nom de la Justice, c’est travailler contre soi, c’est vouloir se détruire. Si la violation de la Justice atteint un prolétaire, la philosophie ne la sent point. L’homme prolétarien est situé en dehors de la philosophie. Il n’a point de titres réels à l’intérêt de la Philosophie bourgeoise. Il le sait enfin et se dirige vers la Philosophie qui le sert.

La situation qui se propose aux professionnels de la pensée, à ces gens munis des techniques de l’intelligence, est une situation brutale. (Et il faut se tourner ici vers les jeunes hommes qui font un apprentissage de clercs, et non vers ces vieux clercs encore debout par habitude dans leur vieillissement, dans leur mémoire, leur sclérose et leur contentement. Le faux débat entre nos anciens maîtres et nous vient sans doute de ceci que nous n’espérons point les convaincre, mais qu’ils croient reconnaître en nous cet espoir. Il n’importe point de les toucher mais de les vaincre.) Cette situation presse, elle ne peut plus être réservée pour plus ample examen. Elle ne propose que ce choix :

Il est possible de rester attaché à l’attitude cléricale, de mettre au-dessus des exigences sordides et des partialités humaines de la vie, les obligations distinguées et la dignité éminente de l’esprit, de ne point prendre publiquement un parti. Mais cette fidélité à la cléricature, cette fidélité aux choses éternelles est aussi un parti. Elle est justement le parti de la trahison par excellence, de la trahison qui ne sera pas pardonnée. La trahison qui abandonne les hommes à toutes les forces exercées contre eux. Car le salut qui leur est proposé est spirituel, mais les coups qui les atteignent ne le sont pas. Cette fidélité est réellement ce qui dissimule la désertion suprême. Cette fidélité est réellement ce qui interdit à l’entendement, le plus complexe, le plus habile des outils inventés par la technique humaine, d’être mis au service des hommes, d’avoir des fonctions dans leur vie et de les défendre et de leurs expliquer effectivement leur destin. On entend dire d’un homme : il est bon à se tourner les pouces, il ne sait rien faire de ses dix doigts. Voici ce qu’il faut dire du clerc : il est bon à tourner sa logique, il ne sait rien faire de son entendement. Ces pensées ouvrières nous mèneront. La fidélité à l’esprit n’est que le masque de la fidélité à la bourgeoisie, de l’infidélité aux hommes : cet abandon, ce reniement des hommes sont la véritable trahison des clercs autour de quoi les philosophes fantômes échangèrent tant de coups fantômes.

Il est également possible de trahir les devoirs honorables de l’esprit pour embrasser le parti terrestre des hommes. Cette nouvelle sorte de fidélité comporte la trahison à l’égard de la classe qui les asservit, des intérêts qui les écrasent.[6]

La culture de l’intelligence est une arme. La question est de savoir si les bourgeois mettront cette arme dans un coin où elle rouillera, ou bien si elle sera reprise et maniée. Dans les Universités, dans les Écoles, dans les Lycées, des jeunes gens sont en train d’apprendre le maniement académique de cette arme : ne feront-ils point un autre usage de cette connaissance ? À l’heure où la civilisation de leurs pères est exposée au danger final, accepteront-ils de la défendre contre les hommes ? Ou bien trahiront-ils leurs pères ? Ils sont en position de subir les effets de la révolution de la honte, au travers de laquelle s’opère « l’entente de ceux qui pensent et de ceux qui souffrent ».[7]

Ils sont en position d’abandonner le monde de leurs pères à la décrépitude qui l’atteint, d’accélérer sa mort.

Les fonctions authentiques de ce qu’il faut encore, provisoirement, nommer l’esprit, excluent désormais toutes les attitudes du clerc : l’esprit ne sera plus à la fois protecteur en paroles et réellement absent.

Pour les philosophes qui doivent paraître, il n’est plus question de proposer de grands modèles, de donner des conseils du fond de la Sagesse, de guider, de réprimander, de promettre. Il n’est plus question de faire les philanthropes. Et de ne rien risquer. Il n’est pas question de faire quelque chose pour les ouvriers. Mais avec eux. Mais à leur service. D’être une voix parmi leurs voix. Et non la voix de l’Esprit. Il est question d’être utile. Et non de faire l’apôtre. Dans les années que nous vivons, le philosophe sera mis à son rang. Lié aux revendications triviales des hommes vivants, il ne saurait être que le technicien de ces demandes, il ne saurait avoir désormais pour fonction que d’exprimer les volontés à demi obscures, les révoltes obscurément éveillées dans les hommes. Il ne saurait avoir pour mission que de dénoncer toutes les conditions où l’homme n’est pas un homme, de les expliquer, de les établir si fortement que soient éveillés à la conscience de leur propre situation tous ceux qui vivent encore sans la comprendre. Marx disait :

