Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CXXXII

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Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 433-437).

CHAPITRE CXXXII.


Ci s’ensuit la chartre de l’ordonnance de la paix faite entre le roi d’Angleterre et ses alliés, et le roi de France et les siens[1].


Édouard, par la grâce de Dieu roi d’Angleterre, seigneur d’Irlande et d’Aquitaine, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Savoir faisons que comme pour les dissencions, débats, discords et estrifs mus et espérés à mouvoir entre nous et notre très cher frère le roi de France, certains traiteurs et procureurs de nous et de notre très cher fils ains-né Édouard, prince de Galles, ayans à ce suffisant pouvoir et autorité pour nous et pour lui et notre royaume d’une part, et certains autres traiteurs et procureurs de notre dit frère et de notre très cher neveu Charles, duc de Normandie, Dauphin de Vienne, fils ains-né de notre dit frère de France, ayant pouvoir et autorité de son père en cette partie, pour son dit père et pour lui, soient assemblés à Bretigny près de Chartres, auquel lieu est traité, parlé et accordé finable paix et concorde des traiteurs et procureurs de l’une partie et de l’autre sur les dissencions, débats, guerres et discords, devant dits ; lesquels traités et paix les procureurs de nous et de notre dit fils, pour nous et pour lui, et les procureurs de notre dit frère et de notre dit neveu, pour son père et pour lui, jureront sur saintes Évangiles tenir, garder et accomplir ce dit traité, et aussi le jurerons, et notre dit fils aussi, ainsi comme ci-dessus est dit et que il s’en suivra au dit traité.

