Les Conversations d’Émilie/20

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Humblot (2p. 420-470).

VINGTIEME
CONVERSATION.


Emilie.

Comme vous voilà entourée de fleurs, Maman ! Etes-vous devenue bouquetiere ?

La Mere.

En tout cas celles-ci ne m’entêteront point.

Emilie.

Je vois bien qu’elles ſont artificieles. Auſſi nous ne ſommes pas dans la ſaiſon des fleurs. Que prétendez-vous donc en faire ?

La Mere.

C’eſt votre tante qui me les envoie. Elle veut que j’en choiſiſſe pour Emilie, parce qu’elle ſuppoſe qu’Emilie danſera demain.

Emilie.

Ma tante a bien de la bonté : je vous prie, ma chere Maman, de la remercier & de l’aſſurer de mon reſpect ; mais je n’ai pas entendu parler de bal. Il eſt vrai que demain, demain, c’eſt un grand jour. Quand je me leverai, il n’y aura plus d’enfant ; j’aurai dix ans paſſés.

La Mere.

Paſſés de trois ou quatre heures au moins.

Emilie.

N’importe, c’eſt toujours paſſé.

La Mere.

Vous avez bien raiſon ; & paſſé ſans retour. De ſorte que, ſi vous les avez bien employés, tant mieux pour vous ; ſi vous les avez perdus au contraire, le mal eſt ſans remede.

Emilie.

C’eſt tout juſte, ma chere Maman, ce que je me diſais dans mon petit particulier, en entrant ici. Je n’oſe me flater de les avoir bien employés ; mais j’eſpere pourtant de ne les avoir pas entiérement perdus.

La Mere.

Et moi auſſi. — Oh çà, il s’agit donc de célébrer ce grand jour, qui fait même une époque de la vie.

Emilie.

Oui, vraiment. Qui eſt-ce qui appelle cela déjà un jour à limites ? Voilà l’enfance derriere nous.

La Mere.

Du moins nous avançons à grands pas vers ſon terme, & l’adoleſcence s’avance vers nous.

Emilie.

Deux luſtres acomplis, comme dit M. de Gerceuil !

La Mere.

C’eſt parler poétiquement.

Emelie.

Il m’a dit tantôt : Mademoiſelle, ſavez-vous que vous êtes née le même jour qu’un des premiers hommes de votre ſiecle, ou plutôt du nôtre, auquel vous n’apartenez plus ? Il n’avait guere que quinze luſtres, lorſque vous vîntes au monde.

La Mere.

Pour me prouver vos progrès en arithmétique, ne m’en ferez-vous pas le calcul tout proſaïquement en années ?

Emelie.

Oh, c’eſt fait ; je le fais, Maman. Il avait ſoixante-quatorze ans, lorſque j’avais ſoixante-quatorze minutes.

La Mere.

Il lui manquait donc une année à ſon quinzieme luſtre ?

Emelie.

Tout juſte.

La Mere.

Et aujourd’hui à quoi en eſt-il ?

Emelie.

Il a quatre-vingt-quatre ans, & moi, j’en ai dix.

La Mere.

Puiſſiez-vous encore long-temps compter enſemble ! Je croyais que la journée de demain n’était une fête que pour vous & pour moi ; mais cet anniverſaire en fait une fête publique : car la naiſſance d’un grand homme eſt d’abord un ſujet légitime d’orgueil pour ſa nation, & puis un ſujet de joie & de reconnaiſſance pour tous ceux qui s’intéreſſent véritablement au bonheur de l’humanité.

Emelie.

Eh bien, Maman, que ferons-nous donc demain ?

La Mere.

Votre tante ſuppoſe que vous voudrez danſer, parce que nous ſommes en carnaval. Si c’était auſſi bien la ſaiſon de la campagne, un bal champêtre ſerait bientôt arangé, & nous n’aurions pas beſoin de fleurs artifîcieles. Mais au milieu du mois de Février ! cela me paraît plus ſérieux : vous ne danſez pas aſſez bien pour un bal de ville.

Emilie.

Je fais bien que je ne danſe pas comme Mademoiſelle de Gernance ; mais cela n’y ferait rien : entre nous autres morveufes, nous ne prenons pas encore garde à qui faute plus ou moins bien.

La Mere.

Il n’y a donc qu’à aranger une petite aſſemblée, que nous ne mettrons pas même dans le ſecret de la ſolemnité du jour.

Emilie.

A moins que nous ne faſſions mention de la fête publique. Mais, à vous dire la vérité, ma chere Maman, je crois que je n’aurai pas demain le cœur à la danſe.

La Mere.

Pourquoi donc cela ?

Emilie.

Je ne ſais. C’eſt peut-être à cauſe de ce que vous appellez la ſolemnité.

La Mere.

Comment prétendez-vous donc célébrer un jour ſi ſolemnel ?

Emilie.

Tenez, Maman, ſi nous faiſions une choſe.

