Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CCXIX

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Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 523-524).

CHAPITRE CCXIX.


Comment le duc de Lancastre, qui faisoit l’avant-garde, passa les détroits de Navarre, et quels seigneurs il y avoit avecques lui.


Entre Saint-Jean du pied des Ports et la cité de Pampelune sont les détroits des montagnes et les forts passages de Navarre qui sont moult périlleux et très félons à passer, car il y a cent lieux sur ces passages que trente hommes les garderoient à non passer contre tout le monde. Et adonc faisoit moult froid sur ce passage, car ce fut au milieu de février ou environ qu’ils passèrent. Ainçois qu’ils se missent à voie ni se hâtassent de passer, les seigneurs regardèrent et conseillèrent comment ils passeroient ni par quelle ordonnance. Si virent bien, et leur fut dit de ceux qui connoissoient le passage, qu’ils ne pouvoient passer tous ensemble. Et pour ce s’ordonnèrent-ils à passer en trois batailles et par trois jours, le lundi, le mardi et le mercredi. Le lundi passèrent ceux de l’avant-garde desquels le duc de Lancastre étoit capitaine. Si passa en sa compagnie le connétable d’Aquitaine, messire Jean Chandos, qui bien avoit mille deux cents pennons dessous lui, tous parés de ses armes d’argent à sept pels aiguisés de gueules, c’étoit moult belle chose à regarder. Là étoient les deux maréchaux d’Aquitaine aussi, messire Guichard d’Angle et messire Étienne de Cousentonne, et avoient ceux le pennon Saint-George en leur compagnie. Là étoient en l’avant-garde avec le dit duc : messire Guillaume de Beauchamp fils au comte de Warvick, messire Hugues de Hastingues, le sire de Neufville, le sire de Rais, Breton, qui servoit messire Jean Chandos à trente lances en ce voyage et à ses frais pour la prise de la bataille d’Auray. Là étoient : le sire d’Aubeterre, messire Garsis du Châtel, messire Richard Canton, messire Robert Ceni, messire Robert Briquet, Jean Cresuelle, Aymery de Rochechouart, Gaillard de la Motte, Guillaume de Clayton, Willebolz le Bouteiller et Pennenel ; et tous ceux étoient à pennons et dessous messire Jean Chandos ; et pouvoient être environ dix mille chevaux ; et passèrent tous le lundi.