Parmi lequel accord, entre les autres choses, notre dit frère de France et son fils devant dits sont tenus et ont promis de bailler et délaisser et délivrer à nous, nos hoirs et successeurs à toujours, les comtés, cités, villes et châteaux, forteresses, terres, îles, rentes, revenues, et autres choses qui s’ensuivent, avec ce que nous tenons en Guyenne et en Gascogne, à tenir et possesser perpétuellement à nous, à nos hoirs et à nos successeurs, ce qui est en demaine en demaine, et ce qui est en fief en fief, et par le temps et manière ci-après éclaircis. C’est à savoir : la cité, le châtel et la comté de Poitiers et toute la terre et le pays de Poitou, ensemble le fief de Touars et la terre de Belleville ; la cité et le château de Saintes, et toute la terre et le pays de Xaintonge pardeçà et pardelà la Charente, avec la ville, châtel et forteresse de la Rochelle et leurs appartenances et appendances ; la cité et le châtel d’Agen, et la terre et le pays d’Agénois ; la cité, la ville et le château et toute la terre de Pierregort, et la terre et le pays de Pierreguis ; la cité et le château de Limoges, et la terre et le pays de Limozin ; la cité et le châtel de Caors, et la terre et le pays de Caoursin ; la cité, le châtel et le pays de Tarbe, et la terre et le pays et la comté de Bigorre ; la comté, la terre et le pays de Gaure ; la cité et le château d’Angoulême, la comté, la terre et le pays d’Angoulémoîs ; la cité, la ville et le châtel de Rodais ; la comté, la terre et le pays de Rouergue. Et si il y a, en la duché d’Aquitaine, aucuns seigneurs, comme le comte de Foix, le comte d’Ermignac, le comte de Lille, le vicomte de Carmaing, le comte de Pierregort, le vicomte de Limoges, ou autres qui tiennent aucunes terres ou lieux dedans les mettes des dits lieux, ils en feront hommage à nous, et tous autres services et devoirs dus à cause de leurs terres et lieux, en la manière qu’ils les ont faits du temps passé, jà soit-ce que nous ou aucuns des rois d’Angleterre anciennement n’y ayons rien eu. En après, la vicomté de Monstereuil sur la mer, en la manière que du temps passé aucuns des rois d’Angleterre l’ont tenue. Et si, en la dite terre de Monstereuil, ont été aucuns débats du partage de la dite terre, notre frère de France nous a promis qu’il le nous fera éclaircir le plus hâtivement qu’il pourra, lui revenu en France ; la comté de Ponthieu tout entièrement, excepté et sauf que si aucunes choses ont été aliénées par les rois d’Angleterre qui ont régné pour le temps et ont tenu anciennement la dite comté et appartenances, à autres personnes que aux rois de France, notre dit frère et ses successeurs ne seront pas tenus de la rendre à nous. Et si les dites aliénations ont été faites aux rois de France qui ont été pour le temps, sans aucun moyen, et notre dit frère les tienne à présent en sa main, il les laissera à nous entièrement ; excepté que si les rois de France les ont eues par échange à autres terres, nous délivrerons ce qu’il en a eu par échange, ou nous laisserons à notre dit frère les choses ainsi aliénées. Mais si les rois d’Angleterre qui ont été pour le temps de lors en avoient aliéné ou transporté aucunes choses en autres personnes que ès rois de France, et depuis ils soient venus ès mains de notre dit frère, espoir par partage, notre dit frère ne sera pas tenu de les nous rendre. Et aussi, si les choses dessus dites doivent hommage, notre dit frère les baillera à autres qui en feront hommage à nous et à nos successeurs ; et si les dites choses ne doivent hommage, il nous baillera un teneur qui nous en fera les devoirs, dedans un an prochain après ce que notre dit frère sera parti de Calais. Item le châtel et la ville de Calais ; le château, la ville et la seigneurie de Merk ; les villes, châteaux et seigneuries de Sangates, Coulongnes, Hames, Valle et Oye, avec terres, bois, marais, rivières, rentes, seigneuries, advoesons d’églises, et toutes autres appartenances et lieux entre-gissans dedans les mettes et bondes qui s’en suivent. C’est à savoir, de Calais jusques au fil de la rivière pardevant Gravelines, et aussi par le fil de même de la rivière tout entour Langle ; et aussi par la rivière qui va pardelà Poil, et par même la rivière qui chet au grand lac de Guines jusques à Fretin, et d’illec par la vallée entour de la montagne de Kalculi, enclouant même la montagne ; et aussi jusques à la mer, avec Sangates et toutes ses appartenances : le châtel et la ville, et tout entièrement la comté de Guines avecques toutes les terres, villes, châteaux, forteresses, lieux, hommages, hommes, seigneuries, bois, forêts, droitures d’icelles, aussi entièrement comme le comte de Guines dernièrement mort les tenoit au temps de sa mort. Et obéiront les églises et les bonnes gens étant dedans les limitations de la dite comté de Guines, de Calais et de Merk, et des autres lieux dessus dits, à nous, ainsi comme ils obéissoient à notre dit frère et au comte de Guines qui fut pour le temps. Toutes les quelles choses comprises en ce présent article et l’article prochain précédant de Merle et de Calais, nous tiendrons en demaine, excepté les héritages des églises, qui demeureront aux dites églises entièrement, quelque part qu’ils soient assis ; et aussi excepté les héritages des autres gens des pays de Merk et de Calais assis hors de la ville et fermeté de Calais jusques à la value de cent livres de terre par an, de la monnoye courant au pays, et au-dessous : lesquels héritages leur demeureront jusqu’à la value dessus dite et au-dessous ; mais habitations et héritages assis en la dite ville de Calais avec leurs appartenances demeureront en demaine à nous, pour en ordonner à notre volonté ; et aussi demeureront aux habitans en la terre, ville et comté de Guines tous leurs demaines entièrement, et y reviendront pleinement, sauf ce qui est dit paravant des confrontations, mettes et bondes dessus dites en l’article de Calais, et toutes les îles adjacens aux terres, pays et lieux avant nommés, ensemble avec toutes les autres îles, lesquelles nous tiendrons au temps du dit traité.

