Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre IV/Chapitre LV

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Texte établi par J. A. C. Buchon (IIIp. 279-283).
Livre IV. [1396–1397]

CHAPITRE LV.

Comment le duc de Bourgogne et madame sa femme prenoient grand’diligence pour trouver manière pour la rédemption du comte de Nevers, leurs fils, et des autres prisonniers étants en Turquie.


Le duc de Bourgogne et sa femme visoient en toutes manières par quel pourchas et traité ils pourroient r’avoir leur fils. Bien savoient qu’il convenoit, avant qu’il issît de Turquie, en payer grand’finanee. Si restreignirent leur état pour épargner et assembler par toutes leurs terres grand’quantité d’or et d’argent, car sans ce moyen ne se pouvoient faire leurs besognes. Et acquirent de toutes parts amis, et par espécial marchands vénitiens, gennevois et hommes d’icelle sorte, car bien sentoient et connoissoient que par tels gens convenoit-il qu’ils fussent adressés. Le duc de Bourgogne pour ce temps se tenoit tout coi à Paris de-lez le roi son neveu, et lui remontroit souvent ses besognes. Le roi s’y inclinoit assez, car le duc son oncle avoit la greigneur partie du gouvernement du dit royaume, dont ses besognes devoient mieux valoir.

En ce temps avoit un marchand Lucquois à Paris, puissant homme et grand marchand, et auquel tous les faits d’autres Lombards[1] se rapportoient ; et étoit connu, à parler par raison, par tout le monde, là où marchands vont, viennent et hantent. Et celui marchand on nommoit Din de Responde ; et par lui se pouvoient faire toutes finances[2]. Et quoique en devant celle aventure de la prise des seigneurs de France en Turquie, il fût bien aimé et honoré du roi et des seigneurs de France, encore fut-il de rechef plus grandement. Et en parloit souvent le duc de Bourgogne à lui pour avoir conseil comment il se pourroit chévir ni entrer en traité devers l’Amorath-Baquin pour r’avoir son fils et les autres seigneurs de France qui avecques lui étoient prisonniers en Turquie. Sir Din de Desponde répondoit à ces paroles et disoit : « Monseigneur, on y regardera petit à petit. Les marchands de Venise, de Genneves et des îles obéissant à eux sont connus partout et font le fait de marchandise au Caire, en Alexandrie, à Damas, à Damiette, en Syrie, en Turquie et par toutes les mettes et limitations lointaines des mescréans, car, ainsi que vous savez, marchandise va et court par tout, et se gouverne le monde par cette ordonnance. Si escripsez et faites le roi escripre amiablement devers eux, et leur promettez grands biens et grands profits s’ils y veulent entendre. Il n’est chose qui ne s’appaise et amoyenne par or et par argent. Aussi le roi de Chypre qui est marchissant à la Turquie, et qui encore n’a point fait de guerre à l’Amorath, y peut bien aider. Vous devez croire et savoir que de bon cœur et très acertes je y entendrai, car je suis en tout ce tenu de faire. »

On ne se doit pas émerveiller si le duc de Bourgogne et la duchesse sa femme quéroient voies et adresses pour la délivrance de leur fils le comte de Nevers ; car celle prison leur touchoit de trop près, au cas qu’il devoit être leur hoir et successeur de tous leurs héritages, dont ils tenoient grand’foison, et si lui étoit celle aventure avenue en sa jeune et nouvelle chevalerie. Les dames de France regrettoient leurs amis et leurs maris. La dame de Coucy, par espécial, ne pouvoit oublier son mari, et pleuroit et lamentoit nuit et jour, ni on ne la pouvoit reconforter. Le duc de Lorraine et messire Ferry de Lorraine ses deux frères, la vinrent voir à Saint-Gobain où elle se tenoit, et la reconfortèrent tant qu’ils purent, et l’avisèrent qu’elle voulsist envoyer en Turquie et en Honguerie à savoir comment il lui étoit, car ils avoient entendu qu’il avoit plus douce et courtoise prison que nuls des autres. La dame sçut à son frère le duc et à messire Ferry son second frère bon gré de cet avis, et manda messire Robert d’Esne, un chevalier de Cambrésis ; et lui pria doucement qu’il voulsist tant traveiller pour l’amour d’elle, d’aller en Honguerie et en Turquie voir en quel état son sire et mari le sire de Coucy étoit. Le chevalier descendit légèrement à la prière de la dame de Coucy, et répondit que volontiers feroit le message et iroit si avant qu’il en rapporteroit certaines nouvelles. Adonc s’ordonna messire Robert de tous points ; et quand il eut sa délivrance il se mit au chemin, lui cinquième tant seulement. Pareillement les autres dames de France envoyèrent après leurs maris pour en savoir la vérité.

