Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CCLXXIII

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CHAPITRE CCLXXIII.


Comment le connétable de France et le connétable de Hainaut mirent sus une chevauchée de gens d’armes pour assaillir Ardre.


En ce temps mirent sus les chevaliers de Picardie une chevauchée de gens d’armes, sur l’intention de chevaucher et aller voir ceux d’Ardre ; de laquelle furent adonc chefs, monseigneur Moreau de Fiennes, connétable de France, et messire Jean de Werchin, sénéchal de Hainaut, par le commandement du roi de France. Si s’assemblèrent en la bonne ville de Saint-Omer ; et étoient bien mille lances, chevaliers et écuyers. Si vinrent ces gens d’armes faire leur monstre par devant la bastide d’Ardre, qui bien étoit garnie et pourvue d’Anglois, et se logèrent pardevant, et donnèrent à entendre que ils leur tiendroient là le siége. Les Anglois qui pour ce temps étoient adonc dedans Ardre n’en furent néant ébahis, mais se ordonnèrent et appareillèrent pour défendre si on les assailloit. Si se ordonnèrent et arroièrent un jour les seigneurs de France et de Hainaut qui là étoient, et se trairent tous sur les champs, en moult frisque et noble arroy, et là étoit grand’beauté de voir les bannières des seigneurs mettre en avant et faire leur monstre. Si assaillit-on ce jour à petit de profit ; car il y en eut des navrés et des blessés, et si n’y conquirent rien. Et me semble, selon ce que je fus adonc informé, que au cinquième jour ils se départirent d’Ardre sans autre exploit, et se retournèrent chacun en son lieu. Ainsi se dérompit cette chevauchée.