La Mere.

Et quoi ?

Emilie.

Si vous faiſiez fermer votre porte, nous paſſerions toute notre journée tête à tête enſemble, & cela ſerait bien charmant.

La Mere.

Cela le ſerait ſûrement pour moi ; mais ce ſerait à-peu-près comme tous les jours, il n’y aurait rien d’extraordinaire à cela ; & ne craindriez-vous pas que la journée ne vous parût bien longue ?

Emilie.

Non, je vous aſſure. Je vous défie d’imaginer quelque choſe qui me faſſe autant de plaisir.

La Mere.

En ce cas, les préparatifs de la fête ne nous prendront pas beaucoup de temps. Mais que ferons-nous toute la journée ?

Emilie.

Nous ferons, ma chere Maman, comme nous faiſons à la campagne, ou nous en paſſons ſouvent trois ou quatre de ſuite tête-à-tête.

La Mere.

Oh, à la campagne, cela eſt différent ; les jours ne sont jamais trop longs. Nous avons tant de devoirs à remplir à droite & à gauche, tant d’occupations diverſes, qu’à peine nous reſte-t-il le temps néceſſaire pour la promenade. Mais à Paris, un jour d’hiver !..

Emilie.

Je vois, Maman, que vous craignez de vous ennuyer. Ce n’eſt pas ma faute, ſi mon papa & mes freres ſont abfens.

La Mere.

Ni la miene : mais votre expérience vous a déja appris qu’il ne faut pas compter ſur les hommes ; qu’ils apartienent au public, avant d’apartenir à leur famille ; qu’à peine ſortis de l’enfance, dès leur entrée dans le monde, ils ſont obliges de reſter à la place que le devoir leur a marquée.

Emilie.

O la vilaine choſe que la guerre ! Je vous l’ai dit mille-fois, ma chere Maman : comment les homme, qui sont ſi doux & ſi polis dans la ſociété, peuvent-ils devenir aſſez féroces, pour ſe tuer les uns les autres, ſans même ſe connaître ?

La Mere.

C’eſt que ſouvent les nations ne ſont pas plus ſages, plus juſtes, plus modérées envers leurs égales, que des particuliers inquiets, turbulens & emportés envers leurs concitoyens. Dans la ſociété les injuſtices ſont réprimées par les loix ; mais comment voulez-vous que faſſe une nation léſée dans ſes droits ? Il faut bien qu’elle repouſſe l’injuſtice & l’injure par îà force.

Emilie.

Et à cauſe de cela il faut ſe faire tuer ! Bien imaginé !

La Mere.

Vous voyez que notre rôle eſt bien plus facile. La faibleſſe de notre ſexe & la ſphere étroite de nos petits talens nous confinent dans l’exercice des devoirs domeſtiques : en les rempliſſant, nous avons ſatiſfait à tout ce que la ſociété attend de nous.

Emilie.

Bien entendu que nous reſtons ſans papa & ſans freres.

La Mere.

Il eſt vrai que votre papa & vos freres nous manqueront beaucoup demain.

Emilie.

Sans compter ce qu’ils nous manquent tous les jours.

La Mere.

Mais, quoique leur devoir les tiene éloignés, heureuſement ils ne courent pas encore les hazards de la guerre.

Emilie.

Ah, oui ; c’eſt une conſolation que cela.

La Mere.

Et puiſque le ſort nous réduit à la ſolitude, c’eſt pour vous ſeule, ma chere amie, que je redoute l’ennui d’un jour dont la ſolemnité ſemblait vous promettre de l’amuſement.

Emilie.

Mais, ma chere Maman, un jour ſolemnel, eſt-ce préciſément un jour gai ?

La Mere.

Je le crois, à la vérité, plus impoſant que gai.

Emilie.

C’eſt un jour à réflexions, n’eſt-il pas vrai ? Ainſi le paſſé vous revient dans la tête, malgré que vous en ayez. On ſouleve auſſi un peu ce rideau qui cache l’avenir ; & depuis q»e vous m’avez montré ce terrible rideau, je vous avoue qu’il ne m’eſt pas ſorti de la tête, & que je l’ai toujours là devant les yeux. Voyez donc, ma chere Maman, quelle foule d’affaires pour une ſeule journée !

La Mere.

Je ne vous blâmerai ſûrement pas de regarder les limites de l’enfance & l’acheminement vers l’adoleſcence ſous ce point de vue ſérieux, & je commence à croire, comme vous, qu’il faut danſer tout un autre jour que celui où l’on a dix ans acomplis.

Emilie.

Commencez-vous auſſi à croire que nous n’aurons pas le temps de nous ennuyer ?

La Mere.

Oui, en vérité. Un coup-d’œil réfléchi ſur le paſſé poura aiſément abſorber une journée, ſans même porter nos regards ſur l’avenir dont l’incertitude ne peut être enviſagée ſans un peu de trouble.