Vous avez bien ci-dessus ouï recorder comment le roi de Honguerie s’étoit arrêté à ce que nullement il ne vouloit consentir que le sire de Chastel-Morant passât outre en Turquie pour faire présens à l’Amorath de par le roi de France. Et demeura sur cel état et opinion un long-temps, dont il déplaisoit grandement à messire Jean de Chastel-Morant et à messire Jacques de Helly, quoique pourvoir n’y pussent. Or advint que le grand maître de Rhodes vint en Honguerie et en la cité de Bude voir le roi qui lui fit très bonne chère. Et bien lui devoit faire, et étoit tenu ; car le jour de la bataille il le sauva de mort et de prison ; et trouva les chevaliers de France qui là séjournoient. Si se trairent devers lui et lui remontrèrent la manière pourquoi le roi de Honguerie les faisoit là tenir en séjour. De laquelle chose il fut grandement émerveillé, et dit qu’il en parleroit au roi et tant qu’ils s’en apercevroient, ainsi qu’il fit ; et lui remontra tellement et si sagement, qu’il brisa les argus du roi ; et eurent congé de passer outre en Turquie, et tous les présens tels comme ils les portoient. Et passèrent outre sans nul empêchement, car ils avoient bon sauf conduit, lequel messire Jacques de Helly leur fit avoir ; et vinrent jusques à l’Amorath qui reçut les chevaliers et les présens de par le roi de France selon son usage assez honorablement ; et fit de tout grand’fête et grand compte.

Les chevaliers parlèrent une fois tant seulement au comte de Nevers et non aux autres, assez longuement, tant que bien dut suffire ; et à prendre congé, le comte de Nevers leur dit : « Recommandez-moi à monseigneur mon père et à madame ma mère, et à monseigneur de Berry et à monseigneur le roi, et me saluez tous mes amis de par de là. Et s’il est ainsi que par un traité, soit par marchands ou autrement, l’Amorath veuille entendre à notre rançon, on se délivre du plus tôt que on peut, car à y mettre plus longuement on perdroit assez. Nous fûmes de commencement nous neuf, depuis en sont revenus seize, ce sont vingt cinq. On fasse un rachat tout ensemble. Aussi bien finera-t-on des vingt cinq que d’un tout seul, car l’Amorath s’est arrêté à ce. Et soyez certain que sa parole sera véritable et estable, et y peuvent moult bien ajouter foi ceux de delà qui ci vous ont envoyés. »

Messire Jean de Chastel-Morant et messire Jacques de Helly répondirent et dirent que toutes ces choses, et tout le bien qu’ils pourroient dire et faire, ils le feroient volontiers, et que ils y étoient tenus. Si prirent congé atant au comte de Nevers et puis à l’Amorath et se départirent, et retournèrent arrière en Hongrie, et delà depuis en France ; et trouvèrent sur leur chemin leur messager qu’ils avoient envoyé en France devers le roi, ainsi qu’il est ci-dessus contenu en l’histoire, qui rapportoit lettres au roi de Honguerie. Si le firent retourner avec eux, car il n’avoit que faire d’aller plus avant.

  1. On sait que les Lombards étaient alors les principaux marchands et banquiers de l’Europe.
  2. Les archives de Dijon contiennent l’original de l’état des joyaux hypothéqués par le duc de Bourgogne pour la rançon de son fils. Cette pièce donne de curieux détails sur l’état de l’orfèvrerie au quatorzième siècle et sur la valeur des objets d’or et d’argent. Le voici collationné sur l’original.

