Les Complaintes (Mercure de France 1922)/Complainte du soir des Comices agricoles
COMPLAINTE
DU SOIR DES COMICES AGRICOLES
Deux royaux cors de chasse ont encore un duo
Aux échos,
Quelques fusées reniflent s’étouffer là-haut !
Allez, allez, gens de la noce,
Qu’on s’en donne une fière bosse !
Et comme le jour naît, que bientôt il faudra,
À deux bras,
Peiner, se recrotter dans les labours ingrats,
Allez, allez, gens que vous êtes,
C’est pas tous les jours jour de fête !
Ce violon incompris pleure au pays natal,
Loin du bal,
Et le piston risque un appel vers l’Idéal…
Mais le flageolet les rappelle
Et allez donc, mâl’s et femelles !
Un couple erre parmi les rêves des grillons,
Aux sillons ;
La fille écoute en tourmentant son médaillon.
Laissez, laissez, ô cors de chasse,
Puisque c’est le sort de la race.
Les beaux cors se sont morts ; mais cependant qu’au loin,
Dans les foins,
Crèvent deux rêves niais, sans maire et sans adjoint.
Pintez, dansez, gens de la Terre,
Tout est un triste et vieux Mystère.
— Ah ! le Premier que prit ce besoin insensé
De danser
Sur ce monde enfantin dans l’Inconnu lancé !
Ô Terre, ô terre, ô race humaine,
Vous me faites bien de la peine.