Emilie.

En tout cas, ſi nous n’avons pas fini pendant le jour, nous pouvons en conférer encore le ſoir, de notre lit : car, dieu merci, le mien n’eſt plus ſur la frontiere ; il s’eſt emparé de l’intérieur de votre chambre-à-coucher. Cela ne s’appelle-t-il pas une priſe de poſſeſſion ?

La Mere.

Cela s’appelle, en droit public, une uſurpation manifeſte, opérée moitié par ruſe, moitié par violence ; & voilà comme les guerres commencent : ſans ma douceur, ou pour mieux dire, ma faibleſſe, j’aurais défendu ma chambre-à-coucher contre votre invaſion qui l’a changée en dortoir. Votre lit était très-bien dans ce cabinet à côté ; & moyénant la porte qui reſtait ouverte, notre communication n’était jamais interrompue.

Emilie.

Mais, Maman, il fallait s’égoſiller pour ſe parler, quand vous étiez couchée & moi auſſi. Cela n’était point du tout convenable pour votre ſanté.

La Mere.

Pour deux perſones qui ne ſe quitent guere du matin au ſoir, ne pouvions-nous pas prendre le parti du ſilence en même temps que celui de la retraite dans notre lit ?

Emilie.

Oui ; mais quand il vous reſte quelque chose ſur le cœur ou dans l’eſprit, comment faire ? C’eſt ſouvent une miſere, une miete ; mais ce ſont préciſément les mietes qu’il ne faut pas laiſſer accumuler pour le lendemain.

La Mere.

Je remarque que le ſoir la proviſion des mietes eſt inépuiſable chez vous.

Emilie.

Mais, ma chere Maman, n’eſt-il pas bien plus joli de jaſer, comme Cela, d’un lit à l’autre, à deux toiſes de diſtance, juſqu’à ce que l’homme au sable s’empare des yeux ?

La Mere.

Voilà, par exemple, une expreſſion un peu triviale pour une perſsone qui ſe vante d’avoir étudié la mythologie.

Emilie.

Cela eſt vrai, je devais parler de Morphée.

La Mere.

Quoi qu’il en ſoit, je ſens bien qu’à cauſe de la ſolemnité du jour, je ne pourai poliment vous dépoſſeder ni aujourd’hui ni demain.

Emilie.

Ni après-demain, ni jamais.

La Mere.

Ce que j’aimerais à prévoir, c’eſt te réſultat de la réviſion que vous projetez : ſavoir ſi elle vous rendra gaie ou triſte, taciturne ou parlante.

Emilie.

Je n’en fais, en vérité, rien. Voilà, ma chere Maman, une queſtion très-embaraſſante.

La Mere.

Je ne le trouve pas. Sí vous êtes contente de la maniere dont ces dix années ſe ſont paſſées, la réponſe à ſa queſtion eſt faite ; & pour le ſavoir avec la derniere préciſion, vous n’avez qu’à vous demander, ſi vous voudriez les recommencer, pour les paſſer une ſeconde fois exactement aux mêmes conditions & de la même maniere.

.

...

Emilie.

Non ſûrement, Maman, je ne le voudrais pas.

La Mere.

Cela s’appelle avoir un avis décidé. Mais en ce cas vous êtes donc bien mécontente de votre ſort, & par conſéquent de l’éducation que vous avez reçue ?

Emilie.

Ce n’eſt pas cela, ma chere Maman. On peut avoir été fort heureuſe un jour : faut-il abſolument déſirer qu’il recommence, & ne peut-on pas être un peu preſſée de voir ariver un lendemain plus heureux encore ? Je crois qu’il eſt fort joli d’avoir quinze ans.

La Mere.

Et à quinze ans vous déſirerez d’en avoir dix-huit.

Emilie.

Cela ſe pourait bien ; mais pas au delà.

La Mere.

Qui ſait celà ? — J’avais oublié votre empreſſement de ſauter par deſſus plus d’une année, pour ariver à une époque que des gens moins impatiens attendent tranquillement, parce qu’ils ſavent qu’ils ne lui échaperont pas, & que chemin faiſant, ils ne laiſſeront pas de trouver beaucoup d’occupations importantes & agréables.

Emilie.

Il eſt vrai, Maman, que nous ne ſommes pas entiérement d’acord ſur ce chapitre.

La Mere.

Pour moi, je regarde l’époque de mon enfance comme le temps le plus heureux de ma vie, excepté que, n’ayant pas été avertie, je n’en ai connu le bonheur que lorſqu’il s’était évanoui.

Emilie.

Vous m’avez dit plus d’une fois, qu’il m’en arivera tout autant, & que l’expérience me détrompera de bien des choſes : alors je vous le dirai très ſûrement.

La Mere.

Si j’y ſuis, ou bien, à vos enfans qui vous croiront comme vous me croyez. Mais, abſtraction faite de cette impatience, & ne vous bornant qu’au ſouvenir du paſſé, il vous ſera aiſé de ſavoir ſi vous voudriez recommencer aux mêmes conditions.