    À tous ceulx qui ces lettres verront, Jehan, seigneur de Foleville, chevalier, conseiller du roy nostre sire et garde de la prevosté de Paris, salut. Savoir faisons que, pardevant Jehan Larchier et Jehan Hure, clercs notaires jurés du roy nostre sire, de par luy establis au Chastellet de Paris, fu présent Catayne de Flisto, escuier d’escurie de mon sieur le duc de Bourgogne, lequel confessa que ce jourd’hui il avoit montré et exibé aus diz notaires unes lettres dudit mon sieur le duc de Bourgogne, contenant la fourme qui s’ensuit : « Philippe, fils du roi de France, duc de Bourgogne, conte de Flandre, d’Artois et de Bourgoingne, palatin, sire de Salins, conte de Rethel et seigneur de Malines, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Comme nostre amé et féal escuier d’escuerie, Castaingne de Flisto, nous ait presté pour la raençon de nostre très chier et très amé fils ainsné Jehan, conte de Nevers, la somme de vint mile frans, jusques à deux ans commençans le premier jour du mois d’avril prochainemant venant, et pour la sureté de recouvrer la dite somme de vint mille frans, lui avons baillé les pièces de vaisselle qui s’ensuient en pois, aloy et en la façon désignée à chacune pièce. C’est assavoir : deux justes d’or poinçonnées de P et M, à dix neuf carats et demi, pesant dix neuf mars quatre onces quinze esterlins ; item une coupe d’or assise sur une tige d’arbre, à dix neuf caraz et demi, pesant quatre mars deux onces sept esterlins obole ; item un hanap d’or assiz sur une marguerite, à vint caraz demi, pesant trois mars trois onces demie ; item un hanap d’or tout plain, poinçonné de rosiers et sur le fretelet une esmeraude, à dix neuf caraz, pesant trois mars sept onces douze esterlins obole ; item un hanap d’or en guise de rose et sur le couvescle quatre boutons, à vint un caraz, pesant quatre mars deux onces deux esterlins obole ; item un hanap d’or en guise de pampes de roses, et sur le couvescle un signe, à vingt caraz, pesant deux mars six onces ; item un hanap d’or taillé d’arbres et d’enleveures de seranines et sur le fretelet une fleur de lis, à vint un caraz, pesant cinq mars une once et demie ; item un hanap d’or en guise de rose, goderonné et poinçonné d’oiseaulx à teste de gens, à vint caraz, pesant trois mars deux onces dix sept esterlins ; item un hanap d’or tout plain armoié d’aigles et lyons sur le fretelet, à vingt caraz un quart, pesant quatre mars sept esterlins obole ; item un grant hanap tout plain, poinçonné de la devise du roy d’Angleterre et sur le fretelet armoié de ses armes, à dix neuf caraz, pesant six mars six onces sept esterlins obole ; item un hanap d’or couvert, tout plain, et sur le couvescle un fretelet plat, à dix neuf caraz trois quarts, pesant quatre mars neuf esterlins ; item un conseguin à pié en guise de pampes de roses, taillé de preux et preuses, à dix neuf caraz trois quarts, et est le pié avec, pesant tout ensemble huit mars une once et demie ; item une aiguière d’or poinçonnée de rosiers et roses et sur le fretelet six perles, à dix neuf caraz trois quarts, pesant trois mars trois onces deux esterlins oboles ; item un petit hanap d’or couvert, à pié, poinçonné de cerfs et biches, et sur le fretelet un bouton, à dix neuf caraz un quart, pesant deux mars un esterlin ; item un petit hanap d’or à pié, et sur le fretelet une pommette eschicquetée de rouge cler, à vingt caraz, pesant un marc six onces ; item un petit gobelet d’or tout plain, couvert, où il a sur le couvescle une frasete, à vint et un caraz, pesant un marc sept onces cinq esterlins ; item un petit godet argenté par dedans, poinçonné de P et M, à treize caraz, si comme il est d’or et d’argent, avalué l’argent et l’or un marc cinq onces dix neuf esterlins ; item une petite aiguière d’or poinçonné de nues, sur le couvescle une couronne, à vint caraz demi, pesant deux mars une once deux esterlins obole ; item une aiguière d’or toute plainne, et sur le couvescle une fleur de lis et six perles, à vint caraz, pesant deux mars trois onces dix sept esterlins obole ; item une petite aiguière d’or poinçonnée et sur le fretelet une pommette en guise de cagette, à vingt caraz, pesant un marc six onces sept esterlins ; item une autre petite aiguière d’or poinçonné d’oiseaulx à testes de gens, a dix neuf caraz trois quarts, pesant un marc quatre onces deux esterlins obole ; item un petit godet d’or, couvert, goderonné et poinçonné d’une part, à dix neuf caraz trois quarts, pesant un marc trois onces demie ; item un couvescle d’or pour un voirre, à vingt caraz demi, pesant un marc ; item un pié de hanap assis sur un moutons, à dix neuf caraz