Et eut été pourparlé que notre dit frère et son ains-né fils renonçassent aux dits ressorts et souveraineté, et àtout le droit qu’ils pourroient avoir ès choses dessus dites, et que nous les tenissions comme voisins sans nul ressort et souveraineté de notre dit frère au royaume de France, et que tout le droit que notre dit frère avoir ès choses dessus dites, il nous cédât et transportât perpétuellement et à toujours. Et aussi eut été pourparlé que semblablement nous et notre dit fils renoncissions expressément à toutes les choses qui ne doivent être baillées ou délivrées à nous par le dit traité ; et par espécial au nom et au droit de la couronne et du royaume de France, et hommage, souveraineté et demaine de la duché de Normandie et de la comté de Touraine, et des comtés d’Anjou et du Maine, de la souveraineté et hommage de la comté et du pays de Flandre, de la souveraineté et hommage de Bretagne ; excepté que le droit du comte de Montfort, tel qu’il le peut et doit avoir en la duché et pays de Bretagne, nous réservons et mettons par mots exprès hors de notre traité ; sauf tant que nous et notre dit frère venus à Calais en ordonnerons si à point, par le bon avis et conseil de nos gens à ce députés, que nous mettrons à paix et à accord le dit comte de Montfort et notre cousin messire Charles de Blois, qui demande et chalenge droit à l’héritage de Bretagne. Et renonçons à toutes autres demandes que nous fissions ou faire pourrions, pour quelque cause que ce soit, excepté les choses dessus dites qui doivent être baillées à nous et à nos hoirs, et que nous lui transportissions, cessassions tout le droit que nous pourrions avoir à toutes les choses qui à nous ne doivent être baillées. Sur lesquelles choses, après plusieurs altercations eues sur ce, et par espécial pour ce que les dites renonciations ne se font pas de présent, avons finablement accordé avec notre dit frère par la manière qui s’ensuit : c’est à savoir, que nous et notre dit ains-né fils renoncerons, et ferons et avons promis à faire les renonciations, transports, cessions et délaissemens dessus dits quand et si très tôt que notre dit frère aura baillé à nous ou à nos gens, espécialement de par nous députés, la cité et le châtel de Poitiers, et toute la terre et le pays de Poitou ; ensemble le fief de Touars et la terre de Belleville ; la cité et le châtel d’Agen, et toute la terre et le pays d’Agénois ; la cité et le châtel de Pierregord, et toute la terre et le pays de Pierreguis ; la cité et le châtel de Caours, et toute la terre et le pays de Quersin ; la cité et le châtel de Rodais, et toute la terre et le pays de Rouergue ; la cité et le châtel de Saintes, et toute la terre et le pays de Xaintonge ; le châtel et la ville de la Rochelle, et toute la terre et le pays de Rochelois ; la cité et le châtel de Limoges, et toute la terre et le pays de Limousin ; la cité et le château d’Angoulême, et toute la terre et le pays d’Angoulémois la terre et le pays de Bigorre, la terre de Gaure, le comté de Ponthieu et le comté de Guines. Lesquelles choses notre dit frère nous a promises à bailler, en la forme que ci-dessus est contenu, ou à nos espéciaux députés, dedans un an en suivant, lui parti de Calais pour retourner en France. Et tantôt ce fait, devant certaines personnes que notre dit frère députera, nous et notre dit ains-né fils ferons en notre royaume d’Angleterre icelles renonciations, transports, cessions et délaissemens, par foi et par serment solennellement ; et d’icelles ferons bonnes lettres ouvertes, scellées de notre grand scel, par la manière et forme comprise en nos autres lettres sur ce faites, et que compris est au dit traité ; lesquelles nous envoierons à la fête de l’Assomption Notre-Dame prochainement en suivant, en l’église des Augustins en la ville de Bruges, et les ferons bailler à ceux que notre dit frère y envoiera lors pour les recevoir. Et si dedans le terme qui mis y est, notre dit frère ne pouvoit bailler, ni délivrer aisément à nous ou à nos députés les cités, villes et châteaux, lieux forteresses et pays ci-dessus nommés, combien qu’il en doive faire son plein pouvoir sans nulle dissimulation, il les nous doit délivrer et bailler dedans le terme de quatre mois en suivant l’an accompli. Avecques toutes ces choses et autres qui s’ensuivront ci-après, est dit et accordé par la teneur du traité que nous, renvoyé ou ramené notre dit frère de France en la ville de Calais[2], six semaines après ce que il y sera venu, nous devons recevoir, ou nos gens à ce espécialement de par nous députés, six cent mille francs, et par quatre ans en suivant, chacun an six mille ; et de ce délivrer et mettre en ôtage, envoyer demeurer en notre cité de Londres, en Angleterre, des plus nobles du royaume de France, qui point ne furent prisonniers en la bataille de Poitiers[3] ; et de dix neuf cités et villes des plus notables du royaume de France, de chacune deux ou trois hommes, ainsi comme il plaira à notre conseil. Et tout ce accompli, les ôtages venus à Calais et le premier payement payé, ainsi que dit est, nous devons notre dit frère de France et Philippe son jeune fils délivrer quittement en la ville de Boulogne sur mer, et tous ceux qui avecques eux furent prisonniers à la bataille de Poitiers, qui ne seroient rançonnés à nous ou à nos gens, sans payer nulle rançon. Et pour ce que nous savons de vérité que notre cousin messire Jacques de Bourbon, qui fut pris à la bataille de Poitiers, a toujours mis et rendu grand’peine à ce que paix et accord fût entre nous et notre dit frère de France, en quelconque état qu’il soit, rançonné ou à rançonner, nous le délivrerons sans coût et sans frais avecques notre dit frère, en la ville de Boulogne, mais que cil traité soit tenu ainsi que nous espérons qu’il sera.