Emilie.

Oui & non, ma chere Maman ; c’eſt ſelon. Voulez-vous me faire recommencer abſolument de la même maniere, ſans aucune exception quelconque ?

La Mere.

Oh, ſans la moindre ; ſans quoi cela ne ſerait plus une question. Vous comprenez bien que perſone ne balancerait à recommencer, à la condition de retrancher de ſa ſituation tous les inconvéniens, & d’en garder tout l’avantageux & l’agréable ; malheureuſement perſone n’a ce choix dans la vie.

Emilie.

Ni celui de recommencer non plus.

La Mere.

Il eſt vrai, mais c’eſt une ſuppoſition que nous faiſons.

Emilie.

Tout comme il vous plaira, Maman, mais je ne ſaurais m’y déterminer.

La Mere.

Pourquoi donc pas ?

Emilie.

Je ſuis étonée que vous me faiſſiez cette queſtion. Ne penſez-vous pas que j’ai fait dans le cours de ces dix années bien des fautes, & que j’en ai éprouvé, comme de raiſon, bien des chagrins ? Comment ferai-je donc, ma chere Maman, pour avoir le courage de refaire les mêmes fautes ?

La Mere.

Voilà, je l’avoue, une difficulté à laquelle j’aurais dû penſer.

Emilie.

Et puis n’ai-je pas eu bien des inquiétudes ? Trois fois au moins j’ai été menacée du malheur de vous perdre. Si je vous ai conſervée, c’eſt un miracle de la providence : ſerait-il bien ſage de ſe ſoumettre de nouveau aux mêmes riſques ?

La Mere.

Les deux premieres fois vous étiez trop enfant pour vous en apercevoir.

Emilie.

Pardonez-moi. Il eſt vrai que je n’avais pas encore ſix ans, quand on me faiſait traverſer, tous les ſoirs, votre chambre-à-coucher ſur la pointe des pieds, ſans m’approcher de votre lit ; mais je m’en ſouviendrai toute ma vie. On me diſait que ce paſſage était néceſſaire pour vous montrer que j’étais en bonne ſanté ; mais comme vous ne me faiſiez jamais le moindre ſigne pour m’arrêter, je croyais que vos enfans vous étaient devenus indifférens.

La Mere.

Vous avez appris depuis la cauſe involontaire de cette indifférence.

Emilie.

Vraiment je la ſais depuis long-temps, & elle me donne le friſſon toutes les fois que j’y penſe. Mais alors je n’avais aucune idée du danger d’une maladie je croyais, quand on était malade, qu’on avait la colique, & que c’était tout. Cependant l’air lugubre de votre chambre qui n’était pas mieux éclairée que l’angar de Madame Baruel ; la triſteſſe & la conſternation de tout le monde, l’inquiétude avec laquelle on ſe chuchotait à l’oreille ; tout cela, ſans en être préciſément affligée, me cauſait une frayeur dont je ne pouvais démêler la raiſon.

La Mere.

Tout cela eſt heureuſement paſſé & bon à oublier, au moins aujourd’hui.

Emilie.

Vous voulez, Maman, qu’on recommence ; cela rappelle néceſſairement le paſſé.

La Mere.

Mon projet n’était pas de fixer votre attention ſur des ſouvenirs pénibles. Cela ne donnerait pas demain à notre tête-à-tête ſolemnel une teinte trop gaie au moins.

Emilie.

Oui, d’un côté le ſouvenir des fautes ; de l’autre, celui des dangers ; il y a là de quoi rendre une journée bien ſombre.

La Mere.

Je ne voulais qu’un coup-d’œil général en arriere, & je me flatais qu’il vous montrerait plus de ſujets de joie que d’affliction, plus de momens de ſatiſfaction que de triſteſſe. En effet, toutes les fois que je reviens ſur le paſſé, ma mémoire me rappelle une Emilie qui ſaute, qui danſe, qui chante & je me ſouviens à peine de l’avoir vu pleurer. D’où je croyais pouvoir conclure que vos dix premieres années ne s’étaient pas paſſées trop péniblement.

Emilie.

Eh bien, oui, Maman, cela eſt vrai ; mais où en eſt le profit ? Y a-t-il beaucoup de mérite à avoir paſſé ſes dix ans à courir, à ſauter, à vous faire du bruit ?

La Mere.

Oui, certes ; & ſi vous me fâchez, je vous ferai un reproche de n’en avoir pas fait aſſez. Vous connaiſſez mes préjugés contre les enfans trop paiſibles ; je ſuis toujours tentée d’attribuer leur tranquillité à un vice de ſanté.

Emilie.

Oui, ſoit du corps ou de l’ame ; je ſais cela. Mais convenez au moins que le temps que j’ai perdu avec ma poupée, c’eſt un temps bien perdu.