demi, pesant trois mars deux esterlins obole ; item un autre petit pié de hanap à petis lyons, à dix huit caraz, pesant sept onces sept esterlins obole ; item six hanaps d’or à pié et un couvescle, à vint caraz, pesant quinze mars quatre onces ; item deux baiens d’or à chacun un esmail ou fons de nos armes, à vint un caraz, pesant huit mars ; item une juste d’or toute plainne, à vint et un caraz, pesant onze mars demi ; item deux justes d’or poinçonnées de brebis sur le couvescle, armoyées des armes de notre très chière et très amée compaigne la duchesse, à vint caraz trois quarts, pesant quinze mars sept onces demie ; item un hanap d’or couvert esmaillé à vigne, à vingt un caraz, pesant cinq mars une once demie ; item un hanap d’or couvert, à pié, en guise de rose et au fretelet les armes du duc de Lencastre, à vint caraz trois quarts, pesant quatre mars six onces ; item un hanap d’or, couvert, haché, semé de P et M, et sur le fretelet une marguerite, à vingt et un caraz, pesant quatre mars dix sept esterlins obole ; item un hanap d’or, à pié, couvert semé d’esmeaux rondeaux, à dix neuf caraz demi, pesant quatre mars cinq onces demie ; item un gobelet d’or couvert appellé cuvet<e, à dix neuf caraz et demi, pesant trois mars deux onces sept esterlins obole ; item un petit gobelet d’or couvert tout plain, à vint un caraz demi pesant un marc un once dix esterlins ; item une aiguière, et un gobelet d’or dedans, et sur le couvescle de ladite aiguière nos armes, à vint caraz, pesant cinq mars quinze esterlins ; item un hanap couvert, goderonné, à chiens au fons dedans, à dix neuf caraz demie, pesant quatre mars trois onces deux sterling obole ; item un gobelet tout plain à couvescle de piètre, à vingt caraz demi, pesant deux mars douze esterlins obole ; item un hanap d’or couvert tout plain poinçonné à roleaux, à vingt caraz, pesant trois mars une once sept esterlins obole ; item un hanap d’or couvert en guise de rose, à vingt caraz, pesant quatre mars cinq esterlins ; item un hanap d’or tout plain poinçonné de branches, et autour du couvescle un chappellet de souviengne-vous-de-moy, et ou fons a une acolie, le pié et le couvescle tortissiez, à dix neuf caraz un quart, pesant deux mars cinq onces douze esterlins obole ; item un gobelet d’or en guise d’une lampe, et une aiguière de mesme, à vingt un caraz, pesant tout ensemble huit mars demi once ; item un autre gobelet d’or couvert, à pié, taillé sur le couvescle de lettres sarazinoises, assis sur quatre chiennes, à dix neuf caraz trois quarts, pesant, sans pierrerie qui est ôtée, quatre mars une once douze esterlins obole ; item deux coquemars d’or, et ont sur le couvescle les armes de madame d’Artois, à vingt caraz demi, pesant neuf mars cinq onces demie ; item douze tasses d’or dont l’une a un couvescle, à dix neuf caraz demi, pesant vingt six mars une once douze esterlins obole ; item un hanap d’or couvert en guise de rose, et sur le fretelet un bouton, à dix neuf caraz trois quarts, pesant deux mars cinq onces douze esterlins obole ; item un hanap couvert, hachié, losengié, à dix neuf caraz, pesant trois mars trois onces deux esterlins obole ; item un autre hanap d’or couvert, poinçonné à glans, à dix neuf caraz demi, pesant trois mars quatre onces dix sept esterlins obole ; item autre hanap d’or couvert, tout plain, à vingt caraz demi, pesant deux mars six onces cinq esterlins ; item un gobelet d’or, couvert en guise de fleurs de lis, à dix neuf caraz demi, pesant deux mars une once demie cinq esterlins ; item une aiguière d’or esmaillée de vert sur le couvescle, à dix neuf caraz demi, pesant deux mars quatre onces cinq esterlins ; item s’ensuient autres pièces de vesselle d’or esmaillée, c’est assavoir : une couppe à pié, à couvescle esmaillé d’apostres et prophètes, à vingt caraz demi, pesant onze mars trois onze quinze esterlins ; item un gobelet d’or couvert, et une aiguière esmaillée, à ymaiges, à vint caraz un quart, pesant six mars trois onces quinze esterlins ; item une aiguière d’or semée de soulails blancs, à vingt un caraz demi, pesant deux mars six onces sept esterlins obole ; item un gobelet d’or en guise de fleur de glay, et y a trois leuvriers soustenans le dit gobelet, en esmail, et tout à dix neuf caraz un quart, pesant six mars deux onces demie : item une aiguière, de même ledit gobelet, à dix neuf caraz un quart, pesant sept mars trois onces cinq esterlins ; item un autre gobelet d’or ourné d’esmail et d’enleveure, à vingt caraz demi, pesant quatre mars six onces quinze esterlins ; item une autre aiguière, de même le dit gobelet, à vingt caraz demi, pesant trois mars quatre onces demie.

