Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CCCXXX

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CHAPITRE CCCXXX.


Comment le duc donna congé à toutes ses gens et s’en retourna en la cité de Bordeaux.


Après le conquêt de Montpaon, et que le duc de Lancastre l’eut repourvue de bonnes gens d’armes et de capitaines, ils se délogèrent, et donna le dit duc congé à toutes ses gens, pour retraire chacun en son lieu. Si se départirent les uns des autres, et retournèrent en leurs nations ; et s’en revint le duc en la cité de Bordeaux, et les Poitevins en leur pays ; et les seigneurs de Gascogne s’en r’allèrent en leurs villes et châteaux.

Si se commencèrent les Compagnies à étendre sur le pays, lesquels faisoient moult de maux, aussi bien en terre d’amis comme d’ennemis. Si les soutenoit le dit duc et souffroit à faire leurs aises, pour ce qu’il en pensoit avoir à besogner ; et par espécial les guerres étoient pour le temps de lors plus dures et plus fortes sans comparaison en Poitou que autre part ; et se tenoit une grand’garnison au châtel de Montcontour, à quatre lieues de Thouars, et à six de Poitiers, desquels messire Pierre de la Gresille et Jourdain de Couloingne étoient capitaines et souverains. Si couroient presque tous les jours devant Thouars, ou devant Poitiers, et y faisoient grands contraires ; et moult les ressoingnoient ceux du pays. D’autre part à Châteauleraut se tenoient Kerlouet le Breton et bien cinq cents Bretons qui trop dommageoient le pays ; et ceux de la Roche Posoy et ceux de Saint-Savin couroient aussi presque tous les jours ; et n’osoient les barons et les chevaliers de Poitou, qui Anglois se tenoient, chevaucher, fors en grand’route, pour la doute des François qui étoient enclos en leur pays.