La Mere.

Je n’en conviendrai pas davantage, puiſque je me ſens en train de vous contredire. De la maniere dont la maiſon de cette dame était montée, le ſervice dont vous étiez chargée auprès d’elle, vous a miſe dans la néceſſité d’apprendre bien des détails, ſoit de toilete, ſoit de ménage, très-convenables à ſavoir ; ſans compter que ce ſervice vous a rendu adroite en pluſieurs ouvrages. Ainſi, s’il vous prend fantaiſie de le continuer, même après les deux luſtres acomplis ; comme je me flate que l’humeur ſévere qui vous domine ce ſoir, ne ſera pas de durée, vous n’éprouverez aucune oppoſition de ma part.

Emilie.

Eh bien, ma chere Maman, ſi vous êtes contente de mes dix ans, tant mieux ; je puis & je dois l’être auſſi.

La Mere.

Je ne prétends pas que tout ait été au mieux poſſible, ou n’eût pu mieux aller ; mais je ne veux pas que vous me jugiez mon enfant avec une trop grande ſevérité. Sans quoi il faudrait éplucher la conduite de la mere avec la même rigueur, & je n’y trouverais pas mon compte.

Emilie.

En voilà bien d’une autre ! Vous avez peut-être auſſi des fautes à vous reprocher ?

La Mere.

Plus que je ne voudrais. Avec la différence que vous détournez les yeux des vôtres, & c’eſt ce qu’on peut faire de mieux, quand elles ne font pas de conſéquence ; & que moi, je trouve les mienes aſſez graves, pour y avoir toujours les regards atachés. Il me ſemble que je donnerais volontiers la moitié de ce qui me reſte à vivre, pour recommencer votre éducation avec la poſſibilité de les éviter.

Emilie.

Ce que vous dites-là, ma chere Maman, me paraît bien ſérieux, à moins que vous ne badiniez. Voyons donc ces fautes que vous voudriez racheter à ſi haut prix ?

La Mere.

Demain c’eſt le jour de la revue ; après la vôtre viendra la miene tout naturélement. Mais à mes yeux l’eſpérance de réparer un ſeul de mes torts, mériterait ſuffiſament le ſacrifice auquel je me réſigne.

Emilie.

Quel eſt donc ce tort ?

La Mere.

Celui que vous a fait ma ſanté.

Emilie.

Vous avez raiſon, ma chere Maman ; vos enfans n’auraient plus d’inquiétudes, ſi vous aviez une ſanté plus robuſte.

La Mere.

Ce n’eſt pas préciſément pour vous épargner des inquiétudes, que je la déſirais meilleure ; mais ſi vous ſaviez combien mes maladies ont dérangé mon plan, combien ma conſtitution frêle a contrarié mes principes !

Emilie.

Je ne m’en ſuis jamais aperçue.

La Mere.

Par exemple : vous n’ignorez pas quelle importance j’ai toujours atachée, ſur-tout pendant les premieres années de l’enfance, aux exercices du corps, ou plutôt à l’exercice & au mouvement habituels, ſi eſſentiélement néceſſaires au dévelopement des organes & des forces phyſiques.

Emilie.

Je n’ai donc pas aſſez couru, aſſez ſauté, je ne me ſuis pas aſſez tourmentée, je ne vous ai pas aſſez importunée, à votre avis ?

La Mere.

Non certes. A la campagne vous faites paſſablement de l’exercice ; mais en ville, vous ſavez quelle peine j’éprouve journélement à vous y déterminer.

Emilie.

C’eſt qu’il n’y a rien de ſi ennuyeux que de paſſer & repaſſer une allée ou un boulevard ſans vous.

La Mere.

Vous voyez donc bien que ma mauvaiſe ſanté vous ſert ou de raiſon ou de prétexte, & que je n’ai pas tort de la regarder comme très-préjudiciable à votre éducation. Je me la reproche toutes les fois que je remarque chez vous de la moleſſe, ſoit du côté phyſique, ſoit du côté moral.

Emilie.

Mais, Maman, vous vous reprochez-là ma faute, & non pas la vôtre.

La Mere.

En ce cas, il ne tiendrait donc qu’à vous de m’épargner ce reproche.

Emilie.

Je conviens que je n’ai le cœur à rien quand vous êtes malade.

La Mere.

Mais ce qu’on ne ſe ſent pas le goût ou l’inclination de faire, on le fait par éfort de raiſon, quand on en connaît l’importance  ; & c’eſt en quoi conſiſte la force du caractere.

Emilie.

Si vous ſaviez, Maman, comme c’eſt triſte de ſe promener, ſans cauſer avec vous !

La Mere.

Vous me rappellez-là un autre de mes torts ; c’eſt de vous avoir laiſſé prendre trop de goût à nos converſations.

Emilie.

Comment, vous vous reprochez nos converſations ?

La Mere.