    Autre vaisselle d’or garnie de pierrerie : premièrement un gobelet d’or en guise de consequin d’Allemaigne, à un pié à trois signes d’or, qui le porte, garny de vingt deux balais petis et de vingt huit saphirs petis et de trente neuf troches de perles, garnie chacune de quatre perles, et quatre troches dessus, le fretelet à quatre dyamens et trois perles derrière, lequel gobelet, poise, à toute la pierrerie, sept mars deux onces ; item une aiguière d’or pareille au dessus dit gobelet, garnie de vingt huit balais, de vingt trois saphirs, de quarante une troche de perles, chacune de quatre perles, et ès six torches de perles qui sont sur le fretelet a en chacune un dyament, et fui sur trois signes d’or dont l’un a un annelet d’or sans dyament, les deux autres signes sont sur annelet et sans dyament, pesant ladite aiguière et toute la pierrerie sept mars six onces ; item un autre gobelet d’or en guise de pampes de roses, esmaillé à ymaiges d’apostres de rouge cler et asur, garny de douze balais et de sept saphirs, et de quatre vingt neuf perles que grosses que menues, et y sont les places de neuf perles qui y faillent, assis sur un pié d’or qui porte trois dragons garny icelluy pié de trois saphirs pendans et de trente six perles que grosses que menues, pesant tout onze mars demi once ; item un autre gobelet d’or couvert faissié d’or et d’argent, esmaillé de petites ymaiges, garny de treize balais, de douze saphirs et quarente perles, pesant quatre mars une once ; item un gobelet d’or couvert, esmaillé de marguerite et de fleur de bourrache, garny de cent dix perles, trois saphirs et un balay, pesant tout quatre mars demie once ; item un autre gobelet d’or couvert, émaillé d’aigle et d’enffans sur chevaulx et sur cerfs, et le couvescle émaillé de fleur d’aubespine, garny de sept balais, six saphirs et six troches de perles, chacune de trois perles, et au milieu de chacune broche un dyament, pesant tout trois mars trois esterlins demi.