« Nous ne nous présentons pas au monde comme des doctrinaires avec un nouveau principe : Voici la Vérité, agenouille-toi. Nous ne lui disons pas : abandonne la lutte, ce ne sont là que des bêtises. Nous ne faisons pas autre chose que lui montrer pour quels buts il lutte en réalité. Il faut qu’il acquière la conscience de lui-même, même s’il ne le veut pas. »

Toute philosophie propose un type. Les intentions pratiques de chaque philosophie s’incarnent dans un modèle humain. Un objet à imiter. Les philosophies antiques élaborèrent les types divers du Sage. Les philosophies modernes proposèrent celui du Citoyen. Que le Citoyen rejoigne le Sage dans la poussière de l’histoire. Ces types meurent avec le Saint. Avec la dernière invention de la philosophie bourgeoise que propose M. Benda. Le type vers lequel tend le philosophe des exploités est celui du révolutionnaire professionnel décrit par Lénine. Il s’oppose aussi brutalement qu’il se peut au clerc contemplatif établi par la pensée bourgeoise. Il n’est pas encore question pour le philosophe révolutionnaire d’imaginer des valeurs futures. La révolution n’est pas faite. Il ne saurait se proposer qu’un type d’homme qui se dirige vers la révolution mais qui ne l’a point faite. Les penseurs qui se rallient à la révolution ne sont que trop prompts à croire que la Révolution est faite, dès l’instant qu’ils se rallient. Nous ne tomberons pas dans des rêves d’avenir. La tâche de la philosophie est infiniment plus prochaine et plus humble.

Le travail efficace de la philosophie révolutionnaire n’est possible que par une liaison, par une union intimes, par une identification du philosophe et de la classe qui porte la Révolution. Il ne saurait réaliser les dénonciations auxquelles il se sent obligé, affirmer les valeurs humaines vers lesquelles il tend, que par un commerce pratique avec les institutions du prolétariat. Ce n’est pas assez dire que la trahison qui est ici défendue, qui est ici exigée, comporte la fidélité à une classe : il faudra aller jusqu’à dire que le technicien de la philosophie révolutionnaire sera l’homme d’un parti. La moindre assemblée syndicale comporte plus de points d’application de la pensée concrète qui est la véritable philosophie, que l’inauguration d’une statue de philosophe, ou qu’une discussion de sages à l’abbaye de Pontigny.

Pour ce philosophe des serviteurs, plus d’illuminations à prodiguer, de mythes à bâtir, plus de magie. Mais un patient, un modeste travail de dénonciation et d’éclaircissement des conditions inhumaines. Mais l’établissement d’une connaissance réelle, orientée vers les résultats pratiques d’une action. Le philosophe n’est plus que le spécialiste des exigences, des indignations que connaissent les hommes exploités. Il élaborera patiemment les techniques de la libération.

Cet éclaircissement comporte la décadence de toutes les philosophies destinées par la bourgeoisie à affermir son pouvoir et à obscurcir la conscience propre des exploités. Une dénonciation de toutes les illusions, de toutes les perceptions fausses prodiguées aux hommes pour voiler leur servitude conduit à dégager la volonté de renverser les conditions où ces illusions se formèrent.

Dans un monde brutalement divisé en maîtres et en serviteurs, il faut enfin avouer publiquement une alliance longtemps cachée avec les maîtres, ou proclamer le ralliement au parti des serviteurs. Aucune place n’est laissée à l’impartialité des clercs. Il ne reste plus rien que des combats de partisans.

Tout le choix qui se propose est entre deux complicités : complice de la bourgeoisie, complice du prolétariat, le philosophe prendra ouvertement parti. Le temps de la ruse est passé. La seconde complicité comporte la seule fidélité qui compte encore. Qu’elle ne soit point sournoise. Qu’elle ne se masque pas sous les voiles de l’Éternité, de la Raison, de la Justice. Elle sera proclamée. Elle se montrera au grand jour, sans la pudeur antique de la nuit. Plus personne à tromper. Plus personne à séduire. Des coups à recevoir et des coups à porter. Les philosophes d’aujourd’hui rougissent encore d’avouer qu’ils ont trahi les hommes pour la bourgeoisie. Si nous trahissons la bourgeoisie pour les hommes, ne rougissons pas d’avouer que nous sommes des traîtres.

  1. Bela Ilès, Rapport du Secrétariat du Bureau international de la Littérature Révolutionnaire. Kharkov, novembre 1930.
  2. Contribution à la critique de la Philosophie du droit de Hegel, tr. fr. 96.
  3. Jacques le Fataliste.
  4. Cf. note R.
  5. Bulletin de la Société française de Philosophie, 1910.
  6. Cf. note S.
  7. K. MARX, Annales franco-allemandes, 1844. Cette formule traduit encore un certain romantisme. La pratique marxiste le fera promptement disparaître.