Je crains qu’elles n’aient contribué à vous acoutumer à trop de réflexion & de tranquillité pour votre âge, & par conſéquent nui au projet important de former votre conſtitution.

Emilie.

Maman ! Si c’était à recommencer, vous me priveriez du plaiſir de cauſer avec vous !

La Mere.

Du moins j’y mettrais la condition de ne jamais cauſer aſſiſes. Avec cette loi fondamentale nous pourions renouveller l’école des Péripatéticiens.

Emilie.

Comment dites-vous cela ? Voilà un mot plus long & peut-être auſſi ennuyeux que la plus longue promenade ſans vous.

La Mere.

L’uſage de ces meſſieurs était de ne jamais converſer ou philoſopher enſemble, qu’en ſe promenant dans le Lycée, qui était à-peu-près les Tuileries d’Athenes & c’eſt cet illuſtre exemple que nous aurions dû imiter.

Emilie.

Comment les appellez-vous déja ?

La Mere.

Péripatéticiens, c’eſt-à-dire, promeneurs.

Emilie.

Pé-ri-pa-té-ti-ciens ! Et vous ne pouvez me faire grâce d’aucune de ces ſyllabes.

La Mere.

D’aucune, que je ſache.

Emilie.

En ce cas, Maman, je vous en rends deux de plus, car nous ſommes, pour le moins, des demipéripatéticienes : la moitié de nos converſations ſe ſont paſſées à la promenade.

La Mere.

Je ſuis donc moins coupable que je ne craignais.

Emilie.

Voyons un peu vos autres fautes capitales. Peut-être y a-t-il auffi à en rabatre.

La Mere.

Vous ſavez que tout eſt enchaîné dans ce monde. Quand une choſe eſt bien ordonée ſelon la ſageſſe, tous ſes acceſſoires ſont ordinairement autant d’avantages qui l’accompagnent. De même une faute eſt rarement iſolée ; elle ſe ramifie en une infinité de branches, c’eſt-à-dire, qu’elle s’entoure d’un cortege d’autres fautes.

Emilie.

Eſt-ce pour me préparer à un grand cortege que vous dites cela ?

La Mere.

Un cenſeur judicieux me reprocherait ſans doute, d’avoir ſoufert que vous vous occupaſſiez dans un âge ſi tendre, ſoit de la lecture, ſoit d’ouvrages convenables à notre ſexe ; de vous avoir peut-être même déſiré ce goût ; de l’avoir du moins remarqué avec complaiſance, de peur qu’exercée plus tard, vous ne reſtaſſiez mal-adroite & ignorante.

Emilie.

Voilà vos crimes ?

La Mere.

Je crains qu’il n’ajoute : Votre fille brodera comme un ange, travaillera, comme les fées, au dire de toutes les femmes-de-chambre, dont l’approbation mettra le ſceau de l’immortalité à ſa réputation ; mais ferez-vous bien contente, ſi vous voyez ce goût précoce pour la vie ſédentaire, augmenter chez elle d’année en année ; s’il la rend pareſſeuſe de corps, & peut-être d’eſprit ; s’il finit par porter un préjudice notable à ſa ſanté ?

Emilie.

Maman, on vous fait là des reproches, pour le plaiſir d’en faire. Je me porte bien, dieu merci ; je ne ſuis jamais malade.

La Mere.

Cela ne ſuffit pas à ma tendreſſe ; je voudrais vous voir une conſtitution de fer.

Emilie.

Plût à dieu que votre ſanté fût auſſi bonne que la miene !

La Mere.

Elle eût été de fer ſans doute, ſi une tendreſſe mal dirigée ne m’eût éloignée de tout ce qui pouvait la fortifier. — Et puis, vous croyez peut-être que mon cenſeur s’arrête-là ? S’il déſire qu’on s’occupe beaucoup des forces phyſiques d’un enfant dans ſes premieres années, il veut qu’en revanche on ne touche preſque pas aux forces morales pendant cette époque, de peur de les eſtropier par quelque mal-adreſſe d’éducation, ou de les pouſſer à une énergie prématurée & paſſagere par une culture trop hâtive, comme on eſtropiait autrefois le corps des enfans par le maillot, ou comme un jardinier mal-aviſé perdrait un arbre précieux, pour en cueillir des fruits un peu plutôt.

Emilie.

Il me ſemble, Maman, que votre cenſeur veut & ne veut pas bien des choſes.

La Mere.

Il m’a ſur-tout affligée par une remarque. Ne pouvant, dit-il, malgré tous vos éforts, deſcendre continuélement au niveau de l’enfance, voyez ſi vous ne l’élevez pas ſouvent au vôtre, ſans vous en apercevoir, & ſi cette méthode, involontaire de votre part, ne vous fait pas, même contre vos intentions, pouſſer en ſerre chaude une plante qui doit tenir ſa maturité du temps & de l’influence bénigne & imperceptible du ciel.

Emilie.

Maman, votre cenſeur eſt un radoteur qui nous gâterait notre tête-à-tête de demain, ſi nous lui permettions d’étaler ſa morale ; mais nous l’enverrons débiter ſes maximes à l’école.

La Mere.

Vous le placez mieux que vous ne voudriez peut-être. Dès qu’il aura formé une école publique d’après ſes principes, je me ſentirai un grand fardeau de moins, & Emilie ſera la premiere à prouver les avantages ſans nombre d’une inſtitution ſi déſirable.

Emilie.

Ah, nous y voilà encore ! Je ſais au bout des doigts tout ce que vous m’allez dire des avantages de l’éducation publique ſur l’éducation domeſtique & particuliere ; mais vous ſavez bien auſſi, ma chere Maman, que ſur ce chapitre jamais je ne ſerai de votre avis.

La Mere.

Je croyais que vous pouviez en avoir changé, depuis que vous m’avez vanté la grande utilité des extraits de Plutarque.

Emilie.

Qu’eſt-ce que ces extraits ont de commun avec votre éducation publique ?

La Mere.

D’abord on y rencontre ſouvent ſon éloge.

Emilie.

Eh bien, peut-être avait-on raiſon dans ce temps-là ; mais moi, j’ai raiſon aujourd’hui.

La Mere.

Enſuite vous devez y avoir remarqué qu’un des plus grands avantages de la forme républicaine, c’eſt d’influer directement ſur les caracteres, d’animer la maſſe générale dans toutes ſes parties, d’y porter l’activité & la vie, & par conſéquent de faire connaître à chaque individu ſa valeur propre, dont il ne ſe ſerait peut-être pas douté ſous un autre gouvernement ; de former en même temps un eſprit public, qui, par la profeſſion libre des mêmes principes, réunit toutes ces forces diverſes & miſes en valeur, dans un centre commun, pour le bien général. Eh bien, les écoles publiques bien inſtituées ſuivent cette forme républicaine, & procurent à leurs éleves tous ces avantages. La maſſe générale eſt compoſée d’enfans. L’inſtruction s’occupe à faire connaître à chacun ſa valeur particuliere, & à l’augmenter. La réunion établit & apprend à reſpecter les droits fondamentaux de la ſociété générale ; le mérite & le talent, ou plutôt l’eſpérance qui les devance & les annonce, y aſſigne à chacun ſa place. La juſtice y décide ſeule & uniformément, ſans acception de perſone. L’exemple, l’expérience, la néceſſité ſont les précepteurs qui enſeignent, ou plutôt les maîtres qui commandent. Ceux-là ne cauſent pas, ne babillent pas ; ils ſont muets : mais ils gravent les principes dans le cœur en caracteres inéfaçables, au lieu de les entaſſer ſans conſiſtance dans la mémoire.

Emilie.

Je me ſerais bien gardée de louer les extraits de Plutarque, ſi j’avais prévu le parti que vous en voulez tirer contre moi. Et vous me perſuaderez, par exemple, que dans ces écoles on fait, mieux que vous, ſe mettre au niveau de l’enfance ?

La Mere.

Sans contredit, ma chere amie. Mon cenſeur prétend qu’un jardinier qui n’aurait qu’une plante à ſoigner, courrait grand riſque de lui nuire par trop de ſoins, par un excès d’attention & de culture : au lieu qu’obligé de partager ſes foins entre un certain nombre de plantes diverſes, il eſt efficacement garanti de cet inconvénient, & heureuſement borné à ne donner à chaque plante confiée à ſes ſoins, que la portion de culture qui lui eſt ſalutaire.

Emilie.

Mon dieu, Maman, que votre cenſeur m’impatiente avec ſon jardinier ! Ce monſieur me prend apparemment pour une laitue : c’eſt-à-dire, que je ne ſuis venue au monde que pour végéter ?

La Mere.

Voulez-vous qu’il vous parle ſans figure ? — Entre nous deux je ſuis la plus forte ; & par un effet naturel de ma force, il m’arive, vraiſemblablement à tout inſtant, de vous élever vers moi, au lieu de deſcendre vers vous ; mais ſi j’avais vingt enfans autour de moi, il n’en ſerait plus de même : à force de me tirailler vers eux de tous les côtés, ils me forceraient bien de reſter à leur niveau ; & pour les élever inſenſiblement & ſans façade à un niveau ſupérieur, ils m’enſeigneraient bien des routes qui me ſont reſtées inconnues.

Emilie.

Je vois, ma chere Maman, que je l’ai échapé belle, ſi je ne me trouve pas au beau milieu d’une vingtaine de marmots & ſans vous

La Mere.

Après bien des incertitudes j’ai préféré, je l’avoue, l’inconvénient d’une éducation particuliere, preſque toujours triſte, maniérée & découſue à celui d’une éducation publique que je ne pouvais ni approuver ni corriger.

Emilie.

Sans quoi vous n’auriez pas manqué de courage pour me chaſſer de votre maiſon ?

La Mere.

J’eſpere, ma chere amie, que je l’aurais eu.

Emilie.

Ah, vous ne m’aimez pas comme je vous aime. Voilà une fâcheuſe découverte pour un jour ſolemnel !

La Mere.

Il me ſemble au contraire, que jamais je ne vous aurais prouvé plus fortement combien vous m’étiez chere, qu’en faiſant le pénible éfort de vous éloigner de moi pour votre plus grand bien, & de vous priver pour un temps de l’apui trop conſtant de la tendreſſe maternelle, qui a auſſi ſes dangers, & qu’il faut peut-être compter parmi les inconvéniens de l’éducation domeſtique.

Emilie.

O dieu ! pouvez-vous penſer ainſi ? Si vous voulez me voir mourir bien-tôt, vous n’avez qu’à ſuivre ces idées.

La Mere.

Vous coupez là le nœud de la piece par une cataſtrophe.

Emilie.

Heureuſement, heureuſement il n’y a point de danger ; il n’y a point d’éducation publique qui vous conviene.

La Mere.

Encore ici il faudrait être en garde contre les illuſions de l’intérêt. Je ne me ſuis peut-être exagéré les imperfections de notre éducation publique, qu’afin de fournir à ma tendreſſe un prétexte plauſible pour vous garder près de moi, malgré mes juſtes préventions contre l’éducation privée.

Emilie.

Non, non, vous n’aimez pas les exagérations. Je ſuis bien ſûre que vous penſez juſte ſur ce point comme ſur beaucoup d’autres.

La Mere.

Convenez du moins, puiſque nous avons préféré l’éducation domeſtique, qu’il nous importe ſur-tout de nous occuper ſérieuſement de ſes imperfections, afin de nous en préſerver, ou de nous en tirer, ſi nous avons eu le malheur d’y tomber.

Emilie.

A la bonne heure, cela s’appelle parler, ma chere Maman. Nous pouvons employer demain une partie de notre journée à cette occupation ; & ce ne ſera pas du temps perdu.

La Mere.

Puiſque nous nous ſommes rendues excluſivement reſponſables du ſuccès de votre éducation, il nous eſt bien eſſentiel de nous garantir de tout reproche, de tout malheur.

Emilie.

Vous m’avez dit, je m’en ſouviens très-à-propos, qu’il faut s’acoutumer à ſe rendre clairement compte des motifs qui nous font agir ; qu’il eſt très-important de ne pas ſe tromper ſur cet article, de ne pas prendre pour ſageſſe le penchant que l’on ſe ſent à faire une choſe plutôt qu’une autre ; qu’il faut faire cet examen non-ſeulement avant d’agir, mais encore après l’action ; & que celui qui ne ſe trompe jamais ſur les vrais motifs de ſes actions, eſt bien avancé dans le chemin du bonheur & de la ſageſſe.

La Mere.

Avec cette méthode on peut ſe flater de remédier aux erreurs paſſées, de les remplacer par des principes ſûrs & ſolides, d’éfacer juſqu’au ſouvenir des fautes, & de prendre pour l’avenir des engagemens réfléchis.

Emilie.

Comme, par exemple, celui de ne jamais nous quiter.

La Mere.

Cela s’appelle ébaucher un plan d’éducation tant bien que mal. En attendant, le premier chapitre de ce plan dit qu’il faut ſonger à nous coucher & à bien dormir ; car, pour perfectioner cette ébauche, il faut avoir ïa tête fraîche.

Emilie.

Et quand je ſerai couchée, plus de converſation du lit aujourd’hui.

C’eſt le cas de ſe recueillir un peu, n’eſt-il pas vrai, pour ſe préparer à une occupation ſi ſérieuſe ? Demain je commence par écrire à mon papa & à mes freres, après quoi nous travaillerons toute la journée à notre plan.

La Mere.

En voilà encore deux chapitres que j’adopte ſans difficulté. Allez, ma chere amie, & revenez. J’eſpere que nous ſerons auſſi ſatiſfaites de cette journée que de la ſoirée que nous venons de finir.

Emilie.
( en ſe mettant à genoux devant ſa mère.).

Embraſſez donc votre enfant, ma chere Maman, & béniſſez-la, afin que je finiſſe mes dix ans avec votre bénédiction, & qu’elle m’accompagne d’année en année. Je manderai à mon papa, que vous m’avez auſſi bénie pour lui.

La Mere.
( en lui impoſant les mains ſur la tête. ).

Recevez, ma chere fille, la bénédiction de votre pere & de votre mere. Vous qui êtes ſi ſouvent pour nous un objet d’inquiétude & d’alarmes, puiſſiez-vous auſſi être l’objet conſtant de notre joie & de notre ſatiſfaction, comme vous l’êtes de nos vœux & de notre ſollicitude !

F I N.