    Laquelle vaisselle dessus désignée ledit Castaigne est tenu de nous rendre et restituer audit poix aloix et façon, au cas que dedens les dits deux ans il sera satisfait desdiz vingt mille francs ; et pourons rachetter ladite vaisselle toute en semble ou par parties comme bon nous semblera lesdits deux ans durant. Savoir faisons que nous avons voulu et consenti, voulons et consentons par ces présentes que, en cas que ledit Castaigne auroit nécessité ou besoing de finance pour sa marchandise ou autrement, lesdits deux ans durant, il puisse vendre, engager ou faire vendre toute ladite vaisselle ou partie d’icelle et en faire son profit, pourveu qu’il fera bonne seurté et caution de nous rendre et bailler, se les diz deux ans durant nous voulons racheter et ravoir notre dite vaisselle ou partie d’icelle, lesdites pièces de vaisselle ou pareilles de façon de poix et d’aloy, ou autre vaisselle de telle façon quelle nous plaira, jusques à la valeur de la façon de la pièce ou des pièces qu’il vendera ou engagera ou fera fondre, laquelle façon sera présentement estimée et prisée par ouvriers, à Paris, à ce connoissant. Et en obligera les seize mile francs esquelz nos amez et féaux conseillers Pierre de Montbertaut notre trésorier et gouverneur de nos finances, et Pierre de la Tannerie, maître de la chambre de nos comptes à l’Île, sont obligez à lui jusqu’à la valeur de l’extimation de la façon des pièces de vaisselle par lui vendues ou fondues ; et en fera bonnes lettres, par lesquelles baillant, nous voulons ces présentes à lui estre baillées. En témoing de ce nous avons fait metre notre scel à ces présentes lettres. Donné à l’Isle le dix neuvième jour de février, l’an de grâce mil trois cent quatre vingt et dix sept, ainsi signé par monsieur le duc. J. le Mol. Et au dessoubz d’icelles lettres estoit escripte la prisée de la façon des joiaulx declerez esdites lettres. Commence icelle prisée. L’an mil trois cent quatre vingt dix sept, le quart et le cinquième jour de mars furent, par Jehan le Maréchal, maistre des monnoies du roy nostre sire, Henry Orlanc, Jehan Hue, changeurs et bourgeois, de par Jehan du Vuner, varlet de chambre du roy de nostre sire, Hermant, orfèvre demourant à Paris, pris et eleuz pour la partie de mondit seigneur de Bourgogne ; et Thomas de Mully, Augustin Yseberre, changeurs, demourant à Paris pour la partie dudit Castaigne de Flisto, toutes les pièces de vaisselle ci-dessus escriptes, et chacune d’icelle touchées, pesées et adjugées la loy et poix tel comme il est contenu ès dites lettres ; et le mercredi ensuivant par iceulx fu prisée la valeur de la façon d’icelle vaisselle en la manière qui s’ensuit, c’est assavoir la façon du marc de vaisselle commençant du premier article qui est de deux justes d’or poinçonnées de P et M jusques à l’article commençant : item une aiguière d’or émaillée de vert sur le couvescle tout inclus ainsi que chacune pièce est, trois francs le marc, et pour la refaire toute neuve en ladite façon cinq francs ; item le marc de la vaisselle esmaillée commençant à l’article d’une couppe à pié esmaillée d’ymaiges d’apôtres et de prophètes, jusqu’à l’article ; item une aiguière, de même ledit gobelet tout inclus ainsi quelle est, neuf francs, et pour la refaire toute neuve dix huit francs ; item le marc de la vaisselle de pierrerie contenue esdites lettres commençant à un gobelet en guise d’un consequin d’Allemaigne jusqu’à un autre gobelet d’or couvert esmaillé d’aigles et d’enfans sur chevaux et sur cerfs tout inclus prise or pur façon, tout ensemble cent frans le marc. Et a été fait paroles dessus dit d’un accord et consentement, présent ledit Castaigne qui a eues les choses dessus dites agréables en la présence de Jehan de Pouillette, receveur général des finances, Jehan le Cambier, varlet de chambre de mondit seigneur de Bourgogne, Jehan Sac, Jehan de Velery, Pierre de Mery et autres, l’an et jour dessus dit, ainsi signé J. le Mol. Tout le contenu desquelles lettres et prisées dessusdites, ledit Castaigne de son bon gré, bonne voulenté, propre mouvement et certaine science senz, aucune contrainte, erreur, décevance ou ignorance, promist en bonne foi ès mains desdits notaires, et par ces présentes promet audit mon sieur de Bourgogne tenir, garder, entériner et accomplir senz aler dire ne venir encontre, et rendre et payer tous coux, dépens, dommages et intérêts que fait feront par son fait et coulpe ; et quant à ce faire tenir et accomplir ledit Castaigne en obligea et oblige en especial les seize mille francs dont mention est faite esdites lettres, et généralement tous ses autres biens et héritages présens et advenir, et de ses hoirs qu’il soumit pour ce à justicier par nous, nos successeurs, par nos de Paris et par toutes autres justices soubz qui ils seront trouvez. Et renonça en ce fait ledit Castaigne par son serment et foy donné ès mains desdits, à toutes exceptions, déceptions de mal, de fraude, d’erreur, d’ignorance à toutes barres, cautelles, cavillations, grâce, franchises, dispensations et absolution données et à donner, à tout droit escript et non escript, canon et civil, et action en fait, à condition senz cause, ou pour non juste et indus cas et généralement à toutes autres choses quelconque qui aidier et valoir lui pourroient à dire contre ces présentes et les choses dedenz contenues, et au droit disant générales renonciations ne valoir. En tesmoing de ce, nous, à la réclamation desdits notaires, avons mis à ces lettres le scel de la prevôté de Paris, l’an de grâce mil trois cent quatre vingt dix sept, le jeudi quatorzième jour de mars, signé Hure et Larchier, avec paraphe.