Et aussi nous a promis notre dit frère que il et son ains-né fils renonceronts et feront semblablement lors et par la manière dessus dite les renonciations, transports, cessions et délaissemens accordés par le dit traité à faire de leur partie, si comme dessus est dit ; et envoiera notre dit frère ses lettres patentes, scellées de son grand scel, aux dits lieux et termes, pour les bailler aux gens qui de par nous y seront députés, semblablement comme dit est. Et aussi nous a promis et accordé notre dit frère que lui et ses hoirs sursoirent, jusques aux termes des dites rénonciations dessus déclarées, de user de souverainetés et ressorts en toutes les cités, comtés, villes, châteaux, forteresses, pays, terres, îles et lieux que nous tenions au temps du dit traité, lesquels nous doivent demeurer par le dit traité, et aux autres qui à cause des dites renonciations et du dit traité nous seront baillées, et doivent demeurer à nous et à nos hoirs ; sans ce que notre dit frère, ou ses hoirs, ou autres à cause de la couronne de France, jusques aux termes dessus déclarés et iceux durans, puissent d’aucuns services user et de souveraineté, ni demander subjection sur nous, nos hoirs, subgiets d’icelles, présens et à venir, ni querelles ou appiaulx en leur cour recevoir, ni rescrire à icelles, ni de juridiction aucune user à cause des cités, comtés, châteaux, villes, terres, îles et lieux prochainement nommés. Et nous a aussi accordé notre dit frère que nous, nos hoirs, ni aucuns de nos subgiets, à cause des dites cités, comtés, châteaux, villes, pays, terres et lieux prochains avant dits, comme dit est, soyons tenus ni obligés de reconnaître notre souverain, ni de faire aucune subjection, service ni devoir à lui, ni à ses hoirs, ni à la couronne de France. Et accordons que nous et nos hoirs surserrons de nous appeler et porter titre et nom de roi de France, par lettres ou autrement, jusques aux termes dessus nommés et iceux durans. Et combien que ces articles dudit accord et traité de la paix, ces présentes lettres ou autres dépendans des dits articles, ou de ces présentes, ou autres quelconques que elles soient, soient ou fussent aucunes pareilles, ou fait aucun que nous ou notre dit frère dissions ou fissions qui sentissent translations ou renonciations taisibles ou expresses des ressorts et souverainetés, est l’intention de nous et de notre dit frère que les avant dits souverainetés et ressorts que notre dit frère se dit avoir ès dites terres qui nous seront baillées, comme dit est, demeureront en l’état auquel elles sont à présent : mais toutes fois il sursoira de en user et demander subjection, par la manière dessus dite, jusques aux termes dessus déclarés. Et aussi voulons et accordons à notre dit frère que après ce que il aura baillées les dites cités, comtés, châteaux, villes, forteresses, terres, pays, îles et lieux dessus nommés, ainsi que bailler les nous doit, ou à nos députés, parmi sa délivrance et renonciations dessus dites, et les dites renonciations, transports et cessions qui sont à faire de sa partie par lui et par son ains-né fils et envoyées et aux dits lieux et jours à Bruges les dites lettres, et baillées aux députés de par nous, que la renonciation, cession, transports et délaissemens à faire de notre partie soient tenues pour faites. Et par abondance nous renonçons dès lors par exprès au nom, au droit et au chalenge de la couronne de France et du royaume, et à toutes choses que nous devons renoncer par force dudit traité, si avant comme profiter pourra à notre dit frère et à ses hoirs. Et voulons et accordons que par ces présentes le dit traité de paix et accord, fait entre nous et notre dit frère ses subgiets, alliés et adhérens d’une part et d’autre, ne soit, quant à autres choses contenues en icellui, empiré ou affoibli en aucune manière ; mais voulons et nous plaît que ils soient et demeurent en leur pleine force et vertu. Toutes lesquelles choses en ces présentes lettres écrites, nous roi d’Angleterre dessus dit, voulons, octroyons et promettons loyaument et en bonne foi, et par notre serment fait sur le corps de Dieu sacré et sur saintes Évangiles, tenir, garder et entériner, et accomplir sans fraude et sans mal engin de notre partie. Et à ce et pour ce faire obligeons à notre dit frère de France nous et nos hoirs, présens et à venir, en quelque lieu qu’ils soient, renonçons par nos dits foi et serment, à toutes exceptions de fraude, de décevance, de croix pris et à prendre, et à impétrer dispensation de pape ou de autre au contraire ; laquelle si impétrée étoit, nous voulons être nulle et de nulle valeur, et que nous ne en puissions aider nous et aux droits, disant que royaume ne pourra être divisé et générale renonciation valoir, fors en certaine manière et à tout ce que nous pourrions dire ou proposer au contraire en jugement au dehors. En témoin desquelles choses nous avons fait mettre notre grand scel à ces présentes, données à Bretigny de-lez Chartres, le vingt-cinquième jour du mois de mai, l’an de grâce Notre Seigneur mil trois cent soixante[4].

  1. Ce chapitre et les suivans, jusqu’au cent quarantième, avec les pièces qu’ils contiennent, manquent dans les anciennes éditions.
  2. Cette clause est différemment énoncée dans le traité publié par Rymer et par l’auteur des Chroniques de France. On y lit : Item est accordé que le roi de Franee paiera au roy d’Angleterre trois millions d’écus d’or, dont les deux valent un noble de la monnoie d’Angleterre ; et en seront payés au dit roy d’Angleterre ou à ses députés six cent mille écus à Calais dedans quatre mois à compter depuis que le roy de France sera venu à Calais, et dedans l’an dès lors prochain en suivant en seront payés quatre cent mille écus tels comme dessus, en la cité de Londres en Angleterrs (les Chroniques de France disent : en la dite ville de Calais) ; et dès lorst chacun an prochain en suivant quatre cent mille écus tels comme devant en la dite cité, jusques à tant que les dits trois millions seront payés.
  3. On lit au contraire dans les deux pièces que nous venons de citer : Et seront ôtages tant prisonniers pris à la bataille de Poitiers comme autres.
  4. Le nombre des chartes connues et même publiées, auxquelles le traité de Bretigny donna lieu, est très considérable : celle-ci l’accroit encore et doit être regardée comme une nouvelle pièce inconnue jusqu’ici ; car, quoiqu’elle ne contredise en aucun point essentiel les articles énoncés dans les autres chartes, dont la plupart ont été recueillies par Rymer, elle n’a point assez de conformité avec aucune d’entre elles pour pouvoir dire qu’elle soit la même. Elle porte d’ailleurs tous les caractères qui peuvent en constater l’authenticité, et se trouve dans tous les manuscrits, de sorte qu’on ne saurait la suspecter avec fondement. On ne peut pas dire la même chose de la date ; elle est évidemment altérée, puisque, suivant le Memorandum conservé par Rymer, Édouard était de retour en Angleterre dès le 18 de mai, dix jours après la date du traité de paix conclu le 8 de ce mois, ainsi que je l’ai déjà dit et qu’on peut le voir dans Rymer, p. 202, et dans les Chroniques de France. En supposant donc avec Froissart que cette pièce fut expédiée à Bretigny, il faudrait, au lieu du 25 mai, lire le 7 ou le 8, date de toutes les chartes données dans ce lieu ; peut-être même faudrait-il lire le cinquième jour de mai, si on ajoute foi à ce que dit Froissart dans le chapitre suivant, que cette charte est antérieure à la publication de la trêve, puisqu’il parait que cette publication dut se faire dès le 7 mai. Mais on doutera peut-être que la lettre dont il s’agit ait été donnée à Bretigny, d’autant plus qu’Édouard y parle en son nom, tandis que toutes les autres chartes datées du même lieu furent expédiées au nom et sous le sceau des fils aînés des deux rois, et que celle des pièces connues avec laquelle elle a le plus de conformité est la charte des renonciations faites par le roi d’Angleterre, datée de Calais le 24 octobre.

    On peut opposer à ces doutes : 1o Qu’il est difficile de croire que Froissart, qui n’avait aucun intérêt à altérer la vérité en ce point, ait substitué Bretigny à Calais, et que, quoiqu’il se soit trompé sur la date du jour, erreur qu’on doit peut-être imputer aux copistes, on ne peut l’accuser de s’être trompé de même sur celle du lieu, parce qu’il est aisé de tomber dans la première erreur, en mettant par inadvertance un chiffre pour un autre, au lieu que le dessein d’en imposer peut seul conduire à la seconde. 2o Que Froissart paraît si bien instruit des principales circonstances du traité et de ses suites, que son témoignage à cet égard doit être d’un très grand poids. 3o Qu’on trouve dans la pièce dont il est question, et surtout dans le commencement, plusieurs expressions qui portent â croire qu’elle est antérieure au départ d’Édouard pour l’Angleterre. 4o Que rien n’empêche de penser que les principales clauses du traité étant une fois arrêtées entre les plénipotentiaires des deux rois, Édouard, à qui il était extrêmement avantageux et qui ne risquait rien à promettre de l’observer, consentit, peut-être sur les instances des légats du pape, à s’y obliger personnellement et à corroborer par cette charte émanée de lui toutes celles qu’il avait fait expédier au nom et sous le